Lundi 15 juin 2015, M. Bernard Cazeneuve était l'invité de Jean-Jacques Bourdin dans l'émission Bourdin Direct sur BFMTV.
Jean-Jacques Bourdin
Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, est notre invité ce matin. Bonjour.
Bernard Cazeneuve
Bonjour.
Jean-Jacques Bourdin
Merci d’être avec nous. Est-il vrai qu’actuellement des interpellations sont en cours dans la cité de la Castellane à Marseille ?
Bernard Cazeneuve
Oui. Nous avons engagé depuis plusieurs semaines une opération qui est destinée à lutter contre les trafics de drogue ; c’est le cas depuis que nous avons mis en place les zones de sécurité prioritaire à Marseille. Nous avons une augmentation très importante des saisies, une augmentation très importante également de récupération des avoirs mal acquis et nous démantelons les filières. Ce matin, il y a une très grosse opération de démantèlement de filières à la Castellane parce que le trafic de drogue, c’est le début de tous les trafics. Ce sont ces trafics qui gangrènent les quartiers ; ce sont ces trafics d’ailleurs qui alimentent d’autres activités de nature à porter gravement atteinte à l’ordre public – je pense notamment aux activités terroristes – et il faut que l’on sache que j’ai donné des instructions aux services pour que partout sur le territoire national les trafics de drogue soient combattus et les réseaux démantelés.
Jean-Jacques Bourdin
Il y a des interpellations à la Castellane ?
Bernard Cazeneuve
Il y a des interpellations à la Castellane.
Jean-Jacques Bourdin
Combien ?
Bernard Cazeneuve
Plus d’une vingtaine et ces interpellations sont en cours, et donc je ne dirai rien concernant la suite de ces opérations parce que je veux qu’elles puissent être menées à leur terme dans les meilleures conditions.
Jean-Jacques Bourdin
Bien. Alors on va aborder de très nombreux sujets Bernard Cazeneuve, notamment nous allons parler des migrants mais encore deux actualités. Mokhtar Belmokhtar, vous confirmez la mort ?
Bernard Cazeneuve
Je n’ai rien à confirmer parce que je n’ai pas d’information qui soit encore authentifiée.
Jean-Jacques Bourdin
La Libye confirme la mort.
Bernard Cazeneuve
Oui, mais encore une fois, sur ces sujets il faut être extrêmement prudent et attendre des confirmations qui permettent d’authentifier définitivement ce type d’information. Ce que je peux vous dire, c’est que nous agissons contre le terrorisme à l’intérieur – nous en parlerons peut-être – et à l’extérieur en neutralisant tous ceux qui, à la tête de groupes terroristes notamment dans la bande sahélienne, commettent des actes, prennent des otages, commettent des meurtres et des exactions parce que la lutte contre le terrorisme, c’est une lutte globale qui appelle une mobilisation à la fois dans nos pays où il y a des acteurs qui peuvent frapper – nous en avons été des victimes – mais aussi à l’extérieur où il y a des réseaux qui s’organisent.
Jean-Jacques Bourdin
Troisième sujet d’actualité, ce drame en Haute-Loire, c’était samedi après-midi, trois adolescents qui meurent, un quatrième qui est entre la vie et la mort, Airsoft, ce jeu que vous connaissez. Est-ce que vous allez modifier la loi après ce qui s’est passé samedi en Haute-Loire ?
Bernard Cazeneuve
D’abord, cette activité est très encadrée par la fédération qui a pris des précautions depuis de nombreux mois pour faire en sorte que cette activité soit une activité qui n’occasionne pas de drames. Que s’est-il passé sur cette affaire sur laquelle je suis prudent parce que là aussi, il y a une enquête judiciaire en cours ? Des jeunes auraient sur internet récupéré des éléments d’information concernant la constitution d’explosifs dont on a vu à quel point ils pouvaient porter atteinte à la vie de jeunes lorsqu’ils manipulent des substances qui sont des substances dangereuses. Donc je crois que ça renvoie ce sujet comme d’autres d’ailleurs à la manière de réguler internet, à la manière dont on doit agir sur internet.
Jean-Jacques Bourdin
‟Un jeu imbécile conseillé par des gens irresponsables„ : c’est ce qu’a dit le vice-procureur du Puy-en-Velay.
Bernard Cazeneuve
Non mais je crois qu’il faut, sur ces activités-là, dès lors que des drames de ce type sont susceptibles de se produire, être d’une extraordinaire vigilance et ces activités ne peuvent pas ne pas être rigoureusement encadrées.
