Intervention de Bernard Cazeneuve le 29 décembre 2014 sur RMC / BFMTV

Intervention de Bernard Cazeneuve le 29 décembre 2014 sur RMC / BFMTV
Jean-Jacques Bourdin a reçu Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, lundi 29 décembre 2014.

Jean-Jacques Bourdin a reçu Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, lundi 29 décembre 2014.


Jean-Jacques BOURDIN
Le ministre de l’Intérieur Bernard CAZENEUVE est notre invité ce matin, bonjour.
Bernard CAZENEUVE
Bonjour.
Jean-Jacques BOURDIN
Merci d’être avec nous. 15.000 voitures bloquées samedi dans les Alpes, inévitable quand il neige, situation mal évaluée par les préfectures ou irresponsabilité des conducteurs ?
Bernard CAZENEUVE
Ecoutez ! Rien de tout cela, il y a eu un événement météorologique qui a été…
Jean-Jacques BOURDIN
La neige en hiver !
Bernard CAZENEUVE
Non, la neige en hiver ça c’est prévisible, mais des pluies verglaçantes qui arrivent à un moment particulier avec les effets que l’on connaît, ça ne pouvait pas nécessairement être anticipé. Ce qui a été anticipé en revanche, c’est l’ensemble des dispositifs entre les mains de l’Etat, pour faire en sorte que les choses se passent le moins mal possible. Nous avons mobilisé  des hébergements très vite dans la journée de samedi, ça a été d’ailleurs extrêmement efficace puisque près de 15.000 automobilistes ont pu être hébergés et accueillis dans des conditions qui étaient satisfaisantes. Nous avons pu mobiliser l’ensemble des moyens de l’Etat et des collectivités locales aussi, que je veux remercier sincèrement pour leur engagement, de manière à ce qu’il puisse y avoir des secours apportés aux automobilistes qui étaient en situation de difficulté ; pour qu’on puisse aussi déneiger les axes principaux et secondaires. Nous avons mis des forces de sécurité, notamment des gendarmes, sur les axes autoroutiers pour dissuader des automobilistes qui n’étaient pas équipés de s’aventurer dans la vallée de Maurienne ou dans la vallée de la Tarentaise. Et par ailleurs, nous avons mis à disposition des automobilistes qui n’étaient pas – pour chacun d’entre eux – précautionneux près de 2.200 paires de chaînes hier matin pour qu’ils puissent reprendre la route. Moyennant quoi…
Jean-Jacques BOURDIN
Ce  n’est pas l’Etat qui a payé, ce sont les automobilistes…
Bernard CAZENEUVE
Non, l’Etat n’a pas payé mais nous avons réquisitionné ces moyens, pour permettre aux automobilistes qui n’avaient pas mesuré ce qu’était la conduite en montagne en hiver, de pouvoir atteindre les stations de ski. Et c’est parce que nous avons pris l’ensemble de ces dispositions très rapidement, je voudrais d’ailleurs remercier les services de l’Etat, le préfet de Savoie Eric JALON qui se sont mobilisés, qui ont fait un travail très important pour que la situation soit maîtrisée.
Jean-Jacques BOURDIN
Bon ! Les automobilistes étaient prévenus…
Bernard CAZENEUVE
Il faut savoir Jean-Jacques BOURDIN que les flux étaient très importants, ça a été 36.000 automobilistes qui rejoignaient les stations, près de 26.000 automobilistes qui quittaient les stations pour rejoindre la capitale ou d’autres points du territoire national. Il y avait donc un trafic maximal dans une situation météorologique très dégradée.
Jean-Jacques BOURDIN
Bien ! Il n’empêche que 15.000 automobilistes se sont retrouvés bloqués, alors certains souhaiteraient la généralisation… rendre obligatoire l’équipement de pneus hiver dans certaines régions, ça existe en Italie, ça existe en Allemagne, vous y êtes favorable ou pas ?
