Intervention de Bernard Cazeneuve le 08 décembre 2014 sur France Info

Intervention de Bernard Cazeneuve le 08 décembre 2014 sur France Info
Lundi 08 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, était l'invité de Jean-François Achilli sur France Info.

Lundi 08 décembre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, était l'invité de Jean-François Achilli sur France Info.


Fabienne Sintes
Votre invité, Jean-François Achilli, ce matin, est donc ministre de l’Intérieur.

Jean-François Achilli
Bonjour Bernard Cazeneuve.

Bernard Cazeneuve
Bonjour.

Jean-François Achilli
Et bienvenu sur FRANCE INFO. Manuel Valls ira jusqu’au bout du quinquennat, il l’a dit hier soir sur FRANCE 2. Pourquoi cette mise au point ? Il est fragilisé, c'est parce que l’aile gauche du PS le pousse dans ses retranchements ?

Bernard Cazeneuve
Ah moi, je ne sens pas du tout le Premier ministre fragilisé, je le sens au contraire dans une volonté de réformer le pays, de réformer le pays avec une exigence de cohérence. Nous sommes déterminés à faire en sorte que la compétitivité des entreprises soit retrouvée, que nous puissions, au plan international, donner toutes nos chances à nos entreprises, cela implique de la persévérance, cela implique un cap et le Premier ministre l’a magnifiquement incarné hier soir.

Jean-François Achilli
Mais personne n’est d’accord, regardez le travail dominical, la loi Macron qui arrive mercredi, le ministre dit douze dimanches, Jean-Christophe Cambadelis pas plus de sept, les frondeurs zéro, les Français n’y comprennent rien en fait.

Bernard Cazeneuve
Mais il y a une volonté du gouvernement de faire en sorte que notre économie retrouve toutes ses chances, dans une compétition internationale de plus en plus dure. Nous faisons des réformes et nous faisons des réformes dans la durée, parce que c'est la seule manière de faire en sorte que nous atteignons le but, c'est-à-dire des entreprises fortes, un chômage qui finisse par diminuer, des inégalités contre lesquelles nous luttons ensemble, c'est cela la politique que mène Manuel Valls et il le fait avec beaucoup de sang froid, beaucoup de force, beaucoup d’intelligence et beaucoup de convictions.

Jean-François Achilli
Bernard Cazeneuve, vous êtes ministre de l’Intérieur, vous aviez l’œil, forcément, sur le scrutin partiel, la législative de l’Aube, la succession de François Baroin à Troyes, le candidat socialiste évincé du deuxième tour, 14 %, le FN 27, l’UMP 40, est-ce que vous ne craignez pas qu’à l’avenir, dans les scrutins, ce scénario se répète à l’infini, un face à face UMP–FN et le PS hors course, hors jeu ?

Bernard Cazeneuve
Mais on ne fait pas de la politique en ayant des craintes, on fait de la politique en ayant une vision, en ayant un cap, en ayant une direction, et lorsqu’on est au gouvernement, dans une situation de crise comme celle que connait notre pays, on ne gouverne pas en ayant peur, on gouverne en essayant de donner toutes ses chances au pays, en essayant de réussir, et c'est ce qu’avec le Premier ministre nous faisons tous ensemble.

Jean-François Achilli
Mais, encore un mot, qu’est-ce que vous pensez...

Bernard Cazeneuve
Et c'est dans les résultats que nous parviendrons le mieux à lutter contre...

Jean-François Achilli
Oui, mais ce scrutin, vous avez un avis là-dessus.

Bernard Cazeneuve
... la droite et l’extrême droite.

Jean-François Achilli
Oui, ce scrutin où le Front national fait des cartons et l’abstention est forte, on sait que vos électeurs ne vont plus aux urnes.

Bernard Cazeneuve
Mais, Jean-François Achilli, il y a une crise qui est là depuis longtemps. Il y a une désespérance qui gagne, et il y a une nécessité pour le pays, s’il veut se redresser, de faire des réformes, et ces réformes, il faut les faire avec courage, il faut les faire avec détermination, on ne peut pas les faire avec la main qui tremble, et les réformes, lorsqu’elles sont engagées dans un pays qui souffre, qui est en difficultés, elles ne donnent des résultats qu’au bout d’un certain temps, et c'est la raison pour laquelle nous devons rechercher absolument la cohérence, et la cohérence ça implique de la durée, de la détermination, de la persévérance, c'est ce que j’ai senti hier soir de façon forte, chez le Premier ministre.

Jean-François Achilli
Et pour vous, ce qui s’est produits à Troyes, n’est pas significatif.

Bernard Cazeneuve
Je ne dis pas que ce n'est pas significatif, je dis qu’il y a une situation politique, qu’il y a dans ce pays des tensions, qu’il y a dans ce pays des difficultés et qu’on ne surmonte pas les difficultés et les tensions, dans l’abandon des objectifs et dans l’abandon d’un cap dont le pays a besoin. Il faut du courage, il faut de la détermination, encore une fois il faut de la persévérance.

