Bernard CAZENEUVE a répondu à Isabelle ATTARD, députée apparentée EELV Calvados, lors de la séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale du mercredi 28 octobre 2015.
Isabelle ATTARD, députée apparentée EELV Calvados
Rémi FRAISSE a été tué, il y a un an déjà. Pour beaucoup d’entre nous, il y aura un avant et un après ce 26 octobre 2014. Rémi FRAISSE a été tué, sa famille et ses proches sont toujours en deuil. Nous ne pourrons pas réparer le mal qui leur a été fait. Nous ne pouvons que faire œuvre de justice. Faire œuvre de justice, c’est répéter que Rémi FRAISSE était pacifiste. Faire œuvre de justice, c’est aussi rendre son corps à sa famille, pour qu’un an après, ils puissent enfin lui dire adieu. Faire œuvre de justice, c’est enfin demander des comptes à nos enquêteurs. Le journal Le Monde relevait cette semaine les incohérences découvertes lors de l’enquête. Témoignages contradictoires accablants des gendarmes, enquête citoyenne de la Ligue des droits de l’homme ignorée, préfet non auditionné par la justice. Monsieur le Ministre de l’Intérieur, pourquoi n’y a-t-il pas eu d’actes d’enquête depuis le mois de mars, alors que la responsabilité des forces de l’ordre dans la mort de Rémi FRAISSE est avérée ? Le président de la République s’est pourtant engagé à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Rémi FRAISSE a été tué, nous ne le ferons pas revenir. Nous pouvons cependant faire en sorte que plus jamais un jeune désarmé ne soit victime de la force publique. Monsieur le Ministre, nous y avons cru, que la mort de Vital MICHALON, le 31 juillet 1977, à Creys-Malville, avait marqué la fin de l’utilisation des grenades offensives. Quarante ans plus tard, la leçon n’a pas été retenue. Quelles mesures avez-vous prises pour interdire définitivement ces armes ? Rémi FRAISSE a été tué. Nous honorons sa mémoire, des renoncules se sont répandues sur les réseaux. Car, nous n’oublierons jamais à quel point son engagement citoyen et pacifiste était sincère.
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Madame la Députée Isabelle ATTARD. Je voudrais tout d’abord, un an après la mort de Rémi FRAISSE, m’associer à l’émotion dont vous venez de témoigner dans votre question et dire ce que j’avais déjà eu l’occasion d’exprimer ici, il y a un an. Lorsqu’un jeune garçon de 21 ans meurt, dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre, où il y a de la violence, c’est un échec, dont il faut tirer toutes les conclusions. La vérité que vous appelez de vos vœux, madame ATTARD, appelle énormément de rigueur intellectuelle et d’exigence. Je voudrais, par conséquent, vous apporter quelques éléments de réponse précis. D’abord, vous me posez la question de savoir quels sont les enseignements qui ont été tirés de ce tragique évènement. J’ai commandé immédiatement, après la mort de Rémi FRAISSE, une enquête à l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale. Au terme de cette enquête, j’ai décidé d’interdire l’utilisation des grenades offensives définitivement. Donc, pourquoi dire dans votre question qu’aucune conclusion n’a été tirée et que ces grenades ne sont pas encore interdites, alors que j’ai pris la décision de le faire il y a un an ? Lorsque l’on cherche la vérité, on l’exprime dans la question que l’on pose avec la plus grande rigueur. Deuxièmement, vous faites comme si l’enquête judiciaire était déjà conclue. Mais il y a des magistrats indépendants qui enquêtent. Il y a des magistrats indépendants qui auditionnent. J’ai indiqué, dès les premières heures après la mort de Rémi FRAISSE, que l’ensemble de mes services se tenait à la disposition de la justice pour que toute la vérité soit faite. Je le confirme solennellement devant l’Assemblée nationale. Enfin, je pense, comme vous, que la vérité est nécessaire. Mais la vérité, c’est une exigence éthique, c’est une dignité. C’est une obligation faite à soi-même, à chaque instant, d’aller chercher la vérité et de ne jamais l’instrumentaliser à des fins politiques.