Mardi 10 juin 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a répondu aux députés Rudy Salles et Eric Straumann, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Rudy Salles, Député Nouveau Centre, Alpes Maritimes
Monsieur le président ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre la situation relative à l'immigration en Europe est devenue plus qu'un sujet préoccupant, la cause de véritables drames humains et sociaux. Sous la précédente législature, je me suis rendu avec un groupe de parlementaires à Lampedusa, avec une délégation qui a pu mesurer l'ampleur de la situation dans une île peuplée de 6.000 habitants mais qui reçoit près de 2.000 immigrants par jour. Le centre de rétention pouvait accueillir, soigner, identifier les immigrants, mais au bout de deux jours les autorités italiennes n'avaient d'autres choix que de les transférer sur la péninsule avant de leur rendre leur liberté. Aujourd'hui, la situation s'est empirée. Depuis le début de l'année 2014, 50.000 migrants auraient rejoints les côtes italiennes. Comment s'étonner dans ces conditions que l'Italie qui gère du mieux qu'elle le peut une situation intenable, s'insurge contre une Europe qui reste sourde à ses appels ? Aujourd'hui, l'action de l'Europe se résume à une aide matérielle, à l'approvisionnement de bateau. C'est bien, cette aide est nécessaire, elle peut sauver les vies de femmes, d'hommes et d'enfants. Mais elle ne suffit pas à améliorer durablement une situation qui s'aggrave de jour en jour. Il est grand temps, Pour les pays européens, d'agir avec cohésion, courage et solidarité, pour mettre en œuvre une politique d'immigration globale, en créant notamment un corps de gardes-côtes européens. N'accusons pas l'Europe de tous les maux. Si ce problème proposée aujourd'hui, ce n'est pas parce qu'il y a trop d'Europe, mais c'est parce qu'il n'y en a pas assez. C'est à l'échelon européen que nous devons agir. Dans ce contexte monsieur le Premier ministre, quelles actions entendez-vous mener pour impulser une véritable politique européenne, voire méditerranéenne en matière d'immigration.
Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur
Oui, monsieur le député Rudy Salles. Vous posez la question des évènements qui surviennent depuis quelques mois aux frontières de l'Europe, particulièrement en Italie, aux termes de la mise en œuvre par l'Italie de façon unilatérale d'ailleurs, de l'opération Mare Nostrum. Cette opération est une opération de sauvetage en mer, qui comme vous l'avez souligné a permis de sauver des vies mais qui conduit à une augmentation très sensible du nombre de migrants arrivant su le sol de l'Italie, et par voie de conséquence sur le sol de l'Europe. Le chiffre que vous avez indiqué, 50.000 migrants arrivés depuis le début de l'année 2014, c'est-à-dire plus en six mois que tout au long de l'année 2013 est un chiffre juste. Cela a d'ailleurs des effets sur l'ensemble des pays de l'Union européenne et notamment en France puisqu'une partie de ces migrants venant notamment de la Corne de l'Afrique, de l'Erythrée, et qui veulent passer en Grande Bretagne se trouvent aujourd'hui rassemblés dans le Calaisis avec les conséquences humaines que l'on sait. Il faut par conséquent agir de deux manières pour parvenir à maîtriser cette situation. D'abord sur la frontière sud du pays, sur la frontière italienne, nous procédons dans le cadre du respect des principes de Schengen à des contrôles pour démanteler aux côtés des Italiens les filières de passeurs qui encouragent l'immigration clandestine. Nous avons ainsi au cours de deux derniers mois procédé à la "réadmission" (phon) de 1.500 migrants vers l'Italie. Deuxièmement nous devons faire monter en puissance FRONTEX et avoir une politique européenne de l'immigration. Vous avez raison de le dire. FRONTEX pourquoi, FRONTEX d'ailleurs pour nous aider à procéder au démantèlement de ces filières d'immigration clandestine, FRONTEX pour mieux contrôler les frontières extérieures de l'Europe, FRONTEX pour essayer dans le cadre de ce que l'on appelle l'approche globale, d'essayer d'aider les pays de provenance à mieux maîtriser les flux migratoires. C'est ce que nous voulons faire au côté l'Italie, au sein de l'Union européenne, répondant ainsi aux préoccupations que vous avez formulé dans votre question.
