Bernard Cazeneuve a répondu à Thierry BENOIT, député UDI d’Ille-et-Vilaine et à Gérald DARMANIN, député-maire UMP de Tourcoing (Nord) lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale du mercredi 6 mai 2015
Thierry BENOIT, député UDI d’Ille-et-Vilaine
Merci Monsieur le président. Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l’année, près de 1 750 migrants ont perdu la vie en Méditerranée, victimes de la cruauté des passeurs toujours plus prompts à exploiter la misère humaine. Mais ces drames migratoires sont aussi l’aveu cinglant de l’impuissance des pays européens incapables d’agir collectivement face à une situation insoutenable. Comme l’a reconnu Jean-Claude JUNCKER lui-même, les conclusions du dernier Conseil européen ne font pas exception, elles sont décevantes. Sauf à abdiquer face à l’offensive des populistes sur l’immigration, l’Europe a aujourd’hui le devoir d’agir car entre le silence indigne des uns et les cris d’orfraie des autres, une autre politique est possible, celle de la responsabilité et de l’action. Une vraie politique migratoire commune, c’est d’abord maîtriser nos frontières. Est-il normal que l’agence FRONTEX dispose seulement de 1 % du budget européen ? Deuxième projet majeur porté notamment par Jean-Louis BORLOO, engager un vaste plan en faveur de l’Afrique. Ce Plan MARSHALL que l’UDI appelle de ses vœux permettra de s’attaquer aux racines profondes du problème : accompagner le développement de ce continent frère, relancer l’investissement en Europe et dissuader toute tentative d’immigration illégale. Troisième enjeu, lutter contre les réseaux criminels des passeurs. Enfin une réelle politique migratoire commune, c’est aussi identifier les capacités d’accueil de chaque État membre de l’Union européenne. Il s’agit de donner sens au principe de solidarité qui figure au cœur des traités européens. Monsieur le ministre, Monsieur le Premier ministre, comment la France, pays fondateur de la construction européenne, entend-elle porter la voix d’une nouvelle politique d’immigration et d’asile en Europe ?
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Oui, Monsieur le député BENOIT, votre question exprime des préoccupations qui sont tout à fait celles du gouvernement et qui ont présidé à des initiatives nombreuses au sein de l’Union européenne pour que ces drames humanitaires dont vous avez parlé cessent. Il faut une politique européenne. Il faut aussi que nous prenions des initiatives en France et je voudrais faire un point précis sur ces deux aspects. Tout d’abord, au sein de l’Union européenne, nous devons faire en sorte que FRONTEX, dont l’opération a été engagée il y a de cela quelques mois, voie ses moyens augmenter. Nous avons décidé de les multiplier par trois et la France participera à l’augmentation des moyens de FRONTEX par l’allocation de moyens maritimes et de moyens aériens qui ont d’ores et déjà été alloués à cette opération dans le cadre d’un engagement très clair de notre pays. Et cette opération est une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne à la quelle le droit de la mer s’applique et qui sauve des vies, comme les événements récents en témoignent. Deuxièmement, il faut qu’il y ait un partage de l’effort d’asile entre les différents pays de l’Union européenne. Nous avons saisi le commissaire européen en ce sens et des discussions sont en cours au sein de l’Union européenne pour atteindre le but. Troisièmement, il est impératif qu’il y ait, à partir des pays de provenance, une action conjointe de l’Union européenne, de l’OMI, du HCR pour faire en sorte que l’on puisse distinguer, dans les pays de la bande sahélo-saharienne, ce qui relève de l’asile en Europe et ce qui relève de l’immigration irrégulière pour que nous puissions nous-mêmes assurer la protection des réfugiés qui relèvent de l’asile et qu’on les enlève des mains des passeurs et que l’on puisse, dans le cadre de programmes de développement, assurer le maintien dans leur pays de ceux qui relèvent de l’immigration économique. Il faut démanteler les filières de passeurs. Nous avons en France démantelé 226 filières de plus en 2014 qu’en 2013. Nous devons renforcer la coopération entre les services de police et les services de renseignement au sein de l’Union européenne. Telle est la feuille route. Elle est celle de la France, nous contribuons à faire en sorte qu’elle soit celle de l’Europe.
