Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

17 juillet 2014

Intervention de Bernard Cazeneuve en séance extraordinaire de l'Assemblée Nationale le mercredi 16 juillet 2014.


Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous abordons cet après-midi l’examen d’un texte dont le député Sauvadet a eu raison de dire qu’il est important.

Il concerne l’avenir de nos collectivités territoriales et a fait l’objet de nombreuses interventions médiatiques, de toutes les sensibilités. Il importe donc d’en aborder l’examen avec le souci partagé de la sérénité. Il s’agit en effet d’un texte important, portant réforme de l’organisation de nos régions, qui s’inscrit dans le cadre d’une réforme très large destinée à réorganiser nos collectivités territoriales. La préoccupation qui le sous-tend confère à la réforme son sens profond et constitue simultanément sa cohérence.

Le premier point sur lequel j’insisterai est le point essentiel : le sentiment de relégation que connaissent un certain nombre de nos territoires. On y sent depuis des années, par-delà les alternances politiques et les sensibilités présidant au gouvernement de notre pays, que les collectivités sont mal armées pour faire face aux défis de demain.

Des territoires ruraux craignent de se trouver abandonnés, et la diminution des emplois publics au sein de l’administration déconcentrée de l’État au cours des dernières années a considérablement accentué ce sentiment. La puissance publique, qu’elle soit locale ou d’État, se trouve dans une sorte d’aporie, ce qui cause une crainte sourde, qui s’exprime parfois avec violence dans les territoires : la crainte de l’abandon et de la relégation, la crainte de ne pouvoir profiter des atouts qui mènent au développement, à l’emploi et à la croissance. Cette crainte de la relégation, nous devons l’avoir à l’esprit comme une exigence, comme une question sérieuse et lancinante à laquelle nous nous devons d’apporter une réponse. Et tel est précisément l’objectif de la réforme territoriale dans laquelle nous sommes engagés.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister est l’extraordinaire complexité du tissu de nos collectivités territoriales. De nombreuses collectivités exercent aujourd’hui des compétences semblables ou connexes à celles de l’État. Plusieurs niveaux de collectivités exercent par ailleurs des compétences qui se superposent, si bien que la lisibilité de l’ensemble n’est pas accessible à l’entendement du plus grand nombre. Face à ce paysage local, nos concitoyens aspirent à une simplification. Ils nous le disent, lorsque nous nous rendons dans les territoires qui nous ont fait confiance : ils expriment un extraordinaire besoin de comprendre, un extraordinaire besoin de simplification, un besoin fort d’efficacité.

Outre la nécessité de renforcer les services publics pour éviter la relégation et de simplifier le paysage de nos collectivités, il importe également, et c’est mon troisième point, de donner à nos collectivités locales la puissance qui leur sera nécessaire pour faire face aux enjeux de demain. L’expression « millefeuille territorial », d’ailleurs galvaudée, signifie pour nombre de Français que la complexité du tissu local et l’incapacité à mutualiser les frais de fonctionnement privent nos collectivités de la possibilité d’investir dans les infrastructures qui feront la compétitivité de l’économie de demain et dans les filières d’excellence qui font la croissance dans nos territoires. Peur de la relégation, enchevêtrement des compétences et complexité du paysage local, nécessité de mieux armer nos collectivités locales pour qu’elles investissent dans le développement économique et créent les conditions de la croissance qui fera les emplois de demain, telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu engager cette réforme territoriale. Celle-ci constitue effectivement, comme l’a dit François Sauvadet dans son rappel au règlement, une urgence et une nécessité, et elle appelle un débat profond, sérieux, respectueux de la sensibilité de chacun et des points de vue qui s’exprimeront dans cet hémicycle. C’est dans cet esprit de respect, et avec la volonté de faire aboutir cette réforme en trouvant, avec vous tous, un bon point d’équilibre, que le Gouvernement aborde ce débat.