Jean-Jacques Bourdin
Elles ne le sont pas assez ?
Bernard Cazeneuve
La fédération a pris des dispositions pour les encadrer mais visiblement ce n’est pas suffisant. Deuxièmement, il y a la question d’internet. Le nombre d’affaires qui se produisent après que des paris ont été pris sur l’espace numérique ou que des informations ont été collectées et qui conduisent à des actions qui aboutissent à des drames, c’est ça tous les jours.
Jean-Jacques Bourdin
Avec des armes factices mais qui ressemblent étrangement à des armes de guerre, là effectivement c’est la fabrication de fumigènes.
Bernard Cazeneuve
On est passé à autre chose après avoir récupéré des informations sur internet.
Jean-Jacques Bourdin
Ceux qui ont diffusé des informations ayant incité des jeunes à fabriquer ces fumigènes sont aussi responsables.
Bernard Cazeneuve
Mais Jean-Jacques Bourdin, vous connaissez ma position sur internet, et d’ailleurs on me l’a reprochée parce que lorsqu’il y a eu la loi contre le terrorisme, j’ai proposé qu’on bloque les sites qui appelaient à provoquer au terrorisme. Nous sommes sur la loi sur le renseignement et vous savez que dans la loi sur le renseignement, je prends également des dispositions pour que tous ceux qui utilisent internet et notamment le darknet pour procéder à des opérations à caractère terroriste soient condamnés. Internet est un espace qui doit être régulé, et là il faut effectivement que nous regardions très concrètement quel est la suite judiciaire. Il y a une enquête en cours qui peut être donnée lorsque des individus sur internet diffusent des informations qui peuvent aboutir à ce type de drame.
Jean-Jacques Bourdin
Ils doivent être poursuivis ?
Bernard Cazeneuve
Mais je ne suis pas procureur de la République. Il y a une enquête en cours mais à partir du moment où des informations diffusées sur internet aboutissent à de tels drames, je pense qu’il y a des questions notamment au regard du droit et y compris au regard du droit pénal, qui peuvent être posées. Mais encore une fois, vous savez ma volonté de respecter à chaque instant la séparation des pouvoirs ; ce n’est pas à moi de dire ce sur quoi le procureur doit travailler, d’ailleurs il s’est exprimé avec beaucoup de fermeté et il a eu raison.
Jean-Jacques Bourdin
Où en est-on à Vintimille ? Vintimille, je le rappelle, jeudi soir deux cents, deux cent cinquante migrants, des femmes, des hommes, des enfants, voulaient entrer en France, bloqués, la France a fermé ses frontières.
Bernard Cazeneuve
Non, la France n’a pas fermé ses frontières.
Jean-Jacques Bourdin
Est-ce que les gendarmes sont toujours là-bas pour empêcher ces migrants d’entrer ?
Bernard Cazeneuve
Je vous propose de me laisser trois secondes pour expliquer le problème parce que j’entends depuis plusieurs jours des choses absolument absurdes sur ces questions très graves et qui ont un enjeu humanitaire considérable et je voudrai être précis à votre antenne puisque vous m’en donnez l’occasion.
Jean-Jacques Bourdin
Alors allez-y.
Bernard Cazeneuve
Quel est le sujet ? Nous sommes confrontés à un phénomène migratoire que nous n’avons pas connu avec une telle ampleur au cours des dernières années. Depuis le début de l’année, cinquante mille migrants sont arrivés en Grèce, cinquante mille migrants sont arrivés en Italie, ce qui est une augmentation considérable par rapport à ce que nous avons connu au cours des dernières années.
Jean-Jacques Bourdin
Combien voulaient passer en France ?
Bernard Cazeneuve
Attendez, je vais aller un petit peu plus loin. Qui sont ces migrants ? C’est important de savoir. Il y a des migrants qui sont des migrants économiques irréguliers qui viennent de l’Afrique de l’Ouest, qui ne sont donc pas sur le chemin de l’exode pour des raisons qui tiennent aux persécutions qu’ils subissent mais à la volonté qu’ils ont de vivre mieux en Europe. Ces migrants économiques irréguliers, nous ne pouvons pas les accueillir ; ce serait irresponsable que de penser qu’on puisse le faire et il faut qu’ils soient reconduits à la frontière. C’est un premier sujet.
Jean-Jacques Bourdin
Reconduits à la frontière ?