Bernard CAZENEUVE
Non, ce que je vais faire c’est que je vais demander en liaison… enfin je vais saisir mon collègue qui est ministre des Transports de ce sujet pour que nous puissions regarder les conditions dans lesquelles nous pouvons mobiliser une inspection générale conjointe – transport, Inspection générale, administration du ministère de l’Intérieur – pour voir s’il y a des éléments dans la réglementation existante qui peuvent être modifiés, améliorés pour que le principe de précaution…
Jean-Jacques BOURDIN
On pourrait rendre obligatoires ces pneus hiver ?
Bernard CAZENEUVE
Il faut surtout, avant de prendre des mesures qui peuvent apparaitre comme punitives et coercitives – regarder les conditions dans lesquelles…
Jean-Jacques BOURDIN
Elles sont préventives en l’occurrence !
Bernard CAZENEUVE
Oui, c’est bien pour ça que je souhaite qu’il  y ait une inspection qui évalue la totalité des équipements qui sont mis à disposition des automobilistes, la totalité de la réglementation et qu’on voit ce qui doit être adapté, parce qu’il y a un point sur lequel…
Jean-Jacques BOURDIN
On va changer la réglementation, on pourrait changer…
Bernard CAZENEUVE
On va, au terme de cette inspection, regarder si c’est nécessaire. Vous évoquez un point qui est en tous les cas évident et important, c’est que beaucoup d’automobilistes ont pris la route ce week-end pour se rendre à la montagne, en période hivernale on sait que le climat est rigoureux et qu’il  y a des risques…
Jean-Jacques BOURDIN
Et changeant.
Bernard CAZENEUVE
Sans prendre aucune précaution, c'est-à-dire sans chaîne, sans équipement et avec parfois des automobilistes qui se sont retrouvés sur la chaussée en train de procéder à…
Jean-Jacques BOURDIN
C'est-à-dire qu’on pourrait l’hiver interdire l’accès à certaines routes si l’on n’est pas équipé !
Bernard CAZENEUVE
Je pense qu’il serait en tous les cas raisonnable de regarder les conditions dans lesquelles on peut, de façon préventive, inciter davantage les automobilistes à mieux s’équiper, lorsqu’ils partent sur des axes qui peuvent être enneigés et présenter des risques pour eux et pour autrui.
Jean-Jacques BOURDIN
Quelques mots sur l’utilisation du sel parce qu’une ville, Grenoble, a décidé de ne plus utiliser de sel, en cause évidemment les dégâts commis à l’environnement. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Bernard CAZENEUVE
Ce que je pense, c’est qu’il y a parfois…
Jean-Jacques BOURDIN
Il y a beaucoup de pays qui n’utilisent plus de sel, notamment les pays nordiques !
Bernard CAZENEUVE
Oui, il faut ceci étant avoir des moyens de substitution. Les pays nordiques sont des pays qui connaissent des intempéries régulières, qui ont des moyens techniques et mécaniques importants pour procéder au déneigement. Il peut y avoir des régions qui ne sont pas souvent enneigées et qui ne peuvent pas faire l’investissement de ces équipements, qui sont très lourds et qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser le sel pour pouvoir rétablir les axes de circulation rapidement. Ce qui a été le cas par exemple dans la ville de Cherbourg, il neige peu, quand il neige il peut neiger beaucoup et nous n’avons pas investi dans des matériels qui sont ceux de la Haute-Savoie ou de la Savoie pour dégager les axes.
Jean-Jacques BOURDIN
La sécurité routière, parlons-en, 2014 mauvaise année, c’est un échec pour vous ? Mauvaise année concernant le nombre de morts, la mortalité sur les routes en France, vous avez les derniers chiffres ?
Bernard CAZENEUVE
Oui, j’ai les derniers chiffres, ils ne sont pas bons et moi je pense…
Jean-Jacques BOURDIN
Les chiffres de décembre, que donnent-ils ?
Bernard CAZENEUVE
Non, les chiffres de décembre je ne les ai pas encore, mais les chiffres de novembre n’étaient pas bons, il y avait une augmentation du nombre de  morts de l’ordre de 7 %, ce qui ramenait sur la totalité de l’année 2014 l’augmentation du nombre de morts de 5 % ; et le nombre de blessés également. Après une année de…
Jean-Jacques BOURDIN
Nous ferons autour de +5 % à la fin de l’année ?