Depuis que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a indiqué le chemin, en disant que cette réforme devait être mise sur le métier et aller à son terme, certains incitent le Gouvernement à prendre son temps. Il faudrait des études supplémentaires et des concertations multiples, il faudrait qu’à la faveur de symposiums, d’états généraux, de concertations longues et de Grenelle à répétition, nous puissions conclure qu’il est encore temps d’attendre et qu’il n’est pas nécessaire de décider aujourd’hui. Je suis pourtant convaincu que chacun de vous, sur quelque banc qu’il siège, a bien conscience de l’urgence. Le Gouvernement a décidé de ne pas attendre davantage. Il a décidé de décider.

Il a décidé de mettre sur le métier une réforme qu’il ne présente pas pour solde de tout compte, à prendre ou à laisser, mais comme une proposition dont il revient au Parlement de s’emparer, pour faire vivre et donner corps à une réforme ambitieuse.

Quelle est cette réforme ? Quel est son contenu ? Quels sont les grandes orientations, les grands principes, les grandes idées qui structurent le projet que nous présentons devant l’Assemblée nationale et le Sénat pour moderniser nos collectivités territoriales et nos services publics dans les territoires ?

Premièrement, nous avons la conviction qu’il est nécessaire de créer des régions fortes. Nous ne faisons pas une réforme parce que c’est à la mode, ou pour faire la démonstration que nous sommes modernes ; ni parce que la réforme serait la condition de la réalisation des économies dont, du reste, nous avons grandement besoin. Non ! Si nous décidons de créer ces grandes régions, c’est parce que nous avons la conviction que, dans l’Europe actuelle et compte tenu de ce que sont les atouts de nos territoires, ces grandes régions donneront à nos filières d’excellence et aux infrastructures dont nous avons besoin l’opportunité de croître et de prospérer.

Beaucoup de choses ont déjà été faites, au cours des dernières années sous l’impulsion de gouvernements de sensibilités différentes et il est toujours important, lorsqu’on veut réussir une réforme, de reconnaître ce qui est imputable à chacun, avec la plus grande honnêteté. Il n’est pas nécessaire de vociférer, monsieur Myard : vous conviendrez que, dès lors que nous convoquons l’honnêteté et non la politique dans ce qu’elle a de pire, il nous est possible de tomber d’accord.

Lorsque le gouvernement précédent, ou plutôt le pénultième, a décidé de mettre en place les pôles de compétitivité, pour assurer, dans les territoires où il existait des filières d’excellence, des centres de recherche et de transferts de technologie, le passage de l’innovation et de la recherche fondamentale vers nos industries, afin de les faire monter en gamme et d’améliorer leur compétitivité, il a fait œuvre utile. Lorsqu’il a estimé que ces pôles de compétitivité justifiaient que les régions se rassemblent, pour que nous disposions de territoires adaptés à nos ambitions industrielles, favorables au développement de la recherche et de l’innovation, il a eu raison.

Nous nous proposons de parachever cela, en rendant possible, dans la loi, le rassemblement et la fusion de régions. Nous voulons créer les conditions d’une mutualisation de leur fonctionnement et leur donner des marges de manœuvre pour investir davantage. Nous avons la volonté résolue de moderniser notre territoire, non pas, je le répète, par une sorte de sacralisation de la réforme, mais parce que nous voulons apporter la démonstration que, dans ce mouvement des territoires, une extraordinaire opportunité est offerte à notre économie de se moderniser, de conforter ses atouts, de faire monter en gamme ses productions et d’assurer la compétitivité de nos territoires, qui ont besoin de connaître la croissance et l’emploi pour donner à chacun de ceux qui y vivent la chance d’accéder à un avenir.

Tel est l’esprit de cette réforme : créer des régions dont la dimension permette à notre pays de rassembler ses atouts pour gagner la bataille de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité.

Lorsque nous rassemblons par exemple les régions Auvergne et Rhône-Alpes, nous donnons une chance supplémentaire au grand projet Clara, le Cancéropôle Lyon-Auvergne-Rhône-Alpes, de compter davantage en France et en Europe et d’amplifier ses résultats et nous affirmons ainsi nos atouts en matière scientifique et médicale.

