Hommage rendu par M Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur, au caporal Patricia Filippi, Sapeur-Pompier volontaire
Le Boulou – 23 septembre 2015
Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre,
Madame la Préfète,
Monsieur le Député, Président du Conseil national des Sapeurs-pompiers volontaires,
Madame la Sénatrice, Présidente du Conseil d’administration du Service d’Incendie et de Secours des Pyrénées-Orientales,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Présidente du Conseil départemental,
Madame la Maire,
Monsieur le Directeur général de la Sécurité civile et de la Gestion des crises,
Mon Colonel, Directeur départemental du Service d’Incendie et de Secours des Pyrénées-Orientales,
Mon Colonel, Président de la Fédération nationale des Sapeurs-pompiers de France,
Mesdames et Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers, caporaux et sapeurs-pompiers des Pyrénées-Orientales,
Cher Jérôme FILIPPI,
Chers Clara, Estelle et Thomas, chère Eléa,
Chère Madame CAPRETTI,
Chers Pascal, Alain et Jean-Louis CAPRETTI,
Cher Philippe BUSSIÈRE,
Cher Xavier CATOIS,
Nous voici aujourd’hui tous rassemblés pour rendre un dernier hommage à une femme exemplaire, une femme d’un courage et d’un dévouement hors du commun, une femme que n’oublieront jamais tous ceux qui auront eu le grand privilège de la rencontrer.
Cette femme, c’était Patricia FILIPPI. Elle était une mère, elle était une épouse, elle était l’une des nôtres, mais elle était aussi plus que cela, car elle était l’une des vôtres, une sapeur-pompier volontaire, engagée au Centre d’incendie et de secours du Boulou, ici même, au cœur de ces magnifiques paysages et de cette Catalogne qu’elle aimait tant.
Il y a cinq jours à peine, dans la nuit de jeudi à vendredi derniers, sur les hauteurs de la commune de Cerbère, le caporal Patricia FILIPPI nous a quittés, victime du devoir.
Quand le drame est survenu, elle combattait alors, aux côtés de ses camarades de feu, un violent incendie qui, depuis le milieu de la soirée, se propageait extrêmement rapidement et ravageait la forêt, entre Cerbère et Banyuls, à quelques kilomètres de la frontière espagnole. Rendue particulièrement délicate en raison des vents tourbillonnants, du relief escarpé et des accès difficiles, l’intervention exigeait, de la part des sapeurs-pompiers mobilisés, un très grand courage et un très grand professionnalisme, beaucoup de précision et de sang-froid – une vigilance et une détermination de chaque instant. Autant de qualités que possédait Patricia FILIPPI, comme ses camarades avec qui elle partit au feu cette nuit-là.
Le groupe d’intervention auquel elle appartenait, spécialisé dans la lutte contre les incendies de forêt, fut malheureusement pris au piège des flammes, qu’attisait le vent meurtrier.
Le caporal FILIPPI se retrouva alors cernée. Aussitôt, ses camarades lui vinrent en aide, mais, hélas, malgré leur réactivité et leur courage, ils ne purent la sauver.
Aujourd’hui, je pense à ceux qui restent et qui doivent désormais apprendre à vivre avec cette terrible absence. L’absence d’une mère et d’une grand-mère, d’une épouse, d’une fille et d’une sœur. L’absence d’une amie, d’une camarade et d’une collègue.
Aujourd’hui, je pense à vous, Jérôme, son époux.
Je pense à ses trois enfants, Estelle, Thomas et Clara, qu’elle adorait et qui grandiront désormais dans le souvenir d’une mère exemplaire.
Je pense à Eléa, sa petite-fille, qui n’aura pas eu la chance de mieux connaître sa grand-mère.
Je pense à vous, Wanda, sa mère, dont je ne peux mesurer la douleur.
Je pense à vous, ses frères, qui avez grandi et tant partagé avec elle.
Je pense à vous, Philippe et Xavier, qui l’avez, vous aussi, aimée.
Je sais que les mots ne suffisent pas à rendre le chagrin et l’émotion que nous ressentons tous en cet instant. Toutes mes pensées, tous mes sentiments sont pour vous. Sachez que, dans cette épreuve, vous n’êtes pas seuls. Nous tous ici présents partageons la même peine.
*
Et puis, je pense aux camarades de Patricia, à ses amis, qui étaient engagés avec elle sur le terrain et qui resteront sans doute marqués à vie par cette tragédie.
Je pense à ses collègues du Centre d’incendie et de secours du Boulou – une équipe soudée et expérimentée. Malgré la perte de leur camarade, je sais qu’ils continueront d’accomplir leurs missions avec la même rigueur et le même engagement, au service de leurs concitoyens.
Je pense également à l’ensemble du corps départemental des Pyrénées-Orientales, commandé par le colonel SALLES-MAZOU.
A eux tous, je veux adresser toute ma sympathie et ma plus profonde compassion.
Car je sais qu’aujourd’hui, c’est toute une caserne qui est frappée au cœur, et c’est la communauté tout entière des sapeurs-pompiers du département qui est plongée dans le chagrin.
Au-delà, c’est toute la grande famille des sapeurs-pompiers de France qui est en deuil, et c’est l’ensemble du ministère de l’Intérieur qui partage votre douleur, comme à chaque fois qu’un tel drame survient.
Parce que c’est ensemble que vous partez au feu. Et que c’est ensemble que vous sauvez des vies.
