Présentation du Plan Sécurité outre-mer avec par Bernard Cazeneuve et George Pau-Langevin

Présentation du Plan Sécurité outre-mer avec par Bernard Cazeneuve et George Pau-Langevin
27 juin 2016

Seul le prononcé fait foi

Madame la Ministre,

Madame et Messieurs les Préfets et les Hauts Commissaires,

Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,

Monsieur le Directeur de la Police nationale,

Mon Général, commandant de la Gendarmerie outre-mer,

Messieurs les Directeurs départementaux de la police nationale, Messieurs les chefs des services de police judiciaire,

Messieurs les colonels, commandant la gendarmerie dans les départements et les collectivités d’outre-mer, Messieurs les commandants des sections de recherches,

Mesdames et Messieurs,

Comme vient de le rappeler à l’instant la Ministre des Outre-Mer, les départements et collectivités d’outre-mer connaissent une augmentation continue des violences et des atteintes aux biens, ainsi que des incivilités.

Certes, cette situation, qui s’est récemment aggravée, ne date pas d’hier. Elle résulte de phénomènes endémiques de délinquance qui se sont enkystés dans les territoires ultramarins depuis plus de quinze ans. Les raisons en sont à la fois exogènes et endogènes, et chaque territoire présente bien sûr ses propres spécificités ; George PAU-LANGEVIN les a évoquées avec précision.

Ainsi, la proximité de certains de ces territoires avec des pays ou des régions marqués par une forte insécurité alimente différents types de trafics, notamment le trafic de stupéfiants, et les filières d’immigration clandestine.

L’importance de la vente et de la consommation de drogues et d'alcool, contribue également à susciter des troubles à l’ordre public et à augmenter le nombre des agressions. Je pense notamment aux violences sexuelles et aux violences commises dans la sphère familiale.

Enfin, la faiblesse des dispositifs et des structures de prévention, tout particulièrement à destination de la jeunesse, contribue à faciliter le passage à l'acte en matière d'atteintes aux biens ou de violences contre les forces de l’ordre.

Il en résulte une banalisation insidieuse de la violence, notamment parmi les jeunes et chez les délinquants d'habitude, ainsi qu’une banalisation de l’usage des armes, y compris pour des motifs futiles ou bien pour la commission de petits larcins.

Il était donc grand temps de remédier à une telle situation. Car les Français d’outre-mer attendent depuis trop longtemps une réponse cohérente des pouvoirs publics, qui engage l’Etat aussi bien que les collectivités territoriales.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de procéder à une montée en puissance sans précédent de notre dispositif de sécurité, dans le cadre du plan que nous allons déployer dans l’ensemble des départements et des collectivités d’outre-mer, et en l’adaptant bien sûr aux différents contextes locaux.

Avant d’en venir aux nouvelles mesures qui font l’objet de ce plan global, je souhaite revenir en quelques mots sur le plan spécifique concernant Mayotte que nous avons rendu public, la ministre des Outre-Mer et moi-même, le 2 juin dernier.

Tout d’abord, nous avons décidé de renforcer dans cette île les effectifs et les moyens dont disposent les forces de l’ordre. Dès cet été, 142 policiers et gendarmes vont ainsi y être affectés, tandis qu’une nouvelle antenne GIGN y sera créée.

En outre, le Préfet et le Procureur de la République de Mayotte réunissent désormais conjointement, aussi souvent que cela est nécessaire, un état-major de sécurité rassemblant l’ensemble des services de l’Etat mobilisés dans la lutte contre la délinquance et l’immigration irrégulière. Cet état-major est chargé de définir des objectifs précis en matière de sécurité et de maintien de l’ordre public, puis de s’assurer de leur mise en œuvre.

Enfin, nous avons également voulu renforcer les partenariats avec la société civile mahoraise. Une instance spécifique, coordonnée par la préfecture et par le parquet, vise à mobiliser à travers l’ensemble de l’île les élus et les associations contre la violence et pour la paix publique.

J’en viens à présent au Plan « sécurité outre-mer » et aux 22 mesures qu’il contient. Celles-ci ont été élaborées conjointement par les services du ministère des Outre-Mer et ceux du ministère de l’Intérieur.