Il en est de même lorsque, autour du pôle Fibres, à Épinal, nous créons les conditions d’une coopération plus large entre les régions de l’Est de la France. Il en est de même lorsque nous rassemblons les Normandie. Il y a dans cette salle, je les vois, des élus normands. Nous donnons au pôle automobile Mov’eo une chance de développer les équipementiers du secteur automobile qui ont souffert de la crise et d’assurer un transfert de technologies entre les centres de recherche et les industries.

Notre préoccupation n’est pas identitaire. Elle n’est pas de sacraliser la réforme pour la réforme. Notre préoccupation est simple : avoir des régions de dimension européenne pour créer les conditions de la compétitivité, de l’emploi et de la croissance. Nous faisons là un acte fort en faveur de la modernisation de notre pays. Nous le faisons avec conviction, et avec la volonté de rassembler le plus grand nombre d’entre vous autour de cet objectif. Nous le faisons d’abord et avant tout, par-delà toute autre considération, avec le souci de l’intérêt général. Lorsqu’un pays est confronté à une crise aussi profonde que celle que nous connaissons depuis tant d’années, il est du devoir d’un gouvernement qui veut l’en faire sortir de présenter des projets qui rassemblent par-delà les différences qui existent entre les bancs de cet hémicycle, des projets qui créent les conditions de la modernisation du territoire et donc de la sortie de crise.

Nous entreprenons aussi cette réforme parce que nous regardons ce qui se passe partout ailleurs en Europe. Les régions françaises comptent en moyenne 2,6 millions d’habitants, alors que les Länder allemands en comptent environ 5,2 millions et les régions italiennes, à l’exception des régions à statut particulier, un peu plus de 4,5 millions.

Lorsque nous aurons réalisé cette réforme, nos régions seront dans la moyenne des autres pays de l’Union européenne. Et, même si la taille n’est pas tout, nous aurons donné à nos régions une chance d’être fortifiées et confortées en Europe.

D’autres atouts sont susceptibles de conforter des dynamiques, dans les territoires comme dans cet hémicycle. Ceci étant, dans le rapport qu’il a fait avec Yves Krattinger, Jean-Pierre Raffarin a insisté sur le fait que, si la taille n’est pas tout, elle doit néanmoins être traitée. C’est ce que nous faisons aussi à travers ce texte, et il importe de le faire, compte tenu des contraintes qui existent à l’échelle européenne. Faire de grandes régions : tel est notre premier objectif.

Nous devons, deuxièmement, clarifier les compétences des collectivités locales. Tel est l’objectif du texte que Marylise Lebranchu et André Vallini présenteront devant vous dans quelques semaines. Cette clarification des compétences est une nécessité pour assurer une gestion plus souple des personnels dans les collectivités territoriales, pour faire en sorte que les doublons et les enchevêtrements ne soient plus la règle mais l’exception, et pour que l’organisation territoriale soit plus lisible pour les citoyens.

Nous voulons, troisièmement, faire monter en puissance les intercommunalités, dans la continuité de ce qui a été accompli au cours des trente dernières années par le biais notamment de textes de loi présentés par les ministres Jean-Pierre Chevènement et Pierre Joxe. Ces textes furent importants pour le développement de l’intercommunalité : grâce à eux, l’émiettement communal a cédé la place à des articulations et à des mutualisations qui ont permis au tissu communal d’investir davantage dans les services publics dont le pays avait besoin. En portant le seuil de l’intercommunalité à 20 000 habitants, nous créons des moyens nouveaux de mutualisation alors que la Cour des comptes vient de pointer l’augmentation des frais de fonctionnement des intercommunalités, à laquelle nous devons réagir. Donner aux intercommunalités un seuil nouveau et les moyens de mutualiser davantage leurs frais de fonctionnement, c’est une des conditions pour réussir les investissements dont le pays a besoin.

Nous voulons, enfin, faire monter en puissance l’administration déconcentrée de l’État dans les territoires, car le sentiment de relégation qui s’exprime, notamment en milieu rural – j’en ai parlé avec un certain nombre d’entre vous, de toutes sensibilités – est lié à la crainte de voir l’État s’effacer davantage encore. Chacun, élu ou citoyen, a bien conscience que la réforme de l’administration territoriale de l’État et la révision générale des politiques publiques ont conduit l’administration déconcentrée de l’État à une aporie. Cela donne aux citoyens le sentiment d’un éloignement des services publics et accroît considérablement la crainte de la relégation.

