Fabienne Sintes :
Bonjour Bernard Cazeneuve.
Bernard Cazeneuve :
Bonjour.
Fabienne Sintes :
Denis Favier qui est directeur général de la gendarmerie l’a dit hier, c’était la première fois qu’il s’exprimait, a dit hier qu’en l’état il n’était pas question de suspension pour ce gendarme qui a tiré et provoqué la mort du jeune Rémi Fraisse, « le gendarme », ça veut dire qu’on sait qui est le gendarme et qu’il y a un gendarme en fait, monsieur le ministre.
Bernard Cazeneuve :
Il y a une enquête en cours et par conséquent, cette enquête doit aller à son terme. J’ai indiqué avant-hier et je le confirme à votre antenne que si des fautes ont été commises, il y aura des sanctions parce qu’il n’y a pas de raison de ne pas sanctionner des comportements qui n’auraient pas été conformes à ce que sont les règles de la République et en même temps, on n’est pas dans un pays de justice expéditive. Depuis lundi je vois des procureurs qui s’érigent partout, qui définissent des responsabilités, qui demandent des têtes, qui exigent des démissions comme si la République ce n’était pas d’abord, lorsqu’il y a des événements aussi graves, l’obligation de rechercher à tout moment la vérité. La vérité, j’insiste sur ce point, doit toujours précéder la justice dans la définition des sanctions qu’elle porte, c’est une exigence, avant d’accuser il faut savoir quels sont les faits et je souhaite que la justice, elle a d’ailleurs commencé à le faire et nous l’avons aidé pour cela, puisse disposer de tous les éléments qui lui permettent de faire toute la vérité. Il y a également une inspection générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale que j’ai engagée, elle donnera…
Fabienne Sintes :
L’IGPN, l’IGGN donc police des polices, gendarmerie de la gendarmerie…
Bernard Cazeneuve :
Absolument, elle donnera ses conclusions dans 15 jours et s’il doit y avoir d’autres enquêtes, le défenseur des droits s’est auto-saisi d’une enquête parlementaire ou autre, moi je me mettrai avec mon administration à la disposition de ceux qui chercheront à savoir. Mais je tiens à dire avec la plus grande solennité, la plus grande fermeté que j’ai été profondément indigné et blessé des accusations qui ont été portées à l’encontre de mon administration et à mon encontre par des gens qui prennent des postures sans savoir, qui demandent des têtes sans se préoccuper de savoir ce qu’est la vérité…
Fabienne Sintes :
Donc la vôtre.
Bernard Cazeneuve :
Bien entendu, et parfois avec une grande indignité et j’ai été personnellement, au cours des dernières années, engagé dans un combat qui était celui de la vérité sur la mort de 14 Français à Karachi, j’ai conduit une enquête parlementaire et je me suis mobilisé pour savoir la vérité et à aucun moment pendant ces dernières années je n’ai porté la moindre accusation à l’égard de quiconque sans preuve alors que les mêmes aujourd'hui qui m’accusent, me disaient parfois dans les couloirs de l’Assemblée nationale, il serait quand même souhaitable, avec le travail que tu conduis, qu’on puisse accrocher par exemple Nicolas SARKOZY. Je ne l’ai pas fait parce que ce n’est pas ma déontologie et ma conception de l’action publique, et face à ces attaques et face à ces comportements, je veux dire ma détermination un, à faire la vérité, deux, à résister à ces pressions que je ne trouve pas dignes et aussi à protéger ceux qui ont fait leur travail. Les forces de l’ordre qui font leur travail dans un contexte où depuis des semaines elles sont victimes de violences et de harcèlement répétés. Je veux quand même rappeler que depuis le début du mois de septembre à Sivens, 56 gendarmes et policiers ont été blessés et hier soir à Paris alors qu’il y avait une manifestation qui s’est traduite par des violences extrêmement graves, il y a eu 12 policiers contusionnés, il y a eu un policier blessé et hospitalisé et nous avons été obligés de conduire une opération de maintien de l’ordre avec des gardes à vue et des interpellations et je tiens à rendre hommage aux forces de l’ordre qui hier soir à Paris, ont fait leur travail avec beaucoup de courage.
Fabienne Sintes :
Monsieur CAZENEUVE, ça veut dire qu’en l’état donc, vous approuvez la décision de la gendarmerie qui dit qu’il n’y a pas sanction. En l’état ça vous parait normal de démarrer comme ça ?
