Intervention à la Matinale de France Info le 23 avril 2014

23 avril 2014
 

Jean Leymarie
Bonjour Bernard Cazeneuve.
 
Bernard Cazeneuve
Bonjour.

Jean Leymarie
Le Mujao, un groupe Djihadiste, a donc annoncé la mort d’un otage français enlevé au Mali, Gilberto Rodrigues Leal. Pouvez-vous confirmer sa mort ce matin monsieur le ministre ?

Bernard Cazeneuve
Le président de la République a communiqué hier pour dire sa tristesse, sa peine, sa solidarité à l’égard de la famille. Cela témoigne de l’extrême dureté des conditions de détention de ceux qui sont otages et de la nécessité de tout faire, de tout mettre en œuvre pour essayer de les sortir des griffes de leurs ravisseurs, ce que nous avons réussi à faire avec succès pour les quatre otages qui ont été libérés. Mais la mort d’un otage français détenu et pour tous les Français et pour ceux qui exercent la responsabilité du gouvernement du pays un choc et une tristesse.

Jean Leymarie
Donc pas de confirmation, une forte présomption en revanche.

Bernard Cazeneuve
Je n’ai rien d’autre à dire que ce qu’a indiqué le président de la République dans son communiqué.

Jean Leymarie
Si je vous interroge Bernard Cazeneuve sur son sujet c’est parce que les groupes Djihadistes sont décidément au cœur de l’actualité, et parmi eux souvent il y a des Français, en particulier en Syrie, vous présentez tout à l’heure en Conseil des ministres un plan pour lutter contre les filières Djihadistes. Quelle est la mesure concrète, la plus importante à l’intérieur de ce plan ?

Bernard Cazeneuve
Il y a des Français, il y a des Européens en nombre, et par conséquent il faut être déterminé à lutter contre ce phénomène. Un nombre sans cesse croissant d’Européens qui partent dans des groupes Djihadistes en Syrie avec des exactions commises, des actes de barbarie, de tortures, de crimes, tout cela doit cesser. Et nous avons décidé de mettre en place trois types de disposition ? Première disposition empêcher nos ressortissants de partir commettre ces crimes parce qu’il s’agit de crimes en Syrie. Comment le faire ? D’abord pour ce qui  concerne les populations « mineurs », parce qu’il y a des mineurs qui sont partis ou qui sont sur le chemin de la Syrie, c’est de faire en sorte que leurs parents puissent nous alerter. Et dès lors qu’ils nous ont alerté, empêcher…

Jean Leymarie
Comment ça se passe concrètement monsieur le ministre…

Bernard Cazeneuve
Nous allons…

Jean Leymarie
Je pense à ces parents qui peut-être nous écoutent ce matin et qui pensent que leur enfant est en train de basculer.

Bernard Cazeneuve
Je recevrai cet après-midi des familles qui ont connu ces phénomènes. Tout parent qui aujourd’hui sent que son enfant risque de basculer ou qui a des présomptions ou des inquiétudes va pouvoir se manifester auprès du ministère de l’Intérieur et nous mettrons en place immédiatement un signalement de ce jeune sur le système d’information Schengen de manière à déclencher l’ensemble des dispositifs qui lient d’ailleurs les pays de l’Union Européenne de manière à empêcher que ces jeunes franchissent les frontières de l’Union Européenne vers la Syrie. Ca veut dire que tout jeune qui prendra un moyen aérien ou qui se déplacera y compris d’ailleurs par un véhicule voiture, bus et qui cherchera à traverser la frontière de l’Union européenne pour se rendre vers ces pays par la mobilisation de tous les pays de l’Union européenne parce que c’est aussi ça le système d’information Schengen, nous serons en situation d’éviter ce départ. Il en est de même d’ailleurs pour les populations non mineurs et nous aurons à prendre les dispositions législatives pour rendre cela possible…

Jean Leymarie
On va en parler, mais je voudrais…

Bernard Cazeneuve
Et nous pourrons aussi…

Jean Leymarie
Qu’on reste sur les mineurs encore un instant.

Bernard Cazeneuve
Retirer les passeports.

Jean Leymarie
On va en parler, c’est important aussi. Sur ces mineurs est-ce que vous allez rétablir l’autorisation de quitter le territoire qui a été supprimée ?

Bernard Cazeneuve
Non il ne s’agit pas de rétablir l’autorisation de quitter le territoire, il s’agit simplement de faire en sorte que ces jeunes lorsqu’ils sont signalés par leurs parents puissent immédiatement être empêchés de quitter le territoire national par les mesures que nous nous proposons de prendre.

Jean Leymarie
Pourquoi est-ce que vous n’êtes pas allé jusque là ? Pourquoi est-ce que vous ne revenez pas sur…

Bernard Cazeneuve
Parce que c’est une mesure qui n’a pas besoin d’être prise pour être efficace, à partir du moment où les parents signalent…

Jean Leymarie
Après tout ça peut sembler normal que des parents contrôlent les voyages de leurs enfants mineurs.

Bernard Cazeneuve
Oui mais si des parents ne sont pas informés de ce départ parce qu’ils n’ont pas senti les choses et que les jeunes partent, de toutes les façons qu’il y ait ou pas autorisation s’ils partent par des moyens clandestins cela ne servira à rien. Alors que dès lors que nous nous avons par le signalement des parents ou par tout autre enquête qui peut être conduite soit par la police soit par nos services de renseignements des éléments qui montrent que ces jeunes risquent de partir, le fait que nous mettions en place ces dispositions qui lient l’ensemble des pays de l’Union européenne donne immédiatement des résultats.

