Intervention de Bernard Cazeneuve au Sénat du mardi 13 janvier 2015

13 janvier 2015

Discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, du mardi 13 janvier 2015


Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Je m’exprime avec vous aujourd’hui dans une immense émotion. L’émotion que j’ai ressentie dans vos propos, Monsieur le Président du Sénat, très justes, très profonds, qui rappelaient ce que nous sommes, ce que sont les valeurs de la République et ce qui nous rassemble dans cet hémicycle et par-delà cet hémicycle dans le pays. J’ai retrouvé cette émotion, cette force dans les interventions de tous ceux qui se sont succédé à la tribune, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent. J’ai ressenti cette émotion et cette force aussi dans le discours qu’a prononcé le Premier Ministre avec une force exceptionnelle tout à l’heure à l’Assemblée Nationale : nous avons tous ressenti cette émotion dimanche dans les rues de Paris alors que derrière les victimes rassemblées dans l’unité, il y avait des chefs d’Etat et de gouvernement venus de toute l’Union Européenne, et de bien au-delà, autour du Président de la République française, qui étaient venus dire leur amour de la France, et à travers leur amour de la France, leur attachement aux valeurs que nous incarnons, qui sont des valeurs universelles, qui les concernent et qui les ont inspirés parfois lorsqu’ils ont mis en place leurs institutions. Nous étions nombreux, représentants des institutions, des corps constitués mais aussi simples citoyens à dire que nous n’avions pas peur, que face au terrorisme, nous étions debout, déterminés à faire prévaloir ce que nous sommes dans la fermeté, dans l’exigence de voir prévaloir à chaque instant les valeurs de la République et dans la volonté de faire en sorte qu’à tout moment, la sécurité des Français et notamment de ceux qui ont été  atteints soit assurée.

Nous avons tout à l’esprit – vos propos en témoignent – l’importance du drame qui s’est produit la semaine dernière, un drame qui a touché des journalistes, des caricaturistes, des dessinateurs parce qu’avec leur crayon, ils étaient les héritiers de l’esprit de Voltaire, celui qui a inspiré Micromégas qui regardait notre pays de Sirius et parfois par la distance qu’il crée de là où il nous regardait parvenait à déceler ce qui en nous méritait d’être corrigé ou dénoncé, eh bien, le crayon de ces caricaturistes était leur manière à eux de témoigner de leur impertinence et créer entre leur regard et la réalité, cette distance dont nous avons besoin parfois pour nous changer nous-mêmes. Cette impertinence, cette liberté, c’est ce qu’on a voulu atteindre ; cette impertinence, cette liberté, c’est la France de DAUMIER à WOLINSKI, CABU et tant d’autres qui par leur talent témoignent de l’amour que nous avons de la liberté.

On a voulu atteindre des policiers, des policiers nationaux et les policiers municipaux parce que dans la République, ils incarnent le droit, qu’ils incarnent l’ordre. Quand je dis « l’ordre », je ne veux pas parler d’une fermeture, d’une rigueur, d’une rigidité, non, je veux parler de l’amour de la République, du droit, de l’état de droit qui constitue notre patrimoine commun.

