12.02.2015 - Bernard Cazeneuve invité de Jean-François Achilli dans la Matinale de France Info

12.02.2015 - Bernard Cazeneuve invité de Jean-François Achilli dans la Matinale de France Info
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Bernard Cazeneuve était l'invité de Jean-François Achilli sur la Matinale de France Info, jeudi 12 février 2015

Bernard Cazeneuve était l'invité de Jean-François Achilli dans la Matinale de France Info, jeudi 12 février 2015


Fabienne SINTES

Votre invité, donc, ce matin, Jean-François ACHILLI, est ministre de l’Intérieur.

Jean-François ACHILLI

Bonjour Bernard CAZENEUVE.

Bernard CAZENEUVE

Bonjour.

Jean-François ACHILLI

Soyez le bienvenu. Alors qu’un accord est espéré à Minsk, sur le sort de l’Ukraine, beaucoup d’actualité internationale aujourd'hui, puisqu’un sommet, allez, on va dire informel, à Bruxelles, notamment consacré aujourd'hui à la lutte antiterroriste, un mois après les attentats, devrait faire le point sur des mesures à prendre, des mesures d’urgence. Quelles peuvent être ces mesures ?

Bernard CAZENEUVE

D'abord, nous avons besoin de pouvoir établir la traçabilité du parcours des combattants étrangers, des terroristes, de manière à pouvoir les neutraliser lorsqu’ils franchissent les frontières extérieures de l’Union européenne et arrivent sur le territoire de l’Union.

Jean-François ACHILLI

Parce que c'est un peu une Europe passoire, je vous coupe la parole…

Bernard CAZENEUVE

Non, ce n'est pas une Europe passoire, c'est une Europe qui a les instruments pour agir, aussi faut-il décider de coordonner ces instruments, d’être efficace dans leur mise en œuvre. C'est la raison pour laquelle la France arrive à ce sommet européen, avec un agenda extrêmement précis. D'abord nous voulons une modification du code Schengen, parce que nous voulons qu’il soit possible de créer les conditions de contrôle systématiques, pour nos ressortissants de l’Union européenne…

Jean-François ACHILLI

Alors qu’on peut circuler dans l’Europe, mais c'est aux frontières qu’il y a un problème.

Bernard CAZENEUVE

Oui, mais il faut que nous puissions, lorsqu’il y a une arrivée dans les aéroports européens, pouvoir procéder à des contrôles systématiques, en interrogeant notamment les fichiers Schengen, de manière à voir s’il y a des personnes qui arrivent dans les aéroports, qui peuvent poser problème. Deuxièmement, nous avons besoin du système dit PNR, un système d’enregistrement des passagers…

Jean-François ACHILLI

Passenger Name Record.

Bernard CAZENEUVE

… au moment de la réservation de leur billet, de manière à ce que l’on puisse, en amont, organiser la coopération entre les services ce police et de justice, là aussi, pour neutraliser les terroristes. Troisièmement, il y a 90 % de ceux qui basculent dans le terrorisme, qui le font par le biais d’Internet. Internet est un espace de liberté, il doit le demeurer, mais il doit être aussi un espace régulé, pour éviter qu’il y ait des sites, des blogs, qui appellent et provoquent au terrorisme. Il y a eu des directives européennes prises en matière de lutte contre la pédopornographie, il faut qu’à terme, nous puissions faire la même chose pour la lutte contre le terrorisme.

Jean-François ACHILLI

Bernard CAZENEUVE, on a envie de vous dire, vous vous rendez compte, tout ça n’existe pas vraiment, ce n'est pas encore mis en place, pourtant il s’est passé quelque chose, non ?

Bernard CAZENEUVE

Non mais, ce qui existe aujourd'hui c'est la possibilité, avec Schengen, de procéder à des contrôles dans les aéroports. Il faut que tous les pays le fassent en même temps…

Jean-François ACHILLI

Il peut y avoir des réticences de la part des partenaires européens ?

Bernard CAZENEUVE

Il peut y avoir, bien entendu, des réticences, c'est la raison pour laquelle la France demande que sans modifier le code Schengen, parce que ça prendra un peu de temps, même si nous demandons à ce qu’on le fasse, on puisse d’ores et déjà faire des contrôles systématiques et coordonnés. Il faut une décision des pays de l’Union européenne pour le faire, ça sera efficace. Et par ailleurs, je vous rappelle que nous agissons tous dans nos pays dans la lutte contre le terrorisme, on a pris une loi au mois de novembre dernier, qui met en place l’interdiction administrative de sortie du territoire, le blocage administratif des sites, l’incrimination d’entreprises individuelles terroristes. Nous avons augmenté les effectifs de nos services de renseignements, 432 emplois supplémentaires, à la Direction générale de la Sécurité intérieure, des moyens budgétaires supplémentaires…

Jean-François ACHILLI

Oui, mais ça c'est au niveau national.

