Intervention de Bernard Cazeneuve sur Europe 1 le 04 avril 2014

4 avril 2014

Interview du ministre de l'Intérieur par Jean-Pierre Elkabbach, Europe 1 le 04 avril 2014


Jean-Pierre Elkabbach
Qu’est-ce que je lui dis d’abord, bienvenue, merci d’être là pour la première fois.
Bernard Cazeneuve
Bonjour.
Jean-Pierre Elkabbach
Bernard Cazeneuve bonjour.
Bernard Cazeneuve
Bonjour.
Jean-Pierre Elkabbach
Vous, Bernard Cazeneuve, vous, ministre l’Intérieur, est-ce que le premier surpris, ça n’a pas été vous ?
Bernard Cazeneuve
Vous savez dans la vie politique, tout est possible. Et la vie politique réserve des surprises, mais c’est une fonction dans laquelle je me sens bien.
Jean-Pierre Elkabbach
On attendait X, Y, Z, Jean-Yves LE DRIAN a suggéré votre nom, selon Manuel VALLS, le président de la République, vous a choisi. Mais qui vous a informé ? Qui vous a dit pour Beauvau, Bernard, c’est toi ?
Bernard Cazeneuve
C’est le Premier ministre.
Jean-Pierre Elkabbach
Il vous l’a dit ?
Bernard Cazeneuve
Absolument ! C’est d’ailleurs pour ça que je suis là….
Jean-Pierre Elkabbach
Alors au conseil des ministres, vous étiez jusqu’à présent 39, tout à l’heure dans une heure et demie vous allez être 16. Il va y avoir du vide, et surtout peut-être une nouvelle manière de gouverner non ?
Bernard Cazeneuve
Le président de la République et le Premier ministre ont souhaité, après l’avoir annoncé, un gouvernement resserré. C'est-à-dire une nouvelle manière de gouverner, plus de délibération et plus de rapidité, dans l’exécution. Parce que nous sommes dans une période redressement, il faut rechercher l’efficacité.
Jean-Pierre Elkabbach
Où vous voyez du redressement ?
Bernard Cazeneuve
Le redressement des comptes publics, je m’y suis engagée dans mes fonctions précédentes, vous l’avez déjà oublié ?
Jean-Pierre Elkabbach
Justement, non pas du tout, parce qu’à Bercy…
Bernard Cazeneuve
Le redressement de notre économie, le redressement de notre appareil productif…
Jean-Pierre Elkabbach
Bernard Cazeneuve, vous passiez pour un tueur de gaspillage et de coût et vous aviez même verrouillé la liste des 50 milliards d’économie à faire en 3 ans. Est-ce qu’elle est vraiment prête cette liste ? Il y a vraiment 50 milliards d’économies ?
Bernard Cazeneuve
J’ai fait mes propositions, mais un autre ministre est en charge de ce dossier, mais j’ai travaillé beaucoup au cours des dernières semaines, pour faire en sorte que nous ayons ces 50 milliards d’économie et je l’ai fait…
Jean-Pierre Elkabbach
Et on les a ? Vous les avez ?
Bernard Cazeneuve
J’ai fait mes propositions, il y a des arbitrages qui doivent être rendus par le président de la République et le Premier ministre. Mais je l’ai fait avec un souci : sauver le modèle social français, assurer la montée en gamme de nos services publics parce que 50 milliards ce n’était pas une punition, c’était le moyen de faire en sorte que nos déficits se réduisent et que nous assurions la soutenabilité du modèle social français et de nos services publics.
Jean-Pierre Elkabbach
Mais ça va être douloureux pour les Français ? On le dit ?
Bernard Cazeneuve
Mais sauver le modèle social français, en faisant des efforts, ce n’est pas douloureux, c’est une nécessité et c’est aussi la manière encore une fois de faire en sorte que ce à quoi nous tenons le plus, le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, les services publics et le modèle social français, soient sauvés. C’est ce à quoi les Français tiennent.
Jean-Pierre Elkabbach
A Bercy, vous étiez le procureur des économies budgétaires, vous le montrez encore. A Beauvau pour la police, est-ce que vous allez devenir l’avocat de la dépense ?