Je vais vous parler de ces policiers, je vais vous en parler parce qu’ils ont été en premier ligne dans ces événements et, comme vous l’avez dit les uns et les autres justement, ils méritent notre estime et notre considération. Je vais vous parler des camarades, membres du service de protection des hautes personnalités, de Franck qui assurait la protection de Stéphane CHARBONNIER, dit « Charb » et qui est tombé quelques minutes après l’entrée des terroristes dans les locaux de Charlie Hebdo, la main sur son pistolet pour assurer courageusement la protection de celui dont il avait la charge. Je n’oublierai jamais, jamais les larmes de ses camarades des services de protection des hautes personnalités qui savaient son courage, sa droiture et sa valeur comme je n’oublierai jamais le regard déterminé de sa mère ce matin à la cérémonie disant sa détermination à résister à la peur dans la dignité. Je n’oublierai jamais l’effroi des camarades de la jeune policière municipale de Montrouge qui venait d’assister au crime abject, on avait tiré dans le dos de leur camarade et il y avait par-delà les larmes, la colère et l’indignation, je n’oublierai jamais non plus le visage et les regards des policiers du commissariat du 11ème  arrondissement, les camarades du policier Ahmed qui a essayé de s’intercepter après que le crime a été commis dans les locaux de Charlie Hebdo pour faire en sorte que la fuite funeste s’arrête. Il y avait dans ce regard de la tristesse, une tristesse incommensurable ; il y avait dans ces regards la fierté d’être policier et je n’oublierai non plus jamais le regard parfois derrière le masque qui assure leur protection, il ne faut pas qu’on les reconnaisse, qu’on les distingue, qu’on les identifie, les regards des policiers de la BRI et du RAID qui sont intervenus en sauvant toutes les vies qui pouvaient l’être à l’épicerie HYPER CACHER et qui témoignaient, ces regards, non pas de la peur après s’être engagé, non pas de l’effroi - et pourtant, il dut à un moment être rencontré  - mais qui témoignaient simplement de la fierté d’avoir sauvé des vies. Alors, ces hommes, ces femmes, qui constituent nos forces de l’ordre que j’ai eus sous ma responsabilité pendant ces événements tragiques, je veux de cette tribune hautement symbolique leur dire du fond du cœur mon immense, mon incommensurable gratitude. Et l’exprimant ainsi de cette tribune, je sais qu’elle n’est que l’expression de ce que vous éprouvez chacune et chacun car nombreux ont été vos témoignages, vos lettres, vos appels, vos SMS. Et je n’oublierai jamais non plus à quel point dans cette période, vous avez été proches de celles et de ceux qui assurent la sécurité des Français et à vous aussi, sénateurs et sénatrices de France pour cette solidarité, pour cet amour de la République, je veux dire ma gratitude et mes remerciements.

Et puis je n’oublierai jamais non plus les propos qui ont été tenus par les représentants des institutions et de la Communauté juive de France qui nous ont dit leur lassitude et leur tristesse d’avoir peur, parce qu’ils voient l’antisémitisme resurgir, dans des formes qui donnent le sentiment que jamais les choses ne s’arrêteront et que jamais il ne sera mis fin à l’abjection. Eh bien comme l’a dit le Premier ministre tout à l’heure à la tribune de l’Assemblée nationale avec force, je veux, avec vous leur dire d’ici, que nous n’accepterons plus et que nous mettrons tout en œuvre pour que plus jamais un seul juif de France n’ait peur d’aller dans une école ou dans un lieu de culte parce qu’il y a des barbares et des assassins qui veulent s’attaquer à ce qu’il y a de plus précieux dans notre pays, le droit de croire ou de ne pas croire, et dès lors que l’on a fait le choix de sa religion, de pouvoir la pratiquer en sécurité et en liberté.

Et dimanche, lorsque nous étions ensemble dans les rues de Paris, nous avons ressenti le peuple de France qui prenait dans ses bras, par-delà les victimes qui conduisaient le cortège, tous les journalistes de France qui incarnent en France la liberté et qui la font vivre dans la République, tous les policiers de France, gendarmes, nationaux et municipaux, qui assurent l’ordre et font respecter l’Etat de droit, tous les juifs de France qui aiment profondément la République et n’entendent pas qu’on l’atteigne, mais aussi tous les autres, qui peuvent avoir honte, qui peuvent avoir peur, et qui n’entendent pas que dans la République, on crée la division, l’effroi et la peur.
Alors bien entendu, comme l’a dit le Premier Ministre à l’Assemblée Nationale, comme l’a exprimé ce matin encore une fois avec beaucoup de force le Président de la République, comme vous l’avez exprimé vous-mêmes à l’instant, il nous faut maintenant regarder l’avenir et tirer tous les enseignements de ce qui s’est produit. Et je veux vous dire, dans la responsabilité qui est la mienne, de ministre de l’Intérieur – mais le Premier ministre a indiqué tout à l’heure que c’était là un devoir pour l’ensemble du gouvernement – que nous nous tenons à la disposition des assemblées, non seulement pour expliquer, non seulement pour rendre compte ! La démocratie doit continuer à respirer avec cette exigence. Et je dirais même que cette exigence de rendre compte doit être encore plus forte aujourd’hui de la part du gouvernement, qu’elle n’a pu l’être par le passé lorsque des événements difficiles se sont produits en raison de la dimension de drame, de tragédie, mais aussi parce que c’est ensemble que nous devons tirer les enseignements de ce qui s’est passé pour apporter les justes corrections, les justes évolutions et faire en sorte que nous soyons plus forts et plus armés encore face au risque terroriste.