Bernard CAZENEUVE
On sera autour de +5 % pour le nombre de morts à la fin de l’année, avec un nombre de blessés plus important. Et comme l’objectif pour moi est d’atteindre bien moins de 3.000 morts à l’horizon 2020…
Jean-Jacques BOURDIN
Oui, je me souviens, c’était l’objectif…
Bernard CAZENEUVE
Alors qu’on était à 8.000 il y a quelques années, il faut prendre un panel de mesures pour cela. Quelles sont les mesures que j’envisage de prendre et que j’annoncerai au mois de janvier, je vous en donne l’esprit, pas le détail puisque nous sommes en train d’y travailler encore. Un, il faut absolument que les conduites en état d’addiction soient prévenues, combattues, sanctionnées, réprimées. Nous avons 20 %...
Jean-Jacques BOURDIN
Alors je vous arrête là, alcool, drogue !
Bernard CAZENEUVE
Alcool, drogue et vous avez remarqué que j’ai conduit une opération, il y a de cela quelques semaines place de la Bastille, à caractère expérimental qui visait à mettre en place des tests salivaires pour ceux qui conduisent en état d’addiction, de manière à ce qu’on ait les résultats beaucoup plus rapidement et qu’on puisse prévenir de façon beaucoup plus efficace…
Jean-Jacques BOURDIN
Donc de nouveaux tests !
Bernard CAZENEUVE
De nouveaux tests avec des résultats plus rapides, des politiques de prévention à la fois en milieu scolaire, puisque nous avons décidé – au terme de la réforme du permis de conduire – de faire des modules de formation sur les bonnes pratiques au volant et les règles du Code de la route, tout au long du parcours scolaire en lien avec l’Education nationale. Ça veut dire aussi que sur le port de la ceinture de sécurité, 20 % des accidents mortels résultent du fait que la ceinture de sécurité – 40 ans après que son port obligatoire a été décidé – n’est pas toujours mise par les automobilistes. Il y a les sms et la conduite avec…
Jean-Jacques BOURDIN
Oui mais que faire, comment faire pour lutter contre l’usage du sms…
Bernard CAZENEUVE
Il faut absolument réprimer…
Jean-Jacques BOURDIN
Au volant ?
Bernard CAZENEUVE
Il faut réprimer beaucoup plus ce type de comportement, par exemple…
Jean-Jacques BOURDIN
C'est-à-dire que si l’on est surpris en train de passer un sms au volant, on sera beaucoup plus puni ?
Bernard CAZENEUVE
Il faut être beaucoup plus dur vis-à-vis de ceux qui mettent la vie d’autrui en danger en ayant ce type de pratique. Il faut faire de la prévention…
Jean-Jacques BOURDIN
Mais ça coûte déjà 2 points ou 3 points de téléphoner au volant !
Bernard CAZENEUVE
Oui, bien entendu mais il faut que nous soyons beaucoup plus sévère à l’égard de ceux qui commettent ce type d’acte et beaucoup plus sévère, ça veut dire que les contrôles doivent aussi être beaucoup plus systématiques. C’est la raison pour laquelle pendant la période de départs en vacances, j’ai mis 18.000 policiers et gendarmes sur les axes routiers, de manière à ce qu’il y ait des contrôles systématiques, des verbalisations parce que chacun doit être rappelé à sa responsabilité. Il y a la prévention mais lorsqu’après de nombreux mois de prévention, après qu’il y a clips qui ont été réalisés et qui sont diffusés partout par la Délégation à la Sécurité routière qui montrent le danger encouru par le non respect d’un certain nombre de règles, si les règles ne sont pas respectées, les forces de l’ordre qui sont très présentes sur les axes routiers doivent pouvoir sanctionner. C’est la raison pour…
Jean-Jacques BOURDIN
Mais Bernard CAZENEUVE…
Bernard CAZENEUVE
Laquelle également sur la vitesse par exemple, nous implantons de nouveaux dispositifs, je pense notamment aux radars double-face, qui peuvent permettre d’avoir un contrôle plus efficace et plus systématique des automobilistes qui ne respectent pas les règles du Code de la route.
