Discours de M. Bernard Cazeneuve devant les forces de sécurité à Metz le 12 février 2016

12 février 2016

Discours de M. Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur à l'occasion de l'inauguration du SZRA de Metz, le 12 février 2016


(Seul le prononcé fait foi)

Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Contrôleur général, chef du Service central du renseignement territorial,
Monsieur le Directeur départemental de la Sécurité publique,
Monsieur le Commandant de la région de gendarmerie, Mon Général
Monsieur le Commandant du groupement de gendarmerie départementale, Mon Colonel,
Mesdames et Messieurs,
Depuis plus d’un an, notre pays est confronté à une menace terroriste d’une gravité sans précédent au cours de notre histoire. Après nous avoir frappés une première fois sur notre sol en janvier 2015, les djihadistes de DAESH ont à nouveau, voici à peine trois mois, ensanglanté les rues de Paris.
Entre ces deux tragédies et depuis, d’autres crimes terroristes ont été commis, d’autres attentats ont été déjoués. Par conséquent, chacun doit avoir conscience que la menace est aujourd’hui plus élevée que jamais, et que c’est une lutte de longue haleine qu’il nous faut mener, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, pour l’éradiquer définitivement.
Face à un ennemi susceptible de nous frapper à tout moment, nous devons donc faire preuve d’une vigilance extrême. La guerre qui nous est imposée par les terroristes de DAESH, nous sommes résolus à la mener avec toute la force de la République, aussi longtemps qu’il le faudra et partout où cela sera nécessaire.

A cet égard, je veux insister sur le fait que cette menace pèse sur l’ensemble du territoire national, et non seulement sur la région parisienne. En 2012, ce sont Toulouse et Montauban qui ont été prises pour cibles. En juin dernier, c’est à Saint-Quentin-Fallavier, dans l’Isère, que le malheureux Hervé CORNARA a été assassiné d’une façon abjecte. Au cours des dernières semaines, c’est notamment à Tours et à Orléans que nos services ont neutralisé des djihadistes dont tout porte à croire qu’ils s’apprêtaient à passer à l’acte.

C’est la raison pour laquelle nous luttons partout en France contre la menace terroriste et la radicalisation violente. Je dis bien : partout en France. Car chaque Français doit pouvoir bénéficier du même niveau de sécurité où qu’il vive sur le territoire national. C’est là, depuis 2012, une des priorités absolues de l’action conduite par le Gouvernement : protéger nos concitoyens contre toutes les menaces, contre toutes les violences, qu’il s’agisse du terrorisme ou bien des formes plus quotidiennes de criminalité et de délinquance.

De même, c’est sur l’ensemble du territoire national que doit s’exercer l’autorité de l’Etat. Jamais nous n’accepterons qu’existent en France des zones de non-droit. Dans notre démocratie et dans notre Etat de droit, la seule autorité qui vaille est en effet celle de la République.
La République qui protège.

La République qui garantit la force du droit contre la loi du plus fort.
La République qui fait prévaloir le bien commun sur les intérêts particuliers.
La République, enfin, qui constitue notre bien commun.
Si je suis là parmi vous aujourd’hui, c’est donc pour vous exposer les décisions que nous prenons et pour vous annoncer les moyens que nous donnons aux forces de l’ordre, en France et plus particulièrement en Moselle, pour faire respecter l’autorité légitime de l’Etat en toutes circonstances et garantir la sécurité de nos concitoyens.

Je veux par ailleurs profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage à la mobilisation exceptionnelle des policiers et des gendarmes qui, chaque jour, dans des conditions souvent très difficiles, réalisent un travail admirable pour assurer le respect de la loi et de l’ordre public, ici comme dans l’ensemble du pays. Si, en 2015, nous avons pu tenir bon dans les épreuves terribles que nous avons traversées, c’est largement grâce à ces femmes et à ces hommes qui sont prêts, dès lors que la situation l’exige, à mettre leur vie en péril pour sauver celle des autres.
Je veux qu’ils sachent qu’ils auront toujours mon plus fidèle soutien, dans les missions délicates mais non moins indispensables dont ils s’acquittent au quotidien, au service de la France et de la République.
A cet égard, le Gouvernement reste fidèle à son cap : donner aux forces de l’ordre les moyens humains, matériels et juridiques de travailler efficacement. C’est ainsi, et pas autrement, que l’on obtient des résultats.

