Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur à l'occasion de son déplacement à Caen le 22 mai 2015.
- Seul le prononcé fait foi -
Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Préfète,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d’abord vous dire le très grand plaisir que j’ai, d’être ici à Caen aujourd'hui, pour cette rencontre avec les principaux élus de la région, pour cette rencontre avec vous, fonctionnaires de l’administration de l’État en région ; car c’est pour moi l’occasion d’adresser un message sur les réformes en cours, de clarifier des enjeux, des calendriers, des points de méthode et puis de vous livrer aussi une vision. C’est un moment d’émotion aussi pour moi parce que c’est la première fois dans ma responsabilité de ministre de l’Intérieur, que l’occasion m’est donnée de m’adresser à vous toutes et à vous tous ; vous savez l’attachement très grand que j’ai à cette région, à ceux qui m’ont accompagné dans les projets que j’ai pu conduire lorsque j’étais député-maire de Cherbourg et beaucoup de fonctionnaires de l’administration territoriale de l’État, beaucoup de fonctionnaires de la préfecture de région, ont été des partenaires qui ont accompagné des projets lourds dans lesquels la ville dont j’avais la responsabilité, était engagée. Et donc moi je n’oublie pas cette proximité, je n’oublie pas ce travail fait en commun, je n’oublie pas et ne peux pas oublier la force des liens qui m’unissent à la Normandie, à la Basse-Normandie et à chaque fois que je suis devant vous sur des enjeux régionaux forts, il y a par-delà le plaisir, le bonheur, l’occasion de la pédagogie, toujours un grand moment d’émotion.
Je ne suis pas venu aujourd'hui à Caen pour rien. Il y a une ample réforme territoriale qui a été engagée à l’initiative du gouvernement et qui justifie au stade où nous en sommes, de cette réforme, des explications, des perspectives, des précisions. Cette réforme, elle a une ambition et une cohérence ; elle nous a conduits depuis maintenant plus de deux ans, à mettre sur le métier au Parlement des textes de loi qui créent les conditions d’une nouvelle organisation territoriale pour notre pays. Nous n’avons pas mis ces textes de loi sur le métier simplement par goût esthétique de la modernisation ou de la réforme ; nous l’avons fait parce qu’il y avait une urgence à transformer nos territoires face aux défis de la crise économique, de la mondialisation, de la construction européenne, parce que nous voulions donner beaucoup d’atouts à ceux qui territorialement portent des projets dans un contexte où depuis de nombreuses années, la révision générale des politiques publiques, avait conduit à une aporie des services publics de l’État et des collectivités territoriales.
Quel est le sens de cette réforme ? Je veux le préciser devant vous avant que de vous donner des informations et de préciser des enjeux. D’abord le sens de cette réforme, c’est de créer de grandes métropoles – ce fut l’objet de la loi MAPTAM, de grandes métropoles qui puissent, là où des villes fortes existent, investir dans les enjeux de demain, les infrastructures de demain, qu’elles soient numériques, qu’elles soient de transport, qu’il s’agisse des filières d’excellence, qu’il s’agisse de l’investissement dans la recherche, dans l’innovation, dans les plateformes technologiques, dans les transports de demain ; ces métropoles sont de véritables vecteurs pour l’investissement ; elles sont de véritables occasions de structurer autrement les territoires pour leur donner plus de force et plus de chances. D’ailleurs je constate que si le débat au Parlement a été fort sur ces enjeux, aujourd'hui, des collectivités locales de toutes sensibilités, s’engagent sur la création de ces métropoles, qu’il s’agisse de Marseille et Aix dont les maires ne sont pas dans la majorité gouvernementale, qu’il s’agisse de Lyon où au contraire le maire est dans la majorité gouvernementale, des élus de sensibilités différentes, s’emparent des outils de loi qui furent âprement débattus, pour utiliser ces outils à des fins de développement territorial.