Bernard CAZENEUVE

Le Premier ministre a pris des… a annoncé des mesures nouvelles, et tous les pays de l’Union européennes adaptent leurs législations, confortent leurs services de renseignements, développent les coopérations avec les pays… les services de renseignements des autres pays de l’Union européenne, pour atteindre l’efficacité maximale. Donc, contre le terrorisme, c'est sans trêve, ni pause, tous les jours, au sein de l’Union européenne, pour y parvenir.

Jean-François ACHILLI

Mais nous verrons si les partenaires de l’Union seront au rendez-vous et à la hauteur des enjeux, c'est ça.

Bernard CAZENEUVE

 Il faut être d’une extrême fermeté sur ces sujets, y compris au sein de l’Union européenne. Je suis allé devant la commission Libé du Parlement européen sur le PNR, j’ai dit très franchement ce que j’avais à dire, sans précautions, parce qu’il faut que l’on comprenne, au sein de l’Union européenne, que face au risque terroriste, nous devons être dans la mobilisation et nous doter des outils dont nous avons besoin. La responsabilité, le principe de réalité, doivent prévaloir en Europe et ça sera le combat de la France. Et pour ce qui me concerne, au sein du Conseil des ministres de l’Intérieur, je continuerai sur ces sujets là, à être d’une extrême détermination et d’une grande fermeté.

Jean-François ACHILLI

Alors, Bernard CAZENEUVE, dans ce contexte post-attentats, une affiche, hein, une affiche, à Béziers, vous fait réagir ce matin, elle montre le pistolet qui va équiper la police municipale de Béziers, avec ce slogan : « Désormais, la police municipale a un nouvel amis » Que dites vous à Robert MENARD, le maire de Béziers, ce matin ?

Bernard CAZENEUVE

Eh bien à Robert MENARD, qu’il n’a pas compris ce qu’est, dans un contexte comme celui que traverse notre pays, l’éthique de la responsabilité et ce qu’est aussi la République pour une grande partie des Français et des policiers nationaux et municipaux, de France. Ce qui s’est passé dans les rues de Paris, lorsque les Français ont acclamé les policiers et les forces de l’ordre, c'est la reconnaissance par les Français, du rôle que jouent les forces de l’ordre pour protéger les valeurs de la République. Par conséquent, les meilleurs amis des policiers nationaux, municipaux, ce sont les citoyens français, rassemblés dans les valeurs de la République. Des armes, pour se protéger, il en faut, j’ai moi-même décidé de doter la police nationale d’armes collectives, de gilets pare-balles, ainsi que les polices municipales, après les avoir rencontrées. Mais entre considérer qu’il est nécessaire de protéger les policiers face à un risque et faire des armeurs leurs meilleures amies, avec tout ce que cela véhicule de provocations, d’incompréhension de ce que sont les valeurs de la République, c'est irresponsable dans le contexte, et le rôle de tous ceux qui ont une responsabilité publique, qu’ils soient maires, qu’ils soient ministres, qu’ils soient parlementaires, c'est de comprendre qu’aujourd'hui on a besoin davantage d’éthique de la responsabilité que de provocations irresponsables.

Jean-François ACHILLI

Message en direction, donc, de Robert MESNARD. Vous avez vécu comme un affront ce qui s’est produit à Marseille, lundi, avant votre arrivée, et celle du Premier ministre, à Marseille, ces échanges de tirs de kalachnikov, y compris en direction de policiers à la cité de la Castellane.

Bernard CAZENEUVE

Il y a un proverbe chinois dont il faudrait s’inspirer davantage, quand on regarde…

Jean-François ACHILLI

Ah ?

Bernard CAZENEUVE

Oui, c'est : quand le sage montre la lune, certains observateurs regardent le doigt.

Jean-François ACHILLI

Où est le bout de doigt ?

Bernard CAZENEUVE

Qu’est-ce qui se passe à Marseille ? Nous avons enclenché une action extrêmement forte de lutte contre la délinquance, des moyens supplémentaires, 500 policiers en deux ans, la mise en place d’un préfet de police, la mise en place de deux zones de sécurité prioritaires, qui mobilisent tous les moyens de l’Etat pour lutter contre les trafics et notamment le trafic de drogue, dans les quartiers. Quel est le résultat de cette politique ? Nous avons une diminution de plus de 30 % des vols à main armée, nous avons une diminution des violences crapuleuses de près de 29 %, nous avons une diminution des cambriolages, et nous avons une diminution des trafics, par une intensification de l’action de l’Etat. Je prends des exemples concrets, nous avons saisi à Marseille, en 2014 , près de 2 millions de tonnes de drogue, nous avons saisi à Marseille près de 6 millions d’actifs sur les trafiquants de drogue, donc par conséquent nous sommes dans une action qui réduit le périmètre des trafiquants, qui conduit ces derniers, parce que le périmètre est réduit, à s’opposer les uns aux autres, et nous irons jusqu’au bout de cette logique, c'est-à-dire que nous éradiquerons toutes les filières du trafic à Marseille, de façon résolue.

