18.01.2016 - Discours du ministre sur la politique de sécurité en Isère

19 janvier 2016

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur sur la politique de sécurité en Isère - Préfecture - Grenoble, le 18 janvier 2016


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Premier président de la cour d’appel,
Monsieur le Procureur général près la cour d’appel,
Monsieur le Procureur de la République,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire de Grenoble,
Monsieur le Maire de Moirans,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Au cours de ces derniers mois, le département de l’Isère a été touché par plusieurs événements dramatiques qui, en raison de leur caractère exceptionnel, ont profondément affecté ses habitants, de même qu’ils ont pleinement mobilisé les forces de l’ordre. L’année 2015 vous aura ainsi mis à rude épreuve, comme elle aura éprouvé les capacités de résistance et de résilience de l’ensemble de la Nation.

Vous avez été d’abord confrontés à la barbarie terroriste, avec l’assassinat abject d’Hervé CORNARA, le 26 juin dernier, à Saint-Quentin-Fallavier.
Puis, le 20 octobre, vous avez dû faire face à des troubles particulièrement violents en plein cœur de la ville de Moirans. Une trentaine de personnes, pour des motifs qui ne sauraient justifier ni excuser que l’on commette de tels actes, a en effet alors incendié de nombreuses voitures et bloqué la gare ferroviaire pendant plusieurs heures.

Aussi, je tenais à venir aujourd’hui à votre rencontre, à la fois pour saluer le travail remarquable réalisé par les forces de l’ordre en ces circonstances difficiles, mais aussi pour rappeler ma détermination et celle du Gouvernement à lutter contre toutes les formes de délinquance et de criminalité qui nuisent à la sécurité de nos concitoyens, où qu’ils vivent sur le territoire national, et en particulier dans le département de l’Isère et l’agglomération de Grenoble.

Sans autorité, il n’y a pas d’Etat. Mais toute autorité doit être évaluée à l’aune des principes sur lesquels elle se fonde. Je veux dire par là qu’elle repose avant tout sur la portée éthique et pratique des objectifs que l’on se donne et sur la nature des décisions que l’on prend pour les atteindre. Elle se définit par la valeur et la signification des actions que l’on entreprend. Par conséquent, l’autorité est d’abord une question de responsabilité.

Ainsi, dans notre démocratie et dans notre Etat de droit, la seule autorité qui vaille est celle de la République, qui garantit la force du droit contre la loi du plus fort et fait prévaloir le bien commun sur les intérêts particuliers, en s’appuyant sur nos lois, sous le contrôle des juges, pour que jamais l’on ne puisse confondre « autorité de l’Etat » et « Etat autoritaire ».

Si je suis là parmi vous aujourd’hui, c’est donc pour vous exposer ce que nous faisons dans le département de l’Isère pour faire respecter l’autorité légitime de l’Etat républicain, et pour vous annoncer les moyens que nous donnons aux forces de l’ordre pour que celles-ci continuent à incarner l’autorité de la République en toutes circonstances.

*

Je veux d’abord revenir sur les événements du 20 octobre. De telles scènes de violences, de telles exactions perpétrées dans nos rues ont à juste titre choqué l’ensemble des Français. Intolérables, elles appelaient de notre part une réponse d’une très grande fermeté. C’est ce message que nous étions venus, le Premier ministre et moi-même, vous délivrer ici-même, à la Préfecture, le 6 novembre dernier.

Quiconque conteste le droit des Français à vivre en sécurité, quiconque ose défier l’autorité de l’Etat, doit s’attendre à être poursuivi et interpellé afin d’être traduit devant la justice et puni à la mesure de la gravité des actes qu’il a commis.

Telle est la ligne rigoureuse à laquelle le Gouvernement s’astreint scrupuleusement depuis 2012. Telle est notre conception de la justice et de l’ordre républicains, loin des gesticulations opportunistes ou des commentaires approximatifs.