Deuxième grande réforme : la réforme des régions. Je l’ai personnellement portée devant le Parlement, cette réforme des régions ; elle conduit le pays à passer de 22 à 13 régions et elle conduit la Normandie à se trouver réunifiée. On parlait depuis des années, des décennies, de la grande Normandie. Mon premier mandat en Basse-Normandie date de 1994 comme conseiller général dans le canton d’Octeville et déjà, au Conseil général présidé à l’époque par Pierre AGUITON, on parlait de la grande Normandie. Et lorsque les élections régionales de 2004 se sont faites, le débat était déjà sur la grande Normandie, il y a plus de dix ans ; il y avait même des listes qui s’étaient constituées autour de cette thématique ; il y avait des candidats – je pense à Alain TOURRET – qui portait - comme Laurent BEAUVAIS, comme moi-même – l’aspiration à la création d’une grande Normandie. Mais les années passaient, le concept était porté par quelques-uns et rien ne se faisait. Entre 2007 et 2012, lorsque Nicolas SARKOZY a lancé le Grand Paris, a commencé à réfléchir sur la question de la structuration des territoires dans la Vallée de la Seine, considérant d’ailleurs qu’il n’y avait qu’un axe Paris – Le Havre – il laissait un peu sous le vent Caen et Cherbourg – il préconisait à l’époque qu’on lançât par décret la création de la grande Normandie. Et d’ailleurs, l’idée à l’époque avait un sens, celle du Grand Paris, belle idée, l’idée de voir des villes maritimes comme Le Havre, être l’émissaire maritime de la capitale nationale avait un sens du point de vue de la géographie et du point de vue de l’intérêt économique. Mais l’idée est restée à l’état de concept ; la grande Normandie ne s’est pas faite. Eh bien nous avons décidé de la faire et j’ai mis beaucoup d’énergie comme ministre de l’Intérieur portant le texte, pour qu’on puisse faire en sorte que ce soit ce choix qui soit opéré et pas un autre parce qu’après avoir fait une partie du grand Cherbourg, avoir constaté que la modernisation des territoires est possible sans que les personnels n’aient à en souffrir, je ne voulais pas être passé par cette région dans laquelle je resterai corps et âme jusqu’à mon dernier souffle, sans avoir contribué à la réalisation de ce projet.
Eh bien c’est fait. Et j’en suis fier, même si je n’ignore pas que cela peut susciter des interrogations et des inquiétudes et je voudrais vous dire pourquoi j’en suis fier. J’en suis fier parce que je pense que la Normandie unifiée, forte de ses atouts, rassemblée autour de ses atouts, sera plus forte demain pour porter les grands projets, les grandes politiques publiques dont le territoire a besoin, qu’elle ne l’était lorsqu’elle était divisée en deux régions. Et si j’ai souhaité porter ce projet comme ministre avec les parlementaires qui sont là, autour de moi, et qui ont été très présents au Parlement, tous, certains même amendant de façon déterminante la loi – je pense au député Alain TOURRET – pour lui permettre de se mettre en œuvre dans les meilleures conditions. Si j’ai tenu absolument à ce que cette fusion fût faite, ce n’est pas seulement pour qu’on arrête de parler de projets dont on parlait toujours sans jamais les mettre en œuvre, c’est aussi et surtout parce que j’avais vu dans ma responsabilité de conseiller régional, aux côtés de Philippe DURON, aux côtés de Laurent BEAUVAIS, à quel point il était urgent que la Normandie fût une et indivisible pour mieux porter ses politiques publiques.