Jean-François Achilli
Vous avez senti de la tension, vous-même, sur le terrain, quand vous vous êtes rendu à Créteil, hier, hein, après la terrible agression subie il y a quelques jours par ce jeune couple.

Bernard Cazeneuve
Oui, je l’ai sentie cette tension, je l’ai sentie très fortement hier, avec une communauté juive qui est dans l’inquiétude, qui est dans l’angoisse, qui a besoin d’être rassurée, qui a besoin d’être protégée. Nous le faisons d’ailleurs, nous le faisons pour les juifs de France, mais nous le faisons aussi pour tous ceux qui en France peuvent être victimes de discriminations, de la xénophobie, du racisme, qui se déploient allègrement sur la toile, sans qu’il y ait aujourd'hui de limites et de digues. Donc, par conséquent, il est important que nous ayons une action de grande ampleur, pour lutter contre le racisme, contre l’antisémitisme...

Jean-François Achilli
Concrètement, quelles sont les mesures ?

Bernard Cazeneuve
Concrètement, ça veut dire qu’il faut protéger tous les lieux de culte, toute les institutions, de manière à faire en sorte qu’il n’y ait pas de risques de violences, ça veut dire aussi que nous devons signaler, et c'est pour ça que nous avons mis en place la plateforme PHAROS aux opérateurs Internet, toutes les haines qui se déploient sur Internet, tous les propos qui peuvent blesser, qui peuvent atteindre, c'est la raison pour  laquelle nous devons aussi mobiliser toutes les  administrations, l’administration de l’intérieur, bien entendu, mais aussi l’Education nationale, le ministère de la Ville, le ministère de la Jeunesse et des Sports, pour faire en sorte que ces haines reculent et que la République s’affirme dans ses valeurs, dans ses principes, partout sur le territoire national. C'est une grande cause, c'est un grand combat, il nous faut le mener ensemble et le Premier ministre a décidé avec le président de la République, de redynamiser la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, en nommant à sa tête un jeune préfet dynamique, Gilles Clavreul, et il faut mobiliser désormais toutes les administrations dans le cadre d’un grand plan national, pour faire en sorte
que le racisme, les haines, l’antisémitisme, reculent.

Jean-François Achilli
Bernard Cazeneuve, le sujet vous irrite, vous agace, on en a parlé avant l’interview, cette histoire de crèche. Pourquoi ça vous agace, ce sujet, quand on voit la crèche, vous savez de Béziers, celle que Robert Ménard refuse, malgré l’injonction du préfet de l’Hérault, de désinstaller.

Bernard Cazeneuve
Mais, moi, ce qui m’agace, ce sont toutes les mauvaises polémiques qui divisent, qui créent des tensions entre les Français, qui opposent les Français les uns aux autres. On est dans un état de droits, il y a une loi, elle est ancienne, elle doit être appliquée, et lorsque la justice a fait connaitre son interprétation du droit, la République va nous conduire ensemble, lorsque nous l’aimons, et nous l’aimons tous, à appliquer le droit.

Jean-François Achilli
Ça c'est pour la Vendée, mais pour ce qui est de monsieur Ménard, à Béziers, il faut qu’il démonte sa crèche ?

Bernard Cazeneuve
Non, mais il y a un dialogue entre le préfet et monsieur Ménard, je souhaite que ce dialogue se poursuive, et qu’il permette l’apaisement. Je ne suis pas là, comme ministre de l’Intérieur, pour ajouter des tensions aux tensions, et ce qui m’agace, ce sont les polémiques qui opposent, qui antagonisent, qui créent des divisions dans le pays, alors que nous avons besoin, dans ce pays, de rassemblement, d’apaisement, dans le respect des valeurs et des principes de la République, dont le respect de laïcité.

Jean-François Achilli
Alors, l’Assemblée nationale se penche demain sur le projet de loi de réforme du droit d’asile. Quelle est l’idée, Bernard Cazeneuve, c'est de simplifier les procédures ?

Bernard Cazeneuve
L’idée est très simple, c'est de faire en sorte que tout ce qui relève de l’asile en France, puisse être dignement accueilli dans notre pays, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il faut 24 mois entre le moment où on dépose sa demande d’asile et le
moment où on a une réponse. Moi je souhaite qu’on ramène ce délai à neuf mois, parce que trop de temps passé en procédures complexes, c'est pour les demandeurs d’asile, la confrontation à des difficultés, parfois à des difficultés d’intégration, pour leurs enfants et pour eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous voulons amener ces délais de 24 à 9 mois. Nous allons pour cela mettre des moyens, des moyens supplémentaires à l’OFPRA, des moyens  supplémentaires à la Commission nationale du droit d’asile. Nous continuons à créer des places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, nous en avons créé 4000, au cours des dernières années, nous allons en recréer 5000 dans le courant de l’année 2015. Nous voulons que les droits des demandeurs d’asile soient davantage reconnus, à la fois devant l’OFPRA et devant la Commission nationale du droit d’asile et nous voulons qu’ils soient accompagnés par leurs conseils. Nous souhaitons que la presse puisse avoir accès aux centres de rétention administrative, c'est donc un grand progrès, un grand progrès pour que les demandeurs d’asile soient mieux accueillis en France...