C’est ainsi qu’en octobre dernier, alors que la situation, comme vous le savez, était particulièrement complexe et instable, les forces de l’ordre ont fait preuve d’un grand sang-froid et d’un grand professionnalisme. L’ensemble des élus du département, quelle que soit leur sensibilité politique, l’a d’ailleurs souligné le soir même des événements. Sous l’autorité du préfet, l’action menée par les escadrons de gendarmerie mobile que l’on a immédiatement dépêchés sur les lieux, aux côtés des policiers et des sapeurs-pompiers engagés en renfort, a ainsi permis de rétablir rapidement l'ordre public. Alors que le bilan des événements eût pu être bien plus grave, le retour au calme a pu être obtenu sans que nous ayons à déplorer le moindre blessé.

Aussitôt, une enquête était ouverte, confiée, sous l’autorité du procureur de la République puis d’un juge d’instruction, aux gendarmes de la section de recherches de Grenoble et du groupement de gendarmerie départementale de l’Isère. Je souhaite devant vous leur rendre un hommage appuyé en raison de l’efficacité avec laquelle ils ont travaillé, puisque, comme vous le savez désormais, il a été procédé ce matin à plusieurs interpellations qui visaient des personnes impliquées à un titre ou à un autre dans les violences du 20 octobre. Tout républicain profondément attaché au respect de la loi ne peut que s’en féliciter.

Le Premier ministre avait promis aux habitants de Moirans que les auteurs des violences seraient « implacablement recherchés » et qu’il n’y aurait nulle complaisance à leur égard. Grâce au travail d’investigation diligent qu’ont conduit les forces de l’ordre sous l’autorité de la justice, les résultats sont au rendez-vous.

Je veux d’ailleurs préciser que l’efficacité du travail accompli mérite d’autant plus d’être soulignée que la plupart des émeutiers avaient pris grand soin de dissimuler leur visage et de porter des gants pour empêcher leur identification, ce qui a évidemment compliqué la tâche opiniâtre des enquêteurs.

Aussi, à celles et ceux qui, dès le lendemain de ces événements intolérables, ont dénoncé, dans l’emballement et la précipitation, la prétendue passivité de l’Etat, je veux dire que l’Etat a répondu sans faiblesse.

J’ajoute qu’en démocratie l’exercice délicat du maintien de l’ordre ne saurait s’accomplir dans l’improvisation ni dans un climat d’outrance, et que c’est pour cette raison même qu’il repose sur des règles, des méthodes et des techniques précises et rigoureuses qu’il convient de respecter scrupuleusement. Quand on a, comme moi, à la fois le souci de l’efficacité de l’action entreprise et celui de la sécurité des gendarmes et des policiers envoyés sur le terrain, on ne peut que déplorer les vaines et faciles polémiques lancées dans le seul but de flatter ceux qui les alimentent, loin des réalités concrètes et des exigences du travail de maintien de l’ordre.

A celles et ceux qui se permettent de mettre en cause l’action des forces de l’ordre au motif que les enquêtes ne progresseraient pas assez vite à leurs yeux, et qui, au mépris de toutes nos règles de droit, réclament d’hasardeuses interpellations, je veux répondre qu’ils ignorent ou font mine d’ignorer les règles de l’enquête dans le cadre de l’Etat de droit, ainsi que les exigences de rigueur qui sont celles de la police technique et scientifique. Ils réclament en effet des interpellations au moment même où les policiers et les gendarmes se livrent au travail minutieux qui les rendra possibles et en garantira l’efficacité, sur la base de procédures étayées qui pourront prospérer devant un tribunal.

A celles et ceux, enfin, qui vont répétant de façon pavlovienne que l’autorité de l’Etat serait « bafouée, forcément bafouée », donnant ainsi l’impression de vouloir ajouter un article au « Dictionnaire des idées reçues », je veux rappeler que l’Etat de droit, ce n’est ni le vacarme, ni le tohu-bohu, ni les déclarations à l’emporte-pièce – d’autant plus excessives, d’ailleurs, qu’elles s’inscrivaient alors dans la perspectives d’échéances électorales proches –, mais c’est au contraire une action constante et déterminée qui rétablit le calme en quelques heures sans aggraver les tensions déjà fortes sur le terrain, qui conduit avec rigueur des investigations efficaces pour identifier formellement les auteurs des infractions commises, et qui permet enfin de les déférer au juge pour que la justice soit rendue.