Quel est le sujet ? Pourquoi cela ? Parce que nous avons un linéaire de côtes exceptionnel, du Mont-Saint-Michel jusqu’aux plages de Haute-Normandie, en passant par Le Havre et que nous n’avons dans l’esprit des Français, des Européens, aucune lisibilité de ce que nous faisons sur le plan maritime au regard de ce que font les Bretons ; nous avons fait mille choses, nous avons conforté notre identité maritime ; la région a beaucoup porté cette ambition. Et pourquoi est-ce que les Bretons apparaissent comme la région de la mer, alors qu’ils ont moins d’atouts que nous n’en avons sans doute et que nous n’avons pas été capables de porter cela haut et fort ?! Alors que quand on regarde ce linéaire de côtes, vous avez la pêche, vous avez la plaisance, vous avez les grands ports maritimes, autonomes avec leur activité de transport et de fret ; vous avez les croisières au Havre et à Cherbourg, vous avez les énergies marines renouvelables portées avec l’ardeur que l’on sait par Laurent BEAUVAIS, Jean-François LEGRAND, moi-même, aujourd'hui Jean-Michel HOULLEGATTE et Benoît ARRIVE et au Havre également cette perspective existe et le maire du Havre, Joël PHILIPPE, n’est pas lui aussi sans vouloir participer à cette aventure et c’est normal… Edouard PHILIPPE pardon… et Joël BRUNEAU. (C’est pour vous dire à quel point je suis encore connecté à l’actualité)…
Je parlais de l’actualité maritime et je pourrais parler aussi des atouts agricoles. Nous sommes mobilisés au cours des derniers jours, des dernières heures sur le dossier AIM, le dossier des abattoirs avec la région, avec l’État qui, contrairement à ce que j’ai entendu, tient tout ses engagements et a pris en interministériel toutes les décisions qui devaient être prises et avec une détermination totale, il continuera à le faire. Il y a notre patrimoine agroalimentaire, nos atouts agroalimentaires, nos industries agroalimentaires qui offrent parmi les meilleurs produits de France à l’exportation, qui sont un atout pour notre balance commerciale, qui sont un atout pour notre rayonnement touristique. Ces industries seront portées plus haut, plus loin s’il y a une grande région. J’ai été président du Comité régional du tourisme ; rendez-vous compte de ce que représente la Normandie en termes d’atouts touristiques ! Les plages du Débarquement, le Mont-Saint-Michel, le tourisme équestre, le tourisme vert, le tourisme nautique, la beauté et l’exceptionnelle qualité du patrimoine architectural et historique de notre Normandie à travers ses églises, à travers ses abbayes, à travers ses monuments et Caen en sait quelque chose, pas seulement Rouen ; eh bien tout cela, nous devons le porter plus loin, nous devons le porter plus haut ; nous devons aller davantage dans l’ambition de faire en sorte aussi que nos pôles de compétitivité puissent faire de la recherche, du développement de l’industrie ; c’est pour ça que j’ai voulu cette grande région.
Et c’est pour ça, je dois vous le dire, que je suis triste de voir la manière dont le débat politique – il est vrai que les échéances électorales y contribuent (moi je ne suis pas candidat, donc je peux me permettre de ne pas tomber dans cette pente) et viennent à gâcher ce débat. Nous voulons faire l’unité de la Normandie et ceux qui ont oublié de la faire, ceux qui ont mis du temps à la faire, plutôt que d’unir les villes, se proposent d’organiser un grand « Intervilles » Normand comme cela était parfois diffusé à la télévision dans les années 70, à l’époque où Guy LUX, Léon ZITRONE et Simone GARNIER organisaient cette compétition télévisuelle. Il paraît que c’est moderne. Eh bien moi, je ne trouve pas ça moderne. Ce que je trouve moderne, ce n’est pas l’Intervilles politique auquel certains nous invitent, ce n’est pas le conflit entre Rouen et Caen. Quelle idée, au moment où nous réussissons une fusion, que de vouloir opposer une ville à une autre ! Quelle erreur, au moment où nous sommes en train de réussir ce qu’on n’avait pas fait jusqu’à présent, ce dont on a beaucoup parlé, que de vouloir opposer deux capitales alors qu’il faudrait les unir ! Eh bien je viens de proposer aux élus de Basse-Normandie comme je le ferai ce soir aux élus de Haute-Normandie, ce qu’est la démarche que propose l’État. L’État ne propose pas qu’on oppose, l’État ne propose pas qu’on « antagonise », l’État ne propose pas que l’on fasse perdre une ville pour en faire gagner une autre ! Non, l’État propose qu’on unisse et pour unir, il faut qu’il y ait des conditions et ces conditions d’ailleurs, correspondent à vos intérêts de fonctionnaires territoriaux.
D’abord, moi je souhaite qu’il y ait un équilibre dans la répartition des administrations de l’État, entre Rouen et Caen et devant vous, fonctionnaires des préfectures, je veux m’engager à ce que cet équilibre ne soit pas simplement une parole de ministre mais une réalité demain. J’ai donné des instructions aux deux préfets, au préfet préfigurateur et au préfet de Basse-Normandie, de faire en sorte que la répartition des administrations de l’État entre Caen et Rouen, corresponde à un équilibre parfait ; parce que sinon, nous aurons le conflit entre les villes. Et si nous avons le conflit entre les villes, alors cette union, cette unité régionale que j’ai voulue, que nous avons voulue, que nous avons portée, se dissoudra dans des querelles politiques, dans des conflits de territoires qui n’ont pas lieu d’être.
