Accueil des délégués et inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière stagiaires de la promotion 2014

4 septembre 2014

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à l'occasion de l'accueil des délégués et inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière stagiaires de la promotion 2014 de l'INSERR - Nevers, 4 septembre 2014


Vous venez de réussir les concours d'entrée dans les corps des délégués et inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière. Je tenais personnellement à vous en féliciter en étant présent parmi vous, alors que débute votre formation et que vous intégrez le ministère de l’intérieur. Ce moment est important à trois titres.

D’abord, parce que vous avez choisi d'accomplir au sein de l'État, une mission au service de nos concitoyens, et surtout des jeunes.

Ensuite, parce que vous allez être des acteurs majeurs de la politique de sécurité routière, qui connaît en France, depuis maintenant une dizaine d'années, des résultats indiscutables.

Alors que nous nous sommes fixés l’objectif ambitieux de passer sous la barre des 2000 morts par an d’ici 2020, nous devons agir durablement sur le comportement des conducteurs, pour que chacun prenne pleinement conscience de sa responsabilité. Le respect des autres est essentiel pour partager l'espace routier en toute sécurité. L'éducation routière en milieu scolaire, puis dans les écoles de conduite, joue à cet égard un rôle clé. Elle contribuera de manière déterminante à notre objectif de voir moins de familles et de vies brisées par les tragédies que sont les accidents de la route.

Votre rôle est fondamental dans la lutte contre l’insécurité routière, puisque c’est vous qui, lors de l’examen du permis, devrez-vous assurer que chaque jeune, chaque futur conducteur, est responsable et capable de conduire sans mettre en danger sa propre vie, ni celle des autres.

Enfin, parce que vous intégrez le ministère de l’intérieur, qui est avant tout le ministère de l’Etat. Ce ministère est désormais le vôtre et le temps de l’incertitude sur votre rattachement et sur votre avenir, le temps du nomadisme administratif qui suscitait doutes et interrogations, est désormais révolu. Je tiens à marquer mon attachement à  vous voir rester là où vous êtes désormais. Cela suppose que vous trouviez dans ce ministère toute votre place et que vous ayez des perspectives de carrière permettant de progresser, de vous épanouir et de rencontrer, pour ceux qui le souhaitent d’autres métiers.

Vous allez prendre vos fonctions à une période charnière pour l'éducation routière. J’ai en effet annoncé il y a deux mois une réforme du permis de conduire, destinée à restaurer les conditions du bon fonctionnement de ce service public. Vous serez, comme l’ensemble des collègues que vous rejoindrez dans quelques mois dans toute la France, des acteurs incontournables de cette réforme qui doit améliorer le quotidien de nos concitoyens, et en particulier de notre jeunesse.

Cette ambition pour le service public du permis de conduire, nous devons la porter ensemble. Et je tiens à le dire à nouveau : aussi longtemps que je serai là, le permis de conduire restera dans le service public.

Ce service public doit aujourd’hui évoluer. Les raisons en sont simples : pour beaucoup de jeunes, le permis de conduire est aujourd’hui un permis de travailler. Le coût et les délais du permis de conduire sont autant de freins pour accéder à l’emploi. Le service public doit tendre la main à ces jeunes et démontrer sa capacité à répondre à leurs besoins.

Comme vous le savez, l’attente après un premier échec est en France très supérieure à celle constatée chez nos voisins européens qui connaissent des délais moyens de 45 jours. De trois mois en moyenne au plan national, ces délais peuvent atteindre cinq mois dans certains départements et génèrent des surcoûts pour les intéressés, qui sont contraints de prendre des nouvelles leçons afin de maintenir leur niveau dans l’attente d’une place. Cette situation, source de tension et d’incertitude pour les candidats, affecte aussi directement vos conditions de travail.

Notre premier objectif est donc de réduire à 45 jours (contre 98 aujourd’hui) les délais moyens de passage entre deux présentations pour permettre aux jeunes de passer rapidement et donc dans les meilleures conditions de prix cet examen. Ne pas s’attaquer à ce problème reviendrait à les priver d’une chance qui engage pour certains leur avenir.

