Discours de M. Bernard Cazeneuve lors de la cérémonie de remise des sabres à l' Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale

Discours de M. Bernard Cazeneuve lors de la cérémonie de remise des sabres à l'EOGN
17 décembre 2015

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur
Cérémonie de remise des sabres – Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale
Melun – 17 décembre 2015


Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,
Madame le Commandant de l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale, Générale,
Mesdames et Messieurs les officiers et les élèves-officiers de la Gendarmerie,

Ce soir, c’est pour moi une très grande fierté que de m’adresser à vous sur cette place de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale. Je sais que la cérémonie de remise des sabres, qui nous réunit aujourd’hui, constitue un moment particulièrement fort pour les élèves-officiers de 1ère année, une étape éminemment symbolique pour eux qui se trouvent aujourd’hui à l’aube d’une carrière au service du pays au sein de l’une de ses institutions les plus prestigieuses.

Derrière vous, sur la façade de votre Ecole, s’élèvent les Trois couleurs de notre drapeau, celles de la République et celles de nos gloires. Celles-là mêmes au nom desquelles tant de vos camarades, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, se sont battus et parfois sont tombés. Ce soir, c’est à votre tour d’entrer dans la carrière et de mettre vos pas dans ceux des femmes et des hommes qui vous ont précédés.

Ces Trois couleurs vous rappellent – et nous rappellent à tous – la signification profonde de votre engagement : en entrant dans la Gendarmerie nationale, vous avez fait le choix de servir votre pays, avec fierté et dévouement ; de servir la République, avec rigueur et détermination. Sachez que l’émotion que vous ressentez en cet instant, je la ressens moi aussi, comme à chaque fois que j’assiste à une cérémonie par laquelle des jeunes gens confirment leur volonté de servir la France.

En consacrant l’égalité des droits, la République nous enseigne que l’honneur est le fruit des vertus et des talents, le résultat des choix que chacun d’entre nous assume, à la place qui est la sienne. Car la grandeur ne s’hérite pas : elle se mérite. En entrant dans la Gendarmerie nationale, vous faites désormais partie de l’élite de la République. Cette noblesse du courage, c’est elle que symbolise le sabre que les élèves de seconde année vous ont aujourd’hui remis solennellement.

Par cette cérémonie, vous signez un contrat avec la France et avec les Français. Sur l’ensemble du territoire national, vous vous engagez à les protéger et à garantir leur sécurité contre toutes les menaces et toutes les violences qui sont susceptibles de les affecter.

Ce pacte, vous le réalisez aujourd’hui dans des circonstances particulièrement dramatiques pour le pays. Votre engagement n’en est rendu que plus fort et plus nécessaire.
Voici près d’un an que le terrorisme de DAESH a frappé pour la première fois sur le sol de notre pays. Les terroristes ont frappé des journalistes et des dessinateurs parce qu’ils représentaient la liberté d’expression, des policiers qui incarnaient la loi de la République, des Français de confession juive parce qu’ils étaient juifs. Et tout en pleurant les victimes, nous demeurons profondément reconnaissants aux gendarmes du GIGN qui ont mis hors d’état de nuire les auteurs de ces crimes à Dammartin-en-Goële, comme les policiers du RAID et de la BRI le faisaient porte de Vincennes.

A nouveau, voici maintenant un peu plus d’un mois, les actes barbares commis à Paris et à Saint-Denis par des terroristes djihadistes ont entraîné la mort de 130 victimes, frappées au hasard, et en ont blessé, souvent grièvement, des centaines d’autres.

Jamais avant cette année, nous n’avions eu à affronter sur notre sol une série d’attaques terroristes de cette. La situation à laquelle nous sommes confrontés est tout simplement sans précédent dans notre histoire récente.

Si, en janvier comme en novembre, nous avons pu faire face et tenir bon dans l’épreuve, si notre pays est demeuré debout alors que la tragédie s’abattait sur lui et malgré les coups que ses ennemis lui ont portés, c’est d’abord grâce à la mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des forces de sécurité et des unités de secours. Comme à chaque fois que survient la crise, l’Etat a réagi avec force, efficacité et promptitude. Je pense bien sûr au dispositif opérationnel mis en place à Paris, mais aussi aux mesures prises partout en France pour être en mesure de parer à tout risque de réplique et assurer la sécurité des Français.

