Hommage funèbre à l’adjudant de sapeur-pompier Bruno Collard

Hommage funèbre à l’adjudant de sapeur-pompier Bruno Collard
20 juillet 2016

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, prononcé à l'occasion de l'hommage funèbre rendu à l’adjudant Bruno Collard - Pézilla-la-Rivière, le 20 juillet 2016.


- Seul le prononcé fait foi -

Madame la Ministre,
Monsieur le Préfet,
Madame la Sénatrice, Présidente du Conseil d’administration du Service d’Incendie et de Secours des Pyrénées-Orientales,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général de la Sécurité civile et de la Gestion des crises,
Mon Colonel, Directeur départemental du Service d’Incendie et de Secours des Pyrénées-Orientales,
Mon Colonel, Président de la Fédération nationale des Sapeurs-pompiers de France,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers, caporaux et sapeurs-pompiers des Pyrénées-Orientales,
Mesdames et Messieurs,
Chère Coralie SANZ,
Chère Sophie CRUZ,
Chers Inès et Enzo,  
Chère Madame BARDAJI,
Chers Maxime et Guillaume, chères Françoise, Agnès et Christine, chers Thibaud et Clément,
Et nous pensons, bien sûr, à Arnaud, très grièvement blessé et actuellement hospitalisé.

Il y a exactement une semaine, le 13 juillet dernier, l’adjudant de sapeur-pompier Bruno COLLARD disparaissait dans des circonstances tragiques. Aujourd’hui, c’est la République tout entière qui s’en trouve endeuillée.

A Pézilla-la-Rivière, dans le village où il vivait et où il repose désormais, nous sommes tous rassemblés, dans la peine et le chagrin, pour lui rendre un dernier hommage et célébrer l’engagement qui fut le sien, jusqu’au sacrifice ultime.

Bruno a perdu la vie au cœur des paysages de Catalogne qu’il chérissait tant, sur une route entre Pézilla et Toreilles, entre la mer et la montagne. Ces terres rugueuses des Pyrénées-Orientales, gorgées de soleil, riches d’histoire, il avait consacré sa vie à les arpenter et à les protéger, au point de les connaître mieux que quiconque, de même qu’il avait choisi en conscience de protéger les femmes et les hommes qui y vivent.

Bruno était un sapeur-pompier. C’était là un engagement de toute une vie, un engagement de chaque instant. Au service d’un seul et unique objectif – sauver des vies –, il réunissait sa vie professionnelle et sa vie associative, puisque Bruno était à la fois sapeur-pompier professionnel, à Perpignan, sa ville natale, et sapeur-pompier volontaire, à Pézilla-la-Rivière, son village d’adoption. L’essentiel de son temps, il le consacrait donc aux autres et à sa passion du secours, celle-là même qui anime tous les sapeurs-pompiers de France, qu’ils soient professionnels ou volontaires, civils ou militaires.

Telle était sa grande fierté.

Telle était sa vie, faite de courage et d’abnégation, de solidarité et de générosité, mais aussi faites de risques assumés, affrontés avec lucidité.

La mort tragique de Bruno COLLARD rappelle ainsi à chacun d’entre nous, comme à chaque Français, les exigences qui s’attachent au métier et à l’activité de sapeur-pompier, et la part de danger qui leur est consubstantielle. Nos concitoyens en ont d’ailleurs conscience, qui n’hésitent jamais à vous manifester leur soutien et leur profonde gratitude.

La disparition de l’adjudant Bruno COLLARD est une perte terrible pour sa famille, pour ses proches, pour ses camarades. Elle l’est aussi pour l’ensemble des sapeurs-pompiers de France et, plus largement, pour la République.

C’est en pesant chacun de ces mots avec gravité que je le dis devant vous. Car la cérémonie qui nous rassemble aujourd’hui se tient dans des circonstances si dramatiques pour le pays que chacun d’entre nous ne peut que les avoir à l’esprit. Et, en cet instant, sans doute la tristesse que nous éprouvons après la mort de Bruno se mêle-t-elle au chagrin qui est le nôtre en pensant aux 84 victimes innocentes assassinées, à Nice, le jour de la Fête nationale, par un terroriste mû par une folie barbare. Nous pensons à elles, nous pensons à leurs familles et à leurs proches, et nous pensons aussi à toutes celles et ceux qui ont été grièvement blessés au cours de cette tragédie.

