Réponse de M. le Ministre à M. Jean-Claude Requier, Sénateur-maire de Martel (LOT), lors des QAG au Sénat
Jean-Claude Requier, sénateur-maire PRG de Martel (Lot)
Merci Monsieur le président. Ma question ne s’adressera pas à Madame la ministre de l’Éducation nationale qui aura ainsi un peu de répit mais à Monsieur le ministre de l’Intérieur. Monsieur le ministre de l’Intérieur, la Méditerranée est actuellement le théâtre d’une tragédie humaine comme elle en a rarement connu dans sa longue histoire. On estime à 1 700 le nombre de migrants qui ont perdu la vie depuis le début de cette année en essayant d’atteindre les côtes européennes. Tout le monde est unanime pour dire qu’il faut agir et que la réponse ne peut être qu’européenne, c’est-à-dire coordonnée par tous les pays de l’Union car ce n’est pas seulement le problème de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce. La semaine dernière, la Commission européenne a proposé un plan d’action pour l’immigration et l’asile dont la mesure essentielle n’est pas passée inaperçue puisqu’il s’agit d’instaurer des quotas par pays d’accueil. Mais quelle est donc cette Europe qui répond à des drames humains par des quotas ? Est-ce un génial technocrate qui a eu l’idée d’inventer des quotas d’immigrés comme un autre avant lui mieux inspiré, il est vrai, avait inventé des quotas laitiers ? Pour la Commission, la répartition entre les pays de l’Union pourrait se faire en fonction de leur richesse, de leur population, de leur taux de chômage et du nombre de personnes déjà accueillies. Bien évidemment, les migrants dits économiques ne sont pas concernés puisqu’il s’agit d’une immigration irrégulière et qu’en la matière, la règle doit demeurer la reconduite. Reste donc le droit d’asile sur lequel le Sénat a travaillé ces derniers jours et qui est accordé sur le fondement de critères. Ou bien on répond à ces critères et on bénéficie du statut de réfugié ou bien on doit quitter le territoire. On voit donc mal comment on pourrait prévoir des quotas. Le président de la République a fait savoir que la France était opposée par principe à toute idée de quotas en matière d’immigration. S’il ne nous est pas possible d’accepter une répartition contraignante des rescapés de la Méditerranée, le gouvernement s’est dit toutefois – je le cite – « pleinement favorable à ce que ces personnes ayant un besoin manifeste de protection puissent être, de manière temporaire et selon des paramètres à discuter, réparties plus équitablement entre les États membres ». Alors, Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous éclairer le Sénat sur cette notion de répartition solidaire et équitable ?
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le sénateur, vous appelez à la précision sur ce sujet qui, effectivement, nécessite la plus grande rigueur dans son approche car il s’agit d’un sujet grave qui ne peut trouver une réponse qu’à travers une action forte de l’Union européenne et une mobilisation forte des États de l’Union. De quoi s’agit-il ? Il y a d’abord des drames humains en Méditerranée qui résultent du fait que des filières de la traite des êtres humains se sont organisées pour mettre des migrants de plus en plus vulnérables, de plus en plus nombreux sur des embarcations de plus en plus frêles les condamnant à la mort certaines. Ces filières de la traite des êtres humains doivent être démantelées et ceux qui les organisent sévèrement punis par la justice. Donc, la première chose que nous avons à faire, c’est d’organise un certain nombre d’actions permettant cela. Comment le faire ? D’abord, avec les pays de provenance parce que 70 % de ceux qui arrivent à Lampedusa transitent par la bande sahélienne et relèvent de l’immigration économique irrégulière. Nous devons aider ces pays à contrôler leurs frontières. C’est ce que j’ai proposé à l’occasion de la réunion des ministres de l’Intérieur du G5 Sahel en proposant des coopérations entre nos services et les leurs pour assurer ce contrôle. Deuxièmement, nous devons faire travailler nos services de justice et de police ensemble pour procéder au démantèlement de ces filières. Nous le faisons en France en lien avec les services britanniques. L’an dernier, ce sont 236 filières supplémentaires de l’immigration irrégulière qui ont été démantelées dont 30 % de plus à Calais. Deuxièmement, nous devons sauver des vies. L’opération FRONTEX, qui se substitue à l’opération Mare Nostrum, est une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne. Elle doit pouvoir sauver des vies dans le respect du droit de la mer. Troisièmement, il y a deux catégories de migrants. Il y a les migrants qui relèvent de l’asile en Europe, ceux qui ont vocation à avoir le statut de réfugié en Europe – c’est-à-dire l’asile – doivent être accueillis sur la base de critères et répartis équitablement entre les pays de l’Union européenne. La notion de quotas pour les réfugiés n’a pas de sens. Elle signifierait qu’au-delà d’un plafond, l’Europe refuse d’accueillir ceux qui ont vocation à être accueillis en son sein. Ce serait le contraire de la tradition républicaine et de la vocation de l’Union européenne au regard de ce que sont ses valeurs. Et par ailleurs, ce concept de quotas n’a pas de sens pour les migrants qui relèvent de l’immigration irrégulière parce qu’eux n’ont pas vocation à être accueillis en Europe, ils ont vocation à être reconduits à la frontière et à faire l’objet de politique de maintien dans leur pays et de codéveloppement associant les pays de la bande sahélo-saharienne. Voilà quelle est la politique de la France. Elle est claire et elle a inspiré la politique de l’Union.