M. Bernard Cazeneuve a répondu à M. Michel Ménard, député PS de Loire-Atlantique lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du mardi 17 mars 2015 et à M. Alain Marsaud, député des français de l'étranger.
Michel MÉNARD, député PS de Loire-Atlantique
Merci Monsieur le président. Ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur. Monsieur le ministre de l’Intérieur, la lutte contre le terrorisme est un combat quotidien qui mobilise toutes les énergies. Notre majorité a compris dès sa constitution l’urgence de la situation en adoptant deux lois majeures pour lutter contre le développement des filières et pour renforcer les moyens des forces de sécurité opérant au service des Français. Demain, un projet de loi sur le renseignement sera examiné en Conseil des ministres. Il va renforcer les moyens mis à la disposition de la République pour protéger les Français et pour défendre la République. Chers collègues, lundi, l’accès à cinq sites Internet se livrant à l’apologie du terrorisme a été bloqué. C’est une application concrète de la loi antiterroriste de novembre 2014. Les opérateurs télécoms et les sites Internet sont maintenant nos partenaires dans la lutte contre le terrorisme. La liberté d’expression est un droit auquel nous sommes attachés. C’est un droit qui s’accompagne de règles car cette liberté ne doit pas conduire à la diffusion de la haine de l’autre, cette haine que répand la mort. La liberté d’expression ne doit pas non plus faciliter l’organisation de ceux qui veulent tuer et organiser des entreprises terrorises ; ceux qui, comme Daech, veulent recruter des mercenaires étrangers pour semer la terreur au Moyen-Orient, en Afrique ou en Europe. La lutte contre le terrorisme s’effectue dans la recherche scrupuleuse d’un équilibre entre préservation de la liberté et nécessité sécuritaire. Monsieur le ministre de l’Intérieur, face au terrorisme, nous ne baisserons jamais la garde. Pouvez-vous nous redire la détermination du gouvernement en la matière ?
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le député Ménard, vous rappelez les textes que nous avons adoptés, les principes que ces textes contiennent en matière de lutte contre le terrorisme et je veux profiter de votre question pour rappeler la célérité avec laquelle nous avons pris les textes d’application de la loi du 13 novembre dernier qui préconisait notamment trois mesures : l’interdiction administrative de sortie du territoire pour éviter que nos jeunes ressortissants ne se trouvent engagés dans des opérations terroristes notamment en Irak et en Syrie desquelles ils reviennent guidés par le seul instinct de la violence et du crime, la nécessité de bloquer administrativement les sites qui provoquent et appellent au terrorisme et l’interdiction du territoire pour les étrangers non résidents en France qui veulent venir sur le territoire national et dont on sait qu’ils représentent un risque pour la sécurité du pays. Sur ces trois sujets, nous avons immédiatement pris au mois de janvier, au mois de février les textes d’application des dispositions contenues dans la loi du 13 novembre dernier. Ce sont 25 interdictions administratives de sortie du territoire qui ont d’ores et déjà été prononcées. Ce sont 19 interdictions du territoire national qui ont été décidées et ce sont cinq blocages de sites qui ont été mis en œuvre après que les opérateurs Internet ont été prévenus du contenu de ces sites de manière à ce qu’ils procèdent eux-mêmes au retrait. S’adapter en permanence par des dispositions législatives au risque terroriste, prendre les textes d’application rapidement, les mettre en œuvre sans tarder, c’est la manière dont nous agissons en nous adaptant en permanence face au risque terroriste, avec la volonté de faire en sorte que ce combat soit mené sans trêve, sans pause, pour faire en sorte que la protection des Français soit à tout moment assurée.
Alain MARSAUD, député des Français de l’étranger
Madame la ministre des Affaires sociales, Monsieur le ministre de l’Intérieur, il est une question grave que nous devons tous nos poser : comment expliquer en effet que 1 ou 2 milliers de jeunes Français – hommes, femmes et parfois enfants d’ailleurs – quittent la France pour aller combattre à l’étranger ou y vivre une religiosité ultra-contraignante ? Faut-il que nous ayons tous – je dis bien tous – tellement échoué dans la construction et l’édification de notre modèle social français que l’on croyait tellement attrayant notamment sur le plan économique et social ? Nous constatons, impuissants, l’attrait qu’exerce sur ces Français musulmans ou convertis un engagement religieux mais hélas souvent parfois violent, poussant certains, comme nous l’avons vu la semaine dernière, y compris pour des mineurs, dans l’extrême cruauté. Nous avons en effet tous assisté aux dernières exactions attribuées à des membres ou alliés de la fameuse famille Merah. À maintes reprises, j’ai eu l’occasion d’appeler l’attention de Monsieur le ministre de l’Intérieur sur l’utilisation supposée des allocations familiales et prestations de toutes natures que continuaient à percevoir lesdites familles dans ces zones. J’ai été alerté pour cela par des directeurs de Caisse d'allocations familiales qui m’avaient fait part de leur impuissance à contrôler et, d’autre part, à stopper le versement de ces prestations au profit de ces personnes. J’ai constaté hélas que ces versements se poursuivaient aujourd’hui et que certains Français ayant rejoint ces organisations faisaient tout simplement usage de leur carte de crédit ou de Western Union pour débiter leur compte crédité en France par nos organismes sociaux. Il est temps que nos services de renseignement croisent leurs fichiers et informations avec les Caisse d'allocations familiales et vice versa. Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre fin à cette situation scandaleuse et, j’allais dire, douloureuse ?
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le député Marsaud, vous avez effectivement à plusieurs reprises appelé l’attention du gouvernement sur ce sujet et, à plusieurs reprises, je vous ai répondu en rappelant ce que sont les règles de droit et ce qu’est l’action du gouvernement parce que par-delà ce qui peut nous séparer sur ces bancs, il y a une conviction commune, c’est celle de la monstruosité des actes qui sont commis par ces groupes terroristes et ceux qui s’y engagent. On l’a vu encore une fois à travers les images que vous venez d’évoquer. Et nous sommes aussi d’accord sur le fait que nous devons, face à ces actes, face au risque terroriste, témoigner de la plus grande unité, de la plus grande fermeté, de la plus grande résolution. Et l’une des manières d’ailleurs d’y parvenir, c’est de ne pas nous faire des procès concernant l’application des règles de droit lorsqu’il s’agit de lutter contre le terrorisme. Et là, vous pointez des manquements qui, en réalité – je dois vous le dire –, n’existent pas en nombre. Il peut tout à fait exister à certains moments tel ou tel problème mais nous y remédions et je veux rappeler quelles sont les règles. D’abord, les prestations impliquent que ceux qui en bénéficient soient localisés sur le territoire national, y compris d’ailleurs leurs enfants lorsqu’il s’agit de prestations familiales. Ce sont là des dispositions qui sont prévues par l’article L.162-1 et L.152-1 des codes en charge de définir les règles d’attribution de ces prestations. Lorsque les personnes sont à l’étranger, par la plate-forme de signalement mise en place par le ministère de l’Intérieur, par le travail de nos services de police et de renseignement, le cas de ceux qui ont quitté le territoire national est immédiatement signalé aux autorités en charge du versement de ces prestations sociales. Ce sont, l’an dernier, 290 cas qui ont été signalés. Il est immédiatement mis fin au versement de ces prestations avec la plus grande rigueur. Donc, n’essayons pas de faire sur ce sujet des polémiques ou de laisser à penser qu’il n’y a pas d’action. Il y a une détermination totale et elle se poursuivra.