Si je parle aujourd’hui de ces événements douloureux, c’est pour mieux souligner ce que nous devons aux femmes et aux hommes qui s’engagent corps et âme, comme l’avait fait lui aussi Bruno, dans les forces de sécurité civile chargées de protéger et de secourir nos concitoyens en toutes circonstances, y compris les plus graves.

Le 14 juillet, au cœur de la terreur, 570 sapeurs-pompiers des Alpes-Maritimes et des départements voisins sont immédiatement intervenus sur les lieux de l’attentat pour sauver des vies, apporter les premiers soins aux blessés, tenter de rassurer les personnes traumatisées.

Nul ne doute que, s’il avait été confronté aux mêmes circonstances, Bruno aurait, tout comme eux, accompli sa mission avec une humanité et un dévouement hors du commun. Car c’est cela, être sapeur-pompier. Ces femmes, ces hommes sont nos héros. Ils sont les héros de la République. Et, à l’heure où nous avons besoin de la vigilance et de la mobilisation de chacun d’entre eux, oui, la disparition de l’adjudant Bruno COLLARD constitue bien une perte pour la République.

Car Bruno était un grand professionnel et un homme de cœur sur qui l’on pouvait toujours compter lors des interventions difficiles. Jamais il n’a hésité à risquer sa vie pour protéger celle des autres.

Mercredi dernier, il a perdu la vie dans un accident de la route, alors qu’avec ses camarades il partait lutter contre un violent incendie qui menaçait, sur le littoral, quatre campings de la commune de Toreilles. En dépit de l’intervention rapide des secours, Bruno ne s’est malheureusement pas réveillé et a succombé à ses blessures.

Aujourd’hui, c’est toute une famille qui est plongée dans la douleur et à laquelle je veux dire toute ma compassion.

En cet instant, mes pensées s’adressent à vous, Coralie, sa compagne, et à vous, Sophie, la mère de ses enfants. A vous et à Inès et Enzo, que Bruno aimait tant et dont il était si fier.

Je pense à vous, chère Elisabeth, qui venez de perdre un fils tant aimé. C’est là une souffrance que je ne saurais moi-même imaginer et que nul parent ne devrait avoir à endurer.

Je pense à ses frères, Arnaud, Maxime, Guillaume, Thibaud et Clément, tous appartenant également, d’une façon ou d’une autre, à la grande famille des sapeurs-pompiers, comme professionnels, volontaires ou bien jeune sapeur-pompier. Je pense aussi à ses sœurs, Françoise, Agnès et Christine.

Je pense à toute sa famille et à ses proches, à ses amis et à ses camarades, à toutes celles et ceux qui ont croisé ou accompagné son chemin. Sachez que, dans cette terrible épreuve, vous avez, et vous aurez toujours, tout mon soutien, comme celui de l’ensemble des sapeurs-pompiers de France. Votre chagrin est aujourd’hui le nôtre, et il est le mien.

Comme je l’ai dit, l’engagement de Bruno était aussi celui de toute une famille, de toute une fratrie. Sa passion du secours et du service d’autrui, il la partageait intensément avec ses six frères et demi-frères. Arnaud, sergent de sapeur-pompier, était d’ailleurs à ses côtés, ce jour terrible du 13 juillet. Très grièvement blessé, il est à l’heure actuelle toujours hospitalisé à Perpignan. Toutes nos pensées l’accompagnent, et nous espérons qu’il se rétablira aussi vite que possible. A son épouse et à ses deux enfants, je veux également adresser tout mon soutien et ma plus profonde sympathie.

Dans le véhicule où se trouvaient Bruno et Arnaud, il y avait deux autres sapeurs-pompiers, tous deux grièvement blessés et encore hospitalisés : le sergent Guillem MIFFRE et le sapeur de 1ère classe Mathieu SOLGADI. Je veux également leur adresser mes vœux de très prompt rétablissement.

Tous les quatre appartenaient au même village, au même centre de secours de Pézilla-la-Rivière. Je sais que, depuis mercredi, c’est toute une communauté qui est rongée par un terrible chagrin. A vous tous, je veux apporter le soutien de la Nation.

Au-delà, c’est bien l’ensemble des sapeurs-pompiers des Pyrénées-Orientales qui sont aujourd’hui en deuil. En un an à peine, c’est la deuxième fois qu’ils sont aussi durement frappés. Dans la nuit du 17 au 18 septembre 2015, en effet, le caporal Patricia FILIPPI, sapeur-pompier volontaire au centre de secours du Boulou, perdait tragiquement la vie, alors qu’elle luttait avec héroïsme contre un feu de forêt sur les hauteurs de la commune de Cerbère. Le 23 septembre dernier, nombre d’entre nous ici présents étaient déjà rassemblés pour lui rendre un dernier hommage. C’est là, pour moi, un souvenir déchirant qui restera gravé à jamais dans ma mémoire.