En France, nous avons la chance de pouvoir compter sur des femmes et des hommes – gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers, militaires de nos forces armées, membres des unités de la sécurité civile et des équipes de secours – qui possèdent un sens élevé du devoir et de l’intérêt général, et qui par conséquent n’hésitent pas, quelle que soit la situation, à mettre leur vie en péril pour protéger celle de leurs concitoyens. Tout simplement parce que c’est leur mission, celle qu’ils ont choisie d’accomplir.

Depuis le début de cette campagne d’attentats, c’est leur mobilisation sans faille – et je pense bien sûr aujourd’hui tout particulièrement à celle des femmes et des hommes de la Gendarmerie nationale – qui constitue la première réponse de la France face à la terreur et à la barbarie.

Demain, vous interviendrez vous aussi à leurs côtés pour garantir nos libertés fondamentales contre tout ce qui menace notre communauté nationale.

Sachez que nos concitoyens attendent beaucoup de vous. Ils attendent bien sûr des résultats concrets en matière de lutte contre la criminalité et la délinquance. Mais ils vous demandent aussi d’être une présence visible, qui les écoute et les rassure, de jour comme de nuit. Dans les territoires ruraux, en particulier, vous serez l’incarnation de l’Etat.

Lors de vos patrouilles ou de vos interventions, vous serez souvent confrontés à des situations d'urgence, parfois dangereuses. Face à la violence et à la délinquance du quotidien, face aux trafics en tous genres et à la criminalité, vous serez en première ligne. Vous devrez faire preuve de discernement et de droiture morale. Vous devrez être exemplaires et rigoureux, et d’abord à l’égard des femmes et des hommes que vous aurez sous votre commandement. Car de votre comportement et de vos capacités de décision dépendra la sécurité, et parfois la vie même, de ceux qui vous entourent, qui travaillent avec vous ou sous vos ordres, de ceux aussi pour qui vous vous engagez.

N’oubliez jamais que la seule autorité qui vaille repose sur la valeur de celles et ceux qui l’exercent. Car l’élévation d’une femme ou d’un homme au-dessus des autres ne se justifie que s’il apporte à l’effort commun l’impulsion et la rigueur que celui-ci exige.

C’est à ce prix, celui de la responsabilité, que l’on obtient le droit de commander à autrui. C’est là un honneur, mais c’est aussi, comme l’écrivait le général de GAULLE, un sacerdoce : « Réserve, caractère, grandeur, ces conditions du prestige imposent à ceux qui veulent les remplir un effort qui rebute le plus grand nombre. Cette contrainte incessante, ce risque constamment couru éprouvent la personnalité jusqu’aux fibres les plus secrètes. »

Vous pouvez être assurés de mon ferme soutien dans l’exercice exigeant de vos missions et de ma totale détermination à vos côtés pour lutter contre toutes les formes d’insécurité. Si je suis là aujourd’hui, c’est aussi pour vous délivrer ce message de confiance et vous exprimer ma gratitude, ainsi que celle du Gouvernement, pour l’engagement que vous prenez. Car je sais le prix trop souvent payé par les gendarmes – et par les policiers – lorsqu’ils accomplissent leur devoir. Ce soir, j’ai bien sûr aussi une pensée émue pour tous ceux qui ont été blessés en service, ou, pire, qui sont tombés en mission. Je pense tout particulièrement aux majors Philippe LALLEMAND et Laurent PRUVOT qui ont perdu la vie cette année dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ont droit à la reconnaissance de la Nation tout entière.

*

L'action des forces de l'ordre a pour objectif de protéger les personnes et les biens, en faisant appliquer la loi de la République. Parce qu’elle est particulièrement exigeante, une telle mission doit être menée avec sérénité et confiance.

La Gendarmerie a toujours su s'adapter aux attentes de la population et aux nouveaux enjeux de sécurité. L’institution à laquelle vous appartenez désormais est parfaitement armée pour relever les nombreux défis auxquels nous devons faire face collectivement.
Cette mission et ces défis seront très bientôt les vôtres.

Vous participerez ainsi pleinement à la lutte que nous menons contre le terrorisme et contre le phénomène de la radicalisation violente.