Bernard Cazeneuve
Mais il faut que chaque ministre soit dans son ministère responsable du redressement des comptes et en même temps qu’il veille à ce que les fonctionnaires de son ministère aient les moyens. Et on peut avoir les moyens en procédant à des organisations…
Jean-Pierre Elkabbach
Oui, d’accord, mais est-ce que vous allez obtenir de votre successeur, Michel SAPIN, les moyens de faire fonctionner les forces de sécurité qui ont des difficultés, des voitures qui ne marchent pas, qui sont vieilles, les gyrophares qui ne tournent pas, l’essence, il n’y en a presque plus…
Bernard Cazeneuve
Mais vous allez venir passer une journée avec moi…
Jean-Pierre Elkabbach
Volontiers.
Bernard Cazeneuve
A la rencontre des gendarmes et des policiers, vous aurez une autre image que celle que vous venez de développer à l’instant. Mais le ministre de l’Intérieur doit bien entendu se battre pour que les forces de police et de gendarmerie, pour que les pompiers aient les moyens de fonctionner. Et j’ai bien l’intention de le faire. Et d’ailleurs lorsque j’étais ministre du Budget, le Premier ministre pourra vous le confirmer, j’ai toujours fait en sorte que ce ministère ait les moyens de fonctionner, parce que la sécurité pour tous, sur le territoire national, c’est un objectif avec lequel on ne peut pas….
Jean-Pierre Elkabbach
Bernard Cazeneuve, chacun de vos prédécesseurs avaient son réseau de policiers et d’experts près de lui. Est-ce que vous arrivez à Beauvau, certes avec beaucoup de bonne volonté, mais un peu candide. Est-ce que vous avez de l’expérience ? Pardon de vous le demander, mais est-ce que vous avez de l’expérience ? Dans ce domaine de la sécurité ?
Bernard Cazeneuve
Mais, j’ai quelques défauts, comme chacun d’entre nous, comme certains de mes collègues. Mais absolument pas candide. J’ai sur les questions de sécurité dans mes fonctions précédentes, locales eu à mettre en œuvre des politiques, elles ont fonctionné d’ailleurs, quand on regarde les résultats sur ma ville en matière de délinquance…
Jean-Pierre Elkabbach
Cherbourg.
Bernard Cazeneuve
Ils sont exemplaires et reconnus comme tels. Par ailleurs, lorsque j’étais ministre du Budget, j’ai eu à passer de longues heures avec Manuel VALLS pour faire en sorte précisément que son ministère ait les moyens de fonctionner. Eh bien, ce ministère est désormais le mien, et j’entends faire en sorte dans l’exercice de mes fonctions, que la sécurité pour tous soit une réalité sur le territoire national.
Jean-Pierre Elkabbach
Donc c’est un expérimenté qui va au ministère de l’Intérieur.
Bernard Cazeneuve
C’est un déterminé et ça compte la détermination, quand on est dans mes responsabilités.
Jean-Pierre Elkabbach
Alors on a vu que dès le premier soir, vous êtes allé sur le terrain. C'est-à-dire que vous allez le faire, vous aussi, souvent ? Vous allez être là, sur tout le territoire national ? Quand il le faudra ?
Bernard Cazeneuve
Mais je serais là beaucoup, souvent, partout où c’est utile. J’ai été dès le premier soir sur le terrain, je serais cet après-midi à la rencontre des fonctionnaires de la préfecture de l’Oise à Beauvais. Demain après-midi, je serais à la préfecture de police de Paris et je pense que le ministre de l’Intérieur doit être avec ses troupes, avec ses hommes au plus près du terrain, au plus près des Français, pour faire en sorte que l’autorité passe.
Jean-Pierre Elkabbach
Est-ce qu’à votre tour, vous allez vous mettre dans la peau d’un premier flic de France ? Tous les ministres de l’Intérieur ont voulu être le premier flic de France ?
Bernard Cazeneuve
Mais je suis responsable de cette administration et je n’entends pas le renier devant vous. J’en suis même très fier.
Jean-Pierre Elkabbach
Je le comprends, mais qu’est-ce que ça implique pour la sécurité des Français ? Parce qu’ils n’en peuvent plus d’une certaine forme de délinquance avec des cambriolages en pleine ville, et en plein jour dans les grandes et dans les petites villes ?
