24.11.2015 - Séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale

24.11.2015 - Séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale
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Bernard Cazeneuve a répondu à M. Eduardo Rihan Cypel, Député PS (Groupe SRC) de Seine-et-Marne, M. Olivier Dussopt, Député PS (Groupe SRC) d'Ardèche, M. Jacques Lamblin, Député Les Républicains de Meurthe-et-Moselle et M. Bernard Reynès, Député Les Républicains de Bouches-du-Rhône, lors de la séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale du 24 novembre 2015.


M. Eduardo Rihan Cypel

Monsieur le ministre de l’intérieur, il y a onze jours, le 13 novembre, la France était frappée par l’horreur terroriste. Cette horreur a un nom : Daech, une armée terroriste qui a décidé de déclarer la guerre à la France, mais aussi à toute l’Europe. Depuis cette nuit macabre du 13 novembre, les Français sont dans l’effroi et dans la peur ; mais les Français résistent. Ils résistent parce qu’ils savent que ce sont nos valeurs et notre mode de vie qui sont attaqués. Ce moment est exceptionnel et il exige de chacun de nous de la hauteur et de la rigueur.
Vendredi 27 novembre, autour du Président de la République, nous rendrons un hommage national à toutes les victimes des attentats. Nous partageons la peine des familles : elle est la nôtre. Nous partageons aussi la douleur des proches des victimes de l’attentat de Bamako, et je veux ici adresser un message de solidarité au peuple du Mali qui se bat, à nos côtés, pour éradiquer ces sectes d’assassins.
Nous avons les ressources pour vaincre les terroristes et abattre Daech. Cette guerre contre le terrorisme, nous la menons sur tous les fronts : nous menons le combat sur le front intérieur comme sur le front extérieur.
Depuis le 13 novembre, et à l’initiative du Président de la République, une coalition internationale se dessine pour détruire Daech. En ce moment même, le Président de la République rencontre le président Obama ; il rencontrera jeudi le président Poutine. Ce sont les prémices d’un Yalta anti-Daech qui s’organise à l’initiative de François Hollande.
Sur le plan intérieur, le Gouvernement a pris des mesures très fortes : ces mesures complètent une batterie de décisions qui ont renforcé, depuis trois ans, les moyens de nos forces de sécurité et de nos services de renseignement. Mais sans décision forte en Europe, pas de réponse efficace face au terrorisme. Ces attentats ont été imaginés en Syrie, préparés en Belgique et perpétrés sur le sol national : la menace terroriste est diluée dans toute l’Europe et aucun pays du continent n’est à l’abri.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur

Monsieur le député, comme vous l’avez souligné, nous sommes déterminés à éradiquer Daech et nous mettons tout en œuvre, sur le plan intérieur comme sur le plan international, pour y parvenir.
Vous m’interrogez plus particulièrement sur ce qui relève des compétences du ministère de l’intérieur. Depuis le 13 novembre, dans le cadre de l’état d’urgence, un ensemble de mesures ont été mises en œuvre. Elles ont été déclenchées sur l’ensemble du territoire national quelques heures après le vote de la prorogation de l’état d’urgence.
Quelles sont ces mesures ? Des perquisitions, des assignations à résidence – 1 233 perquisitions ont abouti à 165 interpellations et 124 mises en examen – et la volonté de récupérer des armes – près de 230 armes ont été récupérées, dont la moitié sont des armes longues et des armes de guerre. Cela témoigne de l’efficacité des perquisitions qui ont été conduites pour mettre hors d’état de nuire des individus qui ont été interpellés et placés en garde à vue, comme je viens de l’indiquer à l’instant.
Par ailleurs, nous avons engagé une action européenne très forte et ce, dès le dimanche suivant les attentats, lors d’une rencontre avec la présidence luxembourgeoise et les commissaires européens compétents afin d’obtenir des résultats très concrets : le PNR européen, qui doit être adopté avant la fin de l’année, doit prendre en compte les vols intra-européens et aussi prévoir une durée assez longue de conservation des données avant masquage, afin d’être véritablement efficace dans la lutte antiterroriste. De plus, il ne doit pas prendre en compte seulement les crimes transnationaux, mais également les crimes nationaux.
Enfin, nous voulons la mise en place d’une véritable stratégie de lutte contre le trafic d’armes, avec un contrôle aux frontières, au travers d’une réforme du code Schengen de manière à ce que l’on puisse interroger le SIS – système d’information Schengen – pour ceux qui traversent les frontières extérieures de l’Union européenne, notamment en Grèce.

