30.06.2015 - Cérémonie de fin de scolarité des promotions de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale

2 juillet 2015

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, à l'occasion de la cérémonie de fin de scolarité des promotions de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN) à Melun le 30 juin 2015


- seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mon Général, Directeur général de la Gendarmerie nationale,
Mon Général, Directeur de l’École des Officiers de la Gendarmerie nationale,
Mesdames et Messieurs les officiers et les élèves-officiers de la Gendarmerie,

C’est la deuxième fois que j’ai le plaisir et l’honneur de présider les cérémonies de fin de scolarité de l’École des Officiers de la Gendarmerie nationale, ici, à Melun.

J’ai conscience que, pour vous et pour vos familles, il s’agit d’un moment fort et émouvant, qui marque une étape nouvelle dans votre engagement au service de l’État, après des semaines intenses de formation.

C’est d’abord un moment important, bien sûr, pour les élèves-officiers de la 120e promotion « colonel DELMAS », puisque la prise d'arme symbolise leur départ pour leurs différentes affectations. Demain, chacun d’entre eux rejoindra son unité de sécurité générale, de maintien de l'ordre public, de lutte contre l'insécurité routière ou bien de police judiciaire, et se retrouvera ainsi confronté au premier grand défi de sa carrière d'officier.

C’est également un moment très important pour les élèves-officiers de la 121e promotion, qui viennent de recevoir votre nom de baptême, celui du lieutenant Jean JAMET, héros de la Gendarmerie, arrêté et fusillé pendant la Seconde Guerre mondiale pour s’être engagé dans la Résistance. Elèves-officiers de la 121e promotion, puissent le courage, le dévouement et le patriotisme du lieutenant JAMET, son attachement indéfectible aux valeurs de la République, vous inspirer et vous guider durant toute votre future carrière d’officier. Sa mémoire nous oblige, et je vous félicite d’avoir fait le choix de la raviver en donnant son nom à votre promotion.

Un tel choix vous honore. Il témoigne du sens de la République et de l’État qui vous anime, mais aussi de la profonde solidarité des membres de la Gendarmerie nationale, qui jamais n’oublie l’un des siens, tombés au service de la patrie. En cet instant solennel, pensez aux motivations profondes qui vous ont conduits à vous engager dans la Gendarmerie : la volonté de servir et de défendre notre pays, celle de défendre l’État de droit. On ne choisit pas la Gendarmerie par hasard. C’est une noble vocation que vous avez embrassée, celle du service de l’État et de la défense de la loi républicaine.

Appartenir à la Gendarmerie, c’est aussi accepter l’exposition au danger. Les gendarmes, comme les policiers, les militaires et les sapeurs-pompiers, font en effet partie de cette aristocratie républicaine du courage et du risque librement assumés.

Appartenir à la Gendarmerie, c’est enfin protéger nos concitoyens, en particulier les plus faibles d’entre eux et qui sont les premières victimes de la délinquance. La délinquance est en effet la première des injustices, l’inacceptable manifestation de la loi du plus fort, dans les quartiers ou les territoires où, souvent, se concentrent toutes les détresses. Gendarmes, vous serez ceux grâce auxquels il n’existe pas en France de zones de non-droit. Là réside votre devoir.

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Au terme de deux années de formation, vous êtes prêts à relever les défis opérationnels qui ne manqueront pas de se présenter à vous. La formation complète que vous avez reçue à l’EOGN vous a en effet permis d’acquérir des savoir-faire militaires, professionnels et techniques, une expertise de haut niveau dans les domaines de la sécurité et de la défense.

Vous avez notamment appris l'art de la synthèse et l'ouverture d'esprit qui vous permettront d'aborder vos missions avec recul et sérénité. Ils vous permettront également de prendre toute votre place dans la conception et la conduite des politiques publiques de sécurité, au sein du ministère de l'Intérieur, en interministériel, en interarmées ou encore à l'international.

