Rencontre avec les organisations syndicales représentatives de la police nationale et les représentants de la gendarmerie à l'Élysée

©présidence de la République/J.Bonet
22 octobre 2015

Déclaration de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur - Cour de l’Élysée - 22 octobre 2015


Les organisations syndicales représentatives de la police nationale avaient appelé, le 14 octobre, à des rassemblements devant les Palais de justice de France et, à Paris, devant le ministère de la justice. Ce mouvement, dont je souligne qu’il s’est déroulé dans le calme et dans la dignité, traduisait l’incompréhension et la colère des policiers après qu’un des leurs, le Brigadier Yann SAILLOUR, ait été très grièvement blessé par un malfaiteur dangereux en cavale qui n’avait pas réintégré l’établissement pénitentiaire où il était incarcéré, à l’issue d’une permission de sortie non respectée. Le Brigadier SAILLOUR est toujours hospitalisé, dans un état grave. Je veux aussi rendre hommage à la mémoire du gendarme Laurent PRUVOST, sauvagement abattu dans la somme par un forcené au mois d’août dernier. Je pense à ces policiers et à ces gendarmes victimes de violences, et qui assurent quotidiennement, conformément à mes instructions de fermeté, le respect de l’État de droit. Ces policiers et ces gendarmes méritent respect et considération.

Par ailleurs, ces événements dramatiques dont je viens de parler, sont intervenus dans le contexte objectif d’une sollicitation des forces de sécurité exceptionnelle depuis plusieurs mois. La menace terroriste, toujours élevée, comme la crise migratoire, impliquent en effet policiers et gendarmes et s’ajoutent aux missions d’investigations, de sécurité et d’ordre publics qu’ils accomplissent au quotidien avec courage et professionnalisme.

Si les Français ont salué leur engagement le 11 janvier dernier, ce moment intense de solidarité ne doit pas faire oublier que policiers et gendarmes subissent chaque jour des violences et des outrages, jusqu’au sacrifice de leur vie. Ils exercent leurs missions dans des conditions de plus en plus difficiles, dans une société qui tend à privilégier les droits aux devoirs, l’individualisme au respect, respect de l’autre, de la chose publique, de l’autorité publique. Ils exercent également leur métier, dans un cadre juridique de plus en plus complexe, où les normes s’ajoutent aux normes, pénalisant leur disponibilité pour la présence de voie publique ou les missions d’enquêtes. La procédure pénale est un élément de cette complexité, qu’ils ont d’ailleurs en partage avec les magistrats. C’est d’abord ce message que les policiers et les gendarmes qui ont été reçus aujourd’hui par le Président de la République ont souhaité porter. Ce message est légitime. Il a été entendu au plus haut niveau de l’État.

Il serait vain de chercher à opposer police et justice qui doivent œuvrer ensemble à la satisfaction d’un but commun : faire respecter le Droit en préservant nos libertés. La protection des libertés est précisément garantie par la procédure pénale et nous ne saurions nous satisfaire, comme citoyens, de renoncements à cet égard. Pour autant, sans porter atteinte à ses principes protecteurs, il est en effet urgent d’éviter les formalismes inutiles et chronophages, de moderniser les méthodes, d’utiliser toutes les ressources de la numérisation pour éviter l’embolisation des services. Il en va de l’efficacité policière comme de la bonne administration de la justice.

Le Président de la République a affirmé à cet égard l’extrême attention qu’il portait à l’aboutissement rapide des travaux que la Garde des Sceaux et moi-même avons engagés en ce sens, et dont le Premier ministre a rendu publiques les premières mesures. Plusieurs d’entre elles peuvent s’appliquer rapidement, à droit constant. Pour celles qui nécessitent des évolutions réglementaires, le Chef de l’État a demandé que le décret nécessaire puisse être publié avant la fin de l’année, un vecteur législatif étant par ailleurs identifié, au premier trimestre 2016 pour les mesures qui relèvent de la Loi.

C’est dans le même calendrier que le Président de la République a demandé qu’intervienne, par voie réglementaire, la réforme du régime des permissions de sortie susceptibles d’être accordées à des détenus en vue de leur nécessaire réinsertion ou pour l’accomplissement de formalités nécessitant absolument leur présence.

Les policiers et les gendarmes qui se sont entretenus avec le Président, aujourd’hui, dans le mode d’expression propre à chacun de ces deux statuts, ont également exprimé leurs attentes sur les missions de la police et de la gendarmerie nationales, comme sur la reconnaissance de leurs métiers, dont chacun s’accorde à reconnaître les sujétions et les risques particuliers qui s’y attachent.

S’agissant des missions, le Président de la République a souhaité que toutes les initiatives soient prises pour que les fonctionnaires de la police et les militaires de la gendarmerie soient recentrés sur leur cœur opérationnel de métier, au service de la protection des Français et de tous ceux qui séjournent ou visitent notre pays.