Je voudrais, comme l’a fait le Premier ministre, tout à l’heure à l’Assemblée nationale, esquisser devant vous simplement, rapidement – parce que nous aurons l’occasion d’en reparler souvent, et prochainement – les quelques pistes sur lesquelles nous avons décidé d’avancer ensemble.

D’abord, il y a l’urgence ! Pour moi, l’urgence, ce sont deux sujets. D’abord l’enquête qui se poursuit. Nous avons mis en place – et ça a été l’une des raisons du succès des opérations qui ont été conduites – une cellule opérationnelle destinée à assurer le bon déroulement des enquêtes placées sous l’autorité du Parquet antiterroriste, et à mettre hors d’état de nuire tous ceux qui avaient commis des actes ou pouvaient en commettre encore. Nous avons décidé, à la demande du président de la République, du Premier ministre, de ne pas désarmer cette cellule opérationnelle de crise qui rassemble plusieurs fois par jour autour de moi l’ensemble des grands dirigeants du ministère de l’intérieur qui travaillent ensemble, échangent des informations, de manière à ce que les enquêtes se poursuivent, avancent vite et permettent d’identifier toutes les complicités, et l’identité de tous ceux qui ont pu participer, contribuer aux actes tragiques de la semaine dernière afin qu’ils soient identifiés et mis hors d’état de nuire. Vous comprendrez qu’il ne serait pas responsable de ma part de donner des éléments sur les enquêtes en cours, placées sous l’autorité du procureur de Paris, du Parquet antiterroriste, mais je veux vous rassurer en vous disant que tout est mis en œuvre pour que ces enquêtes progressent et qu’elles permettent d’atteindre le but. Comme je veux vous assurer de la détermination de tous les services qui sont placés sous ma responsabilité, notamment de la Direction générale de la Sécurité intérieure, de tout mettre en œuvre pour que nous puissions identifier l’ensemble de ceux qui peuvent représenter un danger pour notre pays.

Car nous sommes – et il faut nommer les choses, les regarder en face, avec sang-froid et détermination – face à un terrorisme d’un nouveau type, des combattants étrangers en nombre, dont le nombre a augmenté de près de 80 % depuis le début de l’année, qui partent sur le théâtre des opérations terroristes, notamment en Irak et en Syrie, et reviennent après avoir procédé à des exactions, des exécutions, des décapitations et qui se trouvent animés, conduits, dirigés par le seul instinct de la haine ; il y a tous ceux qui sont organisés au sein d’autres structures, je pense notamment à Al-Qaïda, et qui peuvent, à travers d’autres modalités, frapper encore et à tout moment ; il y a ceux qui n’appartiennent à rien mais qui fréquentent, dans une relation exclusive de tout autre, la violence sur Internet et qui peuvent, seuls, sans avoir été commandés par personne, passer à l’acte en commettant des crimes, ils sont d’ailleurs les plus difficiles à détecter. Et puis il y a des cellules dormantes ; et puis il y a des réseaux organisés du crime, du trafic d’armes, et du trafic de drogues, qui alimentent par leur financement, ces réseaux organisés terroristes et qui doivent être démantelés.

