Mardi 09 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a répondu successivement aux questions de Olivier Falorini, Jérôme Chartier et Christophe Priou, lors de la séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale.
Olivier FALORNI, député divers gauche Charente-Maritime
Monsieur le Président. Ma question s’inscrit dans la continuité de la précédente et elle porte sur ce symptôme, ce cancer qui ronge notre République, ce cancer, c’est celui de l’antisémitisme. Ses métastases s’appellent le racisme, l’islamophobie et la xénophobie. Les agressions qui visent nos compatriotes de confession juive nous concernent tous, quelle que soit notre origine, notre croyance ou notre religion. Quand on entend « mort aux juifs » devant une synagogue, chacun d’entre nous doit entendre « mort à la République ». Alors, face à ce mal qui monte, il n’y a qu’une thérapie, celle de l’école et celle de la laïcité. L’éducation qui, seule, peut vaincre les préjugés et la détestation de l’autre, car ce sont toujours les enfants de l’ignorance. C’est la laïcité dont nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire et qui constitue le remède le plus moderne face à la haine. Monsieur le Ministre de l’Intérieur, vous avez eu des mots très forts, dimanche, à Créteil. Nous souhaitons que la lutte contre l’antisémitisme et le racisme devienne une grande cause nationale, car cela nous concerne tous. Je pense en particulier à cette phrase du pasteur anti-nazi, Martin NIEMÖLLER, déporté à Dachau et qui écrivait en 1942 : « Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit. Je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit. Je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai rien dit. Je n’étais pas juif. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Député. Votre question, avec des mots forts, pose le problème qu’a remarquablement évoqué le Premier ministre à l’instant, en rappelant les valeurs de la République, que nous devons systématiquement ériger en remparts lorsque les idéologies les plus funestes, qui ont déjà rongé la République de l’intérieur, recommencent à poindre. Je me suis rendu – il y avait d’ailleurs de nombreux parlementaires de toutes sensibilités – dimanche matin à Créteil. J’ai rencontré une famille aux côtés du maire de Créteil, le député maire de Créteil, Laurent CATHALA, qui était brisée, brisée profondément, habitée par la peur, qui était désespérée que ses enfants aient pu être à ce point atteints. J’ai vu aussi une communauté, une manifestation où l’inquiétude était partout et l’indignation était grande. J’ai ressenti, comme l’a dit le Premier ministre, un très grand besoin de protection par la République de tous ses enfants et notamment des juifs de France qui se sont sentis terriblement blessés par les attaques, les mots et les violences dont ils ont été victimes. Alors, le Premier ministre l’a dit, il faut faire de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause, un grand engagement. Cela signifie bien entendu pour les forces de l’ordre qu’elles continueront en nombre à protéger toutes les institutions, tous les lieux de culte, pour qu’aucune violence ne se produise. Cela signifie aussi que la belle valeur de laïcité, dont vous avez parlé et que nous avons célébrée, avec la ministre de l’Education nationale, dans une école ce matin, doit constituer ce creuset qui permet à tous les enfants de France de se retrouver dans la République. Cette valeur de laïcité, c’est quoi ? C’est une valeur de respect profond, de respect de ceux qui croient et qui ne croient pas ; et pour ceux qui croient et qui ont fait le choix en conscience de leur religion, d’être respectés dans la République en raison de ce que sont leurs convictions. Cette grande cause nationale, qui doit mobiliser toutes les administrations, qui doit mobiliser tous les acteurs de la République, doit remettre au cœur de la République, au cœur de notre pays, une belle notion dont les juifs de France et toutes les victimes du racisme ont grand besoin, cette valeur, elle porte un nom simple, le respect.
