- Ce mercredi encore, des heurts ont éclaté entre des groupes de migrants à Calais. La population est exaspérée par cette situation. En tant que ministre de l’Intérieur, que comptez-vous faire ?
Les Calaisiens ont droit à la tranquillité. Ma première préoccupation est d’assurer leur sécurité. Nous mettons donc le maximum de moyens. 350 policiers sont déjà mobilisés à Calais, avec les deux compagnies de CRS que j’y ai déjà affecté. J’ai décidé de renforcer encore ces effectifs à compter d’aujourd’hui, par l’envoi de 100 policiers et gendarmes supplémentaires, dont 70 en permanence 24h/24 pour sécuriser le port, et 30 autres pour sécuriser le centre-ville. Il y aura donc à partir d’aujourd’hui à Calais au total 450 policiers et gendarmes mobilisés, ce qui est exceptionnel pour une circonscription de police de 75 000 habitants, mais totalement justifié compte tenu de la situation.
- Il est question aussi de renforcer la sécurité au port...
Les travaux débuteront sans tarder, pour la sécurité de tous, et pour l'économie de la région. Nous allons d’abord installer des barrières provisoires - y compris le long de la rocade - puis, grâce au fonds de 15 millions d'euros que j’ai obtenu des Anglais, une sécurisation définitive sera mise en place dans les prochains mois. L’objectif est de fluidifier la circulation des camions, d’éviter qu'ils soient assaillis, et de renforcer les contrôles, tout en assurant la sécurité des migrants qui sont eux-mêmes en danger. Il s’agit aussi de soulager les forces de l’ordre et de décourager les filières de passeurs.
- Justement, les passeurs sont très présents et visibles à Calais, à tel point qu’on peut avoir l'impression qu’ils bénéficient d'une totale impunité. Comment comptez-vous organiser la lutte contre ces filières ?
Nous sommes intraitables avec ceux qui font commerce de la misère et organisent la traite des êtres humains. J’ai demandé en priorité au préfet et aux forces de police le démantèlement des filières de passeurs ainsi que les reconduites d’étrangers en situation irrégulière qui ne relèvent pas de l’asile. Nous obtenons déjà des résultats avec 30 % d’éloignements supplémentaires dans le Pas-de-Calais en 2014. Et nous avons démantelé plus de 200 filières l’année dernière sur toute la France, c’est un record.
- Où en est votre projet d’accueil de jour à Calais pour les migrants ?
C’est important d’apporter une réponse humanitaire, sanitaire, et d’accès aux droits pour les migrants. Les élus locaux et les associations sont d’accord sur la mise en place d’un accueil de jour au sein du centre Jules-Ferry. J’y suis favorable, à une condition : que les règles de fonctionnement soient claires et que chacun fasse preuve de responsabilité pour que la sécurisation du site soit assurée et pour se prémunir des occupations sauvages. Je souhaite que ces discussions aboutissent dans les prochains jours, pour offrir ce service le plus tôt possible.
- Cet accueil de jour ne prévoit pas d’hébergement pour les migrants : ils continueront donc à dormir dans des squats ou des campements sauvages, comme aujourd’hui ?
L’Etat prend ses responsabilités, dans le respect des décisions de justice. Nous faisons en sorte que les campements illégaux cessent. L’hébergement des personnes vulnérables, femmes et enfants, sera renforcé. Les demandes d’asile seront traitées rapidement et les demandeurs hébergés sur tout le territoire national.
- Vous avez conclu un accord avec votre homologue britannique Theresa May courant septembre : quels engagements avez-vous obtenu ?
J’ai obtenu trois engagements de sa part : travailler en commun au démantèlement des filières de passeurs ; que les Britanniques soient présents à Calais pour expliquer eux-mêmes aux migrants l’impossibilité de passer en Angleterre ; enfin, financer avec nous les opérations de sécurisation du port et la lutte contre la traite des êtres humains.
- Vous revenez d’une tournée européenne sur le thème de l’immigration illégale. Qu’en est-il ressorti ?
Nous avons fait bouger l’Europe. J’ai obtenu ce que je demandais : que l’on mette fin à l’opération Mare Nostrum, qui a malheureusement engendré plus de décès que de sauvetages, pour lui substituer une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union au plus près des côtes européennes. C’est l’opération Triton qui débutera début novembre. Les propositions françaises formulées cet été à nos partenaires sont désormais la feuille de route de l’Union Européenne.
- Quand viendrez-vous à Calais ?
Je viendrai pour évaluer avec les acteurs locaux les opérations engagées. Et ce ne sera pas en hélicoptère comme certains l’ont fait par le passé...