Jean-Jacques BOURDIN
Je vais revenir sur la vitesse, simplement le permis à points, la récupération de points sera plus rapide, vous changez ou pas ?
Bernard CAZENEUVE
Non, j’annoncerai… je vous ai dit que l’esprit de ce que j’annoncerai au mois de janvier c’est quoi ? C’est davantage de prévention, notamment à travers la réforme du permis de conduire, puisque vous savez que j’ai souhaité que l’on commence beaucoup plus tôt la conduite accompagnée, qu’on puisse passer lorsque l’on a…
Jean-Jacques BOURDIN
Enfin beaucoup plus tôt, un an avant.
Bernard CAZENEUVE
Oui mais c'est quand même beaucoup plus tôt, et qu’on puisse passer plus tôt le permis de conduire, pourquoi ? Parce que dans les pays où il y a la conduite accompagnée, le niveau d’accidents pour les jeunes conducteurs est de 18 % inférieur aux pays où la conduite accompagnée n’existe pas. Donc premier objectif : c’est des politiques de prévention, la conduite accompagnée, la réforme du permis de conduire, les préventions sur la conduite en situation d’addiction, la prévention sur les mauvaises pratiques, la ceinture de sécurité, les sms, les smartphones. Deuxièmement, il faut absolument que sur la question de la vitesse – qui peut être source d’accidents – nous ayons une démarche pragmatique. C’est la raison pour laquelle, j’ai indiqué que sur un certain nombre d’axes dont on sait qu’ils sont particulièrement accidentogènes, j’appliquerai en 2015 l’expérimentation à 80 km/h simplement sur un certain nombre d’axes, pour voir quelles sont…
Jean-Jacques BOURDIN
C'est-à-dire est-ce que vous allez généraliser…
Bernard CAZENEUVE
Non, j’ai dit que je ne généraliserai pas, je souhaite en 2015 procéder à cette expérimentation…
Jean-Jacques BOURDIN
Vous ne généraliserez pas le 80 km/h sur les routes nationales, départementales !
Bernard CAZENEUVE
Non, j’ai déjà indiqué que je ne le ferai pas, en revanche nous conduirons une expérimentation sur 2 ou 3 axes particulièrement accidentogènes. Je rendrai compte…
Jean-Jacques BOURDIN
Sur quels axes ?
Bernard CAZENEUVE
On est en train de les déterminer, je les annoncerai au mois de janvier lorsque je présenterai l’ensemble des mesures concernant la sécurité routière. Et à partir du moment où j’aurai le résultat de cette expérimentation, je le rendrai public devant le Conseil national de la Sécurité routière et on prendra ensuite des décisions sur la base de cette expérimentation. Et enfin…
Jean-Jacques BOURDIN
Mais pas question de généraliser, pas de 120 sur autoroute…
Bernard CAZENEUVE
Non, non, j’ai déjà dit des choses très claires là-dessus, et je n’y reviens pas à votre antenne parce que ça fait partie de la méthode que j’ai arrêtée. On expérimente, sur la base de l’expérimentation on discute et on voit ce que l’on fait. Enfin troisièmement, il faut qu’il y ait des forces de l’ordre qui soient présentes sur les axes routiers, non seulement au moment des grands départs mais en continu, j’ai donné des instructions extrêmement claires au directeur général de la Gendarmerie et de la Police nationale, et aux préfets sur ce point ; et qu’il y ait de contrôles en continu de manière à ce que ceux qui ne respectent pas les règles soient contraints de les respecter.
Jean-Jacques BOURDIN
Le plan « grand froid » déclenché dans plusieurs départements, niveau 2 du plan « grand froid », un centre provisoire d’hébergement pour migrants ouvre à Calais, en attendant le centre d’accueil de jour pour clandestins qui ouvrira (je crois) au printemps…
Bernard CAZENEUVE
Pas pour clandestins, pour migrants…
Jean-Jacques BOURDIN
Enfin migrants oui, clandestins ou pas ?