L’Etat de droit, c’est donc l’ensemble du processus judiciaire, depuis les premières constatations jusqu’au prétoire, dès lors qu’on laisse à chacune de ses composantes le loisir d’accomplir sa mission dans la sérénité, sans lui faire subir des pressions d’aucune sorte. Car seule l’application stricte et confiante de la loi et des moyens de contrainte qu’elle confère doit nous servir de boussole.

A cet égard, je veux rendre hommage à l’action qu’accomplissent les magistrats pour qu’aucun crime ne demeure impuni et que justice soit rendue en toutes circonstances. Contrairement à ce qu’on entend parfois ici ou là, sur le terrain les magistrats et les forces de l’ordre travaillent en liaison étroite et en bonne intelligence les uns avec les autres. Entretenir cette relation de confiance est, pour le Gouvernement, une priorité, car c’est là une condition indispensable à la réussite de notre politique de fermeté républicaine. Il est en effet insuffisant de renforcer les moyens accordés aux policiers et aux gendarmes si par ailleurs ne règne pas un climat de sérénité entre les institutions qui ont la charge de faire respecter la loi de la République.

Le Gouvernement est donc demeuré fidèle à son cap : donner aux forces de l’ordre les moyens de travailler efficacement, et laisser la justice travailler en toute sérénité et en toute indépendance. C’est ainsi, et pas autrement, que l’on obtient des résultats, comme en témoignent les interpellations qui ont eu lieu ce matin.

*

Car, oui, pour s’affirmer pleinement, l’autorité de l’Etat a d’abord besoin de moyens. C’est la raison pour laquelle, depuis 2012, nous avons consenti un effort sans précédent sur le plan des recrutements au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales.

Vous le savez, la décision d’interrompre la RGPP a permis de mettre un terme aux coupes claires délibérées dans les effectifs, en remplaçant tous les départs à la retraite et en créant près de 500 emplois nouveaux par an dans les deux forces. A cette politique de fond, trois plans pluriannuels sont venus s’ajouter :
plus de 1 400 créations nettes d’emplois au titre du Plan anti-terroriste (PLAT) décidé par le Premier Ministre en  janvier 2015 ;
900 créations nettes d’emplois au titre du Plan de lutte contre l’immigration clandestine (PLIC) de septembre dernier ;
enfin, 5 000 emplois au titre du Pacte de sécurité annoncé par le Président de la République  devant le Congrès en novembre dernier.

Alors que la Police et la Gendarmerie avaient perdu plus de 13 000 emplois entre 2007 et 2012, nous en aurons recréé plus de 9 000 d’ici la fin du quinquennat. Ainsi, plus de 4 600 élèves gardiens de la paix sortiront de nos écoles chaque année en 2016 et en 2017. Ils n’étaient que 488 en 2012 ! Pour la gendarmerie, les écoles permettront de renforcer les unités de 3 970 sous-officiers en 2016 et de 3 560 en 2017.

Dans le cadre des différents plans de recrutement, nous n’affectons pas au hasard les policiers et les gendarmes supplémentaires, mais au contraire là où nous considérons qu’ils seront le plus utiles, en tenant compte des spécificités propres à chaque territoire. A cet égard, nous avons jugé qu’en raison des événements récents et de la présence d’une délinquance enkystée dans certaines zones urbaines du département – en particulier dans l’agglomération grenobloise – il était indispensable que votre territoire bénéficie rapidement de cet effort sans précédent pour conforter l’action des forces de l’ordre et ainsi mieux protéger nos concitoyens.

Ainsi, 74 gendarmes viendront cette année renforcer les différentes unités de gendarmerie implantées dans le département. 44 d’entre eux permettront la constitution de deux pelotons supplémentaires de gendarmerie mobile, composés de 22 militaires chacun, qui renforceront les unités assurant des missions de sécurité publique à Grenoble et à Pontcharra. La gendarmerie départementale sera, quant à elle, renforcée par l’arrivée, dès cette année, de 23 effectifs supplémentaires. De même, la participation de la réserve opérationnelle de la gendarmerie à l’accomplissement des missions de sécurité générale sera portée à 11 600 jours en 2016.