 
Question d'actualité au Gouvernement du député... par Ministere_interieur

M. Olivier Dussopt

Suite à la déclaration de l’état d’urgence en conseil des ministres et au vote de sa prorogation par le Parlement, les préfets ont organisé ces derniers jours des réunions départementales d’information, à destination des maires, sur les conséquences et les modalités concrètes de l’application de l’état d’urgence.
Ces réunions ont fait écho au grand rassemblement des maires organisé mercredi dernier au Palais des Congrès. À cette occasion, monsieur le Premier ministre, vous avez pu constater combien les maires, dans toute leur diversité politique, sont rassemblés et soutiennent l’action que vous menez avec le Président de la République pour éloigner et éradiquer la menace qui pèse sur notre pays.
Dans ce moment à la fois grave et solennel de concorde et d’unité nationale, qui nous a aussi rassurés, les uns et les autres, les maires de France ont voulu porter trois messages.
D’abord, un message de soutien à toutes les actions qui concourent à la sécurité de notre territoire, de soutien et d’encouragement aux actions que mène M. le ministre de l’intérieur. Je pense non seulement aux perquisitions réalisées pour démanteler des trafics ou des réseaux, mais aussi à la fermeture des lieux de radicalisation où prêchent des prédicateurs, le plus souvent autoproclamés, qui offensent la République autant qu’ils nuisent à la religion qu’ils prétendent représenter.
Le deuxième message exprime une volonté de coopération et de partage des informations. Tous les maires sont évidemment prêts à mobiliser tous les moyens dont ils disposent, notamment leurs polices municipales, pour apporter leur pierre à cet effort national, à partager les informations qu’ils ont avec les services du Gouvernement. Ils tiennent aussi, bien légitimement, à être informés de ce qui se passe sur leur territoire.
Enfin, les maires ont dit leur volonté de s’engager, à moyen et long termes, pour faire en sorte que les actions de promotion de la citoyenneté, de cohésion sociale et d’éducation populaire soient au cœur de nos priorités, avec les moyens nécessaires, pour prévenir toute forme de radicalisation. De même, ils sont prêts à travailler avec le ministère de l’intérieur et à discuter de la présence de forces de sécurité sur l’ensemble de notre territoire. Certains maires se présentent d’ailleurs comme « l’avant-garde nationale », pour prolonger la formule du Président de la République.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pouvez-vous aujourd’hui nous présenter un premier bilan de la mise en œuvre de l’état d’urgence, et surtout nous dire comment l’État pourra s’appuyer sur les acteurs locaux pour la mise en œuvre et la réussite des mesures qui lui sont liées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur

Monsieur le député, je veux vous apporter quelques éléments précis de réponse à la question que vous venez de poser.
S’agissant tout d’abord du bilan de la mise en œuvre de l’état d’urgence, je répète que la mobilisation de l’ensemble des forces de sécurité, notamment des préfets qui déterminent les objectifs des perquisitions, a permis de mener 1 233 perquisitions, qui ont entraîné plus de 160 interpellations et près de 120 gardes à vue. Par ailleurs, 230 armes ont été récupérées, dont la moitié sont des armes longues et des armes de guerre. À l’heure actuelle, des opérations sont encore en cours.
Je tiens à préciser devant la représentation nationale que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence doivent être mises en œuvre dans le strict respect des principes de l’État de droit. Je n’accepterai aucun manquement à ces principes. J’ai rappelé aujourd’hui à l’ensemble des préfets, dans une circulaire, l’extrême rigueur qui doit s’attacher à la mise en œuvre des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence.
En outre, les maires doivent être mobilisés. C’est la raison pour laquelle le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons adressé mardi dernier aux préfets un message extrêmement clair, leur demandant d’assurer l’information en continu des maires. Avant la fin de la semaine dernière, l’ensemble des maires de France ont été réunis par les préfets, qui leur ont expliqué les conditions dans lesquelles nous mettons en place l’état d’urgence, ainsi que les modalités d’association des maires aux mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
Cette association doit se faire dans trois domaines.
Premièrement : l’articulation entre les polices municipales et la police nationale. Je l’ai dit la semaine dernière en répondant à une question de M. Estrosi : il faut que nos forces de sécurité travaillent ensemble.
Deuxièmement : la lutte contre la radicalisation. Dans ce domaine, les maires sont mobilisés, depuis la circulaire que la garde des sceaux et moi-même avons prise à la fin du mois d’avril 2014.
Troisièmement, les maires sont mobilisés dans la relation des pouvoirs publics avec la population, dans un objectif d’unité nationale. Le dialogue avec les cultes et avec l’ensemble des forces de notre pays doit permettre de renforcer notre unité pour lutter efficacement contre le terrorisme.