Bernard CAZENEUVE
Non mais il y a des migrants qui sont… qui relèvent du…
Jean-Jacques BOURDIN
Qui sont réguliers…
Bernard CAZENEUVE
Il y a… pardonnez-moi d’être extrêmement précis sur ce point…
Jean-Jacques BOURDIN
Alors allez-y, alors allez-y…
Bernard CAZENEUVE
A la fois sur la situation à Calais et sur le dispositif que nous mettons en place. J’ai une politique à Calais qui est très claire, il y a à Calais des hommes, des femmes, des enfants qui viennent de pays où les persécutions sont systématiques, abjectes et barbares. Ils viennent d’Erythrée, ils viennent de Syrie, ils peuvent venir…
Jean-Jacques BOURDIN
Du Pakistan, d’Irak…
Bernard CAZENEUVE
D’Irak. Ils relèvent du droit d’asile en France, ils sont entre les mains de filières organisées du crime qui sont de véritables filières de la traite des êtres humains. Il s’agit des passeurs, des fameux passeurs qui sont organisés à la fois dans les pays de provenance, notamment en Afrique du Nord, qui sont organisés en France et qui sont organisés en Grande Bretagne. Premier point de la politique que je veux mettre en œuvre, c’est démanteler de façon systématique et méticuleuse ces filières, c’est 30 % de filières en plus que nous avons démantelées en 2014, c’est près de 250 filières en France et un peu plus d’une vingtaine de filières à Calais. C’est donc une volonté très forte de faire en sorte que ces organisations du crime, qui sont des organisations de la traite des êtres humains, soient démantelées par les services de police. Deuxièmement, il y a ceux qui, à Calais, relèvent de l’asile, à partir du moment où ils ne sont plus entre les mains de ces passeurs qui leur promettent un passage impossible vers la Grande Bretagne, ils doivent pouvoir demander l’asile en France. Nous avons – et c’est un très bon résultat depuis que cette politique a été mise en place à Calais – près de 800 demandes d’asile. Les demandeurs d’asile seront répartis ensuite sur le territoire national dès lors qu’ils seront éligibles au droit d’asile, ce qui diminuera le nombre de migrants à Calais. Troisième axe de cette politique, renvoyer tous ceux qui relèvent de l’immigration irrégulière…
Jean-Jacques BOURDIN
Clandestine !
Bernard CAZENEUVE
Clandestine, c’est près de 1.800 reconduites à la frontières qui ont eu lieu, il faut le faire parce que sinon il n’y aura pas de…
Jean-Jacques BOURDIN
Vous allez accentuer le nombre de ces reconduites…
Bernard CAZENEUVE
Mais nous allons reconduite tous ceux qui…
Jean-Jacques BOURDIN
Tout dépendra du nombre de clandestins !
Bernard CAZENEUVE
Mais il faut le faire parce que si nous ne luttons pas contre l’immigration irrégulière, nous ne serons pas en situation d’accueillir tous ceux qui relèvent du droit d’asile en France dans une situation… Enfin quatrième axe de cette politique, c’est contrôler les frontières extérieures de l’Union européenne, avoir une véritable politique avec les pays de provenance dans le cadre d’un accord entre l’Union européenne et ces pays…
Jean-Jacques BOURDIN
Et le pays de destination.
Bernard CAZENEUVE
C’est la raison pour laquelle… oui, voilà ! C’est la raison pour laquelle pendant l’été, j’ai formulé un certain nombre de propositions aux pays de l’Union européenne, qui ont été reprises d’ailleurs par l’Union…
Jean-Jacques BOURDIN
Oui, l’Europe, la Grande Bretagne ne veut pas…
Bernard CAZENEUVE
Non mais j’allais…
Jean-Jacques BOURDIN
Rejettent… mais oui, ces demandeurs d’asile.