Bernard Cazeneuve
En Afrique et c’est la raison pour laquelle nous devons travailler avec les pays de provenance. Je me suis rendu au Cameroun, je me suis rendu au Niger, de manière à organiser sous l’égide de Frontex dans les conditions les plus humaines possibles ce retour et organiser aussi dans les pays de provenance au Niger, ailleurs, des centres de maintien où on engage des véritables actions de co-développement. Et puis, il y a ceux qui relèvent du statut de réfugié. Ceux-là sont en Europe pourquoi ? Parce qu’en Erythrée, en Syrie, en Irak, ils subissent des exactions, des persécutions, leurs proches sont exécutés, et ils viennent en Europe parce qu’ils veulent à continuer à vivre tout simplement.
Jean-Jacques Bourdin
Ceux-là, nous devons examiner leur demande d’asile.
Bernard Cazeneuve
Mais bien entendu. Ceux-là, nous devons examiner leur demande d’asile et aujourd'hui quel est le problème ? Il y a cinq pays de l’Union européenne – cinq – qui accueillent quatre-vingts pourcent des demandeurs d’asile : la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne. Cela n’est pas possible. Si nous voulons accueillir ceux qui relèvent de l’asile en Europe, il faut que nous puissions répartir la demande d’asile et il faut qu’il y ait une politique européenne de l’asile.
Jean-Jacques Bourdin
Elle n’existe pas.
Bernard Cazeneuve
Et donc, nous avons proposé, la France a proposé au cours de l’été des choses très concrètes. Quelles sont ces choses très concrètes ? 1°) Faisons en sorte qu’au moment de leur arrivée en Grèce et en Italie, les migrants puissent être accueillis et qu’on distingue ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière des demandeurs d’asile, de ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe. Ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe doivent pouvoir être répartis selon une grille qui a été proposée par l’Union européenne et qui doit être discutée entre les différents pays de l’Union européenne.
Jean-Jacques Bourdin
Oui, j’ai vu : neuf mille cent vingt-sept en deux ans.
Bernard Cazeneuve
Ils doivent être répartis entre les pays de l’Union européenne.
Jean-Jacques Bourdin
Dont la France.
Bernard Cazeneuve
Deuxièmement, il faut donc que l’Italie accepte que l’Union européenne mette en place ce qu’on appelle les hot spots, c'est-à-dire ces centres d’accueil où on distingue les migrants économiques irréguliers des demandeurs d’asile. Il faut que l’Italie l’accepte parce que sinon, la solidarité ne pourra pas marcher. Il faut que ces migrants soient enregistrés et que leurs empreintes digitales soient prises et ensuite, nous répartirons, parce que nous sommes favorables à cela, la France, en termes de solidarité, ces demandeurs d’asile. Que se passe-t-il à Vintimille maintenant ? A Vintimille, il y a la nécessité de faire respecter les règles de Schengen et de Dublin. Quelles sont ces règles ? Lorsque les migrants arrivent en France, qu’ils sont passés par l’Italie et qu’ils ont été enregistrés en l’Italie, le droit européen – c’est le droit européen – implique qu’ils soient réadmis en Italie. Nous avons eu près de huit mille passages depuis le début de l’année ; nous avons fait réadmettre plus de six mille personnes en Italie parce que ce sont les règles de Dublin et des migrants ont été réadmis en Italie qui veulent repasser, et donc nous faisons respecter les règles de Schengen et de Dublin.
Jean-Jacques Bourdin
Ils ne passeront pas.
Bernard Cazeneuve
Non, parce qu’ils n’ont pas à passer. Ils doivent être pris en charge par l’Italie. C’est le droit européen, il n’y a pas de blocage de la frontière parce que nous sommes dans un espace qui est un espace ouvert. Il y a simplement le respect à la frontière franco-italienne des règles de Schengen et des règles de Dublin.
Jean-Jacques Bourdin
Faisons bien la distinction entre les migrants en situation irrégulière et les réfugiés demandeurs d’asile, on est bien d’accord.
Bernard Cazeneuve
Pour ce qui concerne les migrants en situation irrégulière, Jean-Jacques Bourdin, nous démantelons de façon très volontariste les filières de l’immigration irrégulière en France et en Europe. Nous avons démantelé plus de vingt pourcent de filières supplémentaires qui étaient implantées en France et qui gangrénaient la politique migratoire française au cours de l’année dernière.
Jean-Jacques Bourdin
Combien de migrants en situation irrégulière reconduits dans leur pays depuis le début de l’année ?
