Intervention de Bernard Cazeneuve sur France Culture le 3 septembre 2014

Intervention de Bernard Cazeneuve sur France Culture le 3 septembre 2014

Le 03 septembre 2014, Bernard Cazeneuve était l'invité d'Olivier Danrey sur France Culture.


Olivier Danrey
Ministre de l’Intérieur. Comment réagissez-vous à cette critique assez virulente de votre choix de l’ultra-sécurité ?

Bernard Cazeneuve
Oui ! Enfin ce commentaire ne correspond à la réalité de ce que nous faisons.

Olivier Danrey
C’est une analyse ?

Bernard Cazeneuve
C’est une analyse, mais ça ne correspond pas du tout à la réalité. Je vais d’ailleurs prendre contact avec ce politologue pour le recevoir et lui expliquer ce que nous faisons, ce qui permettrait des commentaires plus équilibré et plus justes. Que faisons-nous ? Nous menons effectivement une politique préventive sur le contre-discours, nous le faisons d’ailleurs en lien avec la Commission européenne et notamment nos partenaires Britanniques -puisqu’il y a un coordonnateur Européen pour la lutte anti-terroriste, Yves de Kerkhov - et nous avons décidé, nous nous retrouvons d’ailleurs au mois d’octobre avec l’ensemble des ministres de l’Union européenne sur ce sujet, de coordonner nos actions en matière de contre-discours, ça veut dire : comment décrypter ? Ce que disait le politologue à l’instant ; quel type de contre-discours mettre en oeuvre pour faire en sorte que les gens ne basculent pas ? Deuxièmement, nous avons un travail très important à faire avec les représentants du Culte musulman, avec les imams qui profèrent un Islam modéré, qui connaissent l‘Islam, qui ne sont pas dans un dévoiement du texte de l’Islam pour conduire à la violence et, par ailleurs, lorsque nous détectons des signaux faibles, lorsque nous constatons que des jeunes dans des familles basculent, nous mettons en place localement – sous l’autorité du préfet et du procureur – un ensemble de moyens : l’éducation nationale, les missions locales, des moyens médicaux lorsqu’il s’agit de risques psychiatriques pour prévenir. Donc ce que dit ce politologue ne correspond absolument pas à la réalité et ce qu’il y a dans la loi, en termes de mesures sécuritaires, est moins important que tout ce qu’il n’y a pas dans la loi qui relève des politiques de prévention.

Olivier Danrey
Merci !

Marc Voinchet
… la question d’Abdelasiem El Difraoui, voilà, qui était interrogé par Claude Bidal.

Olivier Danrey
Donc, vous allez l’appeler ?

Bernard Cazeneuve
Eh bien je vais le voir, parce qu’il faut toujours faire très attention à ce que l’on dit de critiques sur les politiques qu’on conduit et aucun argument ne doit être négligé, méprisé, il faut toujours compte des critiques qui s’adressent aux politiques qu’on mène, expliquer et faire de la pédagogie.

Marc Voinchet
Vous avez eu, on l’a dit, une nuit courte, vous étiez à Villacoublay pour accueillir la petite Assia – une petite fille récupérée avec son père quelque part en Turquie et qui atterrissent ce soir, euh cette nuit, dans la nuit, à Villacoublay, qui renvoie… actualité qui renvoie à une autre tout de même. Il faudrait avoir évidemment votre commentaire et savoir au fond quels sont aujourd’hui les moyens d’action que vous avez-vous - mais pas seulement vous, vous Paris, Londres, les Etats-Unis - l’Etat islamique a donc tué un deuxième journaliste Américain et menace un otage Britannique, les diplomaties de Washington, de Londres et de Paris jugent abominables la vidéo de l’assassinat, et puis ?

Bernard Cazeneuve
Eh bien ce qui se passe à travers les actions de l’Etat islamique en Irak et au Levant, en Irak, en Syrie, est d’une monstruosité absolue, ce sont des exécutions en nombre, des décapitations, des exactions, des crucifixions, des persécutions de minorités, à l’instar de ce qui est advenu pour les Chrétiens d’Orient - mais pas seulement – et, par conséquent, il y a une mobilisation en effet de toutes les chancelleries occidentales pour faire en sorte que cela cesse. Il y a aussi…

Marc Voinchet
On est impuissants ? On est totalement impuissants ?