Si nous avons de grandes régions, nous devons avoir une administration déconcentrée de l’État au plus près des territoires, au niveau départemental. Nous devons le faire non pas en confortant l’administration déconcentrée de l’État au plan départemental en prenant des pouvoirs aux collectivités locales qui ont bénéficié de la décentralisation, car ce serait une forme de recentralisation dont personne ici ne voudrait, mais en faisant en sorte que les pouvoirs de l’administration déconcentrée de l’État et ses moyens, au plus près des territoires, soient assurés par un transfert de moyens et de compétences de l’État central vers l’État déconcentré.

Nous devons le faire en donnant davantage de pouvoir au préfet. Nous devons le faire en donnant davantage de place aux logiques et aux impulsions interministérielles. Nous devons le faire en introduisant davantage de souplesse dans la gestion des effectifs locaux. Nous devons aussi le faire en améliorant la fongibilité entre les budgets gérés localement par les préfets, afin de répondre au mieux aux attentes des territoires dont vous êtes les représentants ici en même temps que vous êtes les représentants de la nation, puisqu’un certain nombre d’entre vous exercent des responsabilités locales.

Vous êtes donc parfaitement conscients de la nécessité d’éviter la relégation notamment des milieux ruraux en créant des conditions favorables à une administration déconcentrée, c’est-à-dire à des services publics plus forts, plus présents, davantage à la disposition des territoires qui ont besoin des moyens de leur développement.

C’est lorsque nous aurons mené l’ensemble de ces chantiers, d’ici à la fin du quinquennat, que se posera la question des conseils départementaux. Voilà la cohérence de la réforme, sa force, ses articulations, son ambition. Si le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale que la question des conseils départementaux ne se poserait pas avant l’horizon 2020, c’est précisément parce qu’il existe un rythme, une logique, un phasage de la réforme territoriale que nous engageons.

Cela doit nous conduire à n’envisager le rôle des conseils départementaux qu’après que la réforme se sera stabilisée, de manière à s’assurer qu’aucune décision ne sera prise unilatéralement sans que vous ainsi que les grandes associations d’élus n’y soyez associés.

En effet, cela viendrait accroître les fractures et la relégation qu’un certain nombre de territoires redoutent.
Nous avons donc une ambition, une cohérence, une méthode qui ne laisse rien au hasard et donne toute la place au dialogue et à la concertation avec la représentation nationale et les territoires.

S’il est un sujet sur lequel nous devons et nous pouvons coproduire une réforme, c’est bien celui de la réforme territoriale, parce qu’il y a urgence, parce que notre pays est en crise et parce que nous pouvons souhaiter ensemble assurer les conditions du redressement. Pour toutes ces raisons, il existe une place pour coproduire ce dont notre pays à besoin, dans l’urgence. Voilà le sens de ce que nous voulons faire.

Je voudrais, mesdames et messieurs les députés, revenir sur les débats qui ont traversé l’espace public, qui ont été parfois vifs dans les médias, et répondre à un certain nombre d’interrogations précises qui méritent une réponse.

S’agissant tout d’abord de la carte. La carte que nous avons présentée au Sénat. Vous ne pouvez pas dire que cette carte n’était pas celle dont vous rêviez et réagir ainsi lorsque nous proposons de la modifier après vous avoir écouté ! Il faut savoir si vous souhaitez de la concertation, de la coproduction, du dialogue pour aboutir à une réforme qui rassemble le plus grand nombre dans cet hémicycle, ou si vous souhaitez rendre cette réforme impossible, comme les précédentes qui n’ont d’ailleurs jamais eu lieu, en faisant jouer les seules logiques de la politique dans ses formes et ses travers les plus classiques.

Nous, nous souhaitons écouter tous ceux qui sont dans cet hémicycle et qui peuvent apporter des ajouts et des modifications à notre copie, précisément parce qu’une réforme comme celle-ci aura d’autant plus de force qu’elle aura été coproduite et qu’elle fera vivre les compromis les plus forts.