Un plan interne de simplifications sera élaboré  permettant, au terme d’une revue des missions, d’éliminer les tâches et procédures inutiles. Cette revue des missions s’appuiera sur les travaux déjà entrepris par les administrations centrales, mais également sur une démarche participative des femmes et des hommes de terrain qui seront consultés dans cette perspective. Les démarches de simplifications, de mutualisation et d’externalisation, qui permettront de renforcer l’engagement opérationnel des forces, seront mises en œuvre progressivement, selon qu’elles relèveront de simples évolutions des organisations et méthodes ou d’indispensables modifications du cadre juridique.

Le plan de substitution des personnels opérationnels par des agents des corps administratifs et techniques sera renforcé dans le même esprit, dans un cadre pluriannuel, pour ce qui concerne les activités de soutien. La reconnaissance des risques et des contraintes des policiers et des gendarmes ont également été abordées au cours de cet entretien, comme les questions touchant aux conditions de travail. Les initiatives seront prises pour que la disponibilité des crédits budgétaires soit organisée dès le début de l’année 2016 afin que les véhicules, armements modernisés et équipements de protection efficaces soient commandés sans délai, livrés dans les services et unités dès avant l’été prochain. Une attention particulière sera portée aux services et unités de sécurité publique les plus exposés aux phénomènes de délinquance violente, qu’il s’agisse des brigades anti-criminalités de la police ou des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

Les rythmes de travail seront également revus au terme de l’expérimentation en cours de nouveaux cycles horaires dans la police, de façon à permettre un meilleur équilibre entre activité professionnelle et vie familiale. Une feuille de route sociale sera notifiée aux organisations syndicales de la police et au conseil de la fonction militaire de la gendarmerie pour mieux valoriser les carrières de ceux qui s’engagent au service exigeant de la sécurité de leurs concitoyens. Un cycle de concertation s’ouvrira, dans la gendarmerie comme dans la police, dès la fin du mois de novembre et jusqu’à la fin du mois de mars au plus tard pour définir un train de mesures catégorielles raisonnables et budgétairement soutenables. Elles concerneront notamment :

  1. La revalorisation des carrières, dans le cadre de l’application du protocole « Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations » applicable à la fonction publique.
  2. Certains aménagements indemnitaires
  3. Le statut des personnels de la police technique et scientifique
  4. La refonte de la cotation et des nomenclatures des postes à responsabilités pour assurer des parcours professionnels valorisants
  5. La correction de certains blocages techniques qui embolisent aujourd’hui les opportunités de promotion de grades dans certains corps.
  6. L’étude de mécanismes compensatoires de fidélisation dans les services implantés en Ile-de-France.

Dans des fonctions qui confrontent quotidiennement ceux qui les exercent aux plus profondes détresses humaines et aux violences d’une société chaque jour un peu plus rude, le plan de lutte contre les suicides bénéficiera également de toutes les attentions par le recrutement de personnels spécialisés, le renforcement de la sensibilisation des personnels et de la hiérarchie et la poursuite des expérimentations relatives à la gestion des armes de service.

Ce sont donc les lignes directrices d’un plan d’ensemble, cohérent et ambitieux qu’a tracé aujourd’hui le Président de la République, pour donner corps à la reconnaissance exprimée par la Nation à ses forces de police et de gendarmerie le 11 janvier dernier.

Les risques et les menaces auxquels nous sommes confrontés sont installés pour longtemps, et nous le savons. Nous nous y sommes préparés et nous nous y préparons chaque jour. Et policiers et gendarmes seront en première ligne, comme toujours. Nous savons aussi pouvoir compter sur eux, sur leur sens du devoir, sur leur abnégation, lorsque nous leur confierons demain notre sécurité pour la gestion de grands événements, qu’il s’agisse de la conférence internationale pour le climat ou l’Euro 2016.

Le Président de la République, le Premier Ministre, la Garde des Sceaux et moi-même les avons entendus. Mais au-delà, c’est tout un chacun qui doit prendre conscience qu’un policier ou un gendarme n’est pas un uniforme anonyme. Il s’agit de femmes et d’hommes qui partagent comme nous toutes les vicissitudes de la vie, qui se préoccupe des difficultés des autres avant de s’intéresser aux siennes et qui, chaque matin, peuvent croiser la mort au prochain carrefour. Et je forme des vœux ardents, avec le Président de la République, avec le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement,  pour que Yann SAILLOUR qui n’est pas rentré chez lui le 5 octobre dernier, qui lutte courageusement pour la vie à l’hôpital, puisse recouvrer la santé et retrouver les siens.

Au nom de tous les policiers et de tous les gendarmes, j’appelle tous les Français à maintenir vivace cet esprit du 11 janvier qui avait, dans une communion toute républicaine, affirmé son attachement à ses forces de sécurité comme aux valeurs de la République.