Par ailleurs, dans le cadre du plan « BAC-PSIG » que j’ai lancé en octobre dernier, le peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Villefontaine sera renforcé en 2016 par l’arrivée de deux militaires pour répondre aux évolutions du contexte de sécurité publique. L’objectif est de professionnaliser ces unités d’intervention intermédiaire que sont les PSIG en les dotant de la capacité dite « Sabre » qui leur confère de nouveaux moyens d’intervention et de sécurisation de leur action.

Enfin, pour compléter les capacités judiciaires du groupement de gendarmerie, nous créons cette année une cellule départementale d’observation et de surveillance composée de 5 gendarmes. 

*

Par ailleurs, selon la même logique de montée en puissance et de répartition stratégique des forces, je porterai spécifiquement nos efforts sur Grenoble et son agglomération, pour donner à la police nationale les moyens d’accomplir ses missions, dans le contexte difficile auquel les forces de sécurité doivent faire face.

En effet, depuis maintenant quelques années, l’aire urbaine de Grenoble connaît des problèmes endémiques d’insécurité, principalement localisés dans les quartiers « Mistral », « Teisseire » et « Villeneuve ».

Au fil des années, la délinquance s’y est enkystée, contribuant à l’émergence de ces phénomènes qui finissent par rendre impossible la vie des habitants, sur fond de trafics de drogue, de concurrence entre réseaux et de lutte pour le contrôle des territoires de vente, entraînant de nombreux règlements de compte entre bandes rivales.

J’ai tout à fait conscience de la réalité que traduisent les chiffres contrastés – il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître – de la délinquance locale. L’année dernière, plus d’infractions de voie publique ont été commises à Grenoble que dans la plupart des bassins démographiques équivalents (17 913 infractions contre 11 350 en moyenne).

Si le nombre d’atteintes aux biens (-0,3%) est désormais stabilisé, sans doute fragilement, force est de constater que le nombre de cambriolages a, lui, augmenté (+18%), même si l’on doit souligner que l’activité soutenue des services a permis d’améliorer très fortement le taux d’élucidation de ce type d’infraction (+74%).

De même, si le nombre de vols à la roulotte recule significativement (-8%), et plus encore celui des vols d’accessoires (-16%), les faits de vols de véhicules sont en hausse (+7%) et les infractions liées à l’automobile demeurent donc un point d’attention.

Un bilan similaire peut être dressé pour les atteintes à l’intégrité physique, dont le nombre a augmenté en 2015 (+14,5 %). Le nombre de vols commis sans arme est ainsi en hausse (+21,5%), alors même que les vols avec armes ont, eux, diminué (-23,3 %).

Enfin, l’année dernière, les violences urbaines ont augmenté (+21,5 %).

Ces chiffres, je le constate, sont atypiques par rapport à la situation nationale. Les tendances observées à l’échelle de la « France entière » sont en effet bien mieux orientées. Au cours des 12 derniers mois, le nombre de vols commis avec une arme a très nettement diminué (-13,7%), comme les vols violents commis sans arme (-9,4%). Celui des cambriolages a reculé de près de 1% (-0,9%), rompant avec une progression régulière sur une longue période. La même inflexion est constatée pour les vols sans violence ciblant des particuliers (-1,4%). Les vols liés aux véhicules sont également orientés à la baisse (-0,9%), tandis que les vols d’accessoires connaissent une diminution plus forte encore (-7,8%).

La situation constatée dans l’agglomération grenobloise, en décalage certain par rapport à la situation nationale, constitue donc le marqueur d’une spécificité géographique qui appelle une réponse adaptée, déterminée et cohérente.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’une nouvelle étape dans la lutte que nous menons ici contre la délinquance. Après la mise en place, en 2013, de la Zone de Sécurité prioritaire (ZSP), nous déclinerons à Grenoble et dans son agglomération la « méthode globale » qui a déjà fait ses preuves dans plusieurs autres villes.

