Intervention de Monsieur Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur, lors de l'hommage national rendu au lieutenant de police Sandrine MORTAS - Evreux, samedi 13 septembre 2014
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Ministre, cher Bruno LE MAIRE
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Députés, Monsieur le Député-Président du Conseil général de l’Eure,
Monsieur le Président du Conseil régional de Basse-Normandie,
Monsieur le Maire d’Evreux,
Monsieur le Maire de Caen,
Mesdames et Messieurs les Maires, conseillers généraux et élus de l’Eure et de Normandie,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale,
Madame la Présidente du Tribunal de Grande Instance, Madame la Procureur de la République,
Madame la Directrice centrale adjointe de la Sécurité publique,
Monsieur le Directeur départemental de la Sécurité publique de l’Eure,
Mon Colonel, représentant le Général commandant la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat, Colonels,
Monseigneur, Monsieur le Pasteur, Monsieur le vice-président du conseil régional du Culte musulman,
Mesdames et Messieurs les personnels des services de l’Etat – je veux saluer tout particulièrement les fonctionnaires de police, adjoints de sécurité, cadets, personnels administratifs et techniques de la Direction départementale de la Sécurité publique de l’Eure,
Cher Romuald MORTAS,
Chère Sylvie LEVY, cher Alain PORCHER,
Chers Hugo, Lucie et Julie,
Quand samedi dernier, Sandrine MORTAS est allée prendre son poste au sein du service d’ordre organisé pour les Jeux équestres mondiaux, à Caen, elle était heureuse.
L’équitation était sa passion, qu’elle pratiquait régulièrement, en compétition. Son autre passion était le service d’autrui – tâche à laquelle elle aura consacré toute sa vie professionnelle.
Cette mission aux Jeux équestres mondiaux lui permettait de concilier les deux activités qu’elle aimait le plus au monde. Sa famille, ses collègues le savaient bien, à qui Sandrine avait dit son enthousiasme.
Personne n’aurait pu se douter qu’à la fin de cette journée Sandrine serait grièvement renversée par un scooter. Personne – ni ses collègues, ni elle-même – n’aurait pu imaginer un tel drame.
Sa mort brutale est une terrible injustice. Tombée en mission, Sandrine a été la victime de la bêtise criminelle – celle d’un chauffard ivre et multirécidiviste, qui a depuis été interpellé, puis placé en détention. Il revient désormais à la justice de faire son œuvre.
Après avoir courageusement résisté, Sandrine MORTAS nous a quittés, dans la nuit de mardi à mercredi.
*
Etre policier, c’est exercer un métier noble, parfois au péril de sa propre vie. Nos concitoyens n’en ont pas toujours conscience, et le drame qui nous réunit aujourd’hui vient tristement nous le rappeler.
Une vie de policier – malgré les difficultés rencontrées, malgré les drames affrontés – est une vie passée au service de la République, une vie passée au service des Français. Une vie faite d’abnégation et de sacrifices personnels au service des autres et de l’intérêt général.
Un policier ne sait jamais ce qu’il va rencontrer dans sa journée de travail. Quelles situations il va avoir à gérer ou à affronter. Il doit sans cesse faire face à l’urgence, il est parfois confronté au danger. Il sait bien que chaque mission – même la plus anodine, en apparence – peut basculer dans le drame.
C’est cela, être policier. S’exposer soi-même pour le bien de tous, prendre des risques et l’accepter. Parce que si vous ne le faites pas, qui le fera à votre place ?
Sandrine avait fait le choix de cette vie, de cet héroïsme du quotidien. Elle portait avec honneur et fierté l’uniforme de la Police nationale.
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Je sais que les mots ne suffisent pas à rendre le chagrin et l’émotion que nous ressentons tous en cet instant. J’aimerais tant pouvoir atténuer – ne serait-ce qu’un peu – la douleur qui est la vôtre, Romuald – celle aussi de Hugo, Lucie et Julie, les chers enfants de Sandrine. Celle de Sylvie et d’Alain, ses parents. Celle de tous ses collègues.