Bernard Cazeneuve
Depuis le début de l’année, nous avons – enfin, en année pleine si vous voulez, en 2014 pour donner un chiffre précis, nous procédons à peu près à quinze mille reconduites à la frontière chaque année.
Jean-Jacques Bourdin
Et depuis le début de l’année, ça s’est accéléré ?
Bernard Cazeneuve
Depuis le début de l’année, bien entendu ça s’accélère parce que moi, j’ai donné des instructions très claires pour qu’il y ait une reconduite à la frontière des migrants en situation irrégulière. Pourquoi ? Parce que si on veut assurer la soutenabilité de l’accueil de ceux qui sont réfugiés ou qui relèvent du statut de réfugié en France, il faut qu’on ait une politique qui soit ferme parce que sinon, il n’y a pas de soutenabilité humanitaire et je l’ai dit à tous ceux qui ont des préoccupations humanitaires que je comprends et avec lesquels d’ailleurs…
Jean-Jacques Bourdin
Vous voulez dire par-là que certains instrumentalisent la situation des migrants.
Bernard Cazeneuve
J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet parce que nous avons travaillé depuis des semaines.
Jean-Jacques Bourdin
Après ce qui s’est passé à Paris.
Bernard Cazeneuve
Exactement. Nous avons travaillé depuis des semaines en liaison avec la ville de Paris à la mise à l’abri de tous ceux qui erraient dans les rues de Paris parce que nous considérions que c’était de notre devoir que de le faire. Ce n’était pas simple, il a fallu trouver des places d’hébergement. J’ai souhaité personnellement que pour les réfugiés, ceux qui relèvent du statut de l’asile en France, nous puissions mettre l’OFFI dans les centres de manière à pouvoir
Jean-Jacques Bourdin
Mais aujourd'hui, tous ces migrants qui ont été évacués…
Bernard Cazeneuve
Attendez, Jean-Jacques Bourdin. Je vais au bout de ce que nous avons fait. Et donc pour la Chapelle comme pour Pajol, nous avons proposé des hébergements, sauf qu’au moment…
Jean-Jacques Bourdin
Provisoires.
Bernard Cazeneuve
Nous avons proposé des hébergements de manière à pouvoir justement identifier ceux qui relevaient du statut de réfugié et ensuite traiter…
Jean-Jacques Bourdin
Faire le tri en quelque sorte. C’est terrible à dire mais c’est faire le tri.
Bernard Cazeneuve
Oui, mais mettre à l’abri tout le monde et de façon extrêmement humaine et en relation avec un certain nombre d’associations, sauf que, plutôt que de se préoccuper de la situation extrêmement difficile de personnes en état de vulnérabilité, certains groupuscules préfèrent faire de la polémique.
Jean-Jacques Bourdin
Groupuscules ?
Bernard Cazeneuve
Certains groupuscules. On a vu des organisations aussi politiques comme le NPA – je les cite – préférer faire sortir les migrants des bus plutôt que de les mettre à l’abri pour pouvoir faire de la politique sur vos antennes et faire des déclarations en apparence humanitaires sur vos antennes. Ça, ça porte un nom : c’est du cynisme à l’état pur.
Jean-Jacques Bourdin
Vous faites allusion à Olivier Besancenot.
Bernard Cazeneuve
Notamment, qui n’a aucune leçon d’humanité à donner au gouvernement parce que nous nous occupons loin des antennes – vous me le reprochez d’ailleurs régulièrement – de ces sujets et lui ne s’en occupe et vient faire des commentaires devant votre micro.
Jean-Jacques Bourdin
Bien, vous faites le tri, très bien Bernard Cazeneuve, sauf que certains de ces migrants, vous le savez, s’évanouissent dans la nature au bout d’un certain temps. Vous savez bien aussi que les demandes d’asile sont beaucoup trop longues. Je sais que votre objectif est de réduire l’examen des dossiers.
Bernard Cazeneuve
Mais Jean-Jacques Bourdin, là aussi vous avez de dire tout cela. Moi mon objectif, c’est de trouver des solutions humaines et humanitaires, ce n’est pas de faire des commentaires. Vous avez raison, les délais de l’asile sont trop longs en France. Que faisons-nous ? Je présente une loi devant le Parlement, que dit cette loi ? Ramenons de vingt-quatre à neuf mois – ce n’est quand même pas rien – le délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile ; créons des postes au sein de l’Ofpra pour que cela soit possible, donnons des droits aux demandeurs d’asile.
Jean-Jacques Bourdin
C’est pour quand ?