Bernard Cazeneuve
On n’est pas impuissants ! Puisque nous mettons en place des mesures, notamment en France, pour protéger nos ressortissants et que l’été a montré la force de la détermination de la France sur ce sujet à travers les initiatives multiples qui ont été prises par Laurent Fabius - ministre des Affaires étrangères – qui a essayé de faire en sorte que, sur le plan humanitaire, sur le plan diplomatique, l’Europe fasse entendre sa voix, donc la France a été, grâce à l’action de Laurent Fabius, à l’avant-garde, à l’initiative et nous mettons tout en oeuvre pour que ce groupe terroriste ne s’empare pas des moyens d’un Etat.

Marc Voinchet
Alors une mère récupère en Turquie sa fille enlevée par son père dihadiste présumé, atterrissage dans la nuit à Villacoublay. Quelles sont les coulisses de ce genre d’opération, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur ?

Bernard Cazeneuve
D’abord il y a une femme qui est privée de son enfant depuis des mois, parce que cet enfant a été enlevé, en dépit d’une décision de justice, par son père, qui a emmené cet enfant sur le théâtre des opérations djihadistes en Syrie, donc cet enfant est tous les jours menacé…

Marc Voinchet
Assia ! La petite Assia.

Bernard Cazeneuve
Assia ! La petite Assia, une petite fille de quelques mois. La mère d’Assia, Meriem Rhaiem, qui est une mère courage, décide de récupérer son enfant et, lorsque je mets en place mon plan contre le basculement dans les groupes terroristes - avec la plateforme de signalement, qui est une plateforme préventive pour les familles - cette jeune femme, avec d’autres familles, vient me voir et elle me fait le récit de son drame ; A ce moment-là nous décidons de nous mobiliser à ses côtés, mais elle mène elle-même son propre combat - elle a un courage et une détermination, une force d’âme qui force ma propre admiration au cours des derniers mois – et elle décide de partir, elle décide de partir pour récupérer son enfant, parce qu’il y a des contacts avec le père ; nous la mettons en garde contre les risques qui s’attachent à ce déplacement, mais elle se déplace, et, à partir du moment où elle est aux frontières de la Syrie en Turquie, le Quai d’Orsay – comme mon ministère – estime que nous devons tout faire pour l’aider, la protéger, faire en sorte que cette affaire connaisse un dénouement heureux.

Marc Voinchet
Les autorités turques itou également ?

Bernard Cazeneuve
Mais les autorités turques…

Marc Voinchet
La coopération se fait immédiatement ?

Bernard Cazeneuve
J’estime que les turques ont été très aidantes dans cette affaire-là, le Quai d’Orsay a pris des contacts, moi-même j’ai eu un contact avec le ministre de l’Intérieur Turc qui venait d’être nommé dans la nuit d’avant-hier à hier - ce qui nous a permis de mobiliser toutes les chances – et cet enfant a été remis à sa mère hier après-midi ; et à ce moment-là j’ai pensé que, compte tenu de la personnalité du père, des menaces qui pesaient sur la mère, de la zone où cela se passait, qu’il était important que nous puissions assurer le retour de cette maman et de son enfant en toute sécurit et, avec l’accord du Premier ministre, nous avons envoyé un avion, des membres de mon cabinet sont partis en Turquie, ont récupéré cette jeune femme et son enfant et je suis allé les accueillir nuitamment à Villacoublay.

Marc Voinchet
Frédéric Metezeau !

Frédéric Metezeau
Oui ! Avant d’évoquer la question des flux migratoires, on va le voir qui est liée finalement à la situation en Irak, en Syrie et dans un certain nombre de pays en crise, encore une question sur ces djihadistes. Quelle est la priorité du gouvernement français, c’est empêcher ces jeunes Français de partir, c’est les empêcher de rentrer telles des bombes à retardement ou on joue sur les 2 leviers ?

Marc Voinchet
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur.