Je veux vous dire clairement, nettement, fermement, la détermination du gouvernement à agir sans trêve ni pause pour qu’il n’y ait pas de sanctuaire en France pour ces acteurs du crime, quelles que soient les activités auxquelles ils se livrent. Et que les services qui sont placés sous ma responsabilité sont déterminés à atteindre le but en multipliant les actions et les initiatives, comme ils le font depuis des mois. Mais je veux vous demander… solennellement de poser toutes les questions, parce qu’ils sont déterminés à y répondre, et puis en même temps de comprendre que face aux risques auxquels nous sommes confrontés, notre mobilité doit être grande, notre capacité d’adaptation constante, et notre détermination, totale. Poursuivre les enquêtes, assurer la sécurité des Français par l’action de nos services de Renseignement, et aussi assurer la protection des lieux et des institutions qui peuvent se trouver frappés par ces assassins et ces barbares. Je pense aux lieux de culte, je pense à certaines écoles, je pense à certaines institutions. C’est la raisons pour laquelle nous avons pris la décision de protéger l’ensemble des écoles et des lieux de culte de la communauté juive à sa demande, et en liaison étroite avec elle mais aussi tous les autres, parce que les actes islamophobes se sont multipliés au cours des derniers jours et des dernières semaines, et qu’il est du devoir de la République, de protéger tous ses enfants et de traquer ceux qui veulent s’attaquer aux valeurs de la République, à ses principes, et de faire en sorte aussi, comme l’ont dit beaucoup d’orateurs, qu’à cette fin, nous soyons intransigeants, comme l’a dit le Premier ministre avec beaucoup de force tout à l’heure, dans le respect des principes de la laïcité.

Poursuivre les enquêtes, assurer dans l’urgence la sécurité. Et puis nous armer davantage. Et pour nous armer davantage, nous devons traiter de 3 questions. Elles ont été évoquées tout à l’heure, elles doivent être traitées au fond et en très étroite concertation avec l’ensemble des groupes représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat ; c’est l’esprit de la réunion que j’ai tenue hier place Beauvau, qui en appellera d’autres, d’autres que nous devrons tenir dans l’urgence car la réponse, comme vous l’avez dit les uns et les autres, ne saurait trop attendre.

Les trois sujets sur lesquels le Premier ministre a proposé que nous engageons la réflexion collective et sur lesquels il m’a demandé, avec d’autres membres du gouvernement, de travailler, sont les suivants.

D’abord la question des moyens. Nous sommes dans une période qui doit durer le plus longtemps possible, d’unité, de concorde nationale, parce que l’unité nationale, comme vous l’avez dit les uns et les autres, est la condition de la force, face aux attaques terroristes. Alors il n’est pas le moment et il ne sera jamais le moment, dans cette période, de faire le bilan des décisions prises par les uns et les autres à tel ou tel moment. Nos forces de Sécurité ont perdu des moyens. Nous sommes, ensemble, déterminés à faire en sorte qu’elles en retrouvent. C’est l’esprit des décisions prises par le gouvernement au début du quinquennat lorsqu’il a décidé de procéder à des recrutements nouveaux dans la Police et dans la Gendarmerie. Au sein de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, dont 50 % des effectifs se consacrent à la lutte antiterroriste, 432 postes ont été envisagés dont la moitié sont d’ores et déjà créés. Il en faudra sans doute plus. Le Premier ministre m’a demandé, dans cet esprit, de lui faire des propositions. Nous avons besoin d’ingénieurs, de techniciens, d’informaticiens pour mieux détecter un certain nombre de filières qui agissent sur les réseaux Internet, mieux résister aussi à un certain nombre d’attaques cyber dont nous pouvons faire l’objet. Nous avons également besoin de conforter nos moyens hors les personnels. Douze millions d’euros par an ont été affectés dans le cadre du prochain triennal à la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, pour améliorer ses capacités technologiques d’intervention. J’avais indiqué au Premier Ministre au cours des dernières semaines qu’il me paraissait nécessaire d’aller au-delà, dans la modernisation des infrastructures informatiques du ministère de l’intérieur, des infrastructures des réseaux, des applications, car un certain nombre de défaillances qui avaient été constatées, notamment la défaillance du système CHEOPS à l’occasion du retour des 3 combattants étrangers ayant transité par la Syrie, était le signe d’un sous-investissement chronique dans les moyens informatiques dont nous avons besoin pour assurer la sécurité. Nous allons procéder, là aussi, à des investissements significatifs qui seront proposés dans le cadre du Plan que je présenterai au Premier ministre dans quelques jours.

Les moyens, ce sont aussi ces moyens qui doivent permettre à nos forces d’être véloces, rapides, réactives lorsque des incidents graves se produisent. Vous avez évoqué tout à l’heure la question des véhicules ; ce n’est pas un petit sujet, 40 millions d’euros sont d’ores et déjà affectés par force pour permettre l’achat de 2.000 véhicules par an. Cet effort doit se poursuivre et s’intensifier.