Bernard Cazeneuve
C'est là. La loi est en train d’être adoptée par le Parlement. Je prendrai des décrets d’application immédiatement.
Jean-Jacques Bourdin
Immédiatement, avant l’été.
Bernard Cazeneuve
Ça dépendra du moment où la loi sera votée mais vous savez très bien que je souhaite qu’elle soit votée rapidement parce que je vois l’urgence de la situation et qu’il est de ma responsabilité d’y faire face et par ailleurs, sans attendre que la loi soit votée, nous avons depuis que nous sommes en situation de responsabilité crée près de dix mille places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Le Premier ministre a décidé l’an dernier de faire un effort supplémentaire ; nous avons d’ores et déjà crée des postes au sein de l’Ofpra et mon objectif à moi, c’est de faire en sorte que face à un problème mondial, d’une extraordinaire complexité, on cesse avec les postures et on s’occupe politiquement de trouver des solutions. C’est difficile parce qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à avoir des postures et peu de gens qui ont intérêt à trouver des solutions mais moi, ma responsabilité de ministre de l’Intérieur, c’est de trouver des solutions.
Jean-Jacques Bourdin
Bien. L’islam en France : mille huit cents imams à peu près en France actuellement, vingt-cinq à trente pourcent de nationalité française seulement ce qui est dommage. Désormais, les imams qui prêcheront en France devront parler français.
Bernard Cazeneuve
Là aussi, soyons précis. Nous sommes dans un Etat laïc, donc ce n’est pas au gouvernement de déterminer… Non mais nous sommes dans un Etat laïc, donc le gouvernement n’a pas à former des imams mais il s’avère que le gouvernement recrute des aumôniers, des aumôniers dans les prisons où l’on sait les ravages faits par la radicalisation dans les prisons auprès des détenus.
Jean-Jacques Bourdin
Trop peu nombreux.
Bernard Cazeneuve
Trop peu nombreux, donc nous nous considérons que les aumôniers que nous recrutons doivent des aumôniers qui parlent français et deuxièmement, nous considérons que ces aumôniers doivent avoir une très bonne connaissance de ce que sont les principes républicains et le fonctionnement de nos institutions. Par conséquent, nous créons des diplômes universitaires qui permettront à ces aumôniers d’être formés. Nous souhaitons qu’y compris lorsqu’il s’agit d’imams détachés ils parlent français et nous passons des conventions avec un certain nombre de gouvernements pour que cela soit le cas et lorsque nous faisons ce travail-là, nous créons une dynamique pour tous ceux qui ne sont pas aumôniers et en liaison avec les représentants du culte musulman pour faire en sorte que dans les mosquées de France, l’islam que l’on enseigne soit un islam qui, dans l’interprétation du texte et l’interprétation qui est faite de son contenu, soit conforme aux valeurs de la République parce que l’islam n’a rien à voir avec le dévoiement dont il fait l’objet de la part de groupes terroristes…
Jean-Jacques Bourdin
Est-ce que la loi de la République prime ?
Bernard Cazeneuve
Bien sûr. Mais bien entendu et ça, ça sera dit très fermement ce matin à l’occasion de notre réunion avec les représentants de l’islam de France. La loi de la République, c’est la loi qui permet à tous les Français qui croient ou qui ne croient pas, ou dès lors qu’ils ont fait le choix de leur croyance, de vivre ensemble parce que les principes de la République sont ce creuset de valeurs qui est placé au-dessus de tout et qui fait que nous pouvons vivre ensemble, donc il n’y a aucune concession possible aux valeurs de la République. Il n’y a aucun concession possible à un certain nombre de principes qui concernent la tolérance, qui concernent la fraternité, qui concernent le respect de l’autre, qui concernent le refus de la violence, qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes, et une immense majorité de Français de confession musulmane souhaite cela et l’objectif de notre réunion de ce matin est de montrer que cette compatibilité, cette harmonie est possible parce qu’elle est souhaitée par une majorité de musulmans en France.
Jean-Jacques Bourdin
Et vous allez installer un nouveau conseil, vous allez inspirer et essayer de mettre en place un nouveau conseil des musulmans de France. L’islam sera mieux représenté ?
