Jeudi 11 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a répondu à Pierre-Yves Collombat, Yannick Vaugrenard et à Alain Marc, lors de la séance des questions aux Gouvernement au Sénat.
Gérard Larcher, président du Sénat
La parole est à monsieur Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et social européen. Vous avez la parole, mon cher collègue.
Pierre-Yves Collombat, sénateur (RDSE) du Var
Monsieur le Ministre de l’Intérieur, vous le savez pour vous être rendu, à la satisfaction générale, je dois dire, à La Londe et à Yerres le 29 novembre dernier, le Var mais aussi les Pyrénées-Orientales, l’Aude, l’Hérault et l’Aveyron viennent de subir de nouvelles inondations catastrophiques. Quatre morts dans le Var et des dégâts du niveau de ceux de janvier 2014 qui ont été estimés alors à 200 millions d’euros. Plus généralement, vous l’avez constaté, en matière d’inondation, notre dispositif d’intervention et de secours donne satisfaction. Par contre… Par contre, on ne peut en dire autant en matière de prévention et de gestion de l’après-crise, s’agissant notamment de la réparation des dommages, de l’indemnisation des personnes et de l’aide aux collectivités. Certes, une procédure de reconnaissance de « l’état de catastrophe naturelle d’urgence » vient-elle d’être mise en place depuis six mois, vous l’avez d’ailleurs utilisée en annonçant l’engagement d’une réflexion pour moderniser le dispositif de soutien de l’Etat aux collectivités – je cite le compte rendu du Conseil des ministres du 3 décembre dernier. Or Monsieur le Ministre, une telle réflexion a été engagée au Sénat depuis deux ans. Elle a même abouti, grâce au soutien alors du gouvernement, à l’inscription, dans la loi, de dispositions essentielles en matière de prévention. Le Sénat a aussi adopté en première lecture, il y a un an, un ensemble de dispositions relatives, en particulier, à la gestion de l’après-crise et à la sensibilisation de la population qui est un véritable problème, je l’ai dit tout à l’heure. Elle n’a toujours pas pu être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. D’où ma question : ne pensez-vous pas qu’il serait opportun qu’elle puisse l’être un jour, et que la réflexion dont vous ressentez vous-même la nécessité, puisse ainsi se nourrir de la contribution du Parlement ? Ce qui d’ailleurs a pu être fait lors de la Loi MAPTAM, donc… Ce qui montre que c’est possible ! Alors Monsieur le Ministre, ma question est simple : est-ce qu’on continuer à déplorer, ou est-ce qu’on avance ?
Gérard Larcher
Pour vous répondre, la parole est à monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Vous avez la parole, Monsieur le Ministre.
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Sénateur COLLOMBAT, vous traitez là d’une question que vous connaissez bien puisque vous avez été l’auteur d’un rapport parlementaire qui a fait l’objet d’une proposition de loi présentée au Sénat à l’automne 2013, et qui traitait de la question de la lutte contre les inondations et des mesures préventives à prendre. Je me suis rendu, comme vous l’avez signalé à l’instant, dans la commune de La Londe les Maures et dans la commune de Yerres, il y a de cela une quinzaine de jours, pour constater les dégâts effectués… engendrés par les inondations. Un an après que des dégâts très importants avaient déjà été occasionnés, et pour définir avec les élus les modalités d’indemnisation. Pour répondre très précisément à votre question, 3 problèmes se posent. Le premier problème est celui des fonds qui sont destinés à indemniser les collectivités locales, mais aussi les exploitations agricoles, mais aussi les entreprises lorsqu’il y a des inondations ou des calamités de grande ampleur. Il y a 2 Fonds, un Fonds Calamité, un Fonds Catastrophe naturelle ; je propose que l’on fusionne ces fonds et qu’aucun gel ne s’applique à ces fonds de telle sorte à ce qu’en fin de gestion notamment, on puisse allouer à toutes les collectivités locales les sommes dont elles ont besoin pour faire face aux travaux, notamment aux travaux de réparation, de lutte contre les inondations, et on a pu constater ensemble, à La Londe Les Maures, que quelques