Premières Assises de la filière des industries de sécurité

Premières Assises de la filière des industries de sécurité
21 septembre 2016

Discours de M. Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, lors des premières Assises de la filière des industries de sécurité à Paris, le 20 septembre 2016.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de région Paris-Ile-de-France,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec un grand plaisir que je vous retrouve aujourd’hui à l’occasion  de ces premières Assises de la filière des industries de sécurité, qui réunissent pour la toute première fois l’ensemble des acteurs du secteur, sous l’égide du Comité de la filière des industries de sécurité (CoFIS).

Lors du Comité de filière du 1er décembre, nous avions en effet souhaité organiser cet événement inédit pour marquer la solidarité de tous les acteurs concernés, publics comme privés, et ce quelle que soit leur taille. L’objectif étant de contribuer à créer un véritable esprit de filière, une identité commune à tous les acteurs.

Depuis 2013 – l’année de l’installation du CoFIS –, nous avons parcouru un chemin important. Des progrès ont été réalisés, qui ont rendu possibles l’émergence et l’affirmation de la filière industrielle française de sécurité. Néanmoins, celle-ci, bien que forte et innovante, reste encore trop atomisée entre de nombreux secteurs. Jusqu’à présent, cet éclatement n’a pas permis à la filière d’imposer une image commune, de développer son rayonnement, ce qui ne peut que nuire à son influence.

Notre objectif aujourd’hui est donc de remettre la filière industrielle au cœur de la réflexion collective, surtout dans le contexte actuel où le niveau de la menace terroriste est extrêmement élevé. Nous avons besoin d’une mobilisation sans faille de l’ensemble des acteurs de la sécurité, publics comme privés. Dans ce combat de longue haleine que nous avons d’ores et déjà commencé à mener, les industries de sécurité jouent bien sûr un rôle absolument décisif.

Cela est d’autant plus important que, depuis 2012, le Gouvernement s’emploie à réarmer le pays face à l’évolution des menaces. D’ici la fin du quinquennat, nous aurons ainsi recruté 9 000 policiers et gendarmes supplémentaires, quand plus de 13 000 postes avaient été supprimés entre 2007 et 2012. En outre, nous avons lancé un grand plan de renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement du ministère. Dans le cadre du Plan antiterroriste de janvier 2015 et du Pacte de Sécurité de novembre 2015, plus de 700 millions d’euros au total sont consacrés à la modernisation et au renforcement de nos matériels et de nos infrastructures, notamment informatiques. Je pense également au Plan BAC-PSIG qui, depuis octobre 2015, a permis de renforcer considérablement les armements et les équipements de protection dont disposent les policiers des BAC et les gendarmes des PSIG.

Jamais un Gouvernement n’avait accordé autant de moyens à la sécurité. Jamais, face aux menaces, la réponse de l’Etat n’avait été aussi forte. Voilà pourquoi nous avons besoin de vous.

Aussi, je veux remercier les organisateurs de cette rencontre. Je salue bien sûr Jean-Paul VERMÈS, notre hôte. A la tête de la Chambre de commerce et d’industrie de région Paris-Ile-de-France, il a à cœur de défendre et de soutenir l’écosystème de la sécurité dans une région qui est stratégique pour la filière. L’Ile-de-France accueille déjà en effet près de 45% des entreprises françaises de la filière, ce qui représente plus de 64.000 emplois. Je sais, cher Jean-Paul VERMÈS, que vous souhaitez renforcer les relations entre la Chambre régionale et ses partenaires, et cette volonté est partagée par les acteurs et les métiers de la sécurité, aussi bien en Île-de-France que dans les autres régions. Car c’est cela, l’esprit de filière.

Je pense par exemple à mon ami Gérard COLLOMB qui interviendra cet après-midi et qui s’est lui-même engagé avec beaucoup de détermination, via la Métropole du Grand Lyon, dans cette voie du partenariat avec le ministère de l’Intérieur. Il est, à cet égard, un acteur important de la sécurité dans l’agglomération lyonnaise, et reconnu comme tel. La région Rhône-Alpes-Auvergne est d’ailleurs un pôle majeur en termes de sécurité, qui se situe au second rang des régions, puisqu’elle accueille 13,5% des entreprises françaises liées à la sécurité, ce qui représente 14.000 emplois.