Donc je veux prendre devant vous l’engagement qu’il y aura cet équilibre entre les villes concernant la répartition des administrations territoriales de l’État. Le deuxième engagement que je veux prendre devant vous, c’est que le débat ne peut pas se résoudre à Caen et Rouen parce qu’il y a Le Havre, parce qu’il y a Saint-Lô, parce qu’il y a Cherbourg, parce qu’il y a Alençon, parce qu’il y a Flers, parce qu’il y a Lisieux, parce qu’il y a Vires, parce qu’il y a Argentan… Et je m’empresse de préciser que je ne les citerai pas toutes de manière à ne pas me voir reprocher d’en avoir oublié une ! Et donc il faut, à travers la logique de projet, pas simplement la logique institutionnelle et administrative, parler de tous les projets que nous avons sur le métier qui concernent la filière équestre, qui concernent l’agroalimentaire, qui concernent les énergies marines renouvelables, qui concernent les industries de demain, nous créions les conditions d’un projet d’aménagement du territoire régional qui permettent à chacun d’y trouver son compte. Et l’État qui n’a pas seul la main sur ce sujet mais qui l’a un peu tout de même, contribuera grandement à faire en sorte que cet équilibre par les projets, par-delà l’équilibre entre la répartition des administrations, soit possible.
Il y a un troisième sujet dont j’ai vu qu’il occupe beaucoup les esprits, qui est la question de la répartition des administrations régionales ou des conditions dans lesquelles elles seront implantées : l’État va faire son devoir pour ce qui concerne l’équilibre entre les territoires, dans la répartition des administrations de l’État. Mais il y a un texte de loi, il y a une méthode, il y a des échéances, il y a des enjeux, il y a des étapes ; comment les choses vont-elles se passer ? Nous avons désigné un préfet préfigurateur en la personne du préfet MACCIONI qui est avec moi et que je salue pour son engagement et pour le travail qu’il accomplit ; il travaille en étroite liaison avec le préfet de Basse-Normandie qui est un préfet qui a lui aussi toute ma confiance et ils travaillent ensemble ; ils rencontrent les élus ensemble, les responsables des grandes collectivités territoriales. Le préfet préfigurateur a été désigné ; le décret désignant le chef-lieu provisoire a été envoyé. Les régions vont avoir à discuter avec l’ensemble des collectivités de leur ressort pour déterminer la meilleure position ; sur le chef-lieu, les régions auront à se positionner avant la fin du mois de juillet. Puis, une fois que les élections régionales auront eu lieu, la nouvelle région devra prendre une position sur des sujets précis : une position définitive sur le chef-lieu, une position sur le lieu du siège de la région, une position sur le lieu du siège des séances du Conseil régional, une position sur le lieu du siège du CESER et une position sur la répartition des emprises immobilières de la région. Cela devra être fait après les élections régionales, de manière à ce que le gouvernement puisse prendre un texte de nature réglementaire, au plus tard au 1er octobre 2016. Voilà le calendrier. Et je veux rester dans ma responsabilité de ministre de l’Intérieur. Je prends des engagements sur la répartition des administrations territoriales de l’État, le reste incombe au Conseil régional. Je veux simplement insister sur le fait qu’il faut que dans la suite, rien ne vienne perturber ce que nous aurons fait en cause, ce que nous aurons mis en œuvre, concernant la répartition des administrations territoriales de l’État, parce que si l’équilibre prévaut sur la répartition des administrations territoriales de l’État, il serait très dommage que l’équilibre entre les villes soit rompu parce que dans la suite de l’exercice, on créerait le déséquilibre.