Comme à Mayotte, il s’appuie sur trois grands axes complémentaires.

  • Tout d’abord, nous renforçons considérablement les effectifs et les moyens des forces de l’ordre, en les adaptant aux enjeux sécuritaires locaux

Dès cette année, et tous services confondus, 433 policiers et gendarmes (370 policiers et ADS, et 63 gendarmes) rejoindront les territoires d’outre-mer. Chaque année, la Direction générale de la Police nationale ouvrira de nouveaux postes en fonction des besoins opérationnels. De surcroît, entre 2017 et 2019, la gendarmerie d’outre-mer bénéficiera de 300 effectifs supplémentaires (dont 179 dès 2017). Ces créations de postes nous permettront de renforcer les unités d’intervention, les brigades territoriales qui sont en première ligne face à la délinquance, ainsi que certaines unités de recherche.

Je veux à mon tour profiter de l’occasion qui nous réunit aujourd’hui pour rendre un hommage appuyé aux forces de police et de gendarmerie affectées dans les territoires d’outre-mer, car elles y réalisent un travail absolument indispensable, dans des conditions souvent difficiles et très dangereuses. Je pense par exemple au gendarme qui, il y a une semaine, n’a eu la vie sauve que grâce à son gilet pare-balles alors qu’il avait été la cible d’un tir en pleine poitrine à Kouaoua, en Nouvelle-Calédonie.

D’autre part, nous allons mettre en place un « groupe tactique projetable » depuis la métropole, afin de faire face à des situations de troubles graves ou pour appuyer les services territoriaux dans le traitement de formes particulières de délinquance. La DGPN et la DGGN étudieront ainsi, d’ici octobre 2016, les modalités de constitution et de projection d’une telle force d’appui ponctuel, mobilisant des compétences multiples.

Nous allons également renforcer les moyens dont disposent les forces de l’ordre sur place sans le cadre d’un plan d’équipement global, qui portera sur les moyens de communication, les équipements de protection balistiques individuels et les véhicules. Parallèlement, l’effort en matière de saisies des avoirs criminels sera lui aussi poursuivi, tandis que nous allons développer les demandes d'affectation de biens saisis.

Enfin, nous souhaitons développer les coopérations opérationnelles avec les forces de sécurité des pays frontaliers de nos territoires ultra-marins.

  • Ensuite, nous renforçons la gouvernance et la coordination des forces de l’ordre, entre elles et avec les autres acteurs locaux mobilisés dans la lutte contre la délinquance

Face aux évolutions de la délinquance, l’heure est en effet à la mutualisation et la coopération entre les forces et, plus généralement, au partenariat avec la société civile.

Nous allons créer à cet effet une Conférence nationale pour la sécurité outre-mer (CNSOM), qui se réunira deux fois par an autour de l’ensemble des acteurs concernés, y compris les élus, afin d’évaluer les actions menées sur le terrain en matière de prévention et de lutte contre la délinquance. L’objectif sera de partager et de diffuser les bonnes pratiques et les méthodes innovantes particulièrement adaptées aux contextes ultra-marins. Des missions de l’Inspection générale de la Police nationale et de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale seront conduites dans chacun de ces territoires, et leurs conclusions seront présentées lors des sessions de la CNSOM pour nourrir l’action collective.

Par ailleurs, nous allons renforcer la Coordination opérationnelle entre les agglomérations et les territoires (CORAT). J’entends par là que des protocoles opérationnels spécifiques seront mis en place dans tous les départements et collectivités d’outre-mer afin de répondre aux phénomènes délinquants. Nous allons ainsi notamment créer des cellules anti-cambriolages départementales, placées sous la cotutelle des commandements de groupement de gendarmerie et des directeurs départementaux de la sécurité publique. La possibilité d’élargissement des six Zones de Sécurité prioritaires (ZSP) qui existent actuellement outre-mer, voire de création de nouvelles ZSP, sera également étudiée.