Parce qu’être sapeur-pompier, c’est savoir que rien de beau, de grand ni de profond ne s’accomplit sans la solidarité. Cette solidarité que vous partagez lorsque vous montez au feu et qui vous rassemble dans l’épreuve. Cette solidarité qui nous unit aujourd’hui autour de la famille de Patricia FILIPPI.
Vous êtes une grande famille, et dans une famille, on ne laisse jamais tomber l’un des siens.
Ces belles valeurs de solidarité, de générosité, d’altruisme et de dévouement étaient celles qui animaient Patricia et pour lesquelles elle a finalement donné sa vie. Tombée au feu, elle est ainsi demeurée jusqu’au bout fidèle à la noble devise des sapeurs-pompiers : « Sauver ou périr ».
Volontaire depuis cinq ans, elle avait fait le choix de consacrer une part de son temps libre à protéger et secourir nos concitoyens, d’abord au Centre d’incendie et de secours de Palau del Vidre, puis à celui du Boulou. Un tel choix prolongeait son activité professionnelle d’ambulancière. Le goût des autres, la volonté de venir en aide à ceux que le sort a frappés : telle était la boussole de Patricia FILIPPI.
Permettez-moi de citer les mots si simples et si évidents qu’elle employa elle-même pour décrire le sens profond de son engagement, le jour où elle rejoignit les rangs des sapeurs-pompiers volontaires, le 12 octobre 2009 :
« C’est une vocation depuis toujours, que je vais pouvoir concrétiser. A 42 ans, je suis sûre de mes choix. Je veux consacrer mon temps disponible à aider autrui dans quelque situation de détresse qu’il soit. Il n’y a rien de plus gratifiant ni de plus enrichissant. Empathie, altruisme, persévérance, rigueur dans le travail sont des valeurs ancrées en moi », écrivait-elle alors.
Et elle ajoutait, avec une lucidité, une prescience et une sagesse qui aujourd’hui nous dévastent : « Le travail en équipe est synonyme d’union, pour le meilleur et pour le pire. Nous serons confrontés à des situations difficiles. La solidarité est très importante. »
Telle est en effet la vie des sapeurs-pompiers, qu’ils soient militaires, professionnels ou volontaires : une vie faite d’abnégation et de risques, au service des autres et de l’intérêt général. Une vie passée au service de la République et au service des Français.
Cette vie-là était celle que le caporal Patricia FILIPPI avait choisie – pour le meilleur, mais aussi, malheureusement, pour le pire.
La passion qui l’animait, elle eut le temps de la transmettre à ses enfants – et notamment à son fils, Thomas, qui lui aussi s’est engagé au sein des sapeurs-pompiers volontaires du Boulou, après avoir servi dans les Formations militaires de la Sécurité civile (FORMISC).
Comme le caporal Patricia FILIPPI et comme son fils Thomas, ils sont ainsi près de 194 000 à avoir fait le même choix citoyen qui consiste à s’engager parmi les sapeurs-pompiers volontaires. Aujourd’hui, en France, n’oublions jamais que près des deux tiers des interventions sont assurés par des volontaires, au péril de leur vie, aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels.
Sans eux, notre modèle français de secours et de sécurité civile ne serait tout simplement pas ce qu’il est : un exemple d’efficacité, de professionnalisme et d’engagement, dont l’excellence est reconnue dans le monde entier, grâce notamment à des femmes et à des hommes tels que Patricia FILIPPI, ou tels que la jeune Fanny SIMON, sapeur-pompier volontaire de 19 ans, qui, il y a trois jours, a elle aussi perdu la vie, alors qu’elle partait en intervention avec ses camarades du Centre de secours de Saint-Hippolyte, dans le Doubs.
Aujourd’hui, je souhaite que tous ici présents, nous ayons également une pensée émue pour Fanny SIMON, pour ses parents et pour ses proches, ainsi que pour tous les sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi professionnels et militaires, qui risquent chaque jour leur vie pour sauver celle des autres. Ces femmes et ces hommes méritent toute notre reconnaissance, et plus encore ils méritent toute notre admiration.
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Je sais que Patricia va terriblement manquer à ses proches, à ses amis et à ses camarades. Mais soyez heureux d’avoir eu la chance de croiser son chemin. Souvenez-vous des instants de bonheur et des moments d’amitié. Souvenez-vous de son sourire radieux. Souvenez-vous de l’enthousiasme et de la passion qui habitaient cette femme de cœur.
Vous avez perdu une mère, une grand-mère, une épouse, une fille, une sœur, une amie, une camarade. A vous tous, je voudrais simplement exprimer ma plus profonde compassion. Et vous dire ceci : soyez fiers de Patricia, de la femme digne et courageuse qu’elle a été.
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Aujourd’hui, le Gouvernement s’incline respectueusement devant le corps du caporal Patricia FILIPPI, morte au feu.
En reconnaissance de l’Etat pour les services rendus et en hommage à sa vie tragiquement interrompue, Patricia FILIPPI sera dans un instant citée à l’Ordre de la Nation et décorée à titre posthume des insignes de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur. Elle recevra la Médaille de la Sécurité intérieure et la Médaille pour Acte de Courage et de Dévouement, échelons or.
Nous saluons avec émotion le souvenir de Patricia FILIPPI, qui a payé de sa vie son choix de servir les Français.
A tous les sapeurs-pompiers, à vous tous ici présents, je veux dire que la République sera éternellement reconnaissante à celles et ceux qui la servent, avec courage et abnégation.
Le courage et le dévouement du caporal Patricia FILIPPI resteront à jamais gravés dans nos mémoires et dans nos cœurs.