mois après la décision du gouvernement de financer, les procédures administratives avaient bloqué l’attribution des fonds. La deuxième décision qu’il faut prendre, c’est une décision d’augmentation du plafond des avances qui sont effectuées par l’Etat aux collectivités locales, pour leur permettre, avant présentation des factures, de pouvoir financer leurs opérations. Porter ce taux de 15 à 25 % – c’était d’ailleurs une de vos propositions, je crois – serait une bonne manière d’assurer le financement dans de bonnes conditions, des travaux. Troisième point : lorsque les dégâts sont occasionnés, il faut six mois d’enquête par les Inspections générales de l’IGS, du ministère de l’Ecologie, l’Inspection générale de l’Administration du ministère de l’Intérieur, d’autres inspections, avant que le droit Indemnisations ne s’ouvre. C’est beaucoup trop d’inspections mobilisées sur un laps de temps beaucoup trop long. Il faut simplifier, raccourcir pour que l’indemnisation arrive beaucoup plus vite. Enfin, dernier point, il faut que, lorsqu’il y a des travaux qui relèvent des cours d’eau ou de la lutte contre les inondations, on trouve un bon équilibre entre les règles de l’environnement et l’urgence, c’est ce sur quoi la ministre de l’Ecologie a envoyé une inspection à La Londe Les Maures et c’est ce sur quoi le gouvernement tend, en plus de la simplification des procédures, à engager une réflexion au profit des collectivités territoriales. Sur tous ces sujets, votre contribution, Monsieur le Sénateur, aura été très décisive.
Yannick Vaugrenard, sénateur PS Loire-Atlantique
Monsieur le Président. Ma question s’adresse à Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Monsieur le Président. Monsieur le Ministre. Mes chers collègues. Lundi 1er décembre à Créteil, un couple se faisait sauvagement agresser dans son appartement et la femme était violée. Le caractère antisémite de cet acte odieux est avéré. Au-delà d’une évidente compassion qui s’impose à l’égard de ces personnes, je considère que c’est aussi notre démocratie et notre République qui sont insultées et le socle de nos valeurs qui est bafoué. La période que nous traversons est socialement et économiquement particulièrement difficile. Il y en a eu d’autres avec les conséquences dramatiques imprimées dans chacune de nos mémoires. L’Histoire ne se répète pas, diront certains. Sans doute. Mais il arrive qu’elle bégaie. Aussi, prenons garde dans ce contexte si particulier, prenons garde aux discours parfois empreints de populisme, qui ciblent les boucs émissaires de tout ce qui va mal, y compris lorsqu’ils prétendent manier l’humour. Le risque de normalisation de propos intolérants nous impose une vigilance de chaque instant. Car, ce sont ces propos qui peuvent aussi armer des mains à l’esprit malveillant ou fragile. Depuis le début de cette année, la France a subi une hausse de 91 % des actes antisémites. Ce chiffre à lui seul fait froid dans le dos. Ce mal qui ronge notre pays exige une nécessaire prise de conscience individuelle, tout autant qu’un indispensable sursaut collectif. Monsieur le Ministre, l’aspect répressif va de soi, mais il n’est pas suffisant. Compte tenu des évolutions d’agressions antisémites et racistes que nous constatons, ne pensez-vous pas qu’il soit nécessaire d’engager, notamment avec le ministère de l’Education nationale, mais aussi les mondes médiatique et associatif, une prise de conscience de cette dure réalité pour endiguer ce fléau d’intolérance qui mine notre société. Nous assistons trop fréquemment à une forme de banalisation de l’horreur ou encore à une indignation à géométrie variable, qui n’est ni acceptable, ni supportable. Or, le raciste est un et la lutte contre toute forme de racisme est indivisible. Il me vient à l’esprit, pour conclure, cette phrase inscrite à l’entrée du village martyr d’Oradour-sur-Glane : « L’Humanité n’est pas un état à subir, mais une dignité à conquérir. » Aussi, l’ensemble de nos concitoyens doit-il comprendre que le respect dû à tout un chacun, que la liberté, que l’égalité et la fraternité ne sont et ne seront jamais négociables dans notre pays des droits de l’homme.
