Mercredi 12 novembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a répondu à une question de la députée Sonia Lagarde sur la police municipale en Outre-Mer et à une question de François de Rugy sur le décès de Remi Fraisse, lors de la séances de questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale.
François de Rugy, député de Loire-Atlantique et coprésident du groupe EELV à l’Assemblée nationale
Merci Monsieur le président. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, la presse publie des éléments troublants sur l’enchaînement des faits qui ont conduit à la mort du jeune Rémi Fraisse. Faut-il croire le préfet du Tarn qui déclare qu’il n’avait – je cite – « donné aucune consigne de sévérité aux forces de l’ordre » ou le commandant du groupement de gendarmerie qui indique sur procès-verbal avoir reçu du préfet la consigne de faire preuve – je cite de nouveau – « d’une extrême fermeté » ? Il apparaît désormais que dès 02h le dimanche matin, les gendarmes avaient récupéré le corps de Rémi Fraisse et savait qu’un tir de grenade offensive en provenance de leurs rangs était la cause de ce drame. Comment comprendre dès lors le communiqué de la préfecture du Tarn du dimanche après-midi évoquant – je cite – « le corps d’un homme découvert dans la forêt » ? Comment peut-on comprendre les déclarations successives du ministre de l’Intérieur qui a prétendu pendant quarante-huit heures ignorer les conditions de ce drame ? Dans leur difficile tâche de maintien de l’ordre, partout, les forces de l’ordre doivent pouvoir bénéficier de la confiance de tous, elles ont la nôtre. Le corollaire de cette confiance, c’est le haut niveau d’exigence dans l’exécution de leur tâche et c’est la responsabilité politique. Les citoyens comme les forces de l’ordre doivent pouvoir compter sur le gouvernement pour qu’il assume en toutes circonstances les consignes données, les conséquences des opérations menées et qu’il en tire les leçons. Nous attendons ainsi la suspension sine die de l’usage des grenades offensives inadaptées à des opérations de maintien de l’ordre public. Nous devons à la mémoire de Rémi Fraisse, nous devons à tous les Français la vérité sur les circonstances du drame et l’assurance, comme le président de la République l’a indiqué (coupure de micro).
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le député François de RUGY, je vous remercie pour votre question, elle me permet d’apporter un certain nombre de précisions auxquelles je tiens. D’abord, il n’y a pas ceux dans cet hémicycle qui veulent savoir la vérité et les autres qui s’emploient à l’occulter. Ça ne correspond pas du tout à la réalité de ce que j’ai vécu. Il n’y a pas dans cet hémicycle ceux qui sont soucieux de voir les forces de l’ordre intervenir dans le respect scrupuleux du droit et d’autres qui les encourageraient à procéder autrement. Il n’y a pas non plus dans cet hémicycle ceux qui sont soucieux de faire en sorte que la justice puisse fonctionner en toute transparence et d’autres qui la priveraient des moyens d’accomplir ses missions. Je veux donc rappeler, Monsieur de RUGY, un certain nombre de principes et je vous les dis en vous regardant dans les yeux parce que ça correspond à ce que j’ai fait et à ce que j’ai vécu. D’abord, Monsieur le président de RUGY, est-ce qu’il y a eu des consignes données de ma part pour qu’il y ait de la fermeté dans un contexte où il y avait de la tension ? J’ai donné des instructions contraires et je le redis devant la représentation nationale. Pourquoi ? Parce que j’avais conscience depuis des semaines du climat d’extrême tension qui existait à Sivens et j’étais désireux de faire en sorte que celui-ci ne conduise pas à un drame. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, Monsieur de RUGY – et vous auriez pu le dire dans votre question –, il n’y avait pas de forces de l’ordre positionnées le vendredi soir à Sivens. Et si elles l’ont été ultérieurement, c’est parce qu’il y a eu, dans la nuit du vendredi au samedi, des heurts qui témoignaient de la violence d’un petit groupe qui n’avait rien à voir avec les manifestants pacifiques de Sivens. La deuxième chose que je voudrais dire, c’est que dès le moment où le drame a été connu, l’action publique s’est enclenchée et une seule et unique consigne a été donnée aux agents qui sont sous ma responsabilité : de dire toute la vérité à la justice parce que je suis confiant dans la capacité de la justice à établir cette vérité, à condition qu’elle puisse le faire dans la sérénité, loin du tumulte, des amalgames.
Sonia Lagarde, députée-maire UDI de Nouméa (Nouvelle-Calédonie)
Merci, merci Monsieur le président. Ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur. L’ordonnance du 20 juin 2013 prévoit qu’à l’instar de leurs collègues de métropole, les policiers municipaux de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie puissent désormais être autorisés à porter une arme de défense de catégorie C, c’est-à-dire de type Flash-Ball. Si cette ordonnance a été rendue applicable à la Polynésie française le 4 décembre 2013, il n’en est pas de même pour la Nouvelle Calédonie et on peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit le gouvernement à ne pas prendre de manière simultanée ces dispositions s’agissant de nos deux territoires. Je tiens à dire ici toute l’incompréhension des Calédoniens face à cette différence de traitement. En effet, en tant que maire de Nouméa, je partage avec l’État le devoir d’assurer la sécurité des citoyens bien sûr, mais aussi celle des policiers municipaux qui remplissent leur mission dans des conditions souvent difficiles et parfois dangereuses. Leur permettre d’exercer leur mission dans les mêmes conditions que leurs homologues métropolitains ou polynésiens répond à une double exigence tant en termes de sécurité que d’équité entre professionnels. Ma question est donc la suivante : alors qu’aucun obstacle juridique ne s’oppose plus à ce que le gouvernement permette par décret l’application de cette ordonnance en Nouvelle-Calédonie, pourriez-vous nous dire sous quels délais le gouvernement entend agir en prenant les dispositions qui s’imposent ? Je vous remercie.
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Madame la députée, vous m’interrogez sur les conditions d’utilisation des armes dites de catégorie C sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et faites référence à une ordonnance qui détermine les conditions de l’utilisation de ces moyens dans d’autres territoires. Comme vous le savez, les conditions d’utilisation de ces armes de catégorie C est fort heureusement très encadrée par les textes. Cela suppose d’abord une convention entre la municipalité dont la police municipale utilisera ces moyens et le représentant de l’État sur le territoire – en l’occurrence, en Nouvelle-Calédonie, le haut commissaire. Mais pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, l’utilisation de ces moyens a été conditionnée à la prise d’un texte en Conseil d’État qui définit très précisément les circonstances dans lesquelles il est possible d’utiliser de tels moyens. Je suis tout à fait prêt à prendre le texte en Conseil d’État de manière à ce que vous puissiez avoir cette possibilité mais il vous appartiendra dès lors, en très étroite liaison avec le haut commissaire qui a vocation à autoriser l’utilisation dans des circonstances très particulières et très encadrées de ces moyens, il vous appartiendra, en relation avec lui, de signer une convention au terme de laquelle il pourra se prononcer sur vos demandes.