Bernard Cazeneuve a répondu à Eric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes et à Alain Marsaud, député Les Républicains des Français établis hors de France, lors de la séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale du mardi 2 juin 2015.
Eric CIOTTI, député Les Républicains des Alpes-Maritimes
Merci, Monsieur le Président. Ce matin, la Commission d’enquête parlementaire sur le suivi des individus et des filières jihadistes a rendu ses conclusions ; des conclusions qui appellent à la vigilance et à la mobilisation. La France est une cible, peut-être la plus exposée au monde, face au terrorisme : 1.700 Français impliqués dans des filières jihadistes, 450 sur place en Syrie, 200 qui y sont retournés, 500 qui s’apprêtent, ou qui sont en partance. Ces chiffres ont été multipliés par trois depuis janvier 2014. Ils appellent, Monsieur le Premier Ministre, une mobilisation de tous les instants. C’est l’objet des conclusions de notre rapport, du rapport de Patrick MENNUCCI, approuvé à l’unanimité par les membres de cette commission. Ce que nous vous demandons aujourd’hui, Monsieur le Premier Ministre, c’est de mettre en place un véritable cadre d’action contre le terrorisme qui ne soit pas en permanence à la remorque des événements. Nous avons mesuré aussi que beaucoup de temps, trop de temps a été perdu, notamment au moment de l’affaire MERAH, où le précédent gouvernement sous la présidence de Nicolas SARKOZY, avait souhaité une grande loi contre le terrorisme. Vous l’aviez alors refusée, à quelques semaines de l’élection présidentielle. Nous avons toujours soutenu ces propositions. Aujourd’hui, au moment où le père de MERAH est retourné en France de façon scandaleuse, au moment où la Conférence contre Daech se réunit, nous appelons à cette grande loi cadre, à cette grande loi de programmation pluriannuelle contre le terrorisme qui fera que nous ne serons plus en permanence en retard contre les événements, mais que nous aurons cette capacité non pas à les imiter totalement, mais du moins à y apporter des réponses les plus efficaces et les plus pertinentes…
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Député Eric CIOTTI, vous avez fait, avec votre Commission, un travail très important, vous l’avez fait dans un esprit d’unité et vous l’avez fait avec la volonté de faire en sorte que le Parlement, dans toutes ses sensibilités, parvienne à faire des propositions utiles. Et je veux saluer le travail du rapporteur, Patrick MENNUCCI, qui a fait un rapport absolument excellent et qui doit être salué pour la pertinence de ses propositions. Vous nous invitez à agir. Je veux rappeler ce que nous avons fait depuis 2012. Il y a eu pas moins de trois lois destinées à agir contre le terrorisme depuis 2012. Une première présentée par Manuel VALLS lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, une seconde (sic) qui a été votée au mois de novembre 2014, une troisième qui est actuellement en discussion et qui permettra à nos services de renseignement, avec davantage de contrôles s’exerçant sur eux, d’être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme en mobilisant des techniques qui permettront de prévenir des actes. Vous appelez à ce que nous anticipions en donnant les moyens aux services. Mais qu’avons-nous fait depuis 2012 en créant 432 postes au sein de la Direction générale de la Sécurité intérieure, en abondant de 12 millions d’euros le budget de cette Direction pour faire en sorte qu’elle ait les moyens d’agir, en créant cette Direction, en la rattachant directement au ministère de l’Intérieur, en décidant au mois de janvier, d’abonder ces créations de postes de 1.500 postes, dont 1.000 pour les services de Renseignement, 500 dans le service du Renseignement territorial, 500 au sein de la Direction générale de la Sécurité intérieure ? Qu’avons-nous fait, si ce n’est d’anticiper lorsque nous avons d’augmenter les moyens budgétaires sur deux ans de 233 millions d’euros, pour leur permettre de récupérer un retard accumulé depuis de longues années, en matière d’acquisition de véhicules, de numérisation, de modernisation de leur système informatique ? Donc ce que vous proposez – et je m’en réjouis d’ailleurs – c’est ce que nous faisons, et c’est la raison pour laquelle, sans doute, ce rapport a été adopté à l’unanimité des groupes de l’Assemblée nationale. Face au terrorisme, la plus grande fermeté s’impose, la plus grande détermination aussi.
