Bernard Cazeneuve a répondu à Elisabeth Pochon, députée PS de Seine-Saint-Denis lors de la séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale du mercredi 27 mai 2015.
Elisabeth Pochon, députée PS Seine-Saint-Denis
Monsieur le Président. Ma question s’adresse à Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Monsieur le Ministre, j’espérais ne pas avoir à vous interpeller de nouveau sur ce projet de réouverture exceptionnelle des listes électorales en 2015, avant les prochaines élections régionales prévues les 6 et 13 décembre prochains. Tant il me paraissait acquis que sur tous nos bancs, nous aurions à cœur, mais aussi pleinement conscience que notre suffrage universel est notre capital commun et que faciliter son accès au plus grand nombre de citoyens est notre responsabilité de législateur. Au-delà des questions qui nous sont posées par cette désaffection des urnes par nos concitoyens et qui sont multiples, il en était une plus pragmatique qui consistait à interroger les modalités d’inscription sur les listes électorales et de voir si elles n’étaient pas un frein supplémentaire dans l’accomplissement du devoir électoral de chacun. Or, des freins, nous en avons identifié. Certains qui gênent l’inscription ou d’autres qui découragent ou compliquent le vote. Le rapport que nous avons remis en décembre 2014, avec monsieur Jean-Luc Warsmann, faisait état de 23 propositions. Ce rapport a été adopté à l’unanimité de la Commission des lois. Il comportait une proposition, la première, qui disait la nécessité de rouvrir exceptionnellement les délais d’inscription sur la liste électorale 2015 à tous nos concitoyens et la tenue d’une deuxième révision des listes pour répondre au report programmé des élections régionales. Quelle mouche a donc piqué l’UMP, la poussant à rendre consensus et à se dédire en séance à l’Assemblée, en votant seul contre la proposition de loi qui visait à cette réouverture ? Et ceci, alors même qu’avec monsieur Warsmann, nous sommes déjà au travail sur un nouveau texte de toilettage de notre code électoral pour améliorer ce parcours démocratique. Mais surtout, qu’est-il arrivé à la droite au Sénat, qui a dénaturé cette proposition de loi, hypothéquant son adoption obligatoire dans les meilleurs délais pour en permettre son application ? Le Sénat a fait une autre proposition législative qui n’est pas viable. Monsieur le Ministre, quels sont les arguments que vous aimeriez partager pour convaincre les sénateurs que la loi, c’est d’améliorer un système, pas de l’emboliser, quelles sont nos dernières chances d’y parvenir ?
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Madame la Députée. Vous m’interrogez sur ce que l’on peut faire pour faire aboutir un dispositif sur lequel vous avez beaucoup travaillé et qui était destiné à faire en sorte que, dans le compromis, dans le consensus, on puisse rouvrir les listes électorales pour lutter efficacement contre l’abstention. Il y a eu un travail très important qui a été fait de façon consensuelle avec Jean-Luc Warsmann et le groupe de l’opposition, 23 propositions en ont émané, que vous avez portées à travers une proposition de loi, dont l’Assemblée nationale a débattu et, la semaine dernière, à son tour, le Sénat. De quoi s’agissait-il ? Il s’agissait d’ouvrir pour l’année 2015, de façon exceptionnelle, la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales, de telle sorte à ce que ceux qui vont voter au mois de décembre – c’est exceptionnel que de voter au mois de décembre – puissent s’inscrire le plus tard possible et bénéficier de la possibilité de voter. C’est absolument indispensable que de parvenir à cet objectif pour des raisons qui tiennent à deux chiffres. Il y a en France 3,5 millions de personnes qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales et 6 millions de mal inscrits. Le Sénat n’a pas suivi, en votant conforme le texte de l’Assemblée nationale, alors qu’il y aurait pu y avoir un consensus. Le Sénat ayant préféré généraliser cette disposition, sans s’assurer de la faisabilité technique de la mesure. Effectivement, la disposition prise par le Sénat, pour sympathique qu’elle soit, est inopérante sur le plan technique et opérationnel, car elle ouvre la possibilité de doubles inscriptions, ne permet pas à l’INSEE de faire une liste nationale et fait peser tout le poids de cette nouvelle mesure sur les communes. Donc, j’espère que la Commission mixte paritaire permettra d’aboutir à un accord. Si ce n’est pas le cas, on fera en sorte que le texte puisse être examiné dans les meilleurs délais. Je forme le vœu qu’avec Jean-Luc Warsmann et l’ensemble des groupes, on puisse prendre une mesure de portée générale qui fera l’objet d’un deuxième texte de loi qui sera, je l’espère, adopter dans le courant de l’année 2015.