 
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M. Jacques Lamblin

Monsieur le ministre de l’intérieur, allez-vous bientôt implanter à Cherbourg, dont vous avez été maire, 5 000 migrants illégaux venant de Calais, soit 13 % de la population de la ville ? C’est très précisément la question que se pose le maire d’une commune de Meurthe-et-Moselle, Pexonne, qui compte 380 habitants. Vos services envisagent en effet sérieusement d’y implanter 50 migrants illégaux venant de Calais, et qui représenteraient 13 % de la population de ce village.
Ce que je décris n’est pas un simple fait divers. Cette situation illustre concrètement les difficultés nées d’une approche insuffisante du problème posé par les flux migratoires – insuffisance européenne, c’est sûr, mais aussi insuffisance française. Je vous rappelle que le Gouvernement français est cogestionnaire de l’espace de Schengen et que, depuis trois ans, de nombreuses voix s’élèvent, et pas seulement dans les rangs de l’opposition, pour souligner les inacceptables faiblesses du système Schengen.
Aujourd’hui, faute d’avoir traité sérieusement les causes du problème, le Gouvernement en est réduit à en imposer ses conséquences à une population rurale qui, n’ayant aucune confiance en vous, ne les acceptent pas. Le monde rural, blessé d’être systématiquement considéré comme une variable d’ajustement politique, budgétaire, sociétale, entend qu’on s’intéresse à lui et qu’on ne lui propose pas seulement d’éponger les crises.
Par ailleurs, il faudra que le Gouvernement clarifie sa position au sujet des sanctions économiques à l’égard de la Russie, car les explications qui nous ont été données n’étaient pas très claires.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur

Monsieur le député, puisque vous m’interrogez sur ce que je ferai à Cherbourg, je vais vous le dire. Lorsque le camp de Sangatte a été démantelé, j’ai vu arriver en une nuit 350 migrants à Cherbourg, qui dormaient dans des cartons. Or je ne me souviens pas, à l’époque, d’avoir posé la moindre question polémique au gouvernement qui avait pris cette décision, pour des raisons de dignité, pour des raisons de rigueur, pour des raisons d’attachement au principe de vérité.
Vous me parlez de la commune de Pexonne qui, dites-vous, se verrait imposer par l’État l’arrivée de migrants qu’elle ne souhaiterait pas accueillir. C’est totalement faux. Je dis solennellement devant la représentation nationale qu’au terme de discussions qui ont eu lieu avec la collectivité locale et le préfet, l’État a renoncé à cette implantation, parce que les conditions n’étaient pas réunies.
Partout où nous procédons à l’accueil de migrants, nous le faisons en dialogue avec les collectivités locales. Par conséquent, je ne comprends pas que, sur des sujets aussi graves, qui appellent le rassemblement le plus grand, vous formuliez des contre-vérités de cette nature en laissant à penser à ceux qui nous écoutent que nous mettrions en œuvre une politique que nous ne mettrons jamais en œuvre, parce qu’elle ne correspond pas aux instructions que j’ai données aux préfets.
Troisièmement, pour être tout à fait clair et précis sur ce que nous faisons, je vous informe que la demande d’asile en France a diminué de 2,34 % l’an dernier. Nous assistons à une augmentation de la demande d’asile en France en 2015, mais elle reste très mesurée, alors que la pression migratoire est extrêmement forte dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous avons enregistré 65 000 demandes d’asile depuis le début de l’année et leur nombre devrait atteindre 80 000 à la fin de l’année. Faire peur avec des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité n’est pas sérieux, monsieur Lamblin… et votre question m’a donné l’occasion de rappeler ce que sont réellement les chiffres.
Nous avons la volonté que tous ceux qui sont persécutés puissent, en toute sécurité, être accueillis dignement, et que les autres soient reconduits à la frontière. Telle est la politique du Gouvernement, et tout autre propos ne correspond pas à la réalité de ce que nous faisons.