Les moyens, les moyens pour la Police, la Gendarmerie, la Direction Générale de la Sécurité Intérieure ; les moyens pour l’Administration pénitentiaire parce que l’on sait que la radicalisation s’effectue aussi en milieu pénitentiaire et que beaucoup de ceux qui, parmi les délinquants de droit commun, sont incarcérés, rencontrent parfois l’islamisme radical en prison, et par conséquent, sortent avec la tentation de commettre d’autres crimes qu’ils n’avaient pas nécessairement envisagé de commettre, et tout cela doit être mis en œuvre et tout cela doit être mis en œuvre comme a commencé à le faire avec beaucoup de force, de détermination la Garde des Sceaux de manière à ce que nous puissions apporter la juste réponse. Les moyens, mais nous devons aussi, Mesdames et Messieurs les sénateurs, nous attaquer à ce qui relève des insuffisances ou des inadaptations de notre système juridique. Je me souviens très bien des débats que nous avons eus à l’occasion de l’adoption de la loi antiterroristes il y a de cela deux mois seulement. Nous avons adopté deux lois antiterroristes depuis le début du quinquennat, une première portée par le Premier ministre lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, une seconde portée par moi il y a de cela simplement quelques semaines puisque cette loi a été adoptée au mois de novembre et je me souviens des débats que nous avons eus, il ne faut d’ailleurs pas les revisiter pour nous faire grief les uns aux autres des positionnements que nous avons eus. Il est normal en démocratie, je n’en ai pas été choqué au moment où les débats ont eu lieu, que l’on cherche constamment le juste équilibre entre la nécessité de renforcer la sécurité des Français et de ne jamais porter atteinte à leurs libertés mais je me souviens que dans ce débat, lorsque j’ai insisté sur le rôle déterminant joué par Internet et sur la nécessité de procéder à davantage de régulation, à davantage d’intervention pour que les messages de haine qui s’y déploient sans limites soient enfin cantonnés, il y a eu une discussion sur la nécessité de trouver le bon équilibre entre cette exigence de régulation et la neutralité d’Internet et la liberté d’expression permise sur la toile. Je me souviens que lorsqu’il a été proposé l’interdiction administrative de sortie du territoire pour ceux dont on savait qu’ils allaient s’engager dans des opérations terroristes et dont on était à juste titre convaincu qu’ils reviendraient habités par le seul instinct de la haine, il y a eu des débats sur la liberté d’aller et venir.
Et je me souviens que lorsque nous avons présenté une disposition à travers l’article 15 de la loi qui permettait à mon ministère de pouvoir conserver au-delà de 30 jours le contenu des interceptions de sécurité de manière à ce que nous puissions aller au bout de l’exploitation des renseignements dont nous avions besoin, il y a eu des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat qui ne nous ont pas permis d’aller au bout de cette disposition que j’avais présentée de manière à ce que nous puissions disposer de la totalité des éléments dont nous avons besoin pour procéder à la surveillance nécessaire de ceux que nous devons surveiller. Eh bien je propose que dans le contexte nouveau résultant des événements qui viennent de se produire nous ne mettions pas en place des lois d’exception qui seraient comme une première victoire des terroristes sur nous-mêmes, sur la démocratie, mais que nous fassions en sorte lucidement de regarder la réalité de manière à ce que nous puissions nous doter de tous les moyens qui nous permettent de lutter efficacement contre le terrorisme en prenant toutes les mesures notamment à travers la loi sur le renseignement qui permettent à nos services de disposer des outils dont ils ont besoin pour être dans l’efficacité et dans l’efficience.