Même si bien sûr vous ne cesserez d’enrichir votre expérience tout au long de votre carrière future, vous avez d’ores et déjà en main bien des outils qui vous permettront de pouvoir réagir aux situations de crise et de prendre dans l'urgence les décisions qui s’imposent, quelles que soient les circonstances dans lesquelles vous serez amenés à intervenir, y compris les plus incertaines ou les plus dramatiques. Je pense bien sûr aux attentats de janvier ou bien, en mars, au crash de l'avion de la « GermanWings » dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ces deux tragédies ont ainsi montré, dans des registres certes différents, la grande réactivité et le professionnalisme à toute épreuve qui caractérisent nos forces de l’ordre.

Vous êtes également prêts à vous engager sur tous les théâtres d’opérations, aux côtés de vos camarades des Armées, comme nombre de vos prédécesseurs ont su le faire avec courage, notamment en Afghanistan ou en Côte d'Ivoire, ou plus récemment en Centrafrique.

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A l’EOGN, vous vous êtes par ailleurs forgés de solides valeurs, au premier rang desquelles l’intégrité, l’exemplarité, la loyauté, le dépassement de soi, l'esprit de corps.
Vous savez combien je suis exigeant en matière de déontologie et de transparence. Cette exigence n’est pas seulement mienne : c'est celle – légitime - de tous les Français. C'est à cette condition qu’est possible la confiance entre les forces de l'ordre et les citoyens que celles-ci protègent.

Mais vous n’êtes pas seulement des gendarmes. Vous êtes des officiers. Vous aurez donc à assumer des responsabilités au sein d’une chaîne de commandement. Commander, ce n’est pas seulement donner des ordres, ce n’est pas confondre l’autoritarisme et l’autorité. Commander, c’est d’abord analyser, comprendre, anticiper pour mieux décider. Et décider n’est pas chose facile. Car, décider, c’est arbitrer entre de nombreux paramètres, techniques, opérationnels, budgétaires et humains. Comme officier, chacun d’entre vous est une force de proposition. Votre action doit donc être tournée vers la recherche de solutions et la résolution des difficultés. Ne prenez pas des décisions par habitude, mais parce qu'elles ont du sens.

En tant qu’officiers, vous assumerez un rôle de conception et de conduite de la manœuvre. Vous vous ferez obéir, d’abord en raison de vos compétences, de votre exemplarité et de votre capacité à fédérer autour d’objectifs clairs les femmes et les hommes placés sous votre autorité et dont vous assumerez la responsabilité.

Cette responsabilité, justement, vous oblige. En toute occasion, soyez soucieux de la sécurité de ces femmes et de ces hommes. Soyez toujours à leur côté et à leur écoute. Nouez des relations de confiance réciproques. Soyez particulièrement attentifs aux situations de détresse et ne tolérez aucune discrimination, aucune forme de harcèlement. Consacrez du temps au dialogue interne. La concertation et la participation participent en effet de la richesse de la Gendarmerie. Je compte sur vous, tout particulièrement dans ce domaine.

L’adaptation au temps présent, l’anticipation des enjeux à venir, voilà ce qui d’ailleurs motive la démarche de participation lancée depuis deux années par votre Directeur général pour renforcer l'action opérationnelle, alléger le fonctionnement et l’administration de la gendarmerie,  et valoriser les femmes et les hommes qui y servent. Si la « feuille de route » est précieuse, c’est aussi bien en raison des 300 mesures concrètes qu'elle a déjà rendu possibles, que grâce à l'esprit de modernité et de renouveau qu'elle insuffle au sein de cette belle et noble institution qu’est la Gendarmerie nationale.

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Comme vous le savez déjà, en matière de sécurité, les défis sont très nombreux. Les menaces auxquelles nous faisons face se diversifient. Notre société se complexifie. Le droit se raffine, excessivement sans doute. Mais c’est un fait, propre aux démocraties soucieuses des libertés individuelles et, à ce titre, il faut s’en réjouir.