C’est la raison pour laquelle, depuis 2012, nous avons consenti un effort sans précédent sur le plan des recrutements au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales.
Vous le savez, la décision d’interrompre la RGPP a permis de mettre un terme aux coupes claires délibérées dans les effectifs, en remplaçant tous les départs à la retraite et en créant près de 500 emplois nouveaux par an dans les deux forces. A cette politique de fond, trois plans pluriannuels sont venus s’ajouter :

  • plus de 1 400 créations nettes d’emplois au titre du Plan anti-terroriste (PLAT) décidé par le Premier Ministre en  janvier 2015 ;
  • 900 créations nettes d’emplois au titre du Plan de lutte contre l’immigration clandestine (PLIC) de septembre dernier ;
  • enfin, 5 000 emplois au titre du Pacte de sécurité annoncé par le Président de la République  devant le Congrès en novembre dernier.

Alors que la Police et la Gendarmerie avaient perdu plus de 13 000 emplois entre 2007 et 2012, nous en aurons recréé plus de 9 000 d’ici la fin du quinquennat. Ainsi, plus de 4 600 élèves gardiens de la paix sortiront de nos écoles chaque année en 2016 et en 2017. Ils n’étaient que 488 en 2012 ! Pour la gendarmerie, les écoles permettront de renforcer les unités de 3 970 sous-officiers en 2016 et de 3 560 en 2017.
Je précise que, dans le cadre des différents plans de recrutement, nous n’affectons pas au hasard les policiers et les gendarmes supplémentaires, mais au contraire là où nous considérons qu’ils seront le plus utiles, en tenant compte des spécificités propres à chaque territoire. Car, derrière les chiffres que je viens de rappeler, il y a des arrivées concrètes de femmes et d’hommes dans les commissariats de police et dans les casernes de gendarmerie.
Ainsi, je vous annonce que, cette année, 38 gendarmes au total viendront renforcer les différentes unités de gendarmerie implantées dans le département de la Moselle.
22 d’entre eux seront intégrés à l’escadron de gendarmerie mobile de Thionville afin de créer un 5ème peloton pour renforcer les unités en charge des missions de sécurité publique dans le département.
4 gendarmes vont également renforcer les unités de la communauté de brigades de Phalsbourg.
Dans le cadre du plan « BAC-PSIG » que j’ai lancé dès le mois d’octobre dernier, le peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) de Thionville sera, quant à lui, renforcé par l’arrivée de deux militaires pour répondre aux évolutions du contexte de sécurité publique. L’objectif est de professionnaliser ces unités d’intervention intermédiaire que sont les PSIG en les dotant de la capacité dite « Sabre » qui leur confère de nouveaux moyens d’intervention et de sécurisation de leur action.
Enfin, grâce à l’effort important que nous réalisons à l’échelle du département, je vous annonce que nous allons créer, au sein du groupement de gendarmerie de Moselle, une cellule départementale d’observation et de surveillance (CDOS), composée de 5 gendarmes spécialisés.

Je vous annonce d’ailleurs que, d’une manière générale, nous créons, en 2016, 29 cellules départementales de ce type sur l’ensemble du territoire national pour renforcer la lutte que nous menons contre le terrorisme et contre les différentes formes de délinquance et de criminalité.
Par ailleurs, selon la même logique de montée en puissance et de répartition stratégique des forces, je vous annonce également que 21 gardiens de la paix et 22 adjoints de sécurité supplémentaires vont venir renforcer, au cours de l’année 2016, les effectifs du département. Ces arrivées font suite à celle, en 2015, de 25 policiers supplémentaires, dans le cadre du plan antiterroriste, qui ont permis la création du Service zonal de Recherches et d’Appui dont je vais vous parler dans quelques instants.

Lutter contre le terrorisme et contre la délinquance, c’est aussi donner aux forces de l’ordre les moyens matériels dont elles ont besoin.