Enfin, le troisième point sur lequel je voudrais insister c’est sur la nécessité de travailler sur les organisations et les coopérations. Beaucoup des sujets que nous avons devant nous dépendent de nous, dépendent de vous législateurs qui allez devoir comme le gouvernement en regardant la situation nouvelle à laquelle nous sommes confrontés, nous allons devoir ensemble prendre nos responsabilités mais beaucoup dépend aussi d’un cadre qui associe d’autres institutions et d’autres Etats. Je veux parler notamment de tous les enjeux européens sur lesquels nous devons nous mobiliser et que nous avons de nouveau mis sur le métier dimanche dernier en rassemblant à Paris les ministres de l’Intérieur non seulement de l’Union européenne mais aussi de ceux d’autres pays, grandes puissances avec lesquelles nous travaillons étroitement pour essayer d’être plus efficace en terme de renseignements et de démantèlements des grandes filières du crime organisé et notamment des grandes filières terroristes. Je veux parler tout d’abord de ce qui doit être fait pour démanteler de façon volontariste tous ceux qui procèdent au trafic d’armes, c’est un trafic international qui va bien au-delà des frontières de l’Europe, qui mobilise des organisations du crime, qui parfois ont une dimension multinationale et qui conduisent des acteurs à utiliser des sociétés écrans, des comptes dans des paradis fiscaux pour alimenter le terrorisme. Il faut que nous soyons capables par des actions plus puissantes sur Internet, par des échanges plus réguliers entre services de renseignements, de faire en sorte que nous puissions être dotés des moyens qui nous permettent de démanteler rapidement ces filières organisées du crime notamment dans le domaine du trafic d’armes. Nous devons ensuite faire en sorte que les trajets de tous ceux qui agissent dans ces réseaux terroristes puissent être davantage identifiés pour que le système d’information Schengen avec son dispositif de signalement nous permette à tout moment d’arrêter les trajets de ceux qui peuvent commettre des crimes dans nos Etats après avoir traversé l’Europe en en commettant parfois dans plusieurs Etats après avoir fait escale dans plusieurs aéroports, c’est la mise en place du PNR. Et comme l’a fait le Premier ministre tout à l’heure devant l’Assemblée nationale, je veux profiter de notre débat pour appeler du Sénat l’ensemble des parlementaires européens à bien comprendre que nous ne pourrons pas réussir la lutte contre le terrorisme si le PNR ne se met pas en place rapidement et qu’il est possible de le faire, qu’il est possible de le faire sans préjudice pour les libertés publiques puisque la Cour de justice de l’Union européenne vient de prendre une position sur la protection, la durée de détention des données qui peut permettre de trouver cet équilibre entre davantage de protection des données et le PNR qui permettra davantage de sécurité au plan européen. Nous devons aussi faire évoluer le regard que nous portons sur Schengen, faire en sorte que nous puissions dans le cadre du code actuel en l’interprétant intelligemment, faire en sorte que des contrôles plus réguliers, plus systématiques puissent se faire pour des vols en provenance d’un certain nombre de pays de manière à assurer une plus grande efficacité des contrôles de la police de l’air et des frontières dans des aéroports. Comme nous devons accepter d’engager une réflexion au sein de l’Union européenne permettant une modification rapide du code Schengen destiné non pas à remettre en cause la liberté de circulation, non pas destiné à remettre en cause l’atout que représente la liberté de circulation en Europe mais destiné à faire en sorte que celle-ci se conjugue avec l’exigence de sécurité dont nous avons besoin. Nous avons besoin de plus de coopération européenne, nous avons besoin de plus de coopération internationale, nous avons un agenda dont vous voyez, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, qu’il est riche, qui nous engage.

Je voudrais conclure ce propos en vous indiquant comme l’a fait le Premier Ministre tout à l’heure devant les députés que le gouvernement est déterminé à faire ce travail avec vous. Des propositions seront élaborées rapidement parce que nous devons être dans le mouvement, dans l’efficacité, dans la rapidité de la réaction. Mais ces réflexions rapides seront partagées avec vous parce que nous voulons dans l’unité nationale faire en sorte que la lutte contre le terrorisme permet d’adopter les meilleures dispositions dans le consensus le plus large. Enfin, je voudrais conclure en vous disant aussi que tout ce que nous allons faire ensemble doit être inspiré par tout ce que vous avez dit et qui nous rassemble, c’est-à-dire la volonté de faire en sorte que dans la République la laïcité qui permet à la République d’accueillir en son sein tous ces enfants, le respect des valeurs de liberté, de tolérance et de respect de l’autre même s’il est différent de nous continue à l’emporter et à prévaloir face à toutes les formes de terrorisme et d’intolérance.

Car ce qu’a révélé la manifestation de dimanche et ce que révèle l’unité qui préside à notre action, c’est l’amour que nous avons de la République, de ses valeurs. Et c’est cet amour qui nous donne de la force face aux attaques des terroristes.