19.02.2015 - Sommet international dédié à la lutte contre le terrorisme

19 février 2015

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur, à l’occasion du Sommet international dédié à la lutte contre le terrorisme - Washington – 19 février 2015


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
Monsieur le Secrétaire d’État,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais d’abord vous dire à quel point je suis honoré de participer à ce sommet international, qui me donne l’occasion, après les attentats dont mon pays a été victime, de vous adresser les remerciements chaleureux de la France et des Français pour les marques de solidarité que vous nous avez adressées dans cette épreuve. Je salue bien sûr nos hôtes américains – et tout particulièrement John KERRY – pour leur soutien indéfectible.

Nous sommes tous concernés par la menace. C’est la raison pour laquelle nous devons être plus unis que jamais pour y faire face, comme nous y invitent la stratégie anti-terroriste globale des Nations Unies et la résolution 2178 du Conseil de Sécurité.

Comment caractériser la menace à laquelle nous sommes confrontés ? Que faire face au phénomène de radicalisation violente ?

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Malgré la barbarie de leurs crimes et les récents revers qu’elles ont connus, les organisations terroristes présentes en Syrie et en Irak, telles que DAESH et le Jabhat al-Nosra, continuent de recruter en Europe, et notamment en France. Cette menace terroriste est protéiforme et d’une nature largement inédite. Aujourd’hui, le terrorisme est diffus et en « accès libre ». Il implique des personnes qui sont nées ou qui ont grandi parmi nous, et qui un jour basculent, au terme d’un processus plus ou moins rapide, dans le fanatisme terroriste. Par là même, le profil des terroristes et des terroristes potentiels s’est diversifié. Nombreux sont ceux qui se radicalisent sur Internet. Certains partent pour la Syrie ou l’Irak, avant de revenir en Europe, endoctrinés et entraînés à tuer. D’autres encore passent progressivement de la délinquance au terrorisme, au cours d’un séjour en prison ou au contact d’islamistes aguerris.

Même si les actions de prévention que nous avons mises en place dès le mois d’avril 2014 ont permis d’empêcher bien des départs, plus de 400 jeunes Français sont aujourd’hui présents dans la zone irako-syrienne. On estime que près de 1 400 Français sont impliqués, d’une façon ou d’une autre, dans les filières combattantes.

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Pour nos services de sécurité et de renseignement, ces différents processus de radicalisation sont autant de défis. Le Gouvernement français a pris des mesures de fermeté pour renforcer notre arsenal antiterroriste, dans le respect du droit et des libertés fondamentales. Tous nos services sont mobilisés pour démanteler les filières terroristes, et empêcher tout risque d’attentat.

1. Tout d’abord, nous renforçons l’action de nos services de sécurité et de renseignement intérieur :

  • En leur donnant des moyens humains et matériels supplémentaires ;
  • En réformant leur organisation et l’articulation de leur action : pour mieux prendre en compte les phénomènes de porosité entre délinquance et terrorisme, les services doivent en finir avec la culture du cloisonnement et systématiser leurs échanges d’informations ;
  • En densifiant leur implantation territoriale pour mieux détecter en amont les signes de radicalisation.

2. Ensuite, pour entraver l’action et la propagande des terroristes, nous nous dotons d’outils juridiques nouveaux. La loi du 13 novembre 2014, dont l’essentiel est déjà appliqué avec la plus grande fermeté, a ainsi introduit dans notre législation quatre innovations majeures : l’interdiction de sortie du territoire ; l’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire national pour les étrangers qui ne résident pas en France et représentent un danger pour la sécurité nationale ; le blocage administratif des sites Internet qui appellent au terrorisme ou en font l’apologie ; enfin, nous avons renforcé le délit d’apologie et de provocation au terrorisme.

Par ailleurs, nous élaborons un cadre légal moderne pour l’activité de nos services de renseignement. Dans les semaines qui viennent, le Gouvernement français déposera un projet de loi qui leur donnera des moyens juridiques adaptés aux nouveaux risques terroristes, aux mutations technologiques et aux évolutions du droit national et international.

3. Enfin, notre action comporte un volet de prévention de la radicalisation, qui mobilise tous les services de l’État. Nous avons mis en place une plateforme téléphonique nationale qui permet aux familles de signaler les risques de départ et de bénéficier d’un soutien. Plus d’un millier de signalements pertinents ont déjà été recensés. Par ailleurs, partout en France, les préfets – qui représentent l’État – ont pour mission de piloter une « cellule de suivi », composée de représentants de la Justice, du renseignement territorial, des collectivités locales, de l’Éducation nationale et des services sociaux. Ces cellules prennent en charge les personnes en cours de radicalisation. Nous pouvons ainsi mener plusieurs types d’actions, adaptées aux différents profils rencontrés : délinquants ; jeunes en situation d’échec social et/ou de fragilité psychologique ; jeunes apparemment « sans problème », mais « en quête de sens ».

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Cette action globale doit trouver un prolongement à l’échelle européenne et internationale. La France prône ainsi d’une part la pleine application de la résolution 2178 du Conseil de sécurité. Pour que nos efforts soient efficaces dans la durée, nous devons agir ensemble et coordonner notre riposte. C’est la raison pour laquelle nous avons d’autre part proposé une stratégie globale aux membres de l’Union européenne. Le 11 janvier, j’ai réuni les ministres de l’Intérieur du G10 (des Etats membres de l’UE qui sont en première ligne sur le sujet) avec la présidence du Conseil de l’UE et le commissaire européen aux Affaires de sécurité. Eric HOLDER et Alejandro MAYORKAS étaient également présents, ainsi que le ministre canadien de la Sécurité publique, Steven BLANEY. La semaine dernière, un sommet européen a confirmé les orientations que nous avons définies ensemble le 11 janvier.

Nous avons trois priorités :

1. l’établissement d’un PNR (Passenger Name Record) européen ;
2. le recours accru au Système d’information Schengen (SIS) afin de tracer, signaler et arrêter les combattants étrangers. Il passe par un renforcement des contrôles effectués aux frontières de l’UE, notamment pour les ressortissants européens ;
3. enfin, une meilleure coordination dans la lutte contre la propagande et le recrutement terroristes sur Internet, en pesant collectivement sur les opérateurs (dont je rencontrerai les principaux demain à San Francisco), en harmonisant nos législations en matière de retrait des contenus illégaux, et en adaptant au fonctionnement de l’information mondialisée le cadre juridique de la coopération internationale.

La coopération avec les pays du Proche et du Moyen-Orient, particulièrement touchés par le phénomène terroriste, est enfin une nécessité absolue.

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Voilà ce que je voulais vous dire aujourd’hui. Je suis convaincu que, face au terrorisme, notre force réside dans notre unité et notre solidarité. C’est ainsi que nous triompherons de la menace. Je vous remercie.