Là encore, derrière les chiffres, il y a des réalités concrètes, des armes et des véhicules supplémentaires, des gilets pare-balles, qui permettent aux policiers et aux gendarmes de travailler dans de meilleures conditions d’efficacité et de sécurité.

A cet égard, en 2015, nous avons tenu nos engagements, puisque, à l’échelle nationale, 2 269 véhicules ont été livrés, ainsi que l’ensemble des renforts en armements et en matériels de protection que nous avions annoncés – je pense notamment aux 6 514 gilets pare-balles individuels. Dans le cadre du Plan anti-terroriste qui est venu amplifier notre effort, nous avons investi plus de 30 millions d’euros en armements et en matériels de protection. En 2016, cet effort massif sera bien évidemment poursuivi.
Ainsi, l’année dernière, le groupement de gendarmerie de la Moselle a bénéficié d’un renfort important de 18 armements supplémentaires, de nombreux moyens radios et informatiques, ainsi que de 17 véhicules. 10 autres seront livrés dans les prochaines semaines.
Les policiers ont, quant à eux, d’ores et déjà bénéficié de l’arrivée, à Metz, de 13 véhicules en 2015 (dans le cadre du PLAT). Je vous annonce que, cette année, l’ensemble de la zone Est profitera du renfort de 100 véhicules supplémentaires, dont 29 dans le cadre du Plan BAC.
Lutter contre le terrorisme et contre la criminalité, c’est également donner aux forces de l’ordre les moyens juridiques adaptées à l’évolution des risques et des menaces.
Comme le Gouvernement en a pris l’initiative avec les trois projets de loi adoptés en 2012, 2014 et 2015 sur le renforcement de la lutte anti-terroriste et le renseignement, nous poursuivons l’adaptation de nos outils législatifs pour vous doter de moyens d’action nouveaux et efficaces.
A la faveur du projet de loi relatif à la procédure pénale, un important volet sera ainsi consacré à des mesures initiées par le ministère de l’intérieur. Je veux parler :

  • d’un régime de contrôle administratif des retours sur le territoire national après un séjour sur un théâtre d’opérations terroristes ;
  • d’un régime de retenue pour vérification de la situation administrative des individus signalés ;
  • d’un nouveau cadre de contrôle administratif des flux de personnes et de véhicules.

