Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de l'hommage national aux gendarmes tués dans l’accomplissement de leur devoir - Cour d’honneur des Invalides, le 16 février 2016.
- Seul le prononcé fait foi -
Comme tous les 16 février, nous voici aujourd’hui rassemblés pour honorer la mémoire des gendarmes tombés en mission au cours de l’année 2015, alors qu’ils accomplissaient leur devoir au service de la France et des Français.
En ce moment même, d’autres cérémonies, à l’unisson de celle qui nous réunit dans la Cour d’honneur des Invalides, ont lieu pour rendre le même hommage solennel aux morts de la Gendarmerie nationale. Dans chaque département de France, les autorités civiles, judiciaires et militaires, se recueillent en souvenir de ces militaires qui ont accompli le sacrifice ultime au nom de l’idée qu’ils se faisaient de la République.
Au cours de l’année passée, deux de vos camarades ont ainsi trouvé la mort dans des conditions particulièrement violentes.
C’est en participant à des opérations de recherche pour retrouver une petite fille qui avait été kidnappée que le major Philippe LALLEMAND, du peloton motorisé de Briey, a tragiquement perdu la vie, le 23 avril dernier, après avoir été renversé par une voiture sur une route de Meurthe-et-Moselle.
Le major Laurent PRUVOT, du peloton d’autoroute de Roye, a, quant à lui, été tué alors qu’il tentait courageusement de neutraliser un forcené qui venait de décimer une famille, le 25 août 2015, à Roye, dans la Somme.
A leurs familles, à leurs proches et à leurs camarades, je veux exprimer toute ma compassion et tout mon soutien. A chaque fois qu’un gendarme ou un policier tombe en mission, c’est l’ensemble des forces de l’ordre qui sont éprouvées. A chaque fois qu’un gendarme ou un policier disparaît en accomplissant son noble devoir, c’est l’ensemble du ministère de l’Intérieur qui est en deuil.
Ces deux gendarmes tués laissent derrière eux des familles que rien ni personne ne pourra jamais consoler de la perte de l’être aimé. Je veux leur dire que nous tous ici réunis partageons leur chagrin. Notre compassion est celle de la Nation tout entière.
Aujourd’hui, nous avons bien sûr également une pensée émue pour tous ceux qui ont été blessés en service. Certains d’entre eux porteront la marque de leurs blessures encore très longtemps. A eux tous, et en particulier à ceux-là qui souffrent encore dans leur chair, je veux souhaiter un prompt rétablissement.
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En 2015, le courage des femmes et des hommes qui composent les forces de l’ordre a été, une fois de plus, mis à rude épreuve. Par deux fois, en janvier et en novembre, des attentats d’une gravité sans précédent ont en effet été commis sur notre sol, provoquant la mort de 147 victimes innocentes et faisant en outre des centaines de blessés.
Jamais, au cours de notre histoire récente, la menace terroriste n’a été, dans notre pays, aussi élevée qu’aujourd’hui.
Je tiens à vous dire, ainsi qu’à l’ensemble des forces de l’ordre, que la République, que vous avez protégée au cœur de la terreur, éprouve à votre égard une immense reconnaissance et une profonde gratitude pour l’héroïsme dont vous avez fait preuve en ces journées tragiques, parfois même jusqu’à la mort.
Assurément, l’année 2015 fut une année tragique, au cours de laquelle nous avons perdu bien des nôtres. Mais l’année 2015 restera aussi dans nos mémoires comme une année héroïque, durant laquelle beaucoup d’entre vous n’auront pas hésité à mettre leur vie en péril pour protéger celle de leurs concitoyens.
Ces derniers savent combien votre mobilisation a été exemplaire. Qu’il s’agisse notamment des gendarmes du GIGN ou bien des policiers de la BAC parisienne, du RAID ou encore de la BRI, en janvier comme en novembre, tous ont affronté le pire sans jamais reculer, sans jamais faiblir, sans jamais faillir. Grâce à vous, à vos collègues et à vos camarades, grâce à votre courage et à votre efficacité, c’est la vie de nombreuses personnes qui a pu être épargnée.
J’ai une pensée toute particulière pour vos deux camarades qui ont fait face seuls, les premiers, à Dammartin-en-Goële, aux deux terroristes de « Charlie Hebdo » qu’ils ont contraints à se retrancher jusqu’à l’arrivée et l’intervention des hommes du GIGN. En reconnaissance de cet acte de bravoure exceptionnelle, le Président de la République leur a remis les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. La signification d’une si haute distinction rejaillit sur l’ensemble de la Gendarmerie nationale.
D’une manière générale, je veux aujourd’hui rendre hommage aux gendarmes et aux policiers qui ont été les premiers à arriver sur les différents lieux des attentats, en janvier comme en novembre. Chacun d’entre eux a en effet réagi, dans ces circonstances si dramatiques, avec un très grand courage, mais aussi avec beaucoup de sang-froid et de professionnalisme.
Je sais qu’ils ont été alors confrontés à une horreur sans nom. Et je sais que, malgré l’expérience, personne n’est jamais véritablement préparé à affronter une telle barbarie.
Personne n’est jamais vraiment préparé, mais pourtant chacune et chacun d’entre vous a réagi immédiatement en se portant sur les lieux de la tragédie, sans la moindre hésitation. Car il faut secourir. Il faut sécuriser et protéger. Même dans l’urgence, il faut accomplir son devoir, parfois avec les seuls moyens dont on dispose sur le moment.
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Les Français connaissent la force de votre engagement. Ils mesurent désormais pleinement le prix des sacrifices que vous consentez au service du bien commun. Ils savent à quel point ils peuvent compter sur la détermination des gendarmes, des policiers et des policiers municipaux à les protéger en toutes circonstances, au quotidien comme face aux événements exceptionnels.
Pour défendre la République et l’Etat de droit, vous êtes en effet en première ligne. Face à la criminalité et à la délinquance, contre toutes les violences, vous constituez ensemble notre plus solide rempart. Plus que jamais, quand le pays est menacé, l’autorité de l’Etat que vous incarnez est une condition de la cohésion nationale, en garantissant le respect de la loi républicaine contre tout ce risquerait de miner notre société.
Vous veillez sur nos vies, vous veillez sur la vie des Français. Vous êtes l’honneur de la République. Et la République vous doit le respect pour ce que vous accomplissez chaque jour pour elle et en son nom.
N’oublions jamais ceux qui sont tombés en mission en 2015, tels Laurent PRUVOT et Philippe LALLEMAND. C’est pour notre liberté qu’ils sont morts. Que le sens du devoir qui les a guidés continue d’inspirer notre action : tel est le souhait que je formule aujourd’hui, au nom des forces de sécurité.
Vive la Gendarmerie nationale !
Vive la République !
Vive la France !