Bernard CAZENEUVE
Attendez, attendez ! Juste un point, cet été j’ai souhaité faire des propositions à l’Union européenne pourquoi ? Parce qu’il y a une opération humanitaire qui s’appelle « Mare Nostrum » qui a sauvé des vies mais qui…
Jean-Jacques BOURDIN
Oui, en Méditerranée…
Bernard CAZENEUVE
A été un élément aussi qui a incité un certain nombre d’acteurs de l’immigration irrégulière à mettre un nombre de migrants de plus en plus important sur des embarcations de plus en plus nombreuses, de plus en plus dangereuses. Donc on a substitué à Mare Nostrum une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, sous l’égide de l’Agence européenne Frontex, pour qu’il y ait un véritable contrôle des frontières extérieures, ce qui n’empêchera pas d’ailleurs cette opération d’intervenir en mer s’il y avait des avaries ou des vies en danger. Et puis, il faut une politique de l’asile européenne qui conduise à répartir le nombre de demandeurs d’asile, en fonction des efforts déjà faits par les pays de l’Union ;  et une véritable politique de l’Union à destination des pays de provenance, pour faire en sorte qu’il puisse y avoir aussi une organisation dans ces pays…
Jean-Jacques BOURDIN
Il la faut.
Bernard CAZENEUVE
Oui, donc c’est…
Jean-Jacques BOURDIN
J’entends ça depuis longtemps.
Bernard CAZENEUVE
Oui mais là, nous avons obtenu que ces propositions françaises soient les conclusions du dernier Conseil européen, c’est désormais la politique de l’Union. Et par ailleurs à Calais, puisqu’il y a – et j’insiste beaucoup sur ce point parce que c’est un axe fondamental aussi de la politique que je souhaite qu’on mette en place – des hommes, des femmes qui sont en situation de détresse. Il n’est pas question qu’en France, on puisse mourir de faim, de froid ou de  maladie, d’où l’accueil de jour mis en place en liaison avec la mairie de Calais et des collectivités territoriales…
Jean-Jacques BOURDIN
Qui le demande d’ailleurs.
Bernard CAZENEUVE
Et dans le cadre du plan « grand froid », un dispositif d’accueil qui fonctionne depuis 2 jours et qui permet aux migrants – qui sont en situation de grande vulnérabilité et ceux qui le souhaitent – d’être accueillis et mis à l’abri.
Jean-Jacques BOURDIN
Combien de Français partis en Irak et Syrie, vous avez les derniers chiffres ?
Bernard CAZENEUVE
Les derniers chiffres sont d’un peu plus d’un millier.
Jean-Jacques BOURDIN
Un peu plus d’un millier.
Bernard CAZENEUVE
Pas partis en Syrie, concernés par ce phénomène. Vous en avez à peu près aujourd’hui 380 qui sont sur le théâtre des opérations terroristes en Irak ou en Syrie, vous en avez 200 qui sont revenus après y avoir été, vous en avez à peu près 185 qui sont sur le chemin…
Jean-Jacques BOURDIN
Du retour ?
Bernard CAZENEUVE
Non, sur le chemin du théâtre des opérations, et vous en avez à peu près 200 qui ont exprimé le souhait d’y aller. Voilà d’où vient ce chiffre de 1.000.
Jean-Jacques BOURDIN
Premier bilan de votre loi anti-djihad ?
Bernard CAZENEUVE
Cette loi… ces textes d’application vont être mis en œuvre, mais on voit qu’elle est absolument nécessaire. Et à tous ceux qui passent leur temps à faire peur, je pense notamment au Front National, ils auraient été bien inspirés de soutenir les dispositions de cette loi plutôt que de s’opposer à toutes. Par exemple…
Jean-Jacques BOURDIN
Fermement opposé évidemment à retirer la nationalité des Français. Remarquez, c’est très difficile de retirer la nationalité de Français qui vont… Parce que j’ai entendu ça et vous aussi, vous avez entendu ça.