Bernard Cazeneuve
Je vais bien entendu les empêcher de partir ! C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place cette plateforme de signalement, c’est la raison pour laquelle nous inscrivons dès lors que des cas nous sont signalés ces cas, lorsqu’ils sont mineurs, sur le système d’informations Schengen - pour qu’il y ait une alerte européenne - et nous faisons en sorte que sur les territoires de ressort de ces jeunes et de leurs familles un accompagnement soit mis en place qui empêche le basculement ; pour les majeurs, il faut une disposition législative d’interdiction administrative de sortie du territoire, qui peut faire l’objet d’un recours en référé devant le juge administratif, c'est-à-dire que ce n’est pas attentatoire à la liberté d’aller et venir, il y aune possibilité de recours ; et puis il y a aussi la volonté qui est la nôtre de démanteler les filières par le gel des avoirs, par des possibilités d’investigation sur internet qui permettent d’entrer dans les réseaux et de voir qui recrutent qui, de faire en sorte aussi que nous puissions par la coopération entre les Services de Renseignements des pays de l’Union mais aussi avec les Services de Renseignements des pays de transit d’un certain nombre de groupes terroristes et les Services de Police d’identifier ceux qui sont à l’origine des recrutements ou d’actes terroristes et pouvoir démonter les filières. C’est donc une action globale, dans laquelle – je reviens à la question que vous me posiez au début de l’émission - il y a une dimension préventive très importante : travailler avec les représentants du Culte musulman à la formation d’imams pour éviter la radicalisation dans les prisons, faire en sorte que les prisons ne soient pas un lieu de radicalisation - et nous travaillons avec Christiane TAUBIRA à la mise en place de mesures qui permettent dans les prisons de faire en sorte que les détenus soient aussi accompagnés dans la réinsertion – c’est donc une politique globale qui a son volet préventif, qui a son volet sécuritaire et qui est destinée à faire en sorte aussi qu’avec l’Europe nous puissions ensemble être plus efficaces. Ca va jusqu’à la mise en place d’un PMR européen qui permet dans les aéroports… C’est quoi un PMR européen ? C’est une banque de données informatiques de passagers qui permet dans les aéroports d’identifier ceux qui passent, dont on sait qu’ils vont faire le djihad ou qui reviennent du djihad pour commettre des attentats, de manière à les neutraliser.

Marc Voinchet
Est-ce qu’il y a une couleur politique à ce genre d’action, on voit qu‘avec cette rentrée beaucoup de nos confrères commentateurs parlent de rentrée des classes, des couacs du gouvernement, ces ministres qui brisent les tabous de la gauche, vous êtes à la une - avec François Rebsamen - Bernard Cazeneuve du Figaro « ces ministres qui brisent les tabous la gauche » et notamment après vos déclarations sur la limitation du nombre d’immigrés ? Est-ce qu’il y a par exemple justement une manière d’appréhender, de gauche libérale ou de gauche de gauche, de gauche - je ne sais comment dire – d’un autre type de gauche, est-ce qu’il y a différentes manières de gauche de faire une politique sécuritaire ou est-ce qu’il n’y en a aucune, il n’y a qu’une politique sécuritaire et la prévention est une politique tout court ?

Bernard Cazeneuve
Moi je suis résolument de gauche et, à chaque fois que je prends une décision, j’interroge mes valeurs. Lorsque je prends des décisions concernant la lutte contre le terrorisme, je fais en sorte – et c’est pour moi essentiel, c’est une question d’engagement politique – que les libertés publiques ne soient pas remises en cause. Pourquoi ? Parce que, si je devais assurer la sécurité des Français en remettant en cause les libertés pour lesquelles des générations de Français, de Républicains, de Réformistes, de Progressistes se sont mobilisés, alors je ferais un cadeau extraordinaire au terrorisme dont le premier objectif est de remettre en cause les libertés auxquelles nous tenons. Et en matière de politique migratoire, j’ai vu ce titre, mais j’ai vu l’article dans lequel je vois des phrases qui n’ont rien à voir avec le titre – et c’est normal d’ailleurs parce que le titre n’a rien à voir avec la politique que je mène - quelle est la politique que je mène ? Je vais prendre un exemple très concret ! Lorsque je suis arrivé en situation de responsabilité, c’était également le cas de mon prédécesseur, il fallait 24 mois pour obtenir l’asile en France, 24 mois, le projet de loi que je viens de présenter au conseil des ministres et qui sera discuté au Parlement permettra de ramener le délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile à 9 mois ; Lorsqu’on était en procédure accélérée, il n’y avait aucune possibilité pour les demandeurs d’asile d’engager des recours permettant de suspendre leur éventuel retour vers leur pays d’origine, j’introduis ce recours suspensif, je donne des droits nouveaux pour la défense de ces migrants qui relèvent du droit d’asile, nous augmentons de 4.000 le nombre de places en centre d’accueil des demandeurs d’asile pour faire en sorte que l’accueil soit digne, nous supprimons la circulaire GUEANT – ce qui n’a pas échappé j’en suis sûr à la sagacité des journalistes du Figaro - nous mettons en place un titre pluriannuel de séjour pour éviter que les migrants aient à faire un parcours du combattant lorsqu’ils viennent en France. Et ce que je dis dans l’article de Libération d’hier…