Face à la menace, plus que jamais le ministère de l'Intérieur a le devoir d'anticiper les nouveaux modes d'action des terroristes, de rassurer la population et d'affirmer l'autorité de l’État. Depuis trois ans, le Gouvernement a ainsi élaboré une stratégie cohérente de riposte et de prévention des actes terroristes. Les décisions prises depuis le 7 janvier s’inscrivent dans la droite ligne des options que nous avons adoptées dès 2012.

Outre le renforcement des moyens humains et matériels, je pense bien sûr aux nouveaux moyens juridiques et administratifs dont dispose désormais l’Etat grâce d’une part à la loi antiterroriste de novembre 2014 et d’autre part à la loi sur le renseignement adoptée en juillet dernier, qui donne un cadre légal moderne à l’activité de nos services de renseignement.
Je pense bien sûr également à la création d’un Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) qui contrôle le suivi effectif des individus signalés pour radicalisation, et pour ce faire regroupe des représentants de l’ensemble des forces et des services concernés. A l’autre bout de la chaîne opérationnelle, les préfets pilotent dans chaque département, en lien avec les procureurs de la République, des cellules de suivi des phénomènes de radicalisation.

Dans chacun des maillons de ce dispositif global, progressivement consolidé au cours de ces derniers mois, la Gendarmerie, acteur majeur de la sécurité nationale, joue donc un rôle de tout premier plan.
Les précieux atouts de cette dernière sont ainsi pleinement valorisés, qu’il s’agisse de son maillage territorial, de ses capacités de recueil et d'analyse du renseignement, de ses capacités judiciaires et d'intervention, de  son organisation favorisant la montée en puissance rapide sous un commandement unique.

Ces atouts, nous continuerons de les mobiliser pleinement dans les mois qui viennent afin que le ministère de l’Intérieur assure au mieux, avec le concours des Armées, la protection de l'ensemble du territoire.

Votre implication dans les missions de renseignement, notamment, sera déterminante. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’implanter des antennes du renseignement territorial au sein d’unités de gendarmerie, pour enraciner au cœur des territoires le renseignement ciblé sur la lutte contre la radicalisation violente. Je n’oublie pas que la Gendarmerie a joué cette année, par exemple un rôle absolument décisif dans l’identification, et par là même dans le démantèlement de la filière de recrutement djihadiste de Lunel, dans l’Hérault.

A cet égard, la coopération entre les différents acteurs et les échanges d’informations doivent faire partie de vos habitudes de travail. Les différentes composantes des forces de l’ordre doivent se parler, être à l’écoute les unes des autres, partager entre elles leurs informations – bref, travailler ensemble. C’est aussi ce que l’Etat exigera de vous, une fois que vous aurez achevé votre scolarité et que vous aurez pris vos fonctions dans vos unités respectives. Il en va tout simplement de la sécurité et de la protection de nos concitoyens, en tout point du territoire national. Une telle responsabilité ne laisse pas de place pour les querelles et les divisions. Car c’est ensemble que nous parviendrons à obtenir des résultats efficaces et durables.

En second lieu, vous lutterez contre toutes les formes de délinquance qui sont susceptibles d’affecter la vie quotidienne des Français. En cette matière aussi, les attentes sont très fortes. Les futurs commandants territoriaux de gendarmerie que vous êtes devront faire preuve de réactivité et d’esprit de décision. Car l’autorité de l’Etat doit s’exercer avec fermeté en tout point du territoire national : c’est ainsi que nous protégerons nos concitoyens face à toutes les formes d’insécurité.

La politique de sécurité que le Gouvernement conduit est ambitieuse et attentive aux préoccupations des Français. Elle décline dans chaque territoire les grandes orientations nationales que nous avons déterminées et qu’il s’agit d’adapter aux réalités locales. Telle est notamment la logique qui a présidé à la mise en place, dans les zones où se concentrent les faits de délinquance, des Zones de Sécurité prioritaires (ZSP), dotées de moyens renforcés et où interviennent tous les services de l’Etat.

Pour remplir votre mission, vous devrez apprendre à connaître votre zone de compétence, les attentes de la population qui y réside, les difficultés qu'on y rencontre, les enjeux qui s'y attachent, la délinquance qui s'y développe. Ce travail d’analyse vous permettra d'établir des diagnostics précis, de participer à l’élaboration des priorités et des réponses opérationnelles que nous opposons à la délinquance, en proposant des actions concrètes et adaptées.