Jean-François ACHILLI

Alors, 84 % des Français ont une bonne opinion de leur police, selon ce sondage Odoxa pour l’Express, il faut y voir sans doute l’effet 11 janvier. Bernard CAZENEUVE, première question, est-ce que ça va durer ? Et puis en même temps il y a les affaires, notamment du 36 Quai des Orfèvres, ça c'est pas très bon pour la police.

Bernard CAZENEUVE

Non, ne mélangeons pas tout. Ce que les Français ont dit à travers ce sondage et ce qu’ils ont dit depuis le 11 janvier, c'est la reconnaissance immense qu’ils ont à l’égard des forces de l’ordre…

Jean-François ACHILLI

Ça va durer, ça ?

Bernard CAZENEUVE

… en raison du travail fait par ces forces de l’ordre, dans un contexte de risque maximal, et je veux remercier à votre antenne, du fond du cœur, les forces de l’ordre pour le travail qu’elles font, et leur exprimer ma reconnaissance. Elles s’exposent tous les jours, lorsqu’elles font des gardes à proximité d’organes de presse, de lieux de cultes, de grandes institutions, dans un contexte de danger extrême. Les Français en ont conscience, ils savent que des policiers s’exposent tous les jours, dans leur sécurité, pour assurer la défense des valeurs de la République, ça suscite cette adhésion et c'est très bien ainsi. Il peut y avoir des manquements dans la police, comme dans toute communauté humaine, lorsqu’il y a des manquements…

Jean-François ACHILLI

A la PJ, là.

Bernard CAZENEUVE

Et lorsqu’il y a des manquements, que les jugent enquêtent, il doit être pris des mesures, c'est ce que j’ai fait, dans l’attente des résultats des investigations judiciaires, parce que ceux qui sont en situation de responsabilités dans la police, doivent être par la force des choses, absolument irréprochables.

Jean-François ACHILLI

Vous dites ça sur un ton très calme, mais ça vous énerve, ça, cette histoire du 36 Quai des Orfèvres, ou pas ?

Bernard CAZENEUVE

Chaque manquement m’agace, oui, je vous le confirme, mais en même temps on doit respecter les principes.

Jean-François ACHILLI

Vous allez faire le ménage ?

Bernard CAZENEUVE

Il y a une enquête qui est en cours, cette enquête donnera des résultats. Avant même que cette enquête ne donne des résultats, parce qu’il ne peut pas y avoir la moindre suspicion, j’ai suspendu ceux qui étaient en fonction, et même si je dois aussi dire à votre antenne, parce qu’il faut être juste, que ceux qui ont été suspendus étaient de grands professionnels, qui ont notamment, au moment des attentats, joué un rôle important et qui a montré ce qu’était leur professionnalisme. Mais sauf qu’il y a une suspicion à un manquement, possible, il doit y avoir des mesures, et par ailleurs je n’accepterai, je le dis très clairement, aucun manquement, donc sur la préfecture de police, un nouveau directeur va être nommé, il aura de ma part une lettre de mission extrêmement précise, et qui s’articulera autour d’un mot et un seul : la rigueur la plus grande.

Jean-François ACHILLI

Un mot sur l’affaire révélée par le Canard Enchainé, Bernard CAZENEUVE, cette affaire qui a quelque chose de très ironique, sans doute pas pour l’intéressé, d’ailleurs, est-ce que vous allez naturaliser, vous savez, Stéphane TIKI, président démissionnaire désormais des Jeunes UMP, de nationalité camerounaise, et aujourd'hui sans papiers ?

Bernard CAZENEUVE

On est dans un état de droits, ce n'est pas le fait du prince, ce n'est pas le ministre de l’Intérieur qui, le matin, regarde les dossiers et en fonction du profil de la personne…

Jean-François ACHILLI

Les Jeunes socialistes le demandent, j’ai vu ça sur…

Bernard CAZENEUVE

D'accord, mais moi je suis ministre de l’Intérieur, et j’ai cessé d’être jeune depuis quelques années et je dois être responsable. Donc par conséquent, mon rôle à moi c'est de faire en sorte que les règles de la République soient appliquées, rigoureusement. Si le jeune garçon, TIKI, peut être intégré à la nationalité française, s’il peut être régularisé, il n’y a aucune raison de ne pas le faire, dans le respect du droit. Si les règles de droit ne le permettent pas, je ne pourrais pas le faire, en contravention avec les règles dont je suis chargé de l’application. C'est ça la République, c'est le droit, d’abord le droit, surtout le droit, toujours le droit.

Jean-François ACHILLI

Vous avez 5 secondes. On rend hommage à un flic célèbre qui a tiré sa révérence, NAVARRO, il a fait du bien à la police, celui-là ?

Bernard CAZENEUVE

C'est en tous les cas, un remarquable acteur, qui incarnait bien à l’écran, la police sympathique.

Jean-François ACHILLI

Merci à vous Bernard CAZENEUVE.

Fabienne SINTES

Merci beaucoup.


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