Frédéric Metezeau
D’hier matin !

Bernard Cazeneuve
Qui a suscité l’article du Figaro d’aujourd’hui, c’est que la France ne peut pas seule accueillir tous ceux qui relèvent de l’asile, qui sont persécutés à travers le monde…

Marc Voinchet
Mais on a déjà entendu ça quelque part ?

Bernard Cazeneuve
C’est d’ailleurs la raison…

Marc Voinchet
On a déjà entendu ça autrefois…

Bernard Cazeneuve
Non ! Mais…

Marc Voinchet
Avec Michel ROCARD…

Bernard Cazeneuve
Non ! Non, non. Non ! Non, mais…

Marc Voinchet
Dont on avait tronqué la phrase et qui avait fait une polémique…

Bernard Cazeneuve
Non ! Non, pas du tout.

Marc Voinchet
Tout de même, souvenez-vous.

Bernard Cazeneuve
Mais il n’y a pas de polémique…

Marc Voinchet
« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde…

Bernard Cazeneuve
Non ! Non, mais qui a-t-il derrière cette…

Marc Voinchet
Mais il faut que la France y prenne sa part »…

Bernard Cazeneuve
Si vous voulez bien…

Marc Voinchet
Rappelait…

Bernard Cazeneuve
Si vous voulez bien me laisser aller au bout du raisonnement, pour peu que mon raisonnement vous intéresse, ce dont je ne doute pas puisque vous m’avez invité. Quelle est notre démarche ? Notre démarche consiste à dire, c’est ce que j’ai dit dans toutes les Capitales de l’Union européenne dans lesquelles je me suis rendu…

Frédéric Metezeau
Oui ! Vous étiez à Rome, Londres…

Bernard Cazeneuve
Voilà !

Frédéric Metezeau
Barcelone, Berlin…

Bernard Cazeneuve
Exactement !

Frédéric Metezeau
Et Bruxelles pour la Commission européenne.

Bernard Cazeneuve
Voilà ! Parce que je suis de gauche, désireux que les demandeurs d’asile qui sont persécutés soient accueillis dans les meilleures conditions en France et en Europe, parce qu’il n’y a pas de politique européenne de l’asile. J’ai dit quoi ? J’ai dit que je souhaitais que l’on mette en place au sein de l’Union européenne une politique de l’asile qui permette, en lien avec le HCR et en fonction des attaches, des pratiques linguistiques, de l’histoire de chaque famille, de faire en sorte que nous puissions répartir les demandeurs d’asile au sein des pays de l’Union européenne, en tenant compte aussi de l’effort consenti par chacun d’eux, c'est-à-dire faire en sorte enfin que l’Europe ait une politique de l’immigration et de l’asile qui fasse en sorte que l’Europe soit en conformité aux valeurs des pères fondateurs. Vous conviendrez avec moi qu’il y a des manières plus brutales de faire tomber des tabous et de divorcer des idéaux…

Marc Voinchet
Oui ! Mais…

Bernard Cazeneuve
De la gauche et de l’Europe.

Marc Voinchet
Mais que voulez-vous dire toute de même, toujours dans Libération monsieur le ministre, quand vous dites que vous êtes parfois irrité par – je vous cite – une gauche de posture qui manque de maturité et qui ne raisonne pas en termes d’efficacité ?