Bernard Cazeneuve
Ils attendent de la détermination, ils attendent des résultats. Nous avons mis en place une nouvelle politique, et c’est dans la continuité de cette politique que j’entends m’inscrire. Les zones de sécurité prioritaire, qui commencent à donner des résultats, vous évoquiez ma visite sur le terrain avant-hier, j’étais à Savigny la zone de sécurité prioritaire, c’est 55 % d’acte de délinquance en moins. Pourquoi ? Parce qu’il y a davantage de moyens, parce qu’il y a davantage de coopération entre la police, la gendarmerie et la justice. Parce qu’il y a une mobilisation des associations et des citoyens. Et cette politique donne des résultats, y compris d’ailleurs dans les zones les plus dangereuses.
Jean-Pierre Elkabbach
Mais c’est un effort qu’il faudra poursuivre ?
Bernard Cazeneuve
Mais il faudra poursuivre, amplifier, approfondir.
Jean-Pierre Elkabbach
Mais est-ce que vous donnez comme mission aux policiers et aux gendarmes bien sûr la sécurité, mais est-ce que vous leur demandez plus ? Vous avez parlé de résultats, vous leur demandez aussi des résultats ?
Bernard Cazeneuve
Mais il faut bien entendu, que l’administration soit mobilisée, pour obtenir des résultats et elle l’est. J’ai constaté à l’occasion de ma première visite, sur le terrain le haut sens du service public. La mobilisation des forces de police et de gendarmerie, ces hommes prennent des risques pour assurer la sécurité des Français…
Jean-Pierre Elkabbach
Mais qu’est-ce qu’il y a comme urgence, pour vous ? Et qu’est-ce qui devrait être la philosophie de l’action du ministre Bernard Cazeneuve, à l’Intérieur ?
Bernard Cazeneuve
L’urgence, c’est la sécurité pour tous les Français. Car la sécurité est le premier des droits. Elle est aussi la garantie que toutes les libertés pourront s’épanouir dans notre pays qui attache aux libertés dans la République, une importance particulière. Donc mon objectif c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de zone de relégation, qu’il n’y ait aucun point du territoire où la sécurité ne soit pas assurée, parce que lorsque les Français sentent qu’ils sont relégués, abandonnés, alors le sentiment d’insécurité augmente et la colère aussi. Et moi, je souhaite aussi être le ministre de l’apaisement, la sécurité c’est l’apaisement, c’est le rassemblement du pays, le ministre de l’Intérieur, c’est aussi le ministre de l’Etat, le ministre de l’apaisement.
Jean-Pierre Elkabbach
Les Français se plaignent et puis vous en parlez, des bandes organisées, qui viennent des pays de l’est qui s’attaquent en ce moment aux immeubles, aux appartements, aux bijoutiers, aux commerçants avec des armes et un culot manifeste, monstre ?
Bernard Cazeneuve
Il n’y aura pas de sanctuaire pour ces délinquants. Un plan a été mis en place en septembre 2013 de lutte contre les cambriolages, il conduit à toutes les structures de la police scientifique à agir ensemble pour élucider plus rapidement ces actes délictueux et nous avons ciblé plus particulièrement un certain nombre de bandes organisées et de délinquants qui savent que la République les rattrapera.
Jean-Pierre Elkabbach
Et là, où vous êtes, est-ce que vous lutterez aussi contre toutes les discriminations, l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme, tous les jours, il y a des signes nouveaux dans ce sens ?
Bernard Cazeneuve
Mais on ne négocie pas avec la République, ses principes et ses valeurs. Jamais ! La République est une et indivisible, elle suppose qu’en son sein, chacun puisse croire ou ne pas croire, et la laïcité d’ailleurs et la garantie de cela, et cela suppose aussi que la République soit capable de s’armer contre tous ceux qui veulent l’atteindre, l’atteindre dans ses valeurs, l’atteindre dans ses principes.
Jean-Pierre Elkabbach
Vous parlez beaucoup de la République, des valeurs etc. mais est-ce que ça veut dire que Bernard Cazeneuve saura faire preuve de fermeté, d’autorité et il fera, il acceptera qu’il y ait des sanctions, là où il faut, quand il faut ?
Bernard Cazeneuve
Mais…
Jean-Pierre Elkabbach
Est-ce qu’il faut vous associer à cela ?