Les régions nouvellement élues, auront à se déterminer ; c’est leur rôle. La campagne électorale doit permettre à chacun de se positionner, c’est la démocratie, sur ce point, et comme je veux que le débat soit le plus sain possible, le moins polémique possible, le moins politicien possible – et il y a une marge de progression – je m’en tiens à ce que je viens de vous dire. C'est-à-dire que je crée les conditions à une répartition équitable des administrations territoriales de l’État, d’un positionnement des acteurs qui soit le plus sain possible, le moins politicien possible et dans l’intérêt des villes. Toute autre position serait de ma part une manière de dérogation à ce que sont mes responsabilités et serait de nature à me conduire à intervenir sur un sujet qui est de la compétence souveraine des régions qui auront à délibérer et par conséquent, à compliquer un débat.
En tous les cas, si l’on veut être soucieux des intérêts des différentes capitales régionales qui existent encore, il faut éviter de créer les conditions du déséquilibre, parce que si on crée les conditions du déséquilibre, alors à la fin, on est dans un antagonisme qui peut conduire une ville à tout avoir et l’autre à tout perdre. Et moi je ne veux pas de cela parce que je suis soucieux des intérêts de Caen comme de ceux de Rouen et que je pense qu’il faut placer le débat au niveau auquel il doit être et qu’on ne peut pas en politique, toujours tout abaisser.
Je veux vous parler aussi de la réforme de l’État qui vous concerne directement parce qu’il y a des inquiétudes et je veux y répondre. On ne peut pas conduire une réforme avec des complexes, avec la main qui tremble, avec des peurs d’hégémonie et pas des angoisses non plus sur ce qu’est son propre avenir ; la peur ne fait pas la réforme, elle la paralyse, elle la bloque, elle l’empêche. On fait des réformes avec de la clarté, on fait des réformes avec des objectifs, on fait des réformes en créant les conditions de la confiance. Et là je veux vous dire des choses précises : d’abord, vous avez été victimes de la révision générale des politiques publiques. Trois mille emplois… plus de trois mille emplois ont été perdus entre 2007 et 2012 parce que la décision a été prise d’appliquer selon une logique de rabot mise en œuvre sur la totalité du territoire, des diminutions d’emplois qui ont conduit à la perte d’emplois dans tous les territoires, qui étaient importants pour le fonctionnement des services. Cela a correspondu à à peu près huit cents emplois supprimés par an. J’ai souhaité, à mon arrivée au ministère de l’Intérieur, suite aux travaux qui avaient été conduits par mon prédécesseur, réorienter cette méthode. Je ne veux pas de logique de rabot. Et cette année, ce ne sont pas huit cents emplois qu’on a supprimés, c’est 180 – vous me direz que c’est toujours trop, vous avez raison – mais ces 180 emplois, ils ont été supprimés après que j’ai documenté comment on pouvait gagner des emplois équivalents temps plein par un effort de mutualisation qui n’altère pas le fonctionnement des services.
J’ai constaté, pour avoir été ministre du Budget – j’en ai été d’ailleurs affranchi – que lorsque l’on fait ainsi, c’est-à-dire quand on est bien en deçà de ce que pouvaient demander les administrations de Bercy, on récupère par les vacataires ce que l’on a voulu nous donner en équivalent temps plein. Je souhaite que le sujet soit regardé de près – je m’y emploie – pour qu’on ne rompe pas les équilibres par les moyens en vacataires dont les préfectures ont besoin pour fonctionner. Je regarde ce sujet de près et puis je veux aller au-delà.
Alors, comment aller au-delà ? D’abord, vous avez remarqué que nous avons engagé deux exercices. C’est très important ces deux exercices pour réussir la réforme. Le premier exercice, c’est la revue des missions. C’est quoi la revue des missions ? Nous avons fait la part, Mesdames et Messieurs, de ce qui doit relever des compétences de l’administration centrale de l’État et de ce que doit relever de l’administration déconcentrée, c’est-à-dire que je souhaite que l’administration centrale de l’État délègue des pouvoirs aux administrations déconcentrées, que nous ayons de la simplification administrative et que nous puissions avoir davantage de missions exercées dans la proximité, dans les territoires, et moins de poids des administrations centrales dans la déclinaison du service public. C’est un premier point, c’était la revue des missions. Elle est faite.