Jérôme Chartier, député UMP du Val-d’Oise
Merci Monsieur le Président. Le week-end dernier, est née, en France, une polémique dont je crois qu’on se serait tous bien passé, une polémique que les Français n’ont pas compris. A l’origine de cette polémique, ces deux décisions, une décision d’une autorité préfectorale et une décision du Tribunal administratif concernant les crèches de Noël. La décision qui est celle de l’autorité préfectorale – le ministre de l’Intérieur a autorité sur le préfet – considère que les crèches sont une attaque au dispositif réglementaire et institutionnel de la laïcité. Et puis la deuxième décision, c’est celle du Tribunal administratif qui dit tout simplement qu’une crèche, c’est un emblème religieux. Messieurs les membres du gouvernement… Messieurs les membres du gouvernement, je voulais rappeler deux – trois faits. Le premier fait, c’est : les crèches existent dans l’Histoire de France depuis le Moyen-âge. Vous ne trouverez jamais la place d’une crèche dans aucun texte religieux de la religion catholique en l’occurrence. Le deuxième fait, c’est que la crèche, ça appartient à notre Histoire ! C’est notre culture, que ce soit vous, que ce soit vos enfants, que ce soit vos parents, nous avons tous connu les crèches, et en même temps, on n’a jamais considéré que la crèche, d’une quelconque façon, était une atteinte au principe de laïcité. Le troisième fait, c’est que nombre, nombre de Français aujourd’hui se demandent pourquoi est-ce qu’une telle polémique arrive à naître et n’est pas protégée justement par les lois de la République qui arrivent à faire la part des choses. Je voudrais vous citer une réflexion de 2 Français de confession musulmane, qui disent : « Les crèches, ça ne nous pose pas de problème dès lors que ça fait plaisir aux enfants ; on fête Noël, on offre des cadeaux ». Alors s’i vous plaît, respectez les traditions de la France.
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Député, je comprends à travers votre question, que vous avez une préoccupation que l’on peut très largement partager dans cet hémicycle et sur ces bancs, qui est celui d’éviter qu’il y ait des polémiques sur tout. Et vous avez raison d’ailleurs de souhaiter qu’il y ait des… d’éviter qu’il y ait des polémiques sur tout. Et d’ailleurs, la meilleure manière d’éviter qu’il y ait des polémiques, c’est de les alimenter en permanence, à tout instant, en oubliant ce que sont les principes fondamentaux de la République. Et si l’on veut éviter qu’il y ait des polémiques sur ces sujets, il faut s’en référer en permanence à ce qu’est le droit et à la manière dont il est interprété par le juge. L’article 28 de la Loi de 1905 est extrêmement clair sur les conditions dans lesquelles des signes religieux peuvent exister ou être apposés dans des lieux publics. C’est sur le fondement de cet article 28 de la Loi de 1905 que dans une décision du 14 novembre 2014, le Tribunal administratif, interprétant cette Loi, a fait connaître le droit. Quand on est attaché aux principes républicains, qu’on est parlementaire, dont membre du législatif, ou ministre membre d’un gouvernement, on se dispense de commenter les décisions des juges après que les juges ont fait connaître le droit. C’est cela, la République ! Et si l’on veut éviter qu’il y ait des conflits dans la République, il faut se conformer scrupuleusement à tous les principes de droit, notamment ceux qui régissent la séparation des pouvoirs et qui nous obligent. La deuxième chose que je voudrais dire, c’est que l’autorité préfectorale à laquelle vous faites référence a simplement tenté, avec le maire de Béziers, d’engager un dialogue sur la base d’une décision de justice avec un souci de faire en sorte qu’il y ait des compromis possibles, qu’il y ait de l’apaisement ; et si vous souhaitez qu’il y ait de l’apaisement et des compromis, c’est dans le droit et non dans la polémique que vous les trouverez.