Bien entendu, dans l’accomplissement de leurs missions essentielles, les forces de sécurité intérieure n'agissent pas seules. Sous l'égide des autorités administratives et judiciaires, vous travaillerez avec l'ensemble des acteurs qui concourent à la sécurité du territoire. Vous devrez nouer et cultiver un dialogue fructueux avec les élus, les associations, les bailleurs, les transporteurs, la communauté éducative et – bien évidemment – l'autorité judiciaire. J’attends également de vous que vous établissiez un lien de confiance solide avec la population, qui devra reposer sur l'exemplarité de votre action et sur un respect mutuel. C'est là une condition indispensable de la réussite de vos missions. Car, plus que jamais, la sécurité au quotidien est l'affaire de tous. 

Enfin, vous devrez relever un troisième et dernier défi : celui de la modernisation de l'action publique. C'est là un autre objectif majeur du Gouvernement, qui doit nous permettre de mieux utiliser nos ressources – et d’en développer de nouvelles – pour gagner en efficacité, au profit de nos concitoyens. Tous les cadres publics – vous en ferez partie – doivent s’engager résolument dans cette démarche, qui commande que nous agissions avec pragmatisme.

C'est tout le sens de la « feuille de route » participative lancée en juin 2013 par votre Directeur général, qui nous permet d’évaluer de façon constructive le fonctionnement opérationnel et administratif de la Gendarmerie. Grâce à elle, c’est toute une institution qui montre qu’elle est capable, collectivement, d’adopter un regard critique sur elle-même et de se réformer pour le bien de celles et ceux qui la font vivre au quotidien, et par extension pour le bien de tous les Français.

Par ailleurs, j’attends de vous que vous participiez au mouvement de modernisation technologique des forces de sécurité, qui doivent sans cesse s'adapter à la transformation numérique de notre société. De nouveaux modes d'action pour les gendarmes et les policiers rendent ainsi possibles de nouvelles formes de proximité. C'est ainsi l'ambition portée par le nouvel équipement numérique du gendarme – NéoGend – expérimenté depuis septembre dans le département du Nord.

Je pense également au Pôle Judiciaire de la Gendarmerie nationale inauguré cette année à Pontoise. La création du PJGN constitue ainsi une étape décisive dans la modernisation de l’institution à laquelle vous appartenez désormais, lui permettant de mieux articuler expertise et proximité dans les domaines de la criminalistique, du renseignement criminel et de la lutte contre les criminalités numériques.

*

Elèves-officiers de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale, vous avez choisi de servir une institution présente sur tous les fronts, comme l’a encore démontré l’année qui s’achève.

Pour assurer les missions qui demain seront les vôtres et relever les défis que j’ai rappelés, vous allez bénéficier, à l’EOGN, pendant deux années, d’une formation complète qui vous préparera pleinement à prendre, le temps venu, toute votre place à la tête d'un commandement opérationnel, dans la préparation et la conduite des politiques publiques, au sein du ministère de l'Intérieur ou en interarmées, mais aussi dans un cadre interministériel ou dans un contexte international.

Car demain, c’est vous qui, aux côtés de vos camarades, veillerez sur la République et sur la sécurité des Français. C’est vous qui, en toute circonstance, défendrez nos valeurs communes : l’égalité devant la loi, la liberté de conscience et d’expression, la laïcité, le droit à la sécurité, l’Etat de droit – ces valeurs mêmes qui font de nous un grand peuple, uni et solidaire dans l’adversité. Un peuple généreux, capable de se mobiliser pour défendre les principes de la République. Un peuple, enfin, qui a en lui d’infinies ressources de courage et de patriotisme.

Officiers et élèves-officiers de la Gendarmerie, je veux vous dire ce soir à nouveau que la Nation compte sur vous, sur les compétences que vous allez acquérir au sein de cette école et sur l’engagement qui vous inspire. Je veux vous dire ce soir toute ma confiance et l’estime que je vous porte, ainsi qu’à vos camarades et à vos chefs.

Vive la Gendarmerie nationale !

Vive la République !

Vive la France !