Jean Leymarie
Les majeurs qui composent tout de même l’essentiel de ces Djihadistes, vous prévoyez légalement des mesures. Est-ce que vous allez confisquer les passeports des suspects, de ceux que vous soupçonnez de partir faire le Djihad ?

Bernard Cazeneuve
Bien entendu nous le ferons, on peut retirer tout à fait ces passeports dès à présent…

Jean Leymarie
Est-ce que c’est légal ça Bernard Cazeneuve ?

Bernard Cazeneuve
Oui, on peut tout à fait le faire, dès lors qu’il y a des…

Jean Leymarie
Sur de simples intentions.

Bernard Cazeneuve
Dès lors qu’il y a des présomptions sérieuses, des risques qui mettent en cause la sécurité nationale nous avons la possibilité de procéder au retrait de ces passeports. Ce que nous n’avons pas la possibilité de faire c’est de retirer des papiers d’identité qui d’ailleurs permettent de circuler, avec une carte d’identité vous circulez dans l’espace Schengen, ça nous ne pouvons pas le faire en dehors d’une procédure de contrôle judiciaire.

Jean Leymarie
Vous parliez d’un troisième volet.

Bernard Cazeneuve
Le deuxième volet c’est la lutte, donc ça c’est l’empêchement du départ, qui est quand même l’élément très important parce que tous ceux qui partent faire le Djihad, et qui reviennent, reviennent dans des conditions où ils ont perdu tous leurs repères, où ils sont psychologiquement détruits où la violence est devenue leur écosystème. Donc il faut absolument réussir cette partie du plan et nous allons déployer les moyens que je viens d’indiquer. J’ajoute d’ailleurs à ces moyens qu’il y aura également des entretiens administratifs qui seront diligentés par nos services pour sensibiliser les familles et sensibiliser les jeunes au risque qui s’attachent à ce départ, y compris au risque judiciaire. Deuxièmement il faut démanteler les filières Djihadistes. Pour démanteler les filières Djihadistes il y a un travail de coopération européenne à faire. J’ai rencontré mon homologue allemand, mon homologue autrichien. Je verrais mes homologues britanniques, italiens, espagnols, pour que nous enclenchions une action très forte à destination des grands opérateurs pour qu’il n’y ait plus de diffusion de vidéos, de photos, de messages qui incitent au Djihad qui sont des véritables messages de propagande et d’embrigadement. Et puis par ailleurs nous interviendrons sur Internet pour déceler tous les comportements, toutes ces filières. Et puis enfin il faut faire de la prévention, c’est le troisième axe, et nous devons à chaque fois qu’une famille se manifeste pour nous signaler la situation d’un jeune ou d’un membre de la famille qui veut partir, être en situation immédiatement, de mettre un dispositif d’accompagnement qui permettra sur des territoires et sous l’autorité des préfets de mobiliser tous les acteurs.

Jean Leymarie
Tout ça c’est avant monsieur le ministre, il y a aussi tous ces français qui rentrent ensuite après avoir fait le Djihad. Allez-vous les empêcher de rentrer en France ?

Bernard Cazeneuve
Ca ce n’est pas possible. C’est tout à fait contraire au droit international, à partir du moment où il s’agit d’un citoyen français il a le droit de revenir dans son pays.

Jean Leymarie
Mais qu’allez-vous faire alors ?

Bernard Cazeneuve
On n’a pas la possibilité…

Jean Leymarie
Il rentre en France, que faites-vous ?

Bernard Cazeneuve
Il rentre en France, il est identifié, il a commis des crimes. Celui qui est allé en Syrie il faut bien comprendre cela, il se livrait à des exactions, des actes de torture, à des actes de décapitation, à des meurtres, parce que c’est bien de cela dont il s’agit. Et qui rentre en France est passible immédiatement de l’enclenchement de procédures judiciaires pour des raisons qui tiennent au fait qu’il a commis des actes relevant de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Et immédiatement la justice fait son œuvre pour que le droit passe. Et que ces personnes soient mises hors d’état de nuire sur le territoire national.

Jean Leymarie
Ces Djihadistes sont-ils dangereux quand ils reviennent en France, est-ce qu’ils risquent de commettre des attentats sur notre sol ?

Bernard Cazeneuve
Mais il y a un danger, il faut bien entendu en avoir conscience parce que quand on a fréquenté la torture, le crime, la barbarie, que l’on a perdu tous ces repères, que l’on a été détruit psychologiquement. D’ailleurs souvent on part parce qu’on est dans une situation de fragilité psychologique et ce que l’on fréquente sur le théâtre de ces opérations est absolument monstrueux, et d’ailleurs il s’agit …

Jean Leymarie
Donc le danger existe.
Bernard Cazeneuve
Donc il existe, et c’est la raison pour laquelle nous prenons l’ensemble de ces mesures de façon extrêmement vigilante pour faire en sorte que ces filières, un, soient démantelées. Que les gens ne  partent pas et quand ils reviennent qu’ils soient entre les mains de la justice.

Jean Leymarie
Est-ce que les moyens sont suffisants ? Les moyens de la police et de la justice.

Bernard Cazeneuve
Ce plan est destiné à faire en sorte qu’il y ait la totalité des moyens juridiques, des moyens de prévention…

Jean Leymarie
Vous augmentez les effectifs.

Bernard Cazeneuve
Les moyens de pénalisation qui permettent de faire en sorte que tout cela soit maîtrisé.

Jean Leymarie
Merci Bernard Cazeneuve.

Bernard Cazeneuve
C’est moi qui vous remercie.