D’une manière générale, les collectivités territoriales attendent beaucoup de ce secteur pour le développement de leurs entreprises locales. Un effort particulier doit donc être fait en ce sens, avec également la mobilisation du monde de la recherche et celle des opérateurs locaux. Tel est bien l’un des objectifs poursuivis par les investissements d’avenir : créer des territoires d’innovation.

On ne le dira jamais assez : les start-up, les PME et les ETI sont les véritables forces vives de la filière. Elles aussi ont besoin de cet effort de cohérence réunissant l’ensemble des acteurs, elles attendent beaucoup de l’Etat pour investir, innover et se développer dans cette filière d’avenir.

Le ministère de l’Intérieur, partenaire naturel des collectivités, entend bien assumer ce rôle en lien avec les services du Premier ministre et le ministère de l’Economie et des Finances. Je signerai d’ailleurs bientôt un partenariat avec le pôle de compétitivité SAFE d’Aix-en-Provence pour resserrer l’action entre l’Etat régulateur, l’Etat acheteur et les entreprises qui développent et qui produisent.

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Evoqués dans plusieurs « Livres blancs », la sécurité n’a en réalité jamais bénéficié d’une véritable politique industrielle globale revendiquée en tant que telle. Récemment, l’étude réalisée l’année dernière sur le marché et les acteurs de la filière a fait ressortir les mutations en cours et les opportunités à saisir.

A cet égard, je veux rappeler quelques chiffres particulièrement significatifs. Les secteurs industriel et marchand totalisent à eux seuls 30 milliards de chiffre d’affaires en 2013 et emploient plus de 302.000 personnes. De surcroît, d’ici 2020, les perspectives de croissance sont de 5% par an pour l’ensemble de la filière, de 6% pour son cœur industriel et de 8% à 19% pour la dizaine de segments qui tirent la croissance de la filière. Le seul secteur industriel regroupe aujourd’hui 125.000 emplois pour 21 milliards de chiffres d’affaire, dont la moitié à l’export.

J’ajoute que la France compte plusieurs leaders mondiaux de la sécurité, et ce dans des secteurs de pointe. Moi-même, je me bats avec le ministre de l’Economie pour que ces champions restent sur notre territoire, en dépit des changements d’actionnaires. C’est là un enjeu fondamental de souveraineté, mais aussi de défense et de promotion de l’emploi qualifié en France. Je ne veux pas que de belles entreprises françaises, innovantes, se délocalisent totalement ou partiellement. Certes, parfois, il faut savoir s’implanter sur d’autres continents pour conquérir des marchés. Mais le patrimoine et la richesse d’une entreprise, ce sont avant tout les femmes et les hommes qui la font vivre, les entrepreneurs, les chercheurs, leur savoir-faire collectif et individuel. Et je tiens à ce que ce patrimoine et cette richesse restent en France. Notre ambition consiste à faire de l’industrie française de sécurité un poids lourd de notre puissance économique.

Aujourd’hui, il y a deux urgences pour notre filière. Tout d’abord, c’est le développement de nos PME et de nos start-up. Nous manquons d’ETI en France, notamment en raison de la faiblesse des capitaux disponibles pour le développement. Nous devons remédier à cette situation, car il n’est pas acceptable, comme je l’ai dit, que de jeunes entrepreneurs partent à l’étranger pour réaliser leur projet. Avec l’aide de la BPI, celle des grands groupes ici présents et celle de PME et d’investisseurs privés, nous devons offrir des outils de financement efficaces pour assurer le développement de nos entreprises. Des initiatives vont être prises en ce sens.

La deuxième urgence est la conquête des marchés étrangers. L’export est un enjeu central, qui engage la vitalité même de la filière. Celle-ci réalise 50% de son chiffre d’affaires à l’exportation : c’est déjà beaucoup, mais nous pouvons – et nous devons – faire mieux. Régulièrement, lorsque je rencontre mes homologues étrangers, ils ne manquent pas de faire l’éloge de nos savoir-faire techniques et opérationnels. Les événements de ces derniers mois l’ont une fois de plus démontré : nos moyens sont efficaces et notre technologie peut clairement faire la différence en cas de crise. Le ministère de l’Intérieur va donc soutenir les démarches visant à exporter notre production, notamment avec l’appui des attachés de sécurité intérieure en poste  dans les ambassades et les consulats. N’hésitez pas à les solliciter pour vous faire ouvrir des portes. La DCI et la DMIS sont également là pour vous soutenir et vous accompagner dans vos initiatives.

