Intervention de Bernard Cazeneuve sur Europe 1 le 2 juin 2014

2 juin 2014

Jean-Pierre Elkabbach
Bienvenue monsieur le ministre de l’Intérieur.Tellement sollicité Bernard Cazeneuve, bonjour.

Bernard Cazeneuve
Bonjour.

Jean-Pierre Elkabbach
Les policiers européens et donc français cherchaient le tueur de Bruxelles, les douaniers de Marseille l’ont arrêté, il était armé. Est-ce qu’il était prêt à agir à nouveau en France ?

Bernard Cazeneuve
Il était armé visiblement,compte tenu des actes qu’il avait déjà perpétrés, il n’était pas animé d’intentions pacifiques, donc il était extrêmement dangereux.Il aurait pu effectivement continuer à agir.Il est probable qu’il aurait continué à agir.

Jean-Pierre Elkabbach
Est-ce que pendant la garde à vue,il commencé à parler ou pas encore ?

Bernard Cazeneuve
La garde à vue est en cours. Moi, je n’ai pas à donner d’information sur la manière dont elle se passe.L’enquête se déroule, elle se déroule dans des conditions qui sont exigeantes de la part des enquêteurs...

Jean-Pierre Elkabbach
C'est-à-dire exigeantes ?

Bernard Cazeneuve
Nous voulons tout savoir et nous voulons tout comprendre. Parce que c’est la bonne manière d’éviter que de tels actes ne se reproduisent.

Jean-Pierre Elkabbach
Est-ce qu’il avait à Marseille ou dans le sud-ouest ou dans le sud-est des points d’accueil ? Ou est-ce qu’il avait l’intention d’aller peut-être traverser la Méditerranée ?

Bernard Cazeneuve
Il avait plutôt le profil de ce que l’on appelle le « loup solitaire » mais l’enquête dira s ’il a bénéficié ici ou là de complicités.

Jean-Pierre Elkabbach
Alors il était sans domicile fixe, il l’a dit, apparemment, il traversait l’Europe et la France avec son sac, sa caméra, ses armes. Ils sont comme lui, à peu près 1500 en Europe, dans toute l’Europe, des terroristes itinérants, qui traversent les frontières. Est-ce que la traque policière,vous le dites ce matin, continue et obtient quelquefois des résultats en plus de Nemmouche bien sûr ?

Bernard Cazeneuve
Mais la traque policière obtient des résultats, elle s’accomplira sans trêve, ni pause. A l’heure où je vous parle là, à l’instant, il y a des arrestations en Ile de France et dans le Sud de la France, d’acteurs qui ont pu recruter et agir sur le théâtre de ses opérations djihadistes en Syrie. Je veux le dire à votre antenne, le combat, la lutte contre les terroristes s’accomplira en France, mais aussi partout en Europe, sans trêve, ni pause. Nous le ferons par la mobilisation de tous nos services. Ce qui s’est passé à Marseille avec la capture de Mehdi Nemmouche, c’est un travail déterminé des services de la douane, des forces de sécurité intérieure, des services de renseignements parce que nous avons donné instruction à tous ces services de travailler ensemble pour que la traque soit totale et que les résultats soient là. Et ce sera également le cas dans toute l’Europe, parce que nous avons décidé les ministres de l’Intérieur et nous, nous retrouverons à Luxembourg mercredi, de ne laisser aucune chance à ces terroristes.

Jean-Pierre Elkabbach
Bernard Cazeneuve vous avez dit qu’en ce moment même, il y a des agents recruteurs qui sont arrêtés ?

Bernard Cazeneuve
Il y a des gens qui recrutent des djihadistes, il y a des personnes qui vont sur le théâtre des opérations, je vous le redis très clairement, cette lutte se fera sans trêve, ni pause.

Jean-Pierre Elkabbach
Non, non, non, mais attendez, en Ile de France, dans le Midi, dans différentes villes de France, où ?

Bernard Cazeneuve
Il y a à l’heure où je vous parle, des arrestations en Ile de France et dans le sud de la France. Je n’en dirais pas plus, parce que je vous ai dit des choses très claires, très simples, ensuite, il y a des procédures, le bon déroulement de ces procédures suppose que je n’en dise pas davantage.

Jean-Pierre Elkabbach
Non, mais combien sont-ils ?

Bernard Cazeneuve
Il y en a 4 d’arrêtés ce matin.

Jean-Pierre Elkabbach
C'est-à-dire qu’alors on en trouve en Ile de France, dans le sud etc. Ils sont partout ? Les recruteurs et les terroristes potentiels ?

Bernard Cazeneuve
Mais Jean-Pierre Elkabbach nous agissons partout, le combat contre ces terroristes sera total. Et je vous le redis, je ne le dis pas à vous, vous n’êtes pas une menace, mais à tous ceux qui pensent pouvoir échapper aux mailles du filet, nous agirons de façon résolue pour les arrêter et les neutraliser.