En quoi consiste-t-elle ? Comme je le disais à l’instant, la délinquance s’enracine souvent dans les quartiers où vivent les personnes les plus modestes et les plus fragiles, et où se concentrent toutes les détresses sociales. La stratégie cohérente de sécurité que nous avons définie dès 2012 et progressivement enrichie depuis lors repose donc sur une montée en puissance – organisée dans l’espace et cadencée dans le temps – de la présence des forces de l’ordre sur les territoires où elles interviennent. Mais son efficacité serait limitée si elle n’était pas fondée, parallèlement, sur des partenariats étroits noués entre les différents services de l’Etat, mais aussi et surtout avec l’ensemble des acteurs locaux, élus, bailleurs, tissu associatif.

J’ai ainsi décidé que 30 policiers supplémentaires renforceront cette année les effectifs de police dans le département. Ils seront répartis de la façon suivante :

  • 12 policiers supplémentaires au sein de la BST (Brigade spécialisée de terrain), ce qui portera désormais à quatre le nombre d’unités d’intervention et permettra ainsi d’assurer une capacité d’action sur l’ensemble de la ZSP, en particulier le quartier « Mistral » qui mobilise toute notre attention. Dés lors, nous pourrons envisager un redéploiement d’effectifs vers d’autres quartiers sensibles situés à proximité ;
  • 8 policiers supplémentaires rejoindront en outre les BAC de nuit (+2) et de jour (+6) afin de densifier leur présence sur le terrain et de perturber la mise en place des points de deal dans les quartiers sensibles. Les BAC bénéficieront, bien entendu, du renforcement de leur équipement, dans le cadre du plan national qui leur est dédié : j’y veillerai très attentivement ;
  • 5 policiers supplémentaires au sein de la CDI (Compagnie départementale d’intervention) pour l’occupation de l’espace public, en collaboration avec les forces mobiles qui, toutes les fois qu’il sera possible de le faire, seront dépêchées en appui des forces locales pour des missions de sécurisation et de prévention des violences urbaines.
  • enfin, 5 policiers supplémentaires dans les équipes de la sûreté départementale assureront une meilleure coopération entre la les services de Police judiciaire et la Sécurité publique pour continuer à renforcer les services d’investigation.

Parallèlement à ce renforcement des effectifs, la consolidation du travail de coopération et de coordination entre les différents services constitue une priorité. En effet, si le recueil et le traitement des informations sont à la base du travail des enquêteurs, pour les orienter et accroître leur efficacité, j’insiste aussi sur l’importance de l’échange de ces informations entre tous les services concernés. Car c’est de cette façon que l’on obtient des résultats durables.

Face au crime, aux trafics et aux violences de toutes sortes, cette exigence de mobilisation collective passe également par le développement de coopérations avec les autres services de l’Etat concernés – je pense notamment à l’Education nationale, aux services sociaux, aux administrations économiques, qu’il s’agisse des douanes, des services des finances publiques et notamment leur composante fiscale, ou encore des services de répression des fraudes. A cet égard, l’action coordonnée du Parquet et de l’autorité préfectorale est un gage de succès et d’efficacité.

Mais, c’est aussi avec l’ensemble des acteurs locaux qu’une véritable dynamique de coproduction de sécurité doit, elle aussi, se développer et imposer une dynamique vertueuse qui articule sécurité et projets de développement de la vie associative. Partout où, sur le territoire national, elle se déploie, les résultats sont significatifs. Partout où elle montre ses faiblesses, nous sommes collectivement moins bons. La mission du Préfet Christian LAMBERT sur les ZSP l’a clairement confirmé. Et comme ici, dans l’agglomération Grenobloise, des marges de progrès sont tout aussi clairement identifiées, nous sommes collectivement appelés à développer encore une action partenariale concertée et confiante.