Nous avons mis en place une charte de la déconcentration. Cette charte de la déconcentration, elle a un objectif très précis pour moi. Elle a notamment deux objectifs que je veux préciser devant vous. Premier objectif de la charte de la déconcentration, indiquer quels sont les pouvoirs qui seront donnés aux territoires et permettre l’organisation de l’administration territoriale de l’État au niveau départemental. Nous avons des grandes régions. Si nous voulons de la proximité, il faut que l’administration préfectorale soit davantage organisée au plan départemental. Donc il y aura bien entendu une administration régionale qui fera face aux grandes régions dans les domaines de l’aménagement du territoire, du développement économique. Ces compétences resteront. Il y aura une Direction régionale des finances publiques. Mais je souhaite que ce soit au plan départemental désormais que l’administration territoriale de l’État s’organise parce que je souhaite qu’il y ait de la proximité, du face-à-face entre les services publics et les usagers.
Deuxième objectif de la déconcentration, c’est de donner davantage de pouvoirs aux préfets et je sais que ça fait débat avec les organisations syndicales mais c’est normal. Et c’est un débat sain et nous allons aller au bout de ce débat parce que je veux donner toutes garanties et rassurer. Davantage de pouvoirs aux préfets pour plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines et plus de souplesse dans la gestion des budgets et plus de modularité dans l’organisation de l’État. Pourquoi ? Parce que je souhaite qu’il y ait une administration de l’État qui s’adapte aux contingences locales.
Pourquoi est-ce que c’est important de faire cela ? Parce que dès lors que l’on fait de grandes régions et qu’on réforme l’administration territoriale de l’État, la souplesse dans la gestion des ressources humaines et la gestion budgétaire garantit que la mobilité se fera davantage entre les services de l’État sur un même territoire plutôt que par de la mobilité entre territoires. Et ça, c’est très important parce que je ne dis pas qu’il n’y aura pas de mobilité entre les territoires, je dis simplement que cette déconcentration, cette interministérialisation donnera de la souplesse aux préfets pour donner beaucoup de garanties aux personnels sur ce point. Et j’y tiens parce que ce que je vous disais tout à l’heure est la clé de la chose. On ne peut pas faire une réforme avec des angoisses et des inquiétudes.
Revue des missions, déconcentration. Je souhaite aller plus loin dans les réformes. Il y a un CTP ministériel le 9 juin. Je ne veux pas en dévoiler le contenu de mes propositions ici, ce ne serait pas correct vis-à-vis des organisations syndicales. Je ferai des propositions qui permettront, par un effort de mutualisation supplémentaire sur les fonctions de back-office à un niveau qui est le niveau optimal, de manière à dégager les emplois équivalents temps plein pour faire davantage d’emplois dans les territoires et dégager des marges de manœuvre pour faire davantage d’emplois dans les préfectures et les sous-préfectures parce que je sais que vous êtes au bout du bout dans les effets de la déflation des effectifs et que si nous voulons gagner des effectifs – il faudra le faire parce que nous sommes soumis à des contraintes d’économies –, on ne peut pas le faire sans des réformes de structure qui permettent de dégager des marges de manœuvre pour les économies et pour davantage d’emplois de proximité au plan départemental.
Il y a un autre sujet que je veux évoquer – ce sera le dernier pour ce qui concerne la réforme de l’État –, c’est la réforme des sous-préfectures et des maisons de l’État. Je vais nommer deux sous-préfets – un à Bayeux et un à Vire – parce que je ne veux pas – et je ne vais pas le faire à la Saint-Glinglin, je vais le faire dans les jours qui viennent –, parce que je ne pense pas qu’on puisse faire une réforme des préfectures et des sous-préfectures si on donne le sentiment que cette réforme, elle est faite pour moins d’État. Non, cette réforme, elle est faite pour mieux d’État et, dans un certain nombre d’endroits, pour plus d’État parce qu’il y a des lieux où la démographie a évolué, on a encore une présence de l’État, et d’autres où elle a beaucoup augmenté où il n’y a rien. Puis il y a des territoires ruraux qui ont le sentiment de la relégation. Moi, je ne veux pas que les territoires aient le sentiment de la relégation.
Donc, oui, je vais enclencher une réforme du maillage territorial de l’État pour mettre l’État là où les besoins d’État sont les plus important, pour éviter le sentiment de relégation, pour éviter qu’il y ait des citoyens français qui ne voient pas de service public ou aient des difficultés d’accès au service public. Je vais aussi accélérer la numérisation de l’administration territoriale de l’État pour offrir des services plus vite dans des conditions de modernité accrue à ceux qui en ont besoin.