Bref, nous avons présenté une carte au Sénat. Elle ne vous convenait pas. Mais existe-t-il une carte parfaite, qui épouse les contours et les logiques de la géographie, les méandres des fleuves, la beauté des montagnes, la richesse des prairies et des plaines, tout en répondant aux exigences de l’économie et des identités ? Si cette carte avait existé, pensez-vous, mesdames et messieurs les députés, qu’elle aurait échappé à l’entendement de ceux qui sont soutenus par la partie gauche de l’hémicycle et critiqués sans fin par la partie droite de l’hémicycle ?

En politique, il est d’usage de considérer ceux qui font partie de la majorité et s’emploient à réussir des réformes qui n’ont jamais abouti comme moins bien armés intellectuellement pour les concevoir que ceux qui n’y sont jamais arrivés. Et bien non, ce n’est pas comme cela que les choses se passent !

Nous avons présenté une carte qui pouvait être débattue et qui, nous le savions, n’était pas parfaite. Nous sommes entrés au Sénat avec l’humilité de ceux prêts à discuter avec tous ceux qui sont disposés à faire réussir la réforme. C’était notre méthode, c’était notre ambition et j’espère qu’au terme de ce débat, ce sera notre réussite.

À ce point de mon propos, je veux remercier le président de la commission des lois, qui a permis que les débats aient lieu au sein de sa commission sans jamais occulter le moindre sujet qui méritait d’être abordé. Je veux également remercier le rapporteur Carlos Da Silva, qui a fait un travail absolument remarquable, ainsi que l’ensemble des parlementaires du groupe socialiste et tous ceux qui ont apporté leur contribution, de tous les groupes. Ils nous ont permis d’aborder ce débat avec des pistes nouvelles qui, nous l’espérons, seront autant de portes ouvertes sur des solutions, pour une réforme réussie.

En ce qui concerne la carte, le rapporteur a fait son travail en écoutant tous les membres de la commission des lois et tous les parlementaires qui se sont rapprochés de lui, toutes sensibilités confondues, pour qu’un équilibre soit trouvé. Cet équilibre fait écho aux interrogations que j’ai vu poindre dans la presse de la part de parlementaires de tous bords.

Tout d’abord, il a été proposé dans un premier amendement de rapprocher le Limousin de l’Aquitaine. Puis, d’autres parlementaires se sont exprimés, et nous les avons entendus. Ils sont d’ailleurs dans cet hémicycle. Ils souhaitaient que l’on rapproche aussi la région Poitou-Charentes de cet ensemble. N’est-ce pas M. Bussereau, n’est-ce pas Mme Batho ? Si un amendement est présenté dans cette intention, le Gouvernement l’examinera avec bienveillance, si une majorité permettant d’atteindre ce but se dégage. 

De la même manière, un certain nombre d’amendements ont été présentés, à la fois par la majorité et l’opposition, afin de faire émerger une région Grand Est, qui peut aussi avoir sa cohérence. Le Gouvernement est prêt à répondre favorablement à des amendements de ce type, présentés dans un souci d’intérêt général puisqu’ils émanent de tous les bancs et qu’ils permettraient de dégager un compromis.

J’ai également entendu qu’il pourrait y avoir un rapprochement entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Si les conditions sont réunies pour que cela se fasse, le Gouvernement regardera la chose de façon positive.

Nous ne sommes pas là pour penser à court terme, pour satisfaire untel ou untel, sur tel ou tel territoire. Il y a autant de points de vue sur une carte que de territoires depuis lesquels on la regarde. Dans chaque territoire, ayons l’honnêteté de le reconnaître, des élus, des configurations politiques, des équations notabiliaires peuvent conduire à exprimer une opinion plutôt qu’une autre.