Bernard Cazeneuve
Il y a un CFCM, il a été crée par un de mes prédécesseurs qui s’appelait Nicolas Sarkozy, il a fait du travail. Moi, je ne suis pas du tout dans des approches qui consistent à faire sur ce sujet de la petite politique. Il a fait un travail, ce travail parfois contesté mais enfin, il l’a fait. Il l’a fait avec des gens qui se sont engagés et qui ont fait du mieux qu’ils pouvaient dans un contexte qui était extraordinairement difficile. Aujourd'hui, il y a la nécessité d’avoir avec les musulmans de France un dialogue sur la formation des aumôniers, sur la transparence concernant le financement et le fonctionnement des mosquées, sur la question de l’abattage rituel et nous avons une instance de dialogue avec les catholiques, nous aurons une instance de dialogue avec les musulmans. Elle permettra de traiter de questions très concrètes avec un principe, Jean-Jacques Bourdin, qui compte dans la République. Elle aussi, ma fonction, de m’inciter à faire prévaloir ce principe chaque jour, à chaque instant : c’est le principe de respect. Respect des valeurs de la République, respect de ceux qui croient dès lors qu’ils sont dans l’harmonie avec les valeurs de la République parce que la France a besoin d’apaisement. La France a besoin de se retrouver autour des valeurs de la République et de façon sereine, calme, car pour être républicain on n’a pas besoin d’être énervé, croyez-moi.
Jean-Jacques Bourdin
Bien. Bernard Cazeneuve, j’ai encore deux questions. La première, vous vous souvenez de ce qui s’est passé malheureusement le 28 mai : deux policiers ivres qui provoquent un accident dans Paris. Le conducteur de la camionnette percutée par la voiture des policiers, quarante ans, père de famille, est tué, l’un des policiers est toujours en prison, l’autre libre depuis le début, ce qui a choqué. Bernard Cazeneuve, ces policiers sont sanctionnés, suspendus aujourd'hui. Si les faits sont confirmés, ils seront radiés à vie ?
Bernard Cazeneuve
Mais je serai d’une fermeté totale. Je vais vous dire pourquoi je serai d’une fermeté totale : parce qu’il y a tous les jours des policiers et des gendarmes qui s’exposent au péril de leur vie pour assurer la sécurité des Français et depuis le début de l’année, je me suis retrouvé aux côtés de veuves et d’enfants face aux cercueils de policiers et de gendarmes qui sont l’honneur de la France et qui ont assuré pour sauver la vie des Français leur mission avec le sacrifice de leur propre vie. Et donc quand des policiers qui sont une petite minorité se comportent de cette manière, qui est honteuse, scandaleuse et qui mérite la plus grande fermeté et les sanctions les plus sévères, ils portent atteinte à la réputation de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui sont courageux, qui sont tous les jours dans la bravoure, qui exposent leur vie et dont la réputation n’a pas à être entachée par des comportements de ce type qui méritent encore une fois les sanctions les plus dures.
Jean-Jacques Bourdin
A propos de policiers, celui qui a été roué de coups à Saint-Denis, d’abord comment va-t-il et est-ce que les agresseurs ont été arrêtés ?
Bernard Cazeneuve
Les nouvelles que j’ai de lui sont bonnes au sens où sa vie ne serait pas en danger, mais bien entendu préoccupantes parce qu’il était très traumatisé. Je dois d’ailleurs m’entretenir avec lui dans la journée. Il faut bien comprendre que là aussi, tous les jours, il y a des policiers et des gendarmes qui sont victimes de violence parce qu’ils portent l’uniforme, parce qu’incarnant l’ordre républicain et le droit, ils sont des cibles privilégiées. Je le dis pour tous ceux qui passent leurs journées à conceptualiser les violences policières. Moi, je vois surtout des policiers qui, face aux violences, sont exposés et par conséquent, il faut face à des actes de ce type aussi la plus grande sévérité.
Jean-Jacques Bourdin
Les agresseurs ont été identifiés ?
Bernard Cazeneuve
Il y a une personne qui a été interpellée et qui est actuellement interrogée.
Jean-Jacques Bourdin
Qui est interrogée. Dernière chose, je vois que Bruno Le Roux est favorable à une réécriture de l’amendement modifiant la loi Evin. Vous êtes concerné puisque la loi Evin…
Bernard Cazeneuve
Il y a un équilibre dans la loi Evin qui n’a pas vocation à être remis en cause. Les parlementaires travaillent avec le gouvernement, j’espère que l’on trouvera le bon équilibre mais en tous les cas, l’équilibre de la loi Evin n’a pas vocation à être fondamentalement modifié.
Jean-Jacques Bourdin
Doit être respecté. Merci Bernard Cazeneuve d’être venu nous voir ce matin.
Bernard Cazeneuve
Merci à vous.