Gérald DARMANIN, député-maire UMP de Tourcoing (Nord)
Monsieur le président, ma question s’adresse à Monsieur le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, hier à Tourcoing, la ville dont j’ai l’honneur d’être maire, nous avons constaté avec la police nationale des faits extrêmement graves : huit impacts de balles ont été découverts contre un édifice religieux, une église catholique, l’église Saint-Thomas, située dans le quartier de la Bourgogne. À Tourcoing, l’émoi est intense chez les catholiques bien sûr à qui j’adresse ici une nouvelle fois ma complète et totale solidarité et, plus généralement – vous vous en doutez –, parmi tous les habitants de ma ville. Fort heureusement, personne n’a été touché par ces tirs mais s’attaquer aux édifices religieux ne peut pas rester impuni. Ces actes, Monsieur le Premier ministre, ne peuvent être ni tus ni tolérés ni acceptés. En tant que maire de Tourcoing – et j’associe mon ami et collègue Bernard GÉRARD, l’autre député de Tourcoing –, j’ai pris mes responsabilités en décidant d’installer des caméras de vidéoprotection autour de l’ensemble des lieux de culte de ma commune et en demandant à la police municipale d’assurer autant que faire se peut la sécurité des bâtiments, des offices et des croyants. Par votre parole, Monsieur le Premier ministre – et je remercie Monsieur le préfet de région Nord-Pas-de-Calais de ses propos rassurants et de son travail –, je souhaiterais que l’État puisse à son tour assurer autour des lieux de culte et particulièrement dans ma commune, après cette attaque inqualifiable contre une église, la légitime protection à laquelle les croyants et, plus généralement, les citoyens aspirent. Je souhaite, Monsieur le Premier ministre, que vous puissiez donner des instructions extrêmement claires aux services de l’État pour que nous puissions retrouver les auteurs de ces tirs et qu’une enquête puisse être menée à son terme pour démontrer à quel point ces actes lâches qui touchent les fondements de notre vie en République ne se reproduisent pas et ne restent pas impunis.
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le député DARMANIN, vous posez une question extrêmement grave – et je comprends l’émotion des habitants de votre ville – qui appelle une réponse très précise. D’abord, dans la République, la laïcité – c’est-à-dire la possibilité de croire ou de ne pas croire et, dès lors que l’on croit, la possibilité de pouvoir exercer son culte en toute sécurité – est une garantie républicaine que l’on doit à chaque citoyen. Et c’est la raison pour la quelle j’ai donné des instructions aux préfets des départements de bien vouloir porter plainte systématiquement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale lorsque des actes appelant à la haine ou remettant en cause ces principes fondamentaux de la République sont accomplis sur les territoires. Et donc la demande que vous formulez d’instructions données avec la plus grande fermeté lorsqu’on est en contravention avec ces règles fondamentales de la République sont des instructions qui ont été données il y a de nombreuses semaines et qui s’appliquent sur l’ensemble du territoire national en permettant à la justice de déclencher l’action publique pour que les auteurs de ces actes soient rattrapés par la République et que le droit passe. Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est sur la nécessité de procéder, dans un contexte où ces actes à l’encontre des religions, à l’encontre des lieux de culte, qui sont des actes d’irrespect, se multiplient, de faire en sorte qu’il y ait effectivement des moyens de protection qui soient alloués. Je veux ici, devant la représentation nationale, rendre hommage aux 15 000 policiers, gendarmes, militaires qui assurent la protection de tous les lieux de culte en France, d’un certain nombre d’écoles, d’institutions particulièrement vulnérables. Et je veux leur rendre hommage parce qu’ils assument ce service public au nom des valeurs de la République en s’exposant jusqu’au péril de leur vie. La troisième chose que je veux vous indiquer, c’est qu’au terme des événements de Villejuif, j’ai reçu les représentants de l’Église catholique et nous sommes convenus avec eux que des instructions seraient données aux préfets, qui sont en application, qui veillent pour chaque préfet à définir avec les représentants de l’Église les dispositifs à mettre en place localement pour assurer la protection des lieux de culte et je veillerai scrupuleusement avec les préfets au respect de ces instructions.