En outre, pour renforcer les liens entre la population et les forces de sécurité, une cellule d’animation départementale ou territoriale dédiée sera créée dans chacun des départements et collectivités. Placée sous l’autorité du représentant de l’État, cette cellule rassemblera tous les services concernés, ainsi que les principaux acteurs territoriaux, notamment l’Education nationale, les services sociaux et les associations œuvrant à la prévention de la délinquance juvénile et du décrochage scolaire.

Les partenariats avec les élus et les municipalités seront également encouragés, dans le but de généraliser les conventions de coordination avec les polices municipales et intercommunales. La même démarche sera conduite pour les dispositifs de participation citoyenne, tandis que nous renforcerons notre soutien en matière de développement de la vidéo-protection.

  • Enfin, et c’est là notre troisième grand objectif, nous élargissons les champs de la lutte contre l’insécurité

Nous allons ainsi rénover la coordination de la lutte contre les trafics de stupéfiants en intensifiant notre action de démantèlement des réseaux. Pour ce faire, les synergies entre les forces territoriales (services de la DDSP, unités territoriales de la gendarmerie) et les services d’enquête (offices centraux, police judiciaire, sections et brigades de recherches) seront renforcées. En Guyane, un détachement de l’antenne Caraïbe de l’Office Central de répression du Trafic international de stupéfiants (OCRTIS) sera créé d’ici la fin de l’année 2016.

Par ailleurs, nous allons mener une action spécifique contre les trafics et la circulation des armes à feu, en cohérence avec le Plan national de lutte contre les armes illégalement détenues, adopté en novembre 2015. L’effort portera tout particulièrement sur le recours systématique aux examens balistiques, sur la déclinaison locale des opérations « Déposez les armes », enfin sur le renforcement des échanges entre les autorités administratives et judiciaires pour la délivrance et le suivi des autorisations de détention d’arme.

La lutte contre la radicalisation violente sera, elle aussi, intensifiée, en application du grand Plan national lancé en avril 2014 et de sa deuxième étape, que le Premier ministre a présentée le 9 mai dernier.

Parallèlement, nous allons faire en sorte de moderniser les procédures appliquées par les forces de l’ordre. Les dispositifs de transmission dématérialisée de procédures judiciaires feront ainsi l’objet d’une évaluation et seront développés, dès lors que cela s’avèrera nécessaire, afin d’alléger les charges administratives pesant sur les forces de sécurité. En outre, des équipements de visioconférence seront déployés dans les unités et les services d’enquête dans le but de réduire les charges résultant des procédures d’extraction et de présentation des personnes sous contrainte de justice.

Enfin, nous allons accroître la coopération opérationnelle entre la gendarmerie et les forces armées du ministère de la Défense. Des opérations coordonnées ou conjointes seront ainsi progressivement mises en œuvre dans les territoires d’outre-mer, notamment pour contrôler les flux, lutter contre les trafics et contre l’immigration irrégulière.

Face aux formes de délinquance et de criminalité particulièrement violentes qui frappent nos départements et nos collectivités d’outre-mer, nous avons besoin d’une mobilisation de l’Etat puissante, immédiate et soutenue dans le temps. Face à des phénomènes enracinés de longue date dans certains territoires, l’Etat pour la première fois prend des mesures d’ampleur, dans le cadre d’un plan cohérent, à l’échelle de l’outre-mer dans son ensemble.

L’objectif est d’assurer une sécurité digne de ce nom à l’ensemble de nos compatriotes ultra-marins, lesquels y ont droit comme tous les citoyens de la République française. La solidité du pacte social qui nous lie, comme le développement économique local en dépendent.

Cela suppose donc un engagement de chacun des acteurs concernés : aussi bien les services de l’État que les élus et les collectivités territoriales, la communauté éducative, les associations et, d’une manière générale, l’ensemble de la société civile, dans un objectif partagé de prévention et de lutte contre toutes les violences.

Consolider l’autorité de l’Etat et assurer la protection des Français d’outre-mer : telle est la raison d’être de ce grand Plan « sécurité outre-mer ». C’est ainsi que nous renforcerons la République sur tous les continents.

Je vous remercie.