Bernard CAZENEUVE
Oui, j’entends beaucoup de billevesées et de bêtises sur ce sujet. Il faut être efficace, précis et surtout garder sur ces sujets-là son sang-froid et être capable de proposer les bonnes mesures. Quand quatre-vingt-dix pourcent des jeunes qui partent sur le théâtre des opérations en Irak et en Syrie basculent par Internet, vous conviendrez avec moi que la question du blocage administratif des sites, la prise de conscience par les grands opérateurs Internet du risque que représente un certain nombre de messages véhiculés par des réseaux est un sujet que nous devons préempter et qui doit appeler à notre mobilisation. Je constate que ceux qui parlent haut et fort du terrorisme se sont opposés à cette mesure, je pense au Front National. Lorsque nous décidons de faire en sorte que ceux qui veulent partir ne puissent pas partir parce qu’on sait les exactions qu’ils commettent et que nous devons, par conséquent, faire en sorte qu’ils ne reviennent pas en France habités par le seul instinct de la violence et que nous mettons en place l’interdiction administrative de sortie du territoire, et que nous nous opposons au retour de ceux qui n’ont pas la nationalité française qui ont pu résidé en France et qui ont commis des exactions. Pour ce qui concerne le retrait de la nationalité, ça existe déjà dans la législation française, donc pourquoi proposer comme si cela n’existait pas des mesures qui existent déjà et qui peuvent être mises en œuvre dans un certain nombre de positions.
Jean-Jacques BOURDIN
Vous pourriez le mettre en œuvre ?
Bernard CAZENEUVE
Nous l’avons déjà fait. Au mois de mai, nous l’avons déjà fait parce que ça se justifiait. Ce n’est pas une mesure qui peut être mise en œuvre pour des Français parce qu’on ne peut pas fabriquer des apatrides et aucun pays ne peut le faire, c’est contraire au droit international. Donc lorsqu’on traite de ces questions, il faut les traiter en maîtrise, il faut les traiter avec la volonté d’être efficace, il faut les traiter avec la volonté de rassembler – j’insiste sur ce point – le peuple français plutôt que de créer des antagonismes partout pour faire peur parce que la lutte contre le terrorisme ça implique le rassemblement, ça implique le sang-froid, ça implique des précautions, ça implique de la maîtrise et tous les pays qui ont été confrontés à ces drames se sont rassemblés autour de dispositifs efficaces avec raison pour faire en sorte que les terroristes ne parviennent pas à leur but, c'est-à-dire instiller partout la peur et l’effroi.
Jean-Jacques BOURDIN
La peur et l’effroi la nuit du 31 au 1er, après ce qui s’est passé la semaine dernière, peuvent gagner les Français. Plan Vigipirate renforcé pour la nuit de Saint-Sylvestre.
Bernard CAZENEUVE
Plan Vigipirate renforcé depuis de nombreuses semaines.
Jean-Jacques BOURDIN
Mais là particulièrement ? Particulièrement ?
Bernard CAZENEUVE
Nous mettons en place des mesures particulières pour le 31.
Jean-Jacques BOURDIN
Parce que je vois Manuel VALLS qui dit : “Jamais nous n’avons connu un si grand danger en matière de terrorismeˮ.
Bernard CAZENEUVE
Manuel VALLS a raison de dire cela. C’est aussi ce qu’il faut…
Jean-Jacques BOURDIN
N’est-ce pas effrayer les Français ?
Bernard CAZENEUVE
Pas du tout. Il faut regarder la réalité en face et ne pas minimiser le risque. Il faut le présenter pour ce qu’il est. Effectivement, aujourd'hui il y a un danger et ce danger, nous nous employons à le maîtriser. Nous nous employons à le maîtriser comment ? En donnant à nos services les moyens d’agir lorsque nous créons des postes au sein de la direction générale de la sécurité intérieure – quatre cent trente-six postes – lorsque nous augmentons son budget pour lui permettre d’avoir de meilleurs moyens technologiques, lorsque nous mettons…
Jean-Jacques BOURDIN
Oui, mais Bernard CAZENEUVE, ça fait trois à cinq militaires de plus par grande ville. Franchement !
Bernard CAZENEUVE
Mais non, pas du tout. Il y à Paris quatre mille quatre cents effectifs de police. Nous ajoutons à ces quatre mille quatre cents effectifs de police près de deux mille policiers et gendarmes supplémentaires dans des unités de force mobile. Ce sont donc six mille policiers qui seront mobilisés à Paris. A cela s’ajoutent près de deux mille trois cents militaires qui sont répartis pour soixante pourcent à Paris et le reste en province, et il y a tout le travail qui est fait en permanence, en continu par nos services. Je parlais tout à l'heure de la direction générale de la sécurité intérieure. Il y a ceux dont on parle, ceux dont on ne parle moins, mais tous les jours – tous les jours, Jean-Jacques BOURDIN – nos services procèdent à des arrestations, à des enquêtes, à de la judiciarisation. Est-ce que vous savez par exemple…
Jean-Jacques BOURDIN
J’ai une dernière question à vous poser.