Christophe Priou, député UMP de Loire-Atlantique
Merci… Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Premier Ministre, pour que le capital d’un aéroport soit ouvert, il faut qu’il soit construit. La semaine dernière, en Loire-Atlantique, dans le cadre d’une visite, vous avez annoncé une rallonge budgétaire de 71 millions d’euros pour la construction de dessertes routières pour le futur aéroport du grand Ouest, Notre-Dame-des-Landes. C’est une bonne nouvelle, mais faudrait-il encore que les routes actuelles soient libres d’accès et que demain, celles qui sont prévues pourront être librement construites par des entreprises qui ne seront pas menacées, harcelées ou vandalisées, par Internet ou par tout autre mode de communication. La situation anarchique dans la campagne autour de Notre-Dame-des-Landes et Nantes a empiré.les squatters d’ailleurs s’exportent en Isère, comme l’a dit notre collègue BARBIER la semaine dernière, dans le Tarn, pire – pire – la République est attaquée à travers ses représentants. Il y a quinze jours, la Gendarmerie de Sautron a été vandalisée ; je cite les assaillants et agresseurs : « Suite aux tentatives vaines mais répétées de réprimer le mouvement de révolte actuel, il a été décidé la mise en quarantaine de la Gendarmerie de Sautron pour une durée indéterminée ». C’est la République à l’envers. Maintenant, ce sont des lettres de menaces directes aux entreprises susceptibles de répondre aux appels d’offre, destructions d’engins s’ajoutent également, dégradation de bureaux, vols de données et intimidations de salariés. Mes questions sont simples, Monsieur le Premier Ministre : au-delà des légitimes de recours, dans un Etat de droit, introduits au niveau national et européen, avant que tous ces coups de force illégaux fassent force de loi, ne fassent tâche d’huile, allez-vous, oui ou non, rétablir la circulation sur toute la zone ? Allez-vous, oui ou non, démanteler les points de contrôle illégaux ? Et quelle suite comptez-vous donner à ce flot de menaces écrites afin de protéger les entreprises, leur dirigeant et leurs salariés ?
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Député, je voudrais profiter de votre question pour rappeler un certain nombre de principes. Il est tout à fait normal, cela a été dit par la ministre de l’Ecologie, par le Premier ministre, par le président de la République, qu’il y ait, sur les grands projets environnementaux, des débats jusqu’au bout qui permettent de trouver le bon compromis, le bon équilibre, de manière à ce que les fils du dialogue ne soient jamais coupés, parce que, comme nous l’avons dit la semaine dernière avec le Premier Ministre, il faut toujours mieux un bon compromis à une mauvaise querelle sur des sujets qui engagent durablement l’avenir d’une région. Ceci étant dit, il faut aussi rappeler les principes du droit. Le gouvernement n’acceptera jamais que des ADIS s’en prennent à des matériaux de chantier, à des salariés d’entreprise comme cela est le cas. Nous n’accepterons jamais qu’il y ait des occupations illégales de terrains avec des atteintes portées à la sécurité d’un certain nombre de riverains. C’est la raison pour laquelle, après que 18 actes de violence ont été portés à notre connaissance, notamment sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes, sous la coordination du procureur de la République de Saint-Nazaire et du procureur de la République de Nantes, et avec d’ailleurs le concours des préfets, l’action publique a été systématiquement engagée pour que le droit passe et que l’ordre public soit respecté. De la même manière, nous avons, lorsque des actes sont commis à l’encontre des biens, des personnes qui vivent à proximité de ces zones, donné des instructions pour que la Gendarmerie soit immédiatement à la disposition des habitants pour faire en sorte que leur protection soit assurée. Et d’ailleurs, elle l’est et nous recevons énormément de témoignages d’habitants qui remercient les Forces de l’ordre pour leur présence et pour leur engagement sur le terrain. Et ce que je veux vous dire avec la plus grande clarté, comme je l’ai fait la semaine dernière à une réponse qui concernait Roybon, le dialogue pour trouver les bons compromis, oui ; la contravention au droit par des actes de violence qui prétendent s’ériger contre le droit voté par le souverain et contre les décisions de justice, jamais parce que ce serait le contraire de la République.