Interview de M. Bernard Cazeneuve à l'Assemblée Nationale pour France 3 le mercredi 21 janvier 2015.
Danielle Sportiello
Bienvenue à l’Assemblée nationale, où je reçois aujourd’hui le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Bonjour Monsieur le ministre.
Bernard Cazeneuve
Bonjour.
Danielle Sportiello
Alors, le gouvernement a annoncé un plan, sans précédent, de lutte contre le terrorisme, en moyens financiers, humains, mais si je prends par exemple le chiffre de 2680 personnes, à recruter dans tous les services, pas seulement les vôtres, ça prend du temps le recrutement. En attendant, qu’est-ce qu’il se passe, est-ce que la réponse du gouvernement va avec l’urgence de la situation, puisque le terrorisme est toujours présent ?
Bernard Cazeneuve
Mais d’abord nous ne partons pas de rien, nous avons déjà décidé de renforcer considérablement les services qui sont en charge de la lutte contre le terrorisme en France, je veux rappeler que nous avons décidé de créer 432 emplois au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure, qui est en charge de la lutte contre le terrorisme, ces recrutements sont déjà en cours, près du tiers de ces recrutements est effectué. 12 millions d’euros de plus par an, pour cette même Direction, pour investir dans la technologie, c’est déjà en cours. Nous avons également décidé de recruter des emplois dans la police et dans la gendarmerie, 500 par an pour renforcer le service du renseignement territorial, et ce que nous faisons, à travers ces moyens supplémentaires, c’est d’amplifier ce que nous avons déjà décidé, en prenant ces dispositions. Et par ailleurs je vous rappelle que nous avons fait voter des dispositions nouvelles, sur le plan législatif, notamment la loi du 13 novembre 2014, qui permet de lutter contre le terrorisme.
Danielle Sportiello
Alors justement, à ce propos, tous les décrets d’application de votre loi de lutte contre le terrorisme ne sont pas parus, est-ce que vous avez une date ?
Bernard Cazeneuve
Mais nous avons un délai record de prise de ces décrets d’application. pour ce qui concerne l’interdiction administrative de sortie du territoire, les décrets d’application ont été présentés en Conseil des ministres mercredi dernier, ce sera donc à l’œuvre dans le courant du mois, et pour ce qui concerne le blocage administratif des sites Internet et le déréférencement des sites appelant au terrorisme, les décrets d’application seront prêts au 1er février, puisque…
Danielle Sportiello
Tous les décrets d’application ?
Bernard Cazeneuve
Oui, puisque la Commission européenne a accepté de raccourcir le délai d’examen de ces décrets qui doivent lui être notifiés.
Danielle Sportiello
Alors, 3000 personnes à surveiller dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on est vraiment passé à une échelle supérieure. Est-ce que la loi sur le renseignement, qui même avec une procédure accélérée, pourrait être adoptée au mois de juin, est-ce que c’est suffisant, une fois de plus ? Il y a cinq mois encore à attendre, quels signes envoyer à la population ?
Bernard Cazeneuve
D’abord ce n’est pas cinq mois à attendre parce que, comme l’a dit le ministre en charge des Relations avec le Parlement, nous allons mettre en place une procédure accélérée. Ça veut dire que le texte pourrait passer en Conseil des ministres fin février/ début mars, et que nous pourrions en débattre ici avant la fin du premier semestre, pour une adoption définitive au mois de juin, ce qui permettrait effectivement de doter nos services de renseignements de la totalité des moyens juridiques dont ils doivent disposer pour pouvoir intercepter tous ceux qui s’apprêtent à commettre des actes terroristes, ou sont dans des nébuleuses terroristes.
Danielle Sportiello
Alors, une loi sur le renseignement semble nécessaire, cependant Le Canard Enchaîné révèle aujourd’hui qu’Amédy Coulibaly et sa compagne avaient été contrôlés par la police, 10 jours avant l’attentat, contrôlés, et les informations étaient parties à l’antiterrorisme. Là ce n’est pas le renseignement qui a fait défaut, qu’est-ce qui s’est passé ?
Bernard Cazeneuve
Oui, mais il n’y a pas dans cette affaire de défaut, parce que, Amédy Coulibaly a été inscrit au fichier des personnes recherchées et signalées, en 2010, après qu’il a été condamné pour une affaire liée à des opérations terroristes, il a été inscrit sur ce fichier, lorsque la police l’a contrôlé elle a mis en œuvre toutes les préconisations qui résultaient de ce signalement, il n’était pas dans le signalement, posé sur sa fiche en 2010, obligatoire de l’arrêter…
Danielle Sportiello
Mais il y a quelque chose qui n’a pas marché dans…
Bernard Cazeneuve
Et à partir de ce moment-là, les informations que nous avons eues, sur ses adresses, sur sa compagne, ont été utilisées dans l’enquête et ont permis à l’enquête de progresser très vite.
Danielle Sportiello
Il faut réorganiser les services ?
Bernard Cazeneuve
Il faut permettre une meilleure circulation de l’information à l’intérieur des services, il faut permettre aux services de croiser davantage leurs analyses, c’est bien de collecter de l’information, c’est mieux d’être en situation d’analyser de façon optimale cette information pour mieux détecter ceux qui peuvent commettre des actes terroristes.
Danielle Sportiello
Alors, dans le programme contre la radicalisation, vous allez faire des propositions et être en contact avec l’Islam de France. Est-ce que l’Islam doit aussi balayer devant sa porte ?
Bernard Cazeneuve
Non, mais je pense que l’Islam de France est un Islam de tolérance, il faut le mobiliser dans la République, aux côtés des républicains, pour lutter contre toutes les formes de barbarie, de terrorisme, et les représentants de l’Islam de France y sont prêts, il faudra sans doute prendre d’autres initiatives, avec eux, pour amplifier encore le discours de tolérance que les représentants de l’Islam tiennent en France.
Danielle Sportiello
Merci Monsieur le ministre, je vous libère car je sais que vous allez devoir répondre à la première question. Merci d’avoir répondu à cette interview, première question qui sera posée par le député UMP Philippe Gosselin.