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Monsieur le Sénateur, vous venez, avec beaucoup de force, de rappeler ce qu’est l’antisémitisme et de rappeler aussi ce que sont toutes les formes de haine qui peuvent ronger la République de l’intérieur et conduire, peu à peu, parfois imperceptiblement, à l’abandon des valeurs qui fondent la République et auxquelles, collectivement, nous tenons ici, dans cet hémicycle. Je me suis rendu à Créteil dimanche dernier pour participer à la grande manifestation organisée par la communauté juive de Créteil, très blessée de l’acte abject qu’avait subi un jeune couple à Créteil quelques jours auparavant. J’ai vu devant moi des hommes et des femmes abattues, certains étaient révoltés. Il y avait dans tous les regards une immense tristesse et surtout une incommensurable inquiétude. L’inquiétude d’une communauté qui sait que l’Histoire a déjà parlé, qu’elle a parlé de façon monstrueuse, qu’elle a conduit à la déportation et à l’assassinat de millions de juifs, de femmes, de petits enfants, de personnes âgées, dans les conditions que l’on sait. Une communauté qui ne comprend pas, alors que tout cela est encore très récent finalement, que l’on puisse ne pas se souvenir. Alors, vous avez raison de dire qu’il est important d’organiser une mobilisation générale. Cette mobilisation générale est d’autant plus importante que lorsque l’on voit ce qui se diffuse notamment dans l’espace numérique, on se rend compte que bien des digues sont tombées et que, parfois, à travers des twitts, l’usage de la phrase brève au service des idées courtes est parfois mis au service de la haine. Donc, il faut une mobilisation générale. Cette mobilisation générale est souhaitée par le Premier ministre qui s’est, à plusieurs reprises, exprimé avec beaucoup de force sur ce sujet et a souhaité que la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme lui soit rattachée, de manière à ce qu’il y ait une véritable action interministérielle mobilisant tous les ministères. Le ministère de l’Intérieur, bien entendu, entend qu’il protège les lieux de culte, entend que, par l’intermédiaire des préfets, il porte plainte au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, à chaque fois qu’un acte de haine raciste ou antisémite est constaté. Le ministère de l’Education nationale qui porte, avec le ministère de l’Intérieur, le ministère des Cultes, l’ambition de laïcité qui vise à assurer la protection de tous les enfants de la République autour de cette valeur et de toutes les valeurs de la République, dans l’école et dans l’espace public, et le ministère de la Jeunesse, le ministère de la Ville qui peuvent ensemble, de façon transversale, porter un message de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Mais aussi, il faut une mobilisation de la société. Nous étions simplement 1 500 à Créteil. A d’autres époques, nous aurions été infiniment plus nombreux. Les intellectuels se seraient exprimés, les forces sociales se seraient mises en mouvement. Il faut donc par conséquent que cette grande cause devienne la cause de tous et il faut pour cela se rappeler d’une belle formule, celle de Frantz Fanon qui disait : « Lorsque vous entendez dire du mal des juifs, tendez l’oreille, on parle de vous. »
Gérard Larcher, président du Sénat
La parole est maintenant à Monsieur Alain MARC pour le groupe Union pour un mouvement populaire. Vous avez la parole, mon cher collègue.
Alain Marc, sénateur UMP de l’Aveyron
Merci Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’Intérieur qui a répondu d’ailleurs en partie à un précédent collègue sur le même sujet. Monsieur le ministre, l’Aveyron a connu, au même titre que d’autres départements du sud de la France – l’Hérault, l’Aude, le Var et les Pyrénées-Orientales –, des intempéries d’une violence inouïe il y a quelques jours. je tiens à saluer ici la mobilisation exceptionnelle des secours – pompiers, gendarmes, policiers –, mais aussi la qualité de l’action des bénévoles qui, par solidarité et avec efficacité, sont intervenus auprès des sinistrés. La ville de Saint-Affrique, par exemple, a subi des inondations catastrophiques d’une importance jamais connue dans l’histoire de celle-ci qui a neuf mille habitants. Vous avez été très réactif, Monsieur le ministre, en prenant quelques arrêtés de catastrophe naturelle pour que les biens assurés bénéficient de cette procédure et je vous en remercie au nom des populations concernées. Toutefois, nous apprenons ce matin que dix communes de l’Aveyron – je vais rapidement les citer : Coupiac, Tournemire, Saint-Rome-de-Cernon, La Bastide-Pradines, Brousse-le-Château, Combret, Lapanouse-de-Cernon, Martrin, Saint-Beauzély, Saint-Juéry – n’ont pas bénéficié de l’arrêté de catastrophe naturelle à ce jour. Je sais que vous allez faire le maximum, Monsieur le ministre, pour que soient résolus ces problèmes qui, apparemment, sont d’ordre technocratique le plus rapidement possible. Nous ne comprendrions pas en effet que ces communes qui ont subi des dégâts très conséquents ne soient pas retenues et attendons une réponse de votre part sur ce sujet. Pour ce qui est des biens non assurables des collectivités locales touchées par ces intempéries, les dégâts se chiffrent, pour un département comme le mien, comme l’Aveyron, à plusieurs millions d’euros. Il s’agit du patrimoine routier – les chaussées, les ponts : trois à quatre millions d’euros pour le seul Conseil général de l’Aveyron – mais aussi des stades et bien d’autres infrastructures pour les communes et communautés de communes. Monsieur le ministre, nous en appelons à la solidarité nationale, que ce soit à travers le fonds de solidarité ou peut-être la DETR. Vous avez récemment annoncé, avant les intempéries, une augmentation sensible de ce fonds au niveau national. L’urgence et la gravité de la situation pourraient-elles permettre que cette augmentation nationale soit fléchée vers les départements qui ont le plus souffert de ces événements climatiques d’une grande violence, même si ce n’est pas la vocation initiale de ce fonds ?