Bernard Cazeneuve
Mais ce que je veux dire très concrètement c’est que, lorsque…

Marc Voinchet
Là, ça fait vroums (phon) dans le…

Bernard Cazeneuve
Non ! Mais je vais dire très concrètement… Je vais prendre un exemple très concret, moi je suis porteur d’une loi sur l’asile dont je viens de vous donner les principales mesures. Mais une fois que les personnes qui ont fait leur demande d’asile n’ont pas obtenu l’asile en France, elles ont été déboutées du droit d’asile parce qu’elles proviennent de pays où il n’y a pas de persécution, que l’asile est utilisé, instrumentalisé à des fins d’immigration d’une autre nature, est-ce qu’il faut que tous les déboutés du droit d’asile restent en France et que nous ne procédions pas à la reconduite de ces déboutés du droit d’asile vers leur pays d’origine, en prenant d’ailleurs toutes les précautions de droit, d’encadrement pour que cela se fasse de façon humaine ? Si nous disons cela ça veut dire que ce n’est plus la peine d’avoir un droit d’asile en France, puisque tous ceux qui y viennent, que l’asile soit appliqué ou pas, ont vocation à rester, ça ce n’est pas responsable. Parce que si l’on fait cela, il n’y a plus de soutenabilité de la politique de l’asile en France, le droit d’asile lui-même n’a plus de sens, nous créons les conditions d’une confusion qui est une porte ouverte à toutes les instrumentalisations de la droite et de l’extrême droite. Et moi je ne traite pas de la question de l’immigration, de la question des étrangers en France, des difficultés de Calais - comme d’autres l’ont fait – en survolant ce que l’on a appelé « la jungle » en hélicoptère, en allant convoquer les émotions et les instincts précisément parce que je suis de gauche, moi je ne suis pas quelqu’un qui tous les jours sur ce sujet instrumentalise les questions à des fins de politique intérieure pour faire en sorte de susciter tous les… populistes - d’autres l’ont fait, nous, nous ne le faisons pas – et je le ne fais pas parce que je suis de gauche et que je pense que sur la question de l’immigration il n’y a qu’un arrêt qui est possible, c’est l’arrêt République, et j’invite tous ceux qui en France souhaitent que la France reste conforme à ses valeurs et à ses traditions à descendre à l’arrêt République et l’arrêt République ce n’est pas l’arrêt Irresponsabilité et démagogie.

Frédéric Metezeau
Sur la question de Calais vous êtes tombé d’accord on va dire avec la sénatrice-maire UMP de Calais pour rouvrir un centre d’accueil de jour pour les migrants et un centre d’hébergement de nuit pour les femmes et les enfants, vous rappeliez le 29 août dernier, vous disiez qu’on ne pouvait pas ouvrir de centre parce que c’était un nouveau point de convergence des migrants, qu’est-ce qui a changé et qu’est-ce qui va changer par rapport à Sangatte ?

Bernard Cazeneuve
Non ! Moi je n’ai pas du tout…

Marc Voinchet
Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur.

Bernard Cazeneuve
Ce sujet que vous évoquez-là est un sujet très important qui mérite, encore une fois, de la pédagogie. Moi je ne veux pas créer un point de convergence des migrants qui conduit de plus en plus de migrants à venir sous l’impulsion de plus en plus de réseaux, de filières d’immigration irrégulière, avec un point de convergence qui devient un terrain de jeu des passeurs, c'est-à-dire un terrain de jeu des organisations du crime qui prélèvent un impôt sur la mort sur des migrants désespérés en les mettant sur des embarcations de fortune en Méditerranée - avec les conséquences que l’on sait – ça je ne le veux pas. En revanche il y a une situation humanitaire à Calais et précisément, parce que je suis de gauche, je souhaite qu’on la traite autrement que par le passé…

Frédéric Metezeau
Et donc on rouvre un Sangatte ?