Chaque opinion qui s’exprime peut donc avoir sa légitimité et être entendue. Mais si nous voulons réussir la réforme, il importe d’être capables, ici, au sein de la représentation nationale, avec un Gouvernement attentif, bienveillant et à l’écoute, de prendre en compte les seules logiques d’intérêt général pour faire émerger la meilleure carte possible de nos débats. C’est la volonté qui anime le Gouvernement au moment où s’engage le débat sur cette réforme territoriale. Et c’est parce que je suis convaincu que nous pouvons partager cette ambition que je suis également convaincu que nous parviendrons à un compromis sur les options qui se présentent à nous, après que le Gouvernement aura entendu chacun et trouvé le juste équilibre avec vous afin de donner de la force à cette réforme.

D’autres sujets ont été évoqués, et je ne souhaite pas les occulter. 

Le premier d’entre eux concerne la possibilité, pour les petits départements qui deviendront membres de grandes régions, de se voir représentés justement. Un amendement a été présenté au Sénat tendant à porter à cinq le nombre minimum de représentants de ces petits départements dans les grandes régions. Cela permettrait d’assurer leur représentation et de lutter contre la crainte de relégation, notamment des départements ruraux.
Lorsque cet amendement a été présenté au Sénat, j’en ai compris la motivation, mais j’en ai regretté l’inconstitutionnalité. En effet, on ne peut pas rompre la continuité démographique sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est exprimé dans de nombreuses décisions.

Sur ce sujet, il ne faut pas nous mettre dans la situation de voir ce texte retoqué par le Conseil constitutionnel en acceptant des amendements ou en introduisant des dispositions législatives qui pourraient sembler opportunes mais qui ne seraient pas conformes aux règles constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle nous considérons avec faveur l’amendement présenté par le rapporteur et un certain nombre de parlementaires tendant à ramener à deux le nombre de représentants des départements ruraux aux conseils régionaux.

Nous atteindrions ainsi le but d’assurer leur juste représentation sans remettre en cause les règles de droit constitutionnel auxquelles nous devons résolument nous conformer.

Nous devons également intégrer à notre réflexion la question du droit d’option – il ne faut occulter aucun sujet en abordant un débat aussi important que celui dont nous avons à connaître aujourd’hui. Sur cette question, le Sénat a adopté un amendement rendant possible l’exercice de ce droit d’option par un territoire sans que soit pris en compte le souhait de la collectivité qu’il souhaite quitter. Mais nous avons souhaité, dès lors que ce droit d’option est ouvert, qu’à la fois la collectivité de départ, la collectivité qui souhaite partir et la collectivité d’accueil puissent délibérer, et qu’elles se prononcent à la majorité qualifiée. Le rapporteur souhaite que la discussion se poursuive et nos débats seront l’occasion d’évoquer cette question au fond, d’en mesurer l’opportunité, les limites et l’intérêt. Une fois de plus, le Gouvernement est désireux que, sur ce sujet comme sur d’autres, le débat puisse aller à son terme.

Mesdames et messieurs les députés, je ne voudrais pas être trop long. Nous avons de longues heures de discussion devant nous. Je conclurai donc en quelques mots. Le Gouvernement s’est engagé dans une réforme territoriale ambitieuse. Elle a ses phases, sa cohérence et sa méthode, qui tient dans la détermination à faire en sorte que ce qui a été longtemps étudié par des gouvernements successifs et multiples puisse enfin voir le jour : une modernisation de l’architecture de nos collectivités territoriales, dont notre pays a besoin pour se moderniser et assurer le développement de son économie.
Nous voulons le faire dans le plus grand respect des prérogatives du Parlement, dans l’écoute la plus attentive des idées, des interrogations, des souhaits exprimés par tous les groupes de cet hémicycle – un certain nombre d’entre eux se sont déjà exprimés.

Enfin, nous voulons le faire avec le seul souci de l’intérêt général, de l’intérêt de notre pays qui a besoin, pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, d’assurer la modernisation de ses territoires pour que ceux-ci puissent investir de nouveau, saisir toutes leurs chances, valoriser tous leurs atouts. C’est parce que nous considérons que cela est possible, que cela est souhaitable et qu’il y a suffisamment de forces et d’idées dans cet hémicycle pour trouver le bon compromis, permettant de faire la réforme forte dont le pays a besoin, que nous abordons ce débat avec confiance.