Bernard Cazeneuve :
Il est tout à fait normal que l’on attende que les enquêtes aillent à leur terme, établissent des responsabilités avant de sanctionner. C’est comme ça que fonctionne l’Etat de droit, on n’est pas dans un pays de justice expéditive n’en déplaise à monsieur Mélenchon et d’autres.
Fabienne Sintes :
Et lorsque responsabilité sera établie, s’il y a responsabilité à établir, vous l’avez rappelé vous-même, certains ont demandé votre tête et vous avez déjà dit qu’elle n’était pas sur le billot, qui est responsable en fait ? Est-ce que c’est la gendarmerie qui est seul responsable, si on établit une responsabilité du gendarme, est-ce que ça rejaillit vers vous à un moment ?
Bernard Cazeneuve :
Mais moi je sais les instructions que j’ai données et les enquêtes permettront de l’établir…
Fabienne Sintes :
Les instructions que vous aviez données c’était ?
Bernard Cazeneuve :
…que j’ai données devant l’ensemble des forces de police et de gendarmerie, réunies il y a de cela quelques semaines à l’Ecole militaire à l’occasion du discours annuel du ministre de l’Intérieur et ce week-end je n’ai cessé au cours des dernières semaines parce que j’avais suffisamment d’informations qui témoignaient que l’on voulait tendre la situation et que des violences graves s’étaient déjà produites qui pouvaient en appeler d’autres, je n’ai cessé d’appeler à l’apaisement et de donner des consignes pour qu’il y ait de la retenue et par conséquent, moi je suis si vous voulez, en accord avec ma conscience, je sais ce que j’ai fait, je sais ce que je dis et par conséquent j’entends avec la plus grande force et la plus grande détermination, ne pas me laisser impressionner par ceux qui prennent des postures pour faire de la petite politique et qui ne s’honorent pas en se comportant ainsi. Et je rendrai compte de tout ce qui a été fait par mes services et l’enquête établira toute la chaine des responsabilités, qui a dit quoi, qui a fait quoi, qui a été en situation à moment donné d’intervenir, pourquoi, dans quelles circonstances et je souhaite que toute la lumière soit faite parce que la lumière, nous la devons à la famille et aux amis de ce jeune garçon qui est tombé à Sivens dans la nuit de samedi à dimanche parce que cela constitue un drame et un drame que je vis moi aussi très profondément et avec beaucoup de tristesse et beaucoup de peine.
Fabienne Sintes :
Ça veut dire monsieur le ministre que, effectivement vous êtes évidemment au courant depuis le début, que vous avez suivi tous les événements et y compris au moment de ce week-end ; il y a beaucoup de gens qui disent, quand on voit les images on se pose effectivement la question : fallait-il vraiment des gendarmes à cet endroit là, pas devant les engins de chantier, il y a eu cette espèce de bataille qui a eu lieu effectivement à deux heures du matin, on a l’impression d’une bataille dans une espèce de morne plaine. Fallait-il qu’il y ait des gendarmes à cet endroit-là ?
Bernard Cazeneuve :
Mais j’ai entendu ce reproche encore une fois formulé par des gens qui ne savent rien. Quelle était la situation au cours des derniers jours, avant que cette tragédie ne se produise ? D’abord il y avait des engins de chantier, ces engins de chantier ont été enlevés vendredi, un gardiennage a été instauré par une entreprise privée parce que je rappelle qu’il ne s’agit en aucun cas d’un chantier souhaité par l’Etat, il ne s’agit pas d’une maîtrise d’ouvrage d’Etat, il s’agit d’un projet porté par une collectivité locale au terme d’un ensemble de procédures tout à fait conforme au droit. Donc, les engins de chantier ont été enlevés, une société de gardiennage a été mise en place, les gardiens de cette société de gardiennage ont été agressés, ensuite il y avait des risques dont nous avions été informés de contre manifestation, ces risques de contre manifestation pouvait être à l’origine de violence entre les manifestants et les contre manifestants extrêmement sérieuse. Quel procès me ferait-on aujourd'hui si ces contre manifestations étaient intervenues en l’absence de la présence des forces de l’ordre occasionnant plusieurs morts de part et d’autre ? Aujourd’hui ce serait les mêmes personnes qui avec les mêmes propos mettraient en cause la responsabilité de l’Etat et la mienne en disant, le ministère de l’Intérieur et l’Etat ont été suffisamment irresponsables pour ne pas positionner ici de forces de l’ordre qui auraient permis l’interposition de ces forces pour éviter ces affrontements. Tout cela n’a pas de sens, est irresponsable et totalement inepte. Voilà la réalité des faits.