Bernard Cazeneuve
Non ! Qu’est-ce que je propose très concrètement ? Je propose : 1) que ceux qui sont à Calais, qui relèvent de l’asile, soient invités à demander l’asile en France, c’est la raison pour laquelle j’ai augmenté et je vais continuer à le faire les moyens de l’OFRA – c'est-à-dire de l’Organisme Français qui gère les demandeurs d’asile – à Calais pour qu’il y ait un contre-discours par rapport à celui des passeurs, c'est-à-dire que nous ayons des moyens relevant de notre administration pour dire aux migrants : « demandez l’asile en France parce que vous n’avez pas de chance de passer en Grande Bretagne », premièrement - et nous pourrons ainsi répartir ces demandeurs d’asile dans des centres pour demandeurs d’asile partout en France en créant les conditions de leur intégration dans la société française et en mobilisant tous les moyens pour cela ; 2°) il y a ceux qui ne relèvent pas de l’asile, qui sont là emmenés par les filières de l’immigration irrégulière, qui n’ont pas vocation à rester en France, il y aura des reconduites à la frontière ; 3°) je mets des moyens policiers pour démanteler les filières de l’immigration irrégulière, nous avons démantelé 25 % de filières supplémentaires depuis le début 2014 par rapport à 2013, c’est plus de 1.370 interpellations sur 8 mois, ces résultats sont exceptionnels : Enfin – et je termine par là – il y a une situation humanitaire difficile, donc moi je ne veux pas qu’il y ait des gens qui meurent de faim, qui soient dans une situation sanitaire et médicale qui les exposent, avec des enfants notamment exposés à des risques, et par conséquent je suis tout à fait favorable à ce qu’on mette en place un accueil de jour et un hébergement pour les femmes et les enfants les plus vulnérables, c'est-à-dire le contraire d’un grand centre qui est un point de convergence. Donc, je n’ai pas changé d’avis. J’ai essayé d’expliquer cela aux élus de Calais pour trouver avec eux un point qui permet de travailler ensemble, parce que je souhaite créer les conditions - non pas de querelles politiciennes mais d’un rassemblement de l’Etat et de toutes les collectivités locales - pour apporter des solutions et je me réjouis de cet esprit de dialogue, l’ouverture de responsabilité permet d’avancer avec les élus de Calais et l’Etat prendra ses responsabilités.

Frédéric Metezeau
Pour boucler la boucle…

Marc Voinchet
… (propos incompréhensibles)…

Frédéric Metezeau
Oui ! Avec le début de notre propos, Bernard Cazeneuve, vous évoquez régulièrement la coopération avec les pays sources. Comment on peut coopérer avec la Syrie de Bachar El-ASSAD sur la question des réfugiés, ils sont des milliers, des millions à être partis, comment on peut coopérer avec l’Irak où l’état est complètement défaillant ?

Bernard Cazeneuve
C’est très difficile de coopérer avec des états qui sont dirigés par…

Frédéric Metezeau
Ou la Somalie !

Bernard Cazeneuve
Sanguinaires, c’est très difficile de travailler avec des pays qui n’ont plus d’état. Mais il y a beaucoup de pays dans la bande sahélo-saharienne avec lesquels nous travaillons, nous étions en Mauritanie au mois de mai, il y avait le Sénégal, il y avait le Burkina Faso, il y avait la Tunisie et nous avons parlé tous ensemble de la manière d’assurer un meilleur contrôle des frontières et des flux dans ces pays de transit, ça c’est un travail que nous faisons et qui est fondamental..

Frédéric Metezeau
Et la Turquie !

Bernard Cazeneuve
Et la Turquie, etc., si nous voulons réussir ce que j’ai essayé d’engager au sein de l’Union européenne.

Marc Voinchet
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, dois-je vous dire merci pour ce moment…

Bernard Cazeneuve
Mais c’est à moi de vous dire merci…

Marc Voinchet
Titre du livre de Valérie Trierweiler qui sort aujourd’hui sur les coulisses de l’Elysée ?

Bernard Cazeneuve
C’est à moi de vous dire merci pour cette excellente interview.

Marc Voinchet
Vous le craignez ce livre de « Merci pour le moment » de Valérie Trierweiler, PARIS MATCH a promis les premières feuilles dans quelques instants.

Bernard Cazeneuve
Pour le cas où ça vous aurait échappé, je viens de vous dire au revoir.

Marc Voinchet
Ah ! Ah, ah, bien joué. Au revoir, monsieur le ministre…


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