Votre métier en sera donc d’autant plus exigeant. Il mobilisera des savoirs pluriels, juridiques, techniques, psychologiques, managériaux. Je le suggérais à l’instant, votre formation est en réalité loin d’être achevée ! Et vous l’enrichirez jour après jour. La Gendarmerie nationale vous offre ainsi une opportunité de fonctions et de missions d’une exceptionnelle richesse, et je ne doute pas que vous saurez en exploiter toutes les ressources, au gré d’une carrière passionnante qui fera de vous des femmes et des hommes accomplis.

Plus que jamais, la République se doit de préserver notre cohésion nationale et d’assurer la sécurité de tous, en tout point du territoire. Cet ordre républicain, sans lequel aucune liberté n’est possible, aucune société, ce sont les forces de l’ordre – gendarmerie et police nationales – qui ont pour mission, chaque jour, de le garantir. Telle sera demain la noble et nécessaire mission à laquelle vous participerez.

La menace terroriste, vous le savez, est présente dans les métropoles comme dans la profondeur des territoires. Les attentats de janvier, comme l’assassinat barbare et la tentative d’attentat-suicide commis il y a quelques jours à Saint-Quentin-Fallavier, dans l’Isère, sont venus nous rappeler l'ardente nécessité d'être vigilants et coordonnés dans notre action. Cette menace, nous l’affrontons avec la plus grande détermination, mais aussi avec lucidité, car il est absolument nécessaire de toujours veiller à maintenir l'indispensable équilibre, propre à toute démocratie, entre la sécurité des Français et la préservation de nos libertés publiques. C’est dans cet esprit que nous avons donné aux forces de gendarmerie et de police les moyens nécessaires à l’efficacité de notre action antiterroriste et de notre activité de recueil et d'analyse du renseignement, notamment territorial.

Intervenant sur 95 % du territoire, la gendarmerie joue un rôle déterminant dans la détection des signaux faibles de radicalisation violente. C'est notamment grâce à la gendarmerie que nous avons par exemple pu démanteler la filière de recrutement djihadiste localisée à Lunel. Et c’est parce que je connais la très grande capacité d’analyse et d’intervention de la gendarmerie que j'ai souhaité la création, au sein de ses unités,  d'antennes de renseignement territorial pour que nous puissions mieux détecter les signaux faibles. Ces antennes ont vocation à travailler en liaison constante avec les services de renseignement territorial et avec les services spécialisés. J’attends de vous que, demain, dans vos affectations respectives, vous portiez une attention toute particulière à cet enjeu.

Face au terrorisme de proximité, au phénomène de la radicalisation violente, aux porosités entre terrorisme et délinquance, les forces de l’ordre doivent travailler ensemble, main dans la main. C’est absolument nécessaire : il s’agit de changer de culture, de tenir compte des nouvelles réalités que nous affrontons, de comprendre que le monde a changé. Quelles que soient vos affectations futures, vous devrez organiser l’échange d’informations entre vous et avec les différents services de la police et du renseignement. Parlez-vous, soyez à l’écoute les uns des autres, partagez vos informations, travaillez ensemble. Vous avez la responsabilité de protéger nos concitoyens. Une telle responsabilité ne laisse pas de place pour les querelles et les divisions. Nous devons donc en finir avec la culture  du cloisonnement, qui ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui.

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L'autre grand enjeu que vous affronterez demain, c'est bien sûr la sécurité au quotidien, la prévention et la lutte contre la grande et la petite délinquance. Une délinquance qui évolue, s'adapte, utilise les moyens numériques, s'internationalise aussi, tout en s’enracinant dans nos territoires.