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Aujourd’hui, nous en sommes à la deuxième feuille de route du CoFIS, pour la séquence 2016-2017. Dès lors, ces premières Assises reprennent les objectifs fixés lors de la réunion du CoFIS du 1er décembre dernier. Quatre axes structurants avaient alors été adoptés, pour mieux répondre à la concurrence américaine, israélienne ou chinoise, particulièrement virulente :

  • Mieux faire connaître notre savoir-faire en matière d’industrie de sécurité. Je pense bien sûr, comme je l’ai dit, à la valorisation des PME et des acteurs locaux de la filière.
  • Soutenir le développement d’une offre innovante, adaptée aux défis actuels.
  • Développer une base industrielle de sécurité la plus large et la plus forte possible.
  • Enfin, aider les acteurs à accéder aux marchés nationaux ET internationaux.

Nous progressons donc. La sécurité a ainsi été intégrée parmi les priorités du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA-3). J’ai moi-même obtenu du Président de la République et du Commissaire général à l’investissement que la sécurité constitue une thématique à part entière dans le futur PIA. A cet égard, je veux remercier Louis SCHWEITZER qui a pris sans attendre la décision de lancer un appel à projets spécifique, dès le début du mois d’octobre, dans le cadre des « Projets industriels d’avenir » (PIAVE) du deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA-2). Cet appel à projets sera très bientôt publié, et j’espère que nous recevrons des propositions compétitives, d’un excellent niveau d’innovation et associant tous les acteurs concernés.

Les axes qui ont été retenus portent sur des sujets majeurs pour la sécurité de la nation : l’identité numérique, la cyber-sécurité des systèmes industriels, la protection des sites, le big data, la sécurité maritime. Désormais, c’est à vous de faire des propositions à la hauteur de ces enjeux.

Je rappelle que ces financements directs et ces avances remboursables contribuent non seulement à renforcer la compétitivité de nos filières stratégiques (notamment de nos PME et de nos ETI), mais aussi à favoriser le développement et l’industrialisation de produits innovants à fort potentiel économique et en termes d’emplois. Ils peuvent s’inscrire dans des démarches collectives, ancrées dans les territoires. A cet égard, il est indispensable d’y associer les universités et les centres de recherche, qui ont beaucoup à nous apporter et qui, par conséquent, ne doivent pas rester à l’écart du mouvement que nous avons initié.

L’étude de 2015 identifiait une dizaine de segments tirant la croissance de la filière et trois secteurs pouvant créer plus de 50.000 emplois d’ici 2020 : les systèmes et produits, la cyber-sécurité et les services. Tout en restant prudents dans les prévisions, nous ne devons négliger aucune piste de croissance ni de création d’emplois qualifiés et pérennes. Votre rôle est donc absolument décisif, et le programme d’investissements d’avenir doit être l’occasion d’une montée en puissance collective.

Nous devons également chercher des financements auprès de l’Europe, que ce soit dans le cadre du Plan JUNCKER, du marché unique numérique, d’Horizon 2020 ou bien d’Eureka. Les conditions d’éligibilité et les dossiers de financement peuvent paraître certes complexes et lourds, et je sais que certains candidats ont été déçus voire lassés. Je leur réponds que, dans ce genre de procédures, il ne faut pas hésiter à solliciter les acteurs de l’Etat dont la mission est de vous aider à faire aboutir vos projets. J’ajoute que, les fonds européens provenant de la contribution française au budget communautaire, il serait particulièrement regrettable que nous ne bénéficiions pas d’un retour sur investissement.

Je pense notamment au programme Horizon 2020, doté de 370 millions d’euros pour la seule période 2016-2017 et couvrant tous les domaines de la protection des infrastructures critiques, de la sécurité et de la sécurité numérique. Le programme 2018-2019, en cours de préparation, poursuivra dans cette direction en mettant l’accent sur la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et la cybercriminalité.