Vous avez perdu une épouse, une mère, une fille, une amie, une collègue. Rien ne saurait apaiser votre chagrin. J’en ai bien conscience.
Je veux simplement vous dire ceci : soyez fiers d’elle.
Hugo, Lucie et Julie, soyez fiers de votre maman. Sylvie et Alain, soyez fiers de votre fille. Romuald, soyez fier de Sandrine avec qui vous formiez – elle la policière, vous le sapeur-pompier de Paris– un couple voué au service des autres.
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Sandrine était une grande professionnelle, passionnée par son métier. Sa carrière fut en tout point exemplaire. Le choix de se mettre au service des autres – et notamment des plus fragiles – et au service de l’intérêt général, elle l’avait fait très tôt, puisqu’avant de s’engager à 25 ans dans la Police nationale, elle se destinait à une carrière d’infirmière.
En septembre 2002, une fois diplômée de l’Ecole de Police de Roubaix, elle décida d’exercer sa mission dans la CSP de Livry Gargan, dans le département de la Seine-Saint-Denis, secteur particulièrement difficile. Sandrine ne reculait devant aucun défi.
A peine affectée là-bas, elle se distingua à plusieurs reprises, procédant à l’interpellation de plusieurs délinquants locaux. Ses chefs et ses collègues se félicitèrent de pouvoir compter sur elle pour les aider à assurer la sécurité de tous.
En 2007, elle obtint sa mutation pour la CSP d’Evreux, où elle commença par exercer ses fonctions au poste de police de la Madeleine – où là aussi elle donna entière satisfaction à sa hiérarchie.
Après un congé parental qui lui avait permis de se consacrer à ses enfants, elle intégra, en juillet 2013, la brigade de roulement B du service général. Dans sa nouvelle unité, sa motivation, son expérience et son efficacité firent rapidement merveille. Ses supérieurs, ainsi que ses collègues, sont unanimes : Sandrine était un pilier de la brigade. Sa détermination et son dévouement forçaient l’admiration de tous.
A ses collègues, je veux également dire ceci : je sais que Sandrine va terriblement vous manquer, mais soyez heureux de l’avoir côtoyée, d’avoir eu la chance de la rencontrer et de travailler avec elle. Souvenez-vous de la policière talentueuse et efficace qu’elle était. Souvenez-vous de sa bonne humeur communicative, de sa générosité, de son attention aux autres, de sa bienveillance à l’égard des plus jeunes et des moins expérimentés d’entre vous. La vie d’un policier est parfois faite de drames, mais aussi de joies simples, celles que procurent la solidarité et l’entraide entre collègues.
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Romuald, Sylvie, Alain, Hugo, Lucie et Julie, et vous tous qui avez travaillé aux côtés de Sandrine, toutes mes pensées, tous mes sentiments sont pour vous.
Sachez que, dans cette épreuve, vous n’êtes pas seuls. Nous tous ici présents partageons la même peine.
La Police nationale est aujourd’hui en deuil, plus que jamais solidaire, comme à chaque fois qu’un tel drame survient.
En reconnaissance de l’Etat pour les services rendus et en hommage à sa carrière tragiquement interrompue, Sandrine MORTAS a été élevée au grade de Lieutenant de police. Elle est citée à l'Ordre de la Nation et dans un instant, elle sera décorée des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur, de la Médaille de la Sécurité Intérieure, de la Médaille pour Acte de Courage et de Dévouement et de la Médaille d’Honneur de la Police Nationale, échelons or.
Nous saluons avec émotion le souvenir de Sandrine MORTAS, qui a payé de sa vie son choix de servir les Français. Que ses enfants et ses proches sachent qu'elle a fait honneur à la Police nationale.
A Sandrine MORTAS et à tous les fonctionnaires de la Police nationale, à vous tous ici présents, je veux dire que nous savons ce que nous vous devons. La République sera éternellement reconnaissante à celles et ceux qui la servent, avec courage et abnégation.
Le dévouement de Sandrine MORTAS restera à jamais gravé dans nos mémoires et dans nos cœurs. Et c’est avec émotion qu’aujourd’hui, au nom du Gouvernement, je m’incline respectueusement devant sa mémoire.