C’est ambitieux, j’en ai conscience. Votre rôle est décisif et les inspecteurs doivent se consacrer en priorité au passage de l’épreuve pratique du permis B, afin de satisfaire aux besoins exprimés par les usagers. Nous sommes aujourd’hui dans une situation d’urgence qu’aucune campagne de recrutement d’inspecteurs ne saurait régler, en raison notamment des délais inhérents à votre recrutement et à votre formation initiale.

Quelles mesures avons-nous prises pour augmenter sans attendre le nombre de places d’examen ?

Depuis le 1er juillet, il est fait appel à des réservistes de la gendarmerie et de la police nationales pour faire passer l’épreuve théorique (le code), avant de recourir à d’autres agents publics pour assurer cette tâche jusqu’en juillet prochain. A cette date les nouveaux opérateurs prendront le relais. C’est une opportunité que nous entendons saisir pour  moderniser l’épreuve théorique sur la forme comme sur le fond. Celle-ci sera rénovée et entrera dans l’ère du numérique. Elle sera passée sur ordinateurs individuels. La banque de questions sera actualisée. Je veux que cette épreuve permette de mesurer de façon plus efficace le degré de connaissance, par le candidat, des règles de sécurité, et surtout sa compréhension des risques… et non pas sa capacité à « bachoter ». Les questions seront plus réalistes, davantage basées sur des simulations de situations à risques, et leur formulation rendue plus simple et accessible.

Je souhaite que vous soyez associés à ce processus de modernisation et puissiez contribuer au cahier des charges comme au contrôle de la mise en œuvre de ces nouvelles modalités d’examen.

Depuis le 1er août, la durée de l’épreuve pratique du permis B est réduite de 35 à 32 minutes. Sans modifier la durée du temps de travail des inspecteurs, cela permet le passage de 13 examens par jour au lieu de 12.

A partir du 1er octobre, la méthode d’attribution des places d’examen sera modifiée, afin que les deuxièmes présentations à l’examen apportent un droit à place aux écoles de conduite.

L’information sur l’examen sera améliorée par la création, à la rentrée 2015, d’un module de sensibilisation à la sécurité routière en classe de seconde et lors de la journée défense et citoyenneté qui concerne toute une classe d’âge et la conduite accompagnée développée.

Je souhaite porter le nombre de jeunes bénéficiant de la conduite accompagnée de 30 à 50 % d’ici la fin du quinquennat. Ses avantages sont indéniables : en termes de réussite à l’examen, en termes de coût et surtout d’accidentalité. Son accès sera rendu possible dès 15 ans et autorisera dans ce cas le passage de l’épreuve pratique du permis B dès 17 ans et demi. La traduction de cette mesure sera rapide et début novembre, une campagne nationale de communication et d’information permettra de mieux faire connaître cette voie d’apprentissage.

Il est essentiel de permettre à tous les jeunes, y compris ceux dont les parents ne peuvent assurer l’accompagnement, de choisir cette voie d’apprentissage. Nous développerons pour ce faire, avec le secteur associatif et le monde de l’entreprise, en lien avec le ministre chargé de la ville, de la jeunesse et des sports, des réseaux de bénévoles. Des premiers financements sont déjà disponibles, via l’appel à projets du fonds d’expérimentation jeunesse dédié à la mobilité.

S’agissant du permis poids lourd, je sais combien cette question est sensible et votre profession attachée à cet examen. Tout d’abord, je vous rappelle que la formation des inspecteurs au permis poids-lourds n’est en rien remise en cause par la réforme.

J’ai souhaité engager une réflexion avec les partenaires concernés -ministères de l’Education nationale et du Travail, branches professionnelles– pour faire évoluer l’organisation des épreuves afin d’éviter les « doublons » entre les formateurs experts et les inspecteurs du permis, dont nous avons besoin pour le permis B. Je suis pour autant tout à fait ouvert et favorable à ce que des propositions me soient faites pour permettre de faire évoluer votre rôle dans ce domaine. Je l’ai dit à vos organisations syndicales : je suis disposé à étudier toute proposition relative à la mise en œuvre de la réforme pourvue qu’elle en préserve l’objectif clé. J’ai ouvert grand les portes du dialogue, il se poursuit sous l’égide du secrétaire général, que je remercie. Je souhaite qu’il soit fructueux.

N’ayez pas peur de cette réforme. Nous la réussirons ensemble.