 
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M. Bernard Reynès

Monsieur le ministre de l’intérieur, le 13 novembre dernier, au soir des terribles attentats qui ont endeuillé Paris, Omar Ismaïl Mostefaï est l’un des terroristes qui pénètrent dans l’enceinte du Bataclan pour causer l’un des plus grands massacres de l’histoire de notre pays.
Né en banlieue parisienne, il n’était connu que pour des petits délits, son casier judiciaire faisant mention de huit condamnations entre 2004 et 2008, sans aucune incarcération.
Au Stade de France, au Bataclan, mais aussi lors des drames survenus au mois de janvier dernier, le parcours de ces assaillants français radicalisés est toujours marqué – j’allais dire inexorablement marqué – en amont par des faits de petite délinquance.
Ce sont là comme autant de signaux d’alerte qui, force est de le constater, n’ont pas été suffisamment pris en compte par la justice.
Cela témoigne incontestablement d’une faille dans la prise en charge et le suivi de ces jeunes dont certains, faute d’une véritable détection, tombent dans la délinquance de droit commun puis dans l’islamisme radical et le terrorisme.
Nous le constatons : la prévention de la délinquance et la prévention du radicalisme religieux sont intimement liées.
Monsieur le ministre, la loi de mars 2007 positionne le maire en tant que pivot et animateur essentiel de la prévention de la délinquance, en partenariat avec le procureur, les chefs d’établissement, les travailleurs sociaux et les forces de l’ordre.
Cette collégialité autour du maire permet de détecter au plus tôt le comportement déviant de jeunes individus entrés dans un processus de radicalisation.
Il est temps d’utiliser cette loi et, même, de la renforcer pour donner plus de pouvoir aux maires et à leur police municipale.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand réaffirmerez-vous le rôle du maire comme chef de file dans la prévention de la délinquance et donc comme acteur majeur de la détection – le plus en amont possible – des dérives radicales chez certains jeunes ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur

Monsieur le député, je partage en tout point le constat que vous faites et la préoccupation que vous exprimez concernant le rôle des maires.
C’est si vrai que, avant les attentats du mois de janvier et ceux du vendredi 13 novembre, la garde des sceaux et moi-même avons pris, à la demande du Premier ministre, une circulaire en date du 29 avril 2014 par laquelle nous organisions sur l’ensemble des territoires le travail en commun des administrations dépendant de l’État et de la justice – puisque le dispositif est coprésidé par le préfet et le procureur de la République. Nous avons également souhaité que les collectivités locales, notamment les collectivités départementales, soient associées à cette réflexion.
Les préfets, comme les procureurs de la République, ont reçu des instructions permettant de mobiliser les maires, en particulier sur le périmètre des zones de sécurité prioritaire, là où la petite délinquance conduit parfois à des phénomènes de radicalisation qui peuvent aller jusqu’au basculement dans le terrorisme.
Notre intention est de procéder au renforcement de la relation entre l’État et les maires.
Tel est le sens de l’échange que j’ai eu avec François Baroin la semaine dernière. Les directions que nous avons définies sont extrêmement précises et je tiens à les évoquer devant la représentation nationale.
Nous devons tout d’abord mieux articuler les polices municipales et nationale. Des propositions ont été faites à l’occasion de la discussion sur l’état d’urgence, en fin de semaine, par le président de la commission consultative des polices municipales, M. Estrosi.
Nous nous reverrons autour de François Baroin afin d’examiner les conditions dans lesquelles nous optimiserons les dispositifs existant en matière d’armement, de gilets de protection, d’accès aux fichiers.
En outre, nous avons augmenté de 17 millions les moyens dont dispose le fonds interministériel de prévention de la délinquance afin d’accompagner les initiatives de déradicalisation que les collectivités locales peuvent prendre.
Enfin, nous renforcerons l’action commune au sein des zones de sécurité prioritaire de manière à mieux agir à la fois contre la petite délinquance et la radicalisation.

 
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