Les sapeurs-pompiers de France paient un lourd tribut à la protection des Français. Il convient de ne jamais l’oublier.

Bruno COLLARD le savait, lui qui avait toujours souhaité devenir un sapeur-pompier. Cette vocation, il l’avait véritablement embrassée en 2000, en participant, le temps d’un été, à la surveillance des plages en tant que bénévole. Le 3 mars 2002, il intégrait enfin le corps des sapeurs-pompiers volontaires, au centre de secours de Pézilla-la-Rivière. Toujours, il conservera un lien très intense, celui du cœur, avec le centre de Pézilla, sa seconde famille. Jamais il ne se rompra, quelles que soient les différentes affectations de Bruno, devenu entre-temps, le 1er janvier 2004, sapeur-pompier professionnel.

D’abord affecté au Centre de Traitement de l’Alerte (CTA) du Centre opérationnel départemental d’Incendie et de Secours (CODIS) jusqu'au 31 mars 2013, il rejoindra par la suite le centre de secours de Canet-en-Roussillon, puis le centre de secours principal de Perpignan Nord en mars 2015, où il officiait toujours.

En juillet 2015, en tant que sapeur-pompier volontaire, et parallèlement à sa carrière professionnelle, il a finalement décidé de retrouver le centre de secours de Pézilla, là où il avait débuté. C’était, au fond, un retour aux sources.

Bruno était un sapeur-pompier d’exception, spécialisé dans la plongée sous-marine. Nageur et plongeur confirmé, il fut décoré en 2016 de la Médaille de bronze pour acte de courage et de dévouement, après avoir assisté pendant plus de trois heures un plongeur en eau profonde, qui s’était retrouvé en difficulté lors de sa décompression, au gouffre de Font d’Estramar, à Salses-le-Château. Avec ses équipiers, il parvint ainsi à sauver ce plongeur d'une mort certaine, alors qu’il évoluait à plus de 200 mètres de profondeur, dans un gouffre connu pour être particulièrement dangereux, où plusieurs accidents mortels avaient déjà eu lieu.

Bruno ne reculait donc devant aucun obstacle dès lors qu’il s’agissait de sauver une vie. Il était un véritable héros, un héros modeste, qui ne recherchait pas les honneurs mais se caractérisait aussi par sa simplicité et par sa discrétion.

Calme, pondéré, il cherchait l’harmonie en toute chose, et se montrait toujours disponible pour autrui. Profondément convaincu de la nécessité de transmettre son savoir-faire aux jeunes générations comme auprès du grand public, il formait les jeunes recrues du centre de Pézilla, tout en prêtant son concours, comme photographe, au service de communication du SDIS des Pyrénées-Orientales.

La photographie constituait d’ailleurs l’une des grandes passions de sa vie. En amoureux de la nature, il n’hésitait pas à partir, des jours durant, accompagné de son appareil, pour saisir sur la pellicule la beauté de ces massifs catalans qu’il n’aurait jamais pu quitter, la nature dans toute sa majesté, la faune et la flore de cette région si belle et si surprenante. La vallée de la Lladure était son havre de paix à lui, une source d’émerveillement sans cesse renouvelé.

Le 13 juillet dernier, c’est cette vie si belle, si riche et si prometteuse que la tragédie est venue injustement briser.

En considération de sa belle carrière, Bruno COLLARD a été promu au grade d’adjudant. Dans un instant, il sera élevé à titre posthume au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite et sera décoré de la Médaille d’or de la Sécurité intérieure et de la Médaille d’or pour actes de courage et de dévouement.

En cette période si difficile pour notre pays, chaque Français peut méditer sur la signification profonde de la vie qu’avait choisie l’adjudant Bruno COLLARD, une vie placée sous le signe de l’engagement au service de la République et au service des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Bruno COLLARD et ses frères d’armes et de sang constituent des exemples pour la jeunesse de notre pays. Voilà pourquoi, aujourd’hui, à l’occasion de la cérémonie qui nous rassemble, c’est la Nation toute entière qui exprime sa gratitude et sa reconnaissance à ceux qui la servent jusqu’au sacrifice. Bruno COLLARD était l’un d’entre eux. Il demeurera à tout jamais dans notre mémoire.