A cet égard, je veux rappeler que nous avons mis en place, voici un an, un plan national qui vise à soutenir les polices municipales en mettant des armes à la disposition des villes qui en font la demande, en participant au financement des gilets de protection et en favorisant l’interopérabilité des réseaux de communication entre les effectifs de la police nationale et ceux des polices municipales. Fondé sur une démarche de volontariat, ce plan donne d’excellents résultats partout où il est appliqué. A chacune des demandes transmises par les municipalités, l’Etat donne une réponse positive, et nous sommes donc tout à fait prêts à recevoir les dossiers des villes du département susceptibles d’être intéressées.

J’ajoute que nous allons négocier une nouvelle convention de partenariat avec la municipalité de Grenoble. Je souhaite qu’elle soit l’occasion de renforcer la coordination et la complémentarité entre la police nationale et la police municipale.

Car, si la sécurité est bien l’affaire de l’Etat, elle concerne également d’autres acteurs, dont l’implication est précieuse. Et ceux qui se réfugient derrière cette affirmation confortable et déresponsabilisante pourraient laisser croire que la solution à nos problèmes serait exclusivement policière et sécuritaire, ce qu’aucun de nous ne souhaite, pas même ceux qui se livrent aisément à ce genre de critique. C’est là une ambiguïté qu’il faut réduire, sauf à se satisfaire de la perspective d’un échec. Et ce n’est pas ma volonté.

En la matière, il y a beaucoup à faire, ici, à Grenoble.

D’ici quelques semaines, sera créé le Conseil intercommunal de Sécurité et de Prévention de la délinquance (CISPD) «Métro». Dans ce cadre, la Métropole pourra se saisir de compétences nouvelles en matière de sécurité, comme la vidéo-protection, la sécurité dans les transports ou les campements illicites. Ce ne sont là que des exemples.

A cet égard, je veux souligner en particulier l’apport opérationnel incommensurable de la vidéo-protection dans nos agglomérations. Là aussi, ceux qui théorisent le refus de son implantation au motif qu’elle constituerait une menace pour nos libertés publiques se trompent de combat. Ces systèmes de captation d’image sont régis par un cadre juridique exigeant et protecteur, depuis la définition des modalités de prise de vue jusqu’aux conditions de conservation sécurisée et temporaire des images, en passant par la qualification des agents publics qui seuls, et selon des process de traçabilité rigoureux, y ont accès. En revanche, on ne compte plus le nombre d’affaires élucidées ou bien d’infractions empêchées, qu’elles relèvent du droit commun ou bien qu’elles soient liées au terrorisme.

Dans quelle curieuse société serions-nous conduits à vivre, qui admettrait que les interventions policières soient filmées par des tiers qui souvent, par des montages astucieux ou tronqués, mettent en cause l’action des forces de l’ordre, mais refuserait dans le même temps que les fauteurs de troubles soient, eux, confondus par ces techniques, conformément à nos lois et sous le contrôle des juges ? Dans le premier cas, en effet, on se félicite de l’apport et de la démocratisation de ces techniques pour protéger les libertés – notamment lorsqu’elles sont utilisés par des délinquants –, et dans l’autre, lorsqu‘elles sont mises en œuvre par la puissance publique, on lui prête les pires desseins… Ce n’est tout simplement pas sérieux.

Pour ma part, je veux être très clair : quels que soient les quartiers où ils vivent et quelles que soient les formes de délinquance auxquelles ils sont confrontés, les Français doivent donc pouvoir vivre sans crainte de se faire agresser, violenter ou cambrioler. Leurs enfants doivent pouvoir jouer dans la rue sans être importunés par des dealers ou par d’autres types de délinquants.

La République est partout chez elle et ne tolèrera jamais aucune zone de non-droit. Car il n’y a qu’une seule loi, celle de la République, de même qu’il n’y a qu’une seule autorité légitime, celle des pouvoirs publics, de l’Etat et des collectivités territoriales.