Jean-François Achilli
Il y en a 66 000 chaque année.

Bernard Cazeneuve
Il y en a 60 000 chaque année, oui.

Jean-François Achilli
Alors que le chômage est galopant dans ce pays, vous comprenez que les Français puissent s’inquiéter de ça.

Bernard Cazeneuve
Mais comment est-ce que vous pouvez raisonner, vous, de cette manière-là ?

Jean-François Achilli
Je ne fais que vous opposer des arguments qu’on entend dans la classe politique.

Bernard Cazeneuve
Oui, d’accord, mais les arguments qu’on entend dans la classe politique, dans le vacarme et dans le bruit, n’ont pas nécessairement vocation à être diffusés partout lorsqu’ils sont faux. Notre pays est un pays dans lequel le droit d’asile et la République sont consubstantiels l’un à l’autre, l’une à l’autre, et dans ce pays, depuis la Révolution française, tous ceux qui sont persécutés, recherchés, emprisonnés, torturés dans leur pays, ont vocation à être accueillis en France et désormais plus largement en Europe, et ils le sont dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Vous attendez 24 mois, vous restez des années sans savoir quel sera votre sort, sans pouvoir scolariser vos enfants, donc moi je souhaite que le droit d’asile en France retrouve sa pleine et entière place dans la tradition républicaine, et que ceux qui sont persécutés chez eux puissent être accueillis en France, conformément à ce qu’est notre tradition.

Jean-François Achilli
Alors, le ministre de l’Intérieur à plusieurs casquettes sur la tête, la carte des régions revient, c’est chez vous, hein, en troisième lecture à l’Assemblée.

Bernard Cazeneuve
Oui, c'est chez moi, oui.

Jean-François Achilli
Ça y est, c'est plié, il y en a 13, c'est fini, on ne parle plus de...

Bernard Cazeneuve
Mais le débat n'est pas terminé, il va se poursuivre...

Jean-François Achilli
Ça ne bouge pas, ça.

Bernard Cazeneuve
... aujourd'hui et demain, moi je...

Jean-François Achilli
Les Alsaciens sont furieux.

Bernard Cazeneuve
Oui, bien sûr, mais enfin...

Jean-François Achilli
Les Bretons ont obtenu de rester indépendants.

Bernard Cazeneuve
Mais,Jean-François Achilli, vous allez faire les questions et les réponses ? Si vous voulez, je m’en vais...

Jean-François Achilli
C'est une seule question

Bernard Cazeneuve
Mais nous avons décidé d’engager une réforme, lorsque cette réforme a été engagée, vous avez entendu comme moi, les parlementaires expliquer qu’il existait une carte parfaite. En réalité, moi ce que j’ai entendu à l’Assemblée nationale et au Sénat, c'est qu’il y avait autant de bonnes cartes qu’il y avait de parlementaires pour les défendre, parce que c'est un sujet compliqué, et le débat a été à la fois passionné, intéressant, profond, il a permis à chacun de donner la vision qu’il souhaitait voir prévaloir de la France, de ses régions, et ce qui compte aujourd'hui c'est que nous arrivions à un compromis autour de ce texte et que cette réforme soit possible, c'est ce à quoi je m’emploie au Parlement depuis des mois, j’essaie de le faire dans l’écoute de chacun dans le respect des positions développées par les uns et les autres, parce que lorsque vous faites des réformes, il vaut mieux toujours un bon compromis qu’un mauvais conflit.

Jean-François Achilli
Une dernière question, Bernard Cazeneuve. Quand vous voyez dans le débat ce matin, madame Hidalgo qui veut supprimer, à terme, les voitures diesel, dans la capitale, dans Paris. Vous pensez que c'est possible, c'est jouable, c'est réalisable ?

Bernard Cazeneuve
J’ai tendance à penser qu’à chaque fois qu’on a une volonté politique, il faut toujours se donner les moyens de l’énoncer d’abord et ensuite d’atteindre le but. La volonté...

Jean-François Achilli
Il en faudra, des policiers, pour contrôler, dans tout Paris.

Bernard Cazeneuve
La volonté est de faire en sorte qu’il puisse y avoir des transports propres, des voitures moins polluantes, ça dépend à la fois de la volonté des maires et Anne Hidalgo a une volonté forte, et tant mieux, ça dépend aussi de ce que nous sommes capables de faire en matière d’évolution de la fiscalité liée aux carburants. De ce point de vue-là, la contribution énergie climat, que j’avais mise en place, lorsque j’étais ministre du Budget, commençait à faire converger la fiscalité du diesel et la fiscalité de l’essence, et on n’atteint pas ce but, dans une volonté politique forte et partagée, entre l’ensemble des acteurs.

Jean-François Achilli
Merci Bernard Cazeneuve.

Bernard Cazeneuve
C'est moi qui vous remercie.


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