Bernard Cazeneuve a répondu à Olivier Falorni, député Divers gauche (Groupe RRDP) de Charente-Maritime et Jean-Paul Bacquet, Député PS (Groupe SER) du Puy-de-Dôme, lors de la séance de questions au Gouvernement du 29 juin 2016 à l'Assemblée nationale.
Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Ministre de l’Intérieur, « la démocratie c’est le mal ; la démocratie c’est la mort ; la démocratie c’est le mensonge ». Voilà la profession de foi de l’officine catholique intégriste Civitas. C’est donc avec stupeur que j’ai découvert que Civitas venait d’obtenir son agrément pour devenir un parti politique. D’ailleurs, par une terrible coïncidence, cette décision a été publiée au Journal officiel le jour de l’horrible attentat islamiste contre des homosexuels à Orlando. Dois-je en effet rappeler que Civitas a organisé des manifestations contre, je cite, « l’homo-folie », au cri de « non aux PD, la famille c’est sacré », et dont de nombreux militants, assimilaient ouvertement l’homosexualité avec la zoophilie et la pédophilie. Rien d’étonnant à cela d’ailleurs ! Tous les fanatismes, qu’ils soient islamistes ou intégristes, se retrouvent souvent à propager les mêmes abominations. Ainsi donc Civitas, organisation violemment hostile aux Droits de l’homme, considérés comme, je cite, « diaboliques », va désormais être en partie financé par le contribuable français, c'est-à-dire par nous tous. Mes chers collègues, notre démocratie doit être sans faiblesses, face à tous ceux qui veulent éteindre l’esprit des lumières pour plonger notre pays dans l’obscurantisme le plus moyenâgeux. Notre démocratie doit être sans faiblesses face à tous les fanatismes prêcheurs de haine, quels qu’ils soient. Monsieur le Ministre, je m’adresse au grand républicain que vous êtes. Il faut retirer l’agrément de Civitas. Car je ne veux pas, un jour, dans un bureau de vote de la République, avoir à choisir entre un candidat salafiste et un candidat intégriste.
Monsieur le Député FALORNI, la question que vous posez à l’instant renvoie à des choses essentielles, c'est-à-dire le respect des principes républicains et le respect en toute circonstance des principes de droit. Et lorsqu’il s’agit de la création d’organisations politiques, ce sont ces seules considérations qui sont inscrites dans la Constitution notamment qui doivent inspirer la démarche du gouvernement, quoi qu’il pense des orientations définies par ceux qui procèdent à la création de ces organisations politiques. D’abord, je veux vous donner des informations concernant Civitas. Selon les informations en ma possession, le parti politique Civitas a fait l’objet d’une déclaration en préfecture en 1999. Les amis de Civitas ont fait l’objet d’une déclaration en préfecture en 2006, et l’association de financement du parti politique, le 20 mars dernier. Et les principes qui régissent la création des partis politiques et des associations de financement sont définis par l’article 4 de la Constitution, qui définit le principe de la libre création des partis politiques, et pour ce qui concerne les structures de financement, qui rappellent les principes de l’article 4 de la Constitution, elles résultent de la loi de mars 1988. Il n’y a donc pas de procédure d’agrément ! Et c’est un dispositif déclaratif qui conduit les partis politiques à déclarer en préfecture la création de ces organisations, et il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire en la matière. En revanche, la Commission nationale de financement des partis politiques devra veiller, lorsqu’elle examinera les comptes de Civitas, au respect très rigoureux des règles qui s’appliquent en la matière, et je veux rappeler que la démocratie a cette force, que vous considérez dans votre question comme une faiblesse, c’est qu’elle permet l’expression de ceux qui ne pensent pas comme ceux qui, dans la démocratie, défendent les valeurs, et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs le principe constitutionnel n’est pas un principe d’agrément, c’est un principe déclaratif.
Merci Monsieur le Président, ma question s’adresse au ministre de l’Intérieur. Monsieur le Ministre, hier soir une fois de plus, hélas une fois de trop, le terrorisme a frappé. Pour la quatrième fois cette année Istanbul en a été la cible. En janvier, dans son cœur historique, en mars sur l’artère la plus fréquentée de la ville, en décembre à l’aéroport de Gökcen et cette fois c’est l’aéroport Atatürk qui est atteint. Il s’agit d’un attentat-suicide où des assassins après avoir tiré sur la foule se sont fait exploser au milieu de celle-ci. Ces kamikazes sont les auteurs d’un véritable carnage, 41 personnes tuées, de très nombreux blessés, de tous âges, de toutes nationalités. Nous assurons comme le disait tout à l’heure notre président de notre solidarité les familles et les proches des victimes et bien sûr le peuple turc face à ce drame. Cet attentat nous rappelle tristement que le terrorisme que nous combattons avec détermination ne connait pas de frontières et peut frapper partout à tout instant, notre pays en a malheureusement été déjà victime. Face à cette menace permanente nous nous devons d’être unis car les terroristes cherchent toujours à nous diviser, la lutte contre le terrorisme est un combat de tous les instants au niveau national, au niveau international. Et la sécurité est plus que jamais une priorité à l’échelle européenne nécessitant des contrôles aux frontières et une coopération renforcée. Monsieur le Ministre, ne laissons pas s’installer la peur et le doute ace à ces actions criminelles, face à ces actes de barbarie, ne nous laissons pas déstabiliser car c’est là le projet des terroristes. Monsieur le Ministre, quelles sont les actions que vous menez sur le territoire national pour nous préserver de ces attentats aveugles ?
Monsieur le Député BACQUET, je voudrais tout d’abord dire l’immense compassion qui est la nôtre après les attentats terribles qui se sont produits en Turquie hier et qui font écho à d’autres attentats qui se sont produits en Turquie et en Europe au cours des derniers mois. Vous me posez la question de savoir ce que nous faisons collectivement et en France pour faire face à ce terrible défi qu’est la menace terroriste. En France, nous avons pris de nombreuses dispositions législatives pour renforcer les moyens des services de renseignement à travers la loi Renseignement, pour renforcer les moyens des forces de sécurité intérieure, en créant près de 9.000 emplois dans la police et dans la gendarmerie dont une grande partie bénéficie aux services de renseignement. Nous avons aussi équipé nos forces de sécurité intérieure de moyens dont elles ne disposaient pas jusqu’à présent, je pense aux moyens numériques, je pense à des moyens de protection, je pense à des armes nouvelles sont désormais dotées les brigades anti-criminalité et les PSIG de la gendarmerie. Nous avons réparti les forces spécialisées, le GIGN, le RAID, la BRI, sur l’ensemble du territoire national de manière à ce qu’en cas de tueries de masse nous puissions avoir des interventions immédiates de ceux qui sont en situation de mettre hors d’état de nuire les terroristes les plus dangereux. Et puis nous avons multiplié les actions européennes, le Premier ministre le disait à l’instant, acceptation le 15 décembre dernier d’une modification du code frontières Schengen pour renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne par une montée en puissance de FRONTEX avec 250 millions d’euros de budget supplémentaires, la création d’un corps de garde-côtes et de garde-frontières, interrogation systématique du système d’information Schengen, mise en place de l’interconnexion des fichiers criminels, mise en place d’un dispositif de lutte contre la fraude documentaire. Et nous développé notre coopération avec la Turquie depuis le 26 septembre 2014 en mettant en place un accord qui protocolise les conditions de retour des combattants étrangers sur le territoire national de manière à pouvoir les judiciariser dès lors qu’ils ont quitté le théâtre des opérations terroristes. Ce sont l’ensemble de ces actions qui ont permis d’éviter au cours des derniers mois 15 attentats en France.