Jean-Pierre Elkabbach
Donc c’est une guerre que vous voulez mener avec les Européens. Mais vous voyez bien ce que ça veut dire ! C’est une guerre de religions et de civilisations ?

Bernard Cazeneuve
Non,ce n’est pas une guerre de religions et de civilisations, parce que l’Islam n’a rien à voir avec ces agissements. Ces agissements, ils sont le résultat d’un enfermement dans une violence radicale qui aurait pu prendre d’autres formes qu’une forme religieuse, de la part de jeunes qui n’ont aucune culture religieuse. Et l’islam n’a rien à voir avec leurs comportements. Et nous avons d’ailleurs besoin de l’islam de France qui est un islam modéré, respectueux des valeurs de la République pour nous aider dans ce combat, et d’ailleurs les représentants du culte musulman en France nous aident dans ce combat, et ce serait trop facile de procéder à des amalgames.

Jean-Pierre Elkabbach
C’est le ministre des Cultes, Bernard Cazeneuve, qui en parle. Donc la police a repéré des filières clandestines de recrutements qui aident Merah, Nemmouche, qui les hébergent, les protègent, les arment et peut-être les financent. C’est ce que vous dites déjà, vous ne les lâcherez pas ?

Bernard Cazeneuve
Mais nous ne les lâcherons pas. Et nous agissons de manière à ce que nous puissions démanteler tous les acteurs de ces filières. Ceux qui financent ces filières, les trafiquants de drogue et ceux sont des acteurs de la grande criminalité et qui vont dans la grande délinquance chercher le moyen de financer ces actes abjectes. Et d’ailleurs on a vu quel était le profil de Mehdi Nemmouche, c’est d’abord et avant tout un malfrat qui s’est transformé en terroriste.

Jean-Pierre Elkabbach
Le problème c’est de savoir pourquoi il s’est transformé ? Et qui l’a transformé ?

Bernard Cazeneuve
Et il faut absolument démanteler ceux qui financent, ceux qui recrutent, ceux qui font la guerre en Syrie.

Jean-Pierre Elkabbach
Aujourd’hui, Bernard Cazeneuve la société est inquiète et les juifs français d’abord, car ils sont les premiers assassinés, on l’a vu Bruxelles et on l’a vu à Toulouse. Ce matin, est-ce que vous renforcez les bâtiments de la République, le public, les métros, les trains etc. et surtout est-ce que vous continuez de protéger sérieusement les sites des religions ?

Bernard Cazeneuve
Bien entendu, d’ailleurs,je comprends parfaitement l’inquiétude des Juifs de France et je recevrais comme je l’ai fait au cours des dernières semaines, des derniers jours, les représentants à la fois du CRIF, du Consistoire ce soir à Beauvau pour leur donner toutes les informations dont je dispose. J’ai renforcé la protection de tous les lieux de culte, mais pas seulement, des écoles, d’un certain nombre de lieux sensibles. On doit cette protection et nous allons continuer à témoigner de la plus grande vigilance.

Jean-Pierre Elkabbach
Pour cette lutte, Bernard Squarcini qui est l’ancien patron de la DCRI, suggère dans LE FIGARO, une réforme de l’anti-terrorisme pour agir en amont dit-il et mettre hors circuit les acteurs ou les auteurs potentiels d’attentats. Il propose la création d’une nouvelle infraction qui prendrait en compte plusieurs faits matériels, je les cite très vite : consultation de site Internet, acquisition de produits explosifs, repérages de cible, entraînement militaire, mouvement financier suspect, est-ce que vous le voulez ?

Bernard Cazeneuve
Mais c’est l’objet de mon plan que de prévoir cela. Il sera présenté en conseil des ministres le 25 juin. Et ce plan précisément, il prévoit au terme de rencontres que j’ai pu avoir, y compris d’ailleurs avec le juge TREVIDIC des dispositions législatives nouvelles...

Jean-Pierre Elkabbach
Qui ressemblent à celles-là ?

Bernard Cazeneuve
Mais bien entendu, parce qu’aujourd’hui, l’incrimination d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ne suffit pas à être assuré qu’on aura la bonne incrimination pénale pour ceux qui comme Mehdi Nemmouche agissent seul. Et il faut que nous puissions aujourd’hui, nous armer pour faire en sorte qu’il n’y ait aucun trou dans la raquette. C’est l’objectif de mon plan.

Jean-Pierre Elkabbach
Ils agissent seul, mais en même temps il y a des complices et des chefs.

Bernard Cazeneuve
Et d’ailleurs je voudrais dire un mot sur ce sujet, parce que nous sommes dans un combat très dur, et il faut que les Français se rassemblent autour de ce combat. Les dispositions législatives que je veux présenter, je souhaite que tous Républicains de droite et de gauche contribuent à améliorer ce texte, il y a sans doute des choses à améliorer et à se rassembler autour de la volonté qui est la mienne de faire en sorte que le combat soit total et que cette guerre contre les terroristes soit gagnée.