Bernard Cazeneuve
Mais bien entendu. Tous ceux qui ont travaillé avec moi, dans mes responsabilités multiples, savent que l’autorité existe, elle n’est pas l’exubérance, elle n’est pas l’agitation, elle n’est pas l’énervement, elle est une sérénité, une précision, une rigueur. Mais l’autorité passera, l’autorité des forces de police doit s’incarner sur le territoire national, j’en suis le patron et lorsque des actes délictueux ont été commis, le droit doit passer et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs je suis très soucieux de la bonne articulation du travail entre les forces de police et de gendarmerie et la justice.
Jean-Pierre Elkabbach
Le droit et la justice. Alors justement, est-ce que vous demanderez vous, à être informé des évolutions des enquêtes en cours et même des écoutes ?
Bernard Cazeneuve
Mais moi, je souhaite que la justice puisse faire son travail de façon…
Jean-Pierre Elkabbach
Non, non, mais ça remontera jusqu’au ministre de l’Intérieur, le travail des enquêteurs, des OPJ, des officiers de police judiciaire ?
Bernard Cazeneuve
Il n’est pas nécessaire sur ces sujets-là de faire autre chose que de se conformer rigoureusement aux principes de droits. Etant avocat, juriste, je veillerai dans l’exercice de mes fonctions, à ce que le droit soit rigoureusement respecté, c’est la meilleure garantie que toutes les procédures iront à leur terme, et c’est la meilleure garantie aussi, de la protection de tous les principes républicains en la matière.
Jean-Pierre Elkabbach
Mais est-ce que vous considérez qu’il est désormais de votre devoir de savoir ce qui est essentiel sur, par exemple le terrorisme ou les affaires sensibles ?
Bernard Cazeneuve
Mais j’ai une position très claire sur ce sujet. Il est de mon devoir de savoir tout ce que je dois savoir en raison de ce qu’est le droit en vigueur, ni plus, ni moins.
Jean-Pierre Elkabbach
Et avec le respect du secret de l’instruction ?
Bernard Cazeneuve
Mais avec respect de tous les principes de droit, qui font le bon fonctionnement de la République.
Jean-Pierre Elkabbach
Encore un mot, Manuel VALLS avait une admiration pour CLEMENCEAU et vous ?
Bernard Cazeneuve
GAMBETTA.
Jean-Pierre Elkabbach
GAMBETTA,… Pierre MENDES FRANCE.
Bernard Cazeneuve
Non, mais Pierre MENDES FRANCE n’a pas exercé de responsabilités au ministère de l’Intérieur. Vous me demandez quel est le ministre de l’Intérieur que…
Jean-Pierre Elkabbach
Ah ! D’accord c’est le ministre de l’Intérieur…
Bernard Cazeneuve
C’est GAMBETTA. Et MENDES FRANCE bien entendu, reste pour moi, la référence.
Jean-Pierre Elkabbach
Vous êtes resté…
Thomas Sotto
Dernière question s’il vous plait.
Jean-Pierre Elkabbach
Vous êtes resté aux Affaires européennes, j’ai compté 10 mois…
Bernard Cazeneuve
Oui.
Jean-Pierre Elkabbach
Au Budget, 12 mois. Est-ce que vous avez un vœu pour le ministère de l’Intérieur ?
Bernard Cazeneuve
Rester un peu plus longtemps. Mais je ne crois pas que ça dépende de vous. Mais puisque vous me donnez l’occasion de formuler la demande, je le fais bien volontiers.
Jean-Pierre Elkabbach
Oui, pour le président de la République.
Thomas Sotto
Ne sous-estimez pas l’importance de Jean-Pierre, monsieur le ministre…
Jean-Pierre Elkabbach
Non, non…
Bernard Cazeneuve
Jamais, jamais ! J’ai pu mesurer…
Thomas Sotto
Merci, beaucoup. Merci, beaucoup Bernard Cazeneuve d’être venu. Dimanche matin, « Le grand rendez-vous » c’est Marine LE PEN qui sera votre invitée Jean-Pierre.
Jean-Pierre Elkabbach
Vous savez tout !
Thomas Sotto
A partir de 10 heures, « le grand rendez-vous » EUROPE 1, LE MONDE, ITELE. Merci et à dimanche Jean-Pierre, bonne journée !