Ce texte prévoira également une nouvelle exonération de responsabilité pénale des forces de l’ordre pour mieux assurer la sécurité des personnels et des citoyens qu’ils protègent, dans le cas très particulier d’usage des armes lors de périples meurtriers.
Il organisera enfin le cadre juridique de l’emploi des caméras-piétons qui permettront tout à la fois de protéger les personnels en objectivant les situations et en faisant baisser la tension lors de situations délicates que vous rencontrez trop souvent.
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Enfin – et c’est là un domaine d’intervention absolument décisif –, lutter contre le terrorisme, c’est lutter en amont contre les dérives fanatiques, contre le phénomène de radicalisation qui précède le passage à l’acte meurtrier.
En Moselle, cet effort s’est concrétisé par la création d’une unité spécifique, le Service zonal de Recherches et d’Appui (SZRA) de Metz, que je suis heureux et fier d’inaugurer aujourd’hui. Je veux d’ailleurs saluer l’ensemble des fonctionnaires de police qui composent le SZRA de Metz, dont le travail quotidien est particulièrement remarquable.
Il s’agit là d’un modèle éprouvé que nous expérimentons depuis 2014 à Lille, Lyon, Marseille, puis, depuis 2015, à Rennes et à Bordeaux.
L’objectif des SZRA est avant tout la recherche du renseignement, notamment contre les filières djihadistes. Ces services sont donc en première ligne dans notre lutte contre le terrorisme et contre le phénomène d’endoctrinement qui l’alimente, travaillant ainsi en lien direct avec les policiers et les gendarmes du renseignement territorial, à qui je veux également rendre un hommage appuyé pour la qualité de leur travail.
Tous, au sein du SCRT comme au sein des SZRA, jouent en effet un rôle absolument fondamental dans le suivi des individus signalés et la surveillance des lieux de radicalisation. Leur action s’inscrit dans le dispositif global que nous avons progressivement renforcé depuis l’adoption du Plan de lutte contre la radicalisation et les filières djihadistes en avril 2014.
J’ai ainsi créé en juin dernier, après le drame survenu à Saint-Quentin-Fallavier, un Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), qui contrôle le suivi effectif des individus signalés pour radicalisation. Pour ce faire, il regroupe des représentants de l’ensemble des forces et des services concernés dans une logique de transversalité, de  décloisonnement et de partage de l’information.
L’EMOPT s’appuie sur le Fichier de Traitement des Signalements, de la Prévention de la Radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), qu’utilisent également les Services zonaux de Recherches et d’Appui, notamment celui de Metz. A partir de ce fichier national, le travail de l’EMOPT  nous permet ainsi d’opérer des retraits d’agréments – je pense notamment à des personnes travaillant sur des sites sensibles, par exemple des aéroports tels que celui de Roissy où plusieurs dizaines d’individus se sont vus retirer leurs badges d’accès – et contribue à la mise en place d’une fine cartographie des risques.
L’EMPOT est venu couronner, si je puis dire, le dispositif de prévention que nous avons mis en place voici plus d’un an et demi. Je pense à la plateforme téléphonique nationale regroupant une équipe de professionnels formés à recueillir les signalements des familles confrontées au phénomène de la radicalisation et à les orienter.  Chaque signalement est ensuite communiqué au préfet concerné en fonction du lieu de résidence de la personne signalée afin que nous puissions la prendre en charge.
Dans chaque département – c’est le cas en Moselle–, nous avons en effet mis en place une « cellule de suivi et de prévention de la radicalisation », pilotée par le préfet et le procureur de la République.
C’est l’ensemble de ce dispositif qui nous a notamment permis de cibler, de manière efficace, les mesures que nous avons prises, depuis le 13 novembre dernier, dans le cadre de l’état d’urgence.
A ce jour, nous avons ainsi réalisé 3 340 perquisitions administratives, qui nous ont permis de saisir 578 armes. Ces perquisitions ont donné lieu à 344 gardes à vue. Par ailleurs, 285 assignations à résidence sont toujours en vigueur, dont 83% concernent des individus fichés au FSPRT et par là même surveillés par nos services de renseignement, ce qui suffit à démontrer que ces mesures n’ont pas été prises au hasard, de façon indiscriminée.
J’ajoute que, depuis le début de l'année 2016, quarante personnes ont été interpellées pour leur implication présumée dans des filières terroristes, pour des menaces ou pour apologie du terrorisme.
Grâce au à notre dispositif antiterroriste et grâce aux possibilités que nous offre le régime de l’état d’urgence, nous portons donc les coups les plus durs aux personnes et aux filières qui d’une façon ou d’une autre nourrissent le risque terroriste ou représentent un trouble pour l’ordre public.
La lutte que nous menons contre la menace terroriste se poursuit donc sans trêve ni pause, et nous faisons en sorte d’adapter notre dispositif en continu, dans le respect rigoureux des principes constitutionnels. Car, si nous devons agir avec fermeté et détermination, nous devons aussi agir dans la pleine conscience de la responsabilité qui est la nôtre. Et c’est ce que nous faisons. Car l’état d’urgence n’est pas le contraire ni l’oubli de l’Etat de droit : il en est, dès lors que la situation l’exige, le bouclier.

Pour conclure, je veux donc insister sur le fait que le Gouvernement prend toutes les décisions qui s’imposent pour garantir la sécurité des habitants de Metz et du département de la Moselle.
Ainsi, contrairement aux craintes – que je comprends – exprimées par certains élus dans le cadre de la réforme territoriale, le Gouvernement a fait en sorte de consolider la position de Metz. C’est la raison pour laquelle nous avons créé ici le SZRA que venons d’inaugurer, et que nous avons dotés de renforts supplémentaires en effectifs de police et de gendarmerie. Oui, l’Etat a la volonté de rester durablement ancré à Metz, qui est d’ores et déjà la capitale régalienne de la région.
Vive Metz !
Vive la Moselle !
Vive la République !
Et vive la France !