Jean-Pierre Elkabbach
Un des premiers combats n’est-il pas mené dans les prisons françaises ? Thomas en parlait ce matin, on sait depuis longtemps que la prison forme des djihadistes. Nemmouche a été à 5 reprises détenus et là, il a été formé. Et c’est d’ailleurs trois semaines après sa sortie de prison qu’il est parti par la Syrie et vers la Syrie. Est-ce que ce n’est pas en prison que s’établissent les contacts et en même temps les filières ?

Bernard Cazeneuve
Non, pardonnez-moi de vous dire que la prison n’est pas là pour former des djihadistes, mais il est vrai qu’en prison, il y a la diffusion d’une pensée radicale. Parce qu’il y a des détenus qui sont eux-mêmes déjà radicalisés et qui s’emploient à évangéliser d’autres détenus et d’autre part, ces contacts conduisent à des comportements du type de celui de Nemmouche. Donc il faut agir par rapport à cela. C’est également, dans mon plan, comment agir ? Comment agir ? Agir d’abord en faisant en sorte, qu’il y ait des imans formés qui savent ce qu’est l’islam, qui en ont la culture, qui aillent expliquer cela dans les prisons. C’est fondamental d’avoir un contre-discours. J’organiserai cela, c’est dans mon plan et je le ferais...

Jean-Pierre Elkabbach
Et en même temps formé en plus dur les personnels pénitenciers qui sont les premiers témoins.

Bernard Cazeneuve
Absolument ! Et je le ferais en liaison avec Christiane Taubira puisque nous avons décidé d’agir ensemble sur ce point.

Jean-Pierre Elkabbach
Est-ce que vous accorderez, ou est-ce qu’il faut accorder l’extradition à la Belgique de Mehdi Nemmouche ?

Bernard Cazeneuve
Ce serait logique si la Belgique le demande dans le cadre des procédures judiciaires en cours que cela lui soit accordée.

Jean-Pierre Elkabbach
Et s’il y a coordination entre pays européens, qui doit juger l’auteur d’un attentat ? Le pays où il a commis l’acte, ou le pays où il a été arrêté ?

Bernard Cazeneuve
Mais il y a des procédures judiciaires pour ça, des procédures d’extradition, par exemple pour Mehdi Nemmouche, un mandat d’arrêt lui sera possiblement signifié au
terme de sa garde à vue, qui permettra à la Belgique de le juger, si elle le souhaite.

Jean-Pierre Elkabbach
Je vous pose une dernière question qui est politique, parce qu’on entend des tas de bruits. Est-ce qu’il est vrai qu’il y a au-dessus de vous, deux présidents de la République ? Un qui est élu et légitime et l’autre qui est nommé ?

Bernard Cazeneuve
Mais d’abord les deux ont été élus et il y en a un qui est président de la République et l’autre Premier ministre. Et vous êtes un trop fin observateur de la vie politique, pour ne pas l’avoir vous-même discerné.

Jean-Pierre Elkabbach
Oui.

Bernard Cazeneuve
Le reste n’est que commentaire de petite politique.

Thomas Sotto
Merci, beaucoup Bernard Cazeneuve d’être venu ce matin, en direct sur EUROPE 1. Est-ce que Mehdi Nemmouche a été arrêté par hasard par les douaniers ?

Bernard Cazeneuve
Mais non, mais ça, c’est vraiment, est-ce que l’on peut sur ces sujets...

Jean-Pierre Elkabbach
La réponse a été donnée hier par le ministre dans sa conférence de presse et sur FRANCE 2, je n’avais pas envie de revenir là-dessus. Il n’y a pas de coup de bol !

Bernard Cazeneuve
Puisque Thomas Sotto me pose la question, je lui réponds. Nous sommes sur des sujets sérieux, nous l’avons arrêté, c’est quand même une bonne nouvelle qu’il ait été arrêté, 6 jours après qu’il a commis ses actes et...

Thomas Sotto
Ça on est d’accord, mais vous savez qu’il était dans le bus ou pas ?

Bernard Cazeneuve
Thomas Sotto, quelques minutes après qu’il a mis les pieds sur le sol français. Pourquoi ? Parce que tous les ministres qui ont décidé d’agir ensemble contre la drogue, contre le crime organisé, contre le terrorisme, ont décidé de faire travailler leurs services ensemble. Nous, nous parlons les ministres, j’ai donné de instructions très fermes à mes services pour que l’on travaille de façon efficace. Et aujourd’hui je me réjouis qu’il ait été arrêté en France.

Jean-Pierre Elkabbach
Continuez à en arrêtez d’autres ! Il faut en arrêter d’autres, il y en a 776...

Bernard Cazeneuve
Mais c’est ce que l’on fait.

Thomas Sotto
Merci, Bernard Cazeneuve d’être venu ce matin, sur EUROPE 1, merci à vous et bonne journée !

Jean-Pierre Elkabbach
Et bon anniversaire !

Bernard Cazeneuve
Merci, Jean-Pierre.