Gérard Larcher
Merci. Pour vous répondre, la parole est à Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Vous avez la parole, Monsieur le ministre.
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Oui, Monsieur le sénateur. Vous m’interrogez sur les inondations et les intempéries qui ont eu lieu dans l’Aveyron avec certaines communes qui ont été particulièrement touchées. Je pense notamment à la commune de Saint-Affrique dont vous venez de parler à l’instant. J’ai souhaité qu’au Conseil des ministres qui a suivi immédiatement ces intempéries, on puisse prendre l’arrêté catastrophe naturelle de manière à ce que l’indemnisation des collectivités concernées puisse être effective dans des délais brefs. Mais vous avez raison de dire que cet arrêté catastrophe naturelle a permis à vingt-trois communes de pouvoir être inscrites comme susceptibles d’être indemnisées et qu’il en reste encore quelques-unes qui n’ont pas été retenues. J’ai indiqué à certains de vos élus que dans les dix jours qui viennent, il pourra être procédé à un examen attentif de la situation de ces communes de manière à ce qu’aucune qui a été victime de ces intempéries ne soit laissée sur le bord du chemin. Et nous devons faire en sorte, sur les vingt-trois communes de l’Aveyron plus celles – la dizaine – qu’il reste encore en cours, comme sur les cent soixante-dix-huit communes des autres départements qui sont concernées par ces arrêtés, de faire en sorte que les financements interviennent rapidement. Vous posez une deuxième question qui est celle de la dotation d’équipement des territoires ruraux dont le Premier ministre a annoncé qu’elle serait augmentée assez significativement pour 2015 et vous me posez la question de savoir si on peut affecter cette dotation aux collectivités locales qui ont fait l’objet d’intempéries. Il y a deux éléments de réponse à cela. Premier élément de réponse, il appartient aux préfets, en liaison avec les collectivités territoriales, de déterminer les conditions d’allocation de ces fonds dans la plus grande concertation avec les élus. C’est le sens des instructions que je leur ai données, plus particulièrement dans les départements touchés par les inondations. Et deuxièmement, il est souhaitable et possible de cumuler la dotation d’équipement des territoires ruraux avec le Fonds calamités et le fonds catastrophes naturelles dans une limite de 80 % de taux de subvention pour les collectivités locales concernées. Voilà donc quelles sont les règles. Vous pouvez constater qu’elles permettent une concertation avec les collectivités et une indemnisation dans de bonnes conditions. À cela s’ajouteront les mesures que j’ai annoncées tout à l’heure à votre collègue Collombat, c’est-à-dire une réforme du processus catastrophe naturelle car ça ne sert à rien de passer rapidement les arrêtés en Conseil des ministres si le temps après les arrêtés est aussi significatif que celui qui existait avant la procédure accélérée. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire fusionner les fonds, des avances augmentées, des inspections plus simples et un niveau d’avance plus significatif pour permettre aux collectivités locales d’être indemnisées avant même la présentation des factures pour celles qui sont les plus affectées par ces catastrophes naturelles.
Gérard Larcher
Merci.