Eric STRAUMANN, député UMP du Haut-Rhin
Merci Monsieur le Président. Ma question s’adresse à Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Le président de la République vient d’annoncer un projet de réforme des collectivités locales. Ce sujet est aux antipodes des priorités des Français qui sont aujourd’hui confrontés à de graves difficultés économiques et sociales. Au regard de ce contexte, on pourrait même parler d’une réforme fumigène. Cependant, votre proposition rencontre une écoute attentive, notamment auprès des élus alsaciens qui pensent qu’il faut en effet, pour plus d’efficacité dans l’action publique locale, revoir le millefeuille institutionnel. Le sort de la région Alsace s’est décidé, semble-t-il, un certain dimanche 1er juin sur un guéridon de l’Elysée. A 9 heures du matin, notre région était rattachée à Champagne-Ardenne – Lorraine. A 13 heures, on ne touchait plus à l’Alsace, et à 18 heures, nous fusionnions avec la Lorraine. Vous ne pouvez pas ainsi remettre en cause des frontières administratives qui sont le fruit d’une longue histoire. D’autres régions à forte identité ont été entendues. Nos amis corses ont été reçus par le Premier ministre, et le rattachement de leur région à PACA a été abandonné. Monsieur le ministre Le Drian a su se faire entendre auprès du président de la République puisqu’on ne touchera pas non plus aux contours de la Bretagne. Nous sommes, en Alsace, plusieurs députés à refuser que notre région soit diluée dans un ensemble plus vaste ; mais nous sommes ouverts à la discussion. Les députés alsaciens sont prêts à envisager une fusion entre les deux départements… des deux départements du Rhin avec la région Alsace, éventuellement le rattachement aux départements du Territoire du Belfort si les élus locaux le souhaitent. (Brouhahas) Quatorze mille personnes ont manifesté le refus de cette fusion sur… ont manifesté leur refus… (Brouhahas)… Sur les réseaux sociaux. (Brouhahas)...Monsieur le Ministre, une simple question… (Brouhahas) Une simple question…Est-ce que vous êtes prêt à dialoguer, Monsieur le Ministre de l’Intérieur…
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Bien, Monsieur le Député, merci pour votre question. Je n’ai pas entendu la fin mais j’ai compris l’esprit de la question. Vous m’interrogez sur la fusion entre l’Alsace et la Lorraine, sur l’esprit de la réforme territoriale annoncée par le président de la République et le Premier ministre, et je voudrais vous répondre précisément. D’abord, vous évoquez des perspectives qui seraient celle de la fusion des départements avec la région Alsace. Comme vous le savez, ce sujet fait l’objet dans votre région, d’un référendum. Certes, le taux d’abstention était relativement important, de plus de 60 %, mais les résultats étaient nets puisque la perspective que vous soulevez à l’instant dans votre question a fait l’objet, à l’occasion de ce référendum, d’un rejet par 55 % des électeurs alsaciens. Je comprends donc que ce que vous privilégiez… (Brouhahas)… N’est pas souhaité par les… Electeurs du territoire que vous représentez. Deuxième point, je comprends en même temps, que dans votre question, il y a le souhait de faire en sorte que, entre l’identité de l’Alsace, qui est une réalité, qui s’inscrit dans l’Histoire et son avenir, il n’y ait pas d’incompatibilité. Eh bien je veux vous dire, Monsieur le Député, que si nous faisons cette réforme, qui intéresse les Français parce qu’ils veulent des régions fortes, c’est précisément pour donner à ces régions qui sont inscrites dans l’Histoire, de la puissance économique et un avenir. Et à travers les propositions que nous faisons, nous donnons une chance à l’Alsace, comme à d’autres régions, d’avoir accès à des investissements par un processus de mutualisation des frais de fonctionnement, de pouvoir, sur les filières d’excellence, sur le transfert de technologies, sur l’innovation, de faire le pari de l’avenir, parce qu’il n’y a pas d’antinomie entre l’attachement des Alsaciens à leur région qui est bien légitime, et ce que nous voulons faire avec cette région en la projetant dans l’avenir et en lui donnant toutes les chances de compter demain. Enfin, je veux vous dire, Monsieur le Député, que les débats qui auront lieu à l’occasion de l’ouverture de nos discussions, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, seront l’occasion d’aller au fond du questionnement que vous vous posez aujourd’hui.