*

Je veux d’ailleurs aujourd’hui profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage à l’ensemble des forces de sécurité qui, au quotidien et partout en France, souvent dans des conditions difficiles, réalisent un travail remarquable et indispensable pour protéger les Français et défendre nos libertés fondamentales. Leur sang-froid et leur grand professionnalisme forcent l’admiration et font honneur à la Police et à la Gendarmerie nationales. J’associe à ce sentiment de gratitude et d’estime les policiers municipaux qui, eux aussi, dans leurs attributions propres, contribuent de façon décisive à la coproduction de sécurité, parfois même jusqu’au sacrifice, comme ce fut le cas de Clarissa JEAN-PHILIPPE à Montrouge voici maintenant un an.

A Grenoble comme partout ailleurs, le seul fait de porter un uniforme et d’incarner l’autorité publique suffit aujourd’hui à faire des policiers, des gendarmes et des policiers municipaux les cibles possibles de violences inacceptables. Jamais les agents des forces de l’ordre n’ont été aussi exposés, victimes d’agressions de toute sorte, parfois d’une extrême gravité. La force de leur engagement n’en est que plus admirable.

Je le dis d’autant plus volontiers que les policiers, les gendarmes, ainsi que les sapeurs-pompiers et l’ensemble des membres des unités de sécurité civile, travaillent désormais dans un contexte particulier marqué par la menace terroriste que j’évoquais en préambule de mon intervention. Et, en janvier comme en novembre, si nous avons pu tenir bon dans l’épreuve, c’est d’abord grâce à la mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des forces de sécurité et des unités de secours, renforcées par les effectifs de nos Armées. C’est grâce au courage et au dévouement hors du commun de ces femmes et de ces hommes qui sont prêts à mettre leur vie en péril pour sauver celle des autres.

Tout à l’heure, j’ai d’ailleurs eu la fierté de remettre les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur au sapeur-pompier Marc GRANA, qui incarne de façon exemplaire ces vertus de courage, d’intelligence des situations, d’abnégation, de sens de l’intérêt général que les femmes et les hommes qui composent les forces de sécurité ont en partage.

Le 26 juin 2015, l’adjudant GRANA a en effet su affronter le terroriste qui venait d’assassiner Hervé CORNARA d’une façon particulièrement atroce et s’apprêtait à provoquer d’importants dommages dans une usine de gaz industriels à Saint-Quentin-Fallavier. Chacun comprend l’extrême gravité d’un tel événement s’il avait eu lieu, pour l’entreprise et son environnement. Mais précisément grâce à Marc GRANA, le terroriste n’a pu accomplir jusqu’à son terme son sinistre projet. Arrivé en premier sur les lieux après avoir été alerté par une première explosion dans l’usine, il a rapidement compris qu’il s’agissait non pas d’un accident, mais bien d’un attentat. Il a alors eu le bon réflexe, prévenant immédiatement ses collègues pour qu’ils viennent l’aider à maîtriser le terroriste et à sécuriser les bouteilles de gaz que ce dernier était en train de manipuler.

Aidé de l’adjudant BOUSQUET, il a tenté de mettre le criminel hors d’état de nuire. Malgré la blessure qu’il a reçue au bras, il est néanmoins parvenu à avoir le dessus, avant que les forces de l’ordre ne lui apportent leur concours et prennent en charge le terroriste. L’adjudant GRANA, a donc réagi, dans ces circonstances dramatiques, avec une très grande bravoure, mais aussi avec beaucoup de sang-froid et de professionnalisme. Autant de qualités qu’il portait sans doute en lui-même dès l’origine, mais qu’il a également su entretenir tout au long de sa carrière de sapeur-pompier, en demeurant fidèle au serment qu’il a un jour prêté de protéger ses concitoyens et de servir la République. Le 26 juin 2015, l’adjudant n’a pas hésité une seule seconde à risquer sa vie pour protéger celle de ses compatriotes. Il était donc normal que la République le remercie pour cet acte d’héroïsme. Je souhaite que l’hommage que nous lui avons rendu rejaillisse sur l’ensemble des femmes et des hommes qui, dans le département de l’Isère comme partout en France, concourent au péril de leur vie à la sécurité et à la protection de nos concitoyens.

Vive la République !
Et vive la France !