Tout ceci nécessite au préalable d’établir un référentiel des besoins des services et des grands acteurs de la sécurité. Car il ne servirait à rien de structurer une filière d’excellence sans un retour d’information du terrain. Il nous faut ANTICIPER sur les besoins réels des forces de sécurité, mais aussi des grands opérateurs d’infrastructures, des grandes sociétés de sécurité privée et des collectivités territoriales. Grâce au CoFIS, nous avons déjà commencé à le faire, et les besoins identifiés ont été pris en compte par le PIA et les programmes de l’Agence nationale pour la recherche. Nous devons continuer en ce sens. A mes yeux, à l’heure où nous renforçons la fonction prospective au sein du ministère de l’Intérieur et où celui-ci organise ses grandes priorités à l’horizon 2030, c’est là une dimension fondamentale de notre travail collectif. C’est ainsi que nous serons en mesure de calibrer efficacement nos futurs investissements pour être les premiers à proposer sur le marché des produits et des services compétitifs et pleinement adaptés à la demande des professionnels.

Tel est l’esprit qui prévaut au sein du ministère, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons associé les industriels aux retours d’expérience réalisés après les attentats de 2015. C’est aussi pour cette raison que j’ai confié à la Délégation ministérielle aux industries de sécurité la mission de réaliser, en lien avec les directions générales, un deuxième Plan de modernisation de la sécurité intérieure, prolongeant l’effort entrepris dès 2013. Le premier Plan avait permis d’allouer 108 millions d’euros. Le second proposera une cartographie des besoins des services jusqu’en 2021, ce qui permettra aux entreprises de mieux orienter leur activité. Il s’agit tout simplement de concilier le temps long, celui de la réflexion, avec le temps court, celui de l’action.

J’ai eu l’occasion de le rappeler il y a quelques jours à l’ensemble des cadres du ministère réunis en séminaire : l’Intérieur n’est pas seulement le ministère de l’urgence, il doit être aussi celui de l’anticipation et par conséquence de la prévention. Les menaces auxquelles nous sommes confrontés ne cessent en effet de se transformer. Par conséquent, cette réalité mouvante nécessite une mise à jour permanente de nos cadres d’action et de réflexion, de telle sorte que nous puissions, dès maintenant, nous préparer à répondre aux grandes problématiques de sécurité qui bouleverseront le monde de demain. Nous le savons désormais : nous sommes entrés dans une ère nouvelle, qui appelle des dispositifs nouveaux. Pour ne pas subir, il n’y a qu’une solution qui vaille : ANTICIPER.

Je l’ai dit, le 5 juillet dernier, aux entrepreneurs que j’avais réunis au ministère pour les remercier de leurs réactions après les attentats, il y a trois domaines prioritaires :

  • la protection et l’équipement des intervenants ;
  • la cyber-protection des infrastructures et des systèmes qui concourent à la résilience de la nation ;
  • le développement des outils numériques permettant d’agréger et d’analyser les masses d’informations disponibles dans nos fichiers, sur Internet et sur les réseaux sociaux ou bien dans l’open data.

Autant de sujets qui nécessitent la mutualisation de nos efforts, de nos moyens et de nos intelligences.

Par ailleurs, je vous annonce que, dans les prochains jours, je signerai l’acte de naissance du volet industriel de la Garde nationale. Après le 13 novembre, vous aviez été nombreux à proposer de mettre votre expertise ou bien des ressources matérielles à la disposition des services de sécurité. Je vous en remercie chaleureusement. Voilà pourquoi nous avons décidé de mettre en place cette « Task Force industrielle », laquelle constituera une véritable réserve citoyenne avec un cadre juridique clairement défini.

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Nous avons donc des atouts précieux. Un savoir-faire exceptionnel, des femmes et des hommes hautement qualifiés, des technologies de pointe et une véritable tradition de l’innovation.

Ce qui aujourd’hui nous manque, c’est un sens plus marqué du collectif pour renforcer les financements et mieux soutenir nos entreprises à l’export. Telles sont les deux priorités qui doivent guider notre action dans les mois qui viennent, pour faire de la sécurité un domaine moteur de notre économie.

Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, la sécurité est l’affaire de tous. A cet égard, nos industriels,  nos chercheurs, les acteurs publics et privés se trouvent eux aussi en première ligne. Car, c’est vous qui donnez aux forces de sécurité les moyens d’accomplir leur noble mission au service de la France et des Français Votre mobilisation est indispensable.  Je vous remercie.