Fabienne Sintes :
Il y a d’autres manifestations, vous avez cité celle de Paris hier, il y en aura d’autre, il y a une flamme qui s’est allumée, comment est-ce qu’on éteint cette flamme maintenant ?
Bernard Cazeneuve :
En étant responsable, en tenant des propos qui apaisent, en faisant en sorte que la parole publique porte une parole d’apaisement. Tout mon combat politique comme celui de beaucoup de ceux qui appartiennent à ma famille et à la sensibilité qu’est la nôtre est un combat pour les valeurs humanistes, pour la fraternité, pour le respect, pour le refus de la violence et sous prétexte que l’on serait dans une responsabilité publique au ministère de l’Intérieur, on occuperait les fonctions sans être imprégné de ces valeurs. Chacun qui a une responsabilité publique aujourd'hui doit être capable de tenir des propos qui apaisent, non seulement il doit être capable de le faire mais c'est son devoir que de le faire et on ne peut pas se lamenter du feu quand on a passé son temps à attiser les flammes et le rôle de tous ceux qui ont une responsabilité publique aujourd’hui, c’est d’apaiser.
Fabienne Sintes :
Est-ce que ça veut dire que, parce que vous ne les citez pas, mais on a bien entendu les propos des écologistes…
Bernard Cazeneuve :
Moi je ne cite personne et je ne pointe personne parce que je ne suis pas un procureur et je ne souhaite pas qu’il y ait des polémiques, je ne souhaite pas qu’il y ait du conflit inutile.
Fabienne Sintes :
Il y a quand même eu des propos qui ont été très loin, est-ce que oui ou non, vous avez sentiment, parce que politiquement il y a aussi du sang, est-ce que vous avez le sentiment que la rupture est consommée aujourd'hui entre les écologistes et la gauche, entre une partie de la gauche et une autre partie de la gauche, autour de cette histoire-là ?
Bernard Cazeneuve :
Mais moi je ne souhaite pas de rupture. J’ai travaillé dans ma ville pendant des années avec les écologistes et je les respecte et le respect c’est une notion ambivalente, quand on respecte les autres, on attend à être respecté…
Fabienne Sintes :
Et vous n’avez pas le sentiment de l’être ?
Bernard Cazeneuve :
…surtout dans on est dans l’épreuve.
Fabienne Sintes :
Et vous n’avez pas le sentiment de l’être ?
Bernard Cazeneuve :
Vous savez ce que j’ai entendu me concernant je n’ai jamais osé le faire à l’encontre de mêmes propres adversaires parce que ce qui compte en politique, c’est la vérité, c’est la recherche de la vérité à tout prix, c’est ce que disait Jaurès, qui élève, tout le reste abaisse.
Fabienne Sintes :
Une dernière chose parce que le temps court Bernard Cazeneuve, on parle beaucoup ce matin et c’est même plutôt très étonnant, 7 drones qui survolent des centrales nucléaires, est-ce qu’il ne faut pas s’inquiéter de ça ?
Bernard Cazeneuve :
Il y a une enquête judiciaire en cours, il y a des dispositions qui sont prises pour savoir et puis il y a aussi des dispositions aussi qui existent mais je ne m’attarderai pas sur ces dispositions pour neutraliser ces drones ; donc je suis bien entendu informé de cela et les enquêtes se déploient.
Fabienne Sintes :
Elles se déploient mais il y en a eu sept pendant tout un mois, on a l’impression qu’ils jouent un peu avec vous quand même.
Bernard Cazeneuve :
Ce n’est pas avec moi qu’ils jouent…
Fabienne Sintes :
Pas vous, mais les centrales, avec la sécurité, quelque chose à démontrer peut-être.
Bernard Cazeneuve :
Je vous rappelle qu’il y a des dispositions de prises sur ce sujet, il y a des enquêtes, il y a des dispositifs de neutralisation qui existent, des drones j’entends, et ces dispositifs de neutralisation je ne m’attarderai pas sur les modalités de leur fonctionnement parce que je n’ai pas à le faire.