Comment est-ce que nous allons conduire cette réforme de l’administration territoriale de l’État ? Je vais demander aux préfets de région, en liaison avec les préfets de département, et aux préfets de département aussi et en particulier d’engager une concertation avec les représentants des personnels et les organisations syndicales pour savoir où positionner dans les meilleures conditions les sous-préfectures de demain. Je vais leur demander aussi d’imaginer ce qu’est la sous-préfecture du XXIe siècle et du XXIIe siècle, c’est-à-dire une sous-préfecture dans laquelle il n’y a pas seulement les services traditionnels de l’État, mais aussi un certain nombre de partagés avec des collectivités locales en matière d’ingénierie territoriale, par exemple, parce qu’il y a un besoin.
Et donc nous allons inventer des maisons de l’État qui, parfois, seront des sous-préfectures, parfois, sont des ensembles mutualisés pour faire en sorte que le maillage territorial soit plus dense, plus fort, plus efficace. Et nous allons aussi poursuivre l’implantation de maisons de services publics qui sont des maisons où des services publics comme LA POSTE ou d’autres services publics remplissent aux côtés de l’État des missions dans des quartiers qui en ont besoin pour que le lien social soit maintenu ou des bourgs qui en ont besoin et que l’État soit présent partout parce que l’État est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Je voudrais conclure ce propos en vous disant des choses que je ressens quotidiennement dans une mission qui est extraordinairement difficile parce que je dois à la fois faire face au risque terroriste – la menace est très élevée et ce sujet mobilise une grande partie de mon temps –, je dois faire face au défi migratoire. Vous avez vu à travers l’actualité récente à quel point l’action doit être forte au sein de l’Union européenne pour que la France remplisse sa mission traditionnelle d’accueil des demandeurs d’asile tout en rendant cette mission d’accueil des demandeurs d’asile soutenable au regarde de ce que sont les contraintes migratoires.
La mission est lourde aussi parce que nous avons des formes de radicalité violente qui exposent nos forces de l’ordre chaque jour à des risques. Et depuis le début de l’année, je suis allé aux obsèques de policiers et de gendarmes tués dans des conditions épouvantables parce que ces hommes et ces femmes de nos forces de l’ordre exposent leur vie pour sauver celle des autres.
Il y a la réforme de l’État et la réforme des territoires qui est aussi un sujet mis sur le métier. Et ces sur sujets, il faut une vision, il faut une capacité de recul, il faut la passion de l’intérêt général, il faut l’amour des territoires, il faut la confiance avec les personnels des préfectures et des sous-préfectures. Et bien entendu, la période qui va s’engager va être une période d’emportements, d’abaissements, d’approximations. Eh bien moi, je suis contraint, dans la fonction qui est la mienne, de faire en sorte que le débat, par l’action de l’État, par les décisions de l’État, soit porté au bon niveau. Ce sera ma seule contribution à cette campagne et aux mois qui viennent. Elle sera modeste mais elle peut être utile.
Le sens de l’État, l’intérêt des territoires, la passion du service public, la volonté de moderniser le ministère de l’Intérieur, la volonté de valoriser vos compétences. Nous avons un magnifique chantier devant nous. Il ne faut pas avoir peur de ce qui nous attend. Il faut conduire ce changement avec une passion, avec une ardeur, avec une volonté de faire en sorte que les Français, qui vous reconnaissent comme des interlocuteurs de qualité, voient monter en gamme un service pour lequel nous nous dévouons les uns et les autres dans nos fonctions respectives chaque jour.
Donc, abordez tout cela avec confiance. Vous pouvez compter sur ma détermination et ma disponibilité. Vous pouvez compter aussi sur les grands dossiers de la Normandie, sur mon engagement et ma présence. Bien que la charge soit lourde, j’ai chaque jour un œil et la totalité de mon cœur dans cette région et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que les réformes qui la concernent puissent se déployer dans les meilleures conditions.
Merci pour votre engagement. Vive Caen ! Vive la Normandie ! Vive la République et vive la France !