Les mesures présentées permettront de répondre au besoin de places d’examen, mais également de développer de manière pérenne des missions que les inspecteurs ne peuvent aujourd’hui exercer faute de disponibilité et qui pourtant contribueraient largement à renforcer la qualité de la formation dispensée.
Cette réforme est une réforme pour les jeunes, pour les 800 000 nouveaux candidats qui se présentent à l’examen du permis B chaque année en France. Elle n’est dirigée contre personne : ni bien sûr contre les inspecteurs, ni contre les professionnels de l’enseignement de la conduite qui seront également mobilisés en vue d’améliorer le niveau de la formation. Cette amélioration passe notamment par la mise en place d’un contrôle qualité, et par la modernisation des relations entre les élèves et les établissements dans la perspective d’une plus grande transparence. Il est important que formateurs et élèves travaillent en confiance et se sentent davantage partenaires.

De nombreuses pistes ont d’ores et déjà été avancées. J’ai fixé une feuille de route ambitieuse aux représentants des organisations professionnelles. Nous devons conduire ensemble une réflexion approfondie sur la rénovation des conditions d’acquisition de l’agrément de leurs établissements, la suppression des vingt heures d’enseignement obligatoires, la délivrance d’une attestation de fin de formation initiale, l’accès à la conduite supervisée en cas d’échec ou encore la publication des taux de réussite au regard du nombre d’heures de formation dispensées.

Dans les jours qui viennent, la DSCR va engager les travaux avec les organisations professionnelles sur l’ensemble de ces points. Je souhaite qu’avant la fin de l’année des propositions me soient présentées.
La profession doit elle aussi saisir cette occasion pour se réformer et  améliorer encore la qualité de la formation, tout en la rendant plus transparente et plus accessible.

Vous pouvez donc le constater, l’objectif de la réforme n’est pas, comme certains voudraient le faire croire, de privatiser l’ensemble des examens du permis de conduire. Bien au contraire, il s’agit de restaurer les conditions du bon fonctionnement de ce service public, et ainsi d’en assurer la pérennité.

Je reste évidemment ouvert à toute proposition qui serait susceptible d’améliorer une réforme que les jeunes de notre pays, leurs parents et la société dans son ensemble attendent depuis trop longtemps. Je sais que je peux compter sur votre engagement.

*

Je voudrais également profiter de l’occasion pour vous présenter un certain nombre de mesures d’accompagnement, qui tiennent compte des contraintes et des spécificités de la carrière que vous avez choisie.

Assurer l’avenir d’un service public, c’est faire en sorte qu’il s’adapte pour répondre au mieux aux besoins des usagers. Mais c’est également donner des perspectives à ses agents. L’un ne va pas sans l’autre. J’ai reçu à plusieurs reprises vos représentants. J’ai entendu les doutes, les difficultés et les craintes : crainte d’un appauvrissement du contenu des missions, insuffisance des perspectives de carrière, vacances de poste qui pénalisent certains services au quotidien.

Il n’est pas d’ambition pour le service public sans ambition pour ses forces vives et leur propre progression.

Je sais l’importance que vous attachez à la diversification de vos missions. J’ai déjà eu l’occasion d’aborder la question du permis poids-lourds. La diversification attendue tient aussi dans le développement des missions de contrôle  qu’il faudra mettre en place. Il y va du succès de la réforme. Contrôle des écoles de conduite : j’ai indiqué que je serai vigilant quant à la qualité de la formation. Contrôle également de la nouvelle organisation de l’ETG. Le rôle des inspecteurs et des délégués sera fondamental dans ce nouveau dispositif. La DSCR et l’INSERR vont travailler sur les modules de formation qu’il faudra mettre en place dans cette perspective, et un groupe de travail associant vos représentants sera prochainement mis en place.

Les perspectives de carrière des délégués et inspecteurs du permis de conduire doivent elles aussi faire l’objet d’une attention particulière.  Des travaux doivent être engagés sur ce point. Je veux que des perspectives de mobilité accrue puissent être offertes, à tous ceux qui le souhaiteront, vers la filière administrative du ministère de l’Intérieur, qu’il s’agisse du corps des attachés d’administration de l’Etat ou des secrétaires administratifs.