La lutte contre ces phénomènes nécessite, en amont, de mettre en œuvre des dispositifs adaptés de prévention et de surveillance, à l’instar des plans anti-cambriolages qui conjuguent les forces territoriales et les renforts d’escadrons de gendarmerie mobile. En aval, elle exige l’utilisation de techniques de police judiciaire pointues, telles que la police technique et scientifique ou le recours systématique à l’analyse criminelle. Dans vos territoires, vous aurez à concevoir et apporter des réponses de proximité, tout en participant à la réponse globale sur le haut du spectre de la délinquance. Vous disposerez à cette fin d'unités spécialisées de haut niveau, telles que le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale à Pontoise, que j'ai récemment inauguré, et qui offre au ministère un outil d'expertise en ce qui concerne la criminalistique, la lutte contre les criminalités numériques et le renseignement criminel.

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Pour répondre à ces différents enjeux de sécurité – renseignement, protection du territoire, sécurité publique, police judiciaire – auxquels j’ajoute la sécurité routière, la gendarmerie bénéficie d’un formidable atout : son implantation au cœur des territoires, au plus près de nos concitoyens. C’est un atout, car, aujourd’hui, l’exigence de proximité est forte parmi les Français. Nous devons constamment expliquer, rassurer, proposer une offre de sécurité adaptée aux évolutions de la société et à la réalité de chaque territoire.

Aucune force de sécurité ne peut fonctionner en vase clos. Vous serez donc en première ligne pour garantir l'indispensable relation de confiance avec la population. Ces liens se nouent au quotidien, mais aussi par la capacité à équilibrer la prévention et l'application des lois.

La proximité ne saurait se résumer à l'implantation d'une brigade. La proximité, c'est un contact quotidien avec l’ensemble des acteurs de sécurité et avec la population. Ce contact quotidien prend aujourd’hui des formes nouvelles, il se diversifie : je pense aux services en ligne, aux conseils et informations relayés par les médias sociaux, aux permanences d'accueil au sein des maisons de service public.

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Avant de conclure, je veux rendre hommage au général Jean-Marc LOUBÈS, qui quittera cet été ses fonctions de directeur de l'EOGN. Son action à la tête de l’École a été en tout point exemplaire. Et je veux saluer l'arrivée, pour lui succéder, de la générale Isabelle GUION de MÉRITENS : sa nomination récompense ses grandes compétences humaines et professionnelles. J'y vois aussi un signe fort et une fierté pour les officiers féminins de la gendarmerie, à l'instar des 61 jeunes femmes des promotions « colonel DELMAS » et « lieutenant JAMET ». Je me réjouis d’ailleurs que les deux grandes écoles de la police – l'ENSP de Saint-Cyr-au-Mont d'Or – et de la gendarmerie soient, à la rentrée, dirigées par deux femmes de haut rang.

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Je souhaite, à chacun d’entre vous le meilleur, une carrière à la hauteur de vos espérances et de vos mérites.

J’adresse à vos familles présentes un salut amical, en m’associant à la fierté qu’elles ressentent en ces moments forts. Elles sont aussi pour beaucoup dans ce que vous êtes aujourd’hui.

Par votre engagement, votre exemplarité, votre sens du devoir, votre incarnation des valeurs de la République, cette fierté demeurera intacte.

Demain, dans vos unités respectives, vous exercerez pleinement vos responsabilités. Je sais pouvoir compter sur vous tous comme sur l’ensemble des personnels de la Gendarmerie nationale, pour assurer, dans le respect de l’ordre républicain et des libertés publiques, la sécurité de nos compatriotes et la protection de nos institutions.

Ma confiance est totale. Soyez en dignes, restez la fierté de vos maîtres et de vos professeurs, apportez à vos services les vertus de l’œil neuf sans jamais vous départir de l’humilité de ceux qui ont encore à apprendre, n’oubliez jamais de tisser un lien confiant avec la population que vous protégez. Vous pourrez toujours compter sur mon soutien sans faille dans l’accomplissement de vos missions.

Vive la Gendarmerie nationale !

Vive la République !

Vive la France !

Dès demain, dans vos unités, vous allez vivre une aventure humaine et professionnelle des plus passionnantes, mais également des plus exigeantes. Engagez-vous sans compter dans vos missions au service des Français.

Vous pouvez compter sur moi, comme je sais pouvoir compter sur vous.