Alain MARSAUD, député Les Républicains des Français établis hors de France
Merci, Monsieur le Président. Il y a trois ans à Toulouse, trois militaires sont assassinés, parce qu’ils sont militaires. Trois enfants et un maître sont assassinés parce qu’lis sont juifs, mais l’ennemi, ce jour-là, avait un visage : n’est-ce pas, il s’appelait Mohamed MERAH. Depuis lors, cette famille, il faut dire, nous a surpris. La sœur et le beau-frère et quelques autres sont partis en Syrie, avec l’argent des allocations familiales d’ailleurs, pour faire le jihad – eh oui, je sais, ça vous gêne ! Ca vous gêne – et j’allais dire « bon débarras ». J’allais dire « bon débarras », mais voilà que le père réapparaît depuis quelques jours, plutôt depuis le début de l’année. C’est celui, souvenez-vous, qui avait déposé plainte contre x, contre la Police nationale accusée d’avoir assassiné son fils. Nous découvrons avec stupéfaction qu’il vient de bénéficier d’un visa temporaire de séjour et qu’il a demandé sa régularisation en France, sans doute d’ailleurs pour y percevoir quelques allocations supplémentaires et en tous les cas, pour y poursuivre ses procédures contre la Police nationale. Un refus lui a été signifié, avec obligation de quitter le territoire. Bien évidemment, il se maintient en France. C’est une nouvelle insulte jetée à la face des familles, laquelle ravive le souvenir de leur drame comme vient de le déclarer la mère d’Imad ZIATEN, l’un des militaires assassinés. Alors question : quand comptez-vous procéder à l’expulsion de cet individu vers son pays d’origine, à savoir l’Algérie ? Deuxièmement, qu’a fait notre pays ? Qu’a fait notre pays, la France, pour subir et accepter de telles humiliations et affronts de la part des familles des assassins ? Ce n’est pas ma République, ce n’est plus ma France.
Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Député MARSAUD, la République qui devrait nous unir tous face au drame qu’ont vécu les familles dont vous avez parlé à l’instant, c’est une République de la dignité, du respect du droit, et face à de tels événements, une République du rassemblement. Je n’ai trouvé rien de tout cela dans le ton de votre question, qui empruntait à la démagogie, à l’approximation, à l’outrance, à l’amalgame, et pourquoi ne pas le dire, à la contrevérité, mais j’ai compris que tout cela est la marque de fabrique de l’organisation politique à laquelle vous appartenez puisque j’ai constaté, à l’occasion de son Congrès, sur les questions dont vous avez parlé, qu’elle était en train de transformer une très belle marque en une entreprise de contrefaçon. Oui, une très belle marque en une entreprise de contrefaçon. Et je vais le démontrer en prenant point par point tout ce que vous venez de dire. D’abord Monsieur le Député, si le père de Mohamed MERAH a pu séjourner en France, et est revenue en France, c’est parce que depuis trente ans, il bénéficiait d’un titre de séjour qui, la dernière fois, a été renouvelé en 2005. Et le Premier ministre de l’Intérieur qui a décidé de mettre fin à ses titres de séjour, c’est votre serviteur. Il aurait été bon que dans votre question, vous le disiez ; ça aurait été républicain, ça aurait été net, ça aurait été convenable. Il aurait été bon aussi que, dans votre question, vous indiquiez que lorsqu’il y a le refus de l’attribution du renouvellement d’une carte de résident, ça vaut autorisation, obligation de quitter le territoire, et que cette obligation est désormais exécutoire et qu’elle sera exécutée. Voilà la vérité, et voilà les mensonges qui ont inspiré votre question !