Outre une amélioration de la mobilité fonctionnelle et professionnelle pour les inspecteurs et délégués qui ont de tels projets, il est nécessaire de fluidifier les conditions d’avancement et de promotion des délégués, d’identifier des perspectives de création d’emplois fonctionnels, et que les inspecteurs puissent également se voir offrir la possibilité d’accéder à la catégorie A administrative, selon des modalités qui devront bien sûr être précisées.

Enfin, ma détermination est entière à maintenir les effectifs malgré le contexte budgétaire particulièrement difficile que vous connaissez. Il est hors de question de vous demander de vous investir pleinement dans cette réforme d’ampleur, si dans le même temps vous subissez des réductions d’effectifs. J’ai d’ores et déjà obtenu la garantie du Premier Ministre qu’aucun poste ne sera supprimé au cours des 3 années à venir. 

J’ai conscience qu’il est indispensable d’apporter une réponse concrète aux vacances de postes constatées qui sont à l’origine d’importantes inégalités territoriales. Deux mesures permettront dans un premier temps de résorber les difficultés constatées en Ile-de-France :

- 6 IPCSR supplémentaires ont été recrutés lors du dernier concours externe. Les candidats concernés ont rejoint la promotion 2014 et sont d’ailleurs présents dans cette salle ;

- le recrutement de 25 inspecteurs pour une scolarité à l’INSERR en avril 2015 vient d’être ouvert, permettant une affectation sur le terrain dès septembre 2015. Ce concours sera rapidement suivi du concours national traditionnel dont la scolarité débutera en septembre 2015. Ces deux concours permettront d’assurer le remplacement des agents dont le départ est prévu cette année et de pourvoir 14 postes actuellement vacants. 

S’agissant enfin du régime indemnitaire :

Pour les IPCSR, j’ai demandé que soient engagés rapidement les travaux permettant une adhésion par anticipation au nouveau régime indemnitaire de la Fonction publique tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) de manière à redonner à terme à celui-ci des perspectives d’évolution.

J’ai par ailleurs décidé d’accorder à chaque cadre en responsabilité dans une cellule éducation routière une prime exceptionnelle afin de tenir compte de l’engagement que nécessite la mise en place de la réforme. Elle sera versée dès le mois de septembre.

S’agissant de votre école qui nous accueille aujourd’hui, la pérennisation du « groupement d’intérêt public INSERR » a été décidée et démontre l’attachement que le ministère porte à cette institution de référence en matière d’éducation routière et de formation à la conduite, et à ses missions. Dans le cadre du renforcement des liens entre votre école et vos métiers, j’ai souhaité nommer – en qualité de directeur adjoint - un délégué principal du permis de conduire et de la sécurité routière.

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Mesdames et Messieurs,

En tant qu’inspecteurs, vos décisions autoriseront un conducteur à prendre la route pour plusieurs décennies. C’est une responsabilité importante, déterminante même pour la sécurité routière, une mission de service public, une mission au service du public.

En tant que délégués, vous assurerez la lourde tâche d’animer les cellules d’éducation routière dans un paysage administratif en constante évolution.

Notre pays connaît des difficultés, des inquiétudes, des tensions. Le rôle du gouvernement et la volonté qui m’anime est que, sur chaque sujet, nous soyons à même d’apporter des solutions concrètes à ceux qui sont le plus en difficulté en mobilisant le service public.

Vos missions sont fondamentales, et touchent l’ensemble des familles, en particulier des jeunes en voie d’insertion professionnelle. Je suis déterminé à ce qu’ensemble nous améliorions significativement la mise en œuvre de cette mission de service public, afin que cette épreuve retrouve pleinement son sens et son efficacité.

Comme vous le voyez, les perspectives et les évolutions en termes de carrière et de missions que je viens d’aborder montrent, si cela était encore nécessaire, que la réforme du permis de conduire ne remet en cause ni l’existence des corps de fonctionnaires auxquels vous appartenez ni leurs métiers, ni leurs conditions de travail, mais au contraire vient confirmer leur place au sein du ministère de l’intérieur dont l’INSERR est une école à part entière.

Nous avons le devoir aujourd’hui de transformer le service public du permis de conduire, dans le respect des principes qui le fondent. Nous avons ce devoir car le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.