Bernard CAZENEUVE
Attendez, je vous donne un chiffre très important. Il y a aujourd'hui, je vous l’ai dit, à peu près cinq cent quatre-vingts personnes qui ont été sur le théâtre des opérations terroristes, qui donc sont susceptibles d’avoir commis des crimes graves. Aujourd'hui, vous avez cent trois procédures judiciaires d’engagées qui concernent plus de cinq cents personnes – plus de cinq cents personnes. Vous avez quatre-vingt-deux personnes qui ont été incarcérées, vous avez cent dix-huit mises en examen, c'est-à-dire que nous sommes dans une action extrêmement volontariste absolument tenace pour neutraliser tous ceux qui peuvent représenter un risque.
Jean-Jacques BOURDIN
Deux dernières questions. Joué-lès-Tours, est-ce que les caméras de vidéosurveillance situées à l’extérieur et à l’intérieur du commissariat ont enregistré l’arrivée du fameux Bertrand qui a été tué dans le commissariat ? Est-ce que ces bandes seront rendues publiques ?
Bernard CAZENEUVE
Mais Jean-Jacques BOURDIN, nous sommes sur une enquête judiciaire. Vous savez quelle est la discipline que je me suis imposée à moi-même, on me l’a d'ailleurs reproché parfois. Lorsqu’il y a une enquête judiciaire conduite, en l’occurrence là sous l’autorité du parquet antiterroriste, ce n’est pas le ministre de l’Intérieur qui va aller commenter ce qu’il y a dans le dossier et la manière dont l’enquête se déroule.
Jean-Jacques BOURDIN
Vous ne direz donc pas si elles seront rendues publiques ou pas, mais ces bandes existent.
Bernard CAZENEUVE
Mais je vous renvoie à l’enquête parce que justement, il faudrait que tous ceux qui parlent s’interrogent sur le fait de savoir s’il y avait des caméras, où elles étaient positionnées, et cætera, et cætera.
Jean-Jacques BOURDIN
Est-ce qu’il a été interpellé avant de se retrouver au commissariat ? Oui ou non ? Je vous dis ça parce que beaucoup de témoignages disent qu’il a été interpellé.
Bernard CAZENEUVE
Vous m’interrogez comme si j’avais été présent sur place et comme si j’étais en charge de l’enquête.
Jean-Jacques BOURDIN
Mais vous savez ce que font vos services.
Bernard CAZENEUVE
Je sais surtout ce qu’on vécu les policiers qui étaient sur place, Jean-Jacques BOURDIN. Je les ai appelés. Ils ont été poignardés. Ils ont été poignardés après qu’un forcené a essayé d’ouvrir la porte, n’y est pas parvenu et est entré.
Jean-Jacques BOURDIN
Il n’a pas été interpellé avant. Il n’a pas été conduit au commissariat.
Bernard CAZENEUVE
Voilà le témoignage que j’ai des policiers.
Jean-Jacques BOURDIN
Puisque vous dites que c’est lui qui est entré volontairement, il n’a pas été conduit au commissariat.
Bernard CAZENEUVE
Jean-Jacques BOURDIN, moi je vous dis l’état de traumatisme des policiers et le récit qu’ils m’ont fait. Je n’ai aucune raison de remettre en cause le récit de policiers qui ont été absolument courageux, merveilleux de maîtrise et de sang-froid dans cette affaire, sur les dires d’un avocat qui au demeurant fait son travail, dans le cadre d’une affaire judiciaire dont je n’ai rien à vous dire parce que je suis respectueux de ce qu’est la séparation des pouvoirs en France, et qu’à cette doctrine-là je n’y dérogerai jamais, même pas à votre micro lorsque vous m’y incitez avec beaucoup de ténacité parce que vous êtes un journaliste de talent.
Jean-Jacques BOURDIN
Merci Bernard CAZENEUVE.


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