Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, concernant le rapprochement Forces de sécurité/Population, prononcé au Centre loisir jeunesse de la Police nationale du quartier de Montreynaud - Saint-Etienne – 8 juin 2015.
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports,
Madame la Secrétaire d’État en charge de la Ville,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Maire,
Monsieur le vice-président du Conseil départemental,
Monsieur le Procureur,
Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord, je veux vous dire que je suis très heureux de revenir ici même, dans le quartier de Montreynaud, où je suis déjà venu une première fois, il y a un peu de moins de deux ans. A l’époque, j’étais ministre du Budget, et j’avais eu le plaisir de visiter une entreprise locale d’équipements sportifs, « BV Sports », qui fonctionnait très bien, notamment à l’international. Je me souviens que cette entreprise se voulait citoyenne et s’efforçait de faire vivre le tissu économique local en employant des jeunes du quartier.
Aujourd’hui, si je reviens, cette fois investi d’une nouvelle fonction, celle de ministre de l’Intérieur, c’est toujours avec la volonté de développer le lien social : que le vivre-ensemble ne soit pas un slogan, mais bien une réalité. Les efforts entrepris au quartier de Montreynaud sont exemplaires de cette ambition qui nous concerne tous. La présence de trois ministres aujourd’hui le démontre assez, je crois.
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La police, et d’une manière générale les forces de sécurité, doivent nouer des rapports de confiance avec la population. Ce n’est pas seulement une question d’efficacité et de respect de la déontologie : plus profondément, il y a là un véritable enjeu de citoyenneté. Pour nos concitoyens, les policiers ne doivent pas seulement être des silhouettes en uniforme, ou bien aperçues trop rapidement dans une voiture banalisée. Les clichés doivent tomber.
Notre Police est éminemment républicaine : elle est la gardienne de nos libertés et de nos valeurs les plus fondamentales. Les Français le savent bien, ils savent que les policiers et les gendarmes les protègent au quotidien comme face à l’exceptionnel, parfois au péril de leur propre vie. Ils le savent et leur en sont reconnaissants, comme l’ont montré, le 11 janvier dernier, les émouvantes marques de sympathie et de gratitude qu’ils ont adressées aux forces de l’ordre qui avaient été frappées au cœur par les terroristes.
N’oublions jamais que les 7 et 8 janvier, trois policiers ont été lâchement abattus au simple motif qu’ils étaient policiers. Les Français ne l’ont pas toléré. Croyez-moi, les forces de l’ordre dans leur intégralité – comme d’ailleurs l’ensemble du ministère de l’Intérieur – ont été profondément touchées par l’expression de cette reconnaissance, les pancartes « Je suis flic », « Je suis Ahmed », « Je suis Clarissa », « je suis Franck ».
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Dans ce contexte, la question des relations entre la population et les forces de police est bien sûr l’une de mes priorités, en tant que ministre de l’Intérieur.
Comme je vous le disais, notre Police est républicaine. Mais elle doit être aussi « citoyenne », au sens où elle doit aller au-devant des Français, leur parler, nouer des contacts quotidiens avec eux, être à leur écoute. La répression ne fait pas tout, et les policiers sont les premiers à le vivre et à le savoir.
Des initiatives pour aller en ce sens sont prises au niveau ministériel. Certaines sont inédites. D’autres ont déjà fait leurs preuves. A cet égard, pour le ministre de l’Intérieur que je suis, il est important de venir constater, sur le terrain, la façon dont ces différentes mesures sont mises en œuvre, comme ici dans la Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP) de Saint-Etienne.
Que les représentants de l’ordre entretiennent de bonnes relations avec la population n’implique d’ailleurs pas, de leur part, une vigilance ou une exigence moindre : leur mission est bien de garantir la sécurité des Français sur l’ensemble du territoire et de faire respecter la loi de la République. Mais, justement, une confiance mutuelle entre les forces de l’ordre et la population contribue grandement à la réussite de cette mission. Pour anticiper sur les difficultés qui peuvent naître, et non seulement réagir aux événements, la police doit en effet connaître l’environnement dans lequel elle intervient, et par là même entretenir un dialogue constant avec nos concitoyens.
La ZSP de Montreynaud est exemplaire de cette exigence et de cette ambition. Je rappelle que la délinquance s’enracine souvent dans les quartiers où vivent les personnes les plus modestes et où se concentrent toutes les détresses sociales. C’est la raison pour laquelle la stratégie globale et volontariste que nous avons mise en place à partir de 2012 repose sur des partenariats étroits entre les différents services de l’État et l’ensemble des acteurs locaux. C’est cette méthode inédite, incarnée par le dispositif des Zones de sécurité prioritaire (ZSP), qui inspire notre action, à Saint-Etienne comme partout en France.
Et les résultats sont là. Sur les 4 premiers mois de 2015, les atteintes aux biens ont diminué de 10 % ; et même de 76 % pour les cambriolages, par rapport à l’année dernière. Un effort reste à faire pour les atteintes à l’intégrité des personnes, qui suivent une tendance inverse, mais qui, heureusement, restent maîtrisées en valeur absolue – 30 faits depuis le début de l’année, soit 3% des faits recensés sur l’ensemble de la CSP de Saint-Etienne.
Les dispositifs qui ont fait leurs preuves, Patrick Kanner, Myriam El Khomri et moi-même avons demandé aux Préfets de poursuivre leur mobilisation sur le terrain et de les faire mieux connaître.
Ce sont par exemple les délégués à la cohésion police-population : au nombre de 80 sur l’ensemble du ressort de la police nationale, souvent anciens fonctionnaires devenus réservistes, ils vont à la rencontre des habitants et créent le lien entre eux et les institutions. Je salue particulièrement ceux de Saint-Etienne qui sont avec nous, et qui tiennent des permanences régulières au cours desquels chacun a la possibilité d’aller les rencontrer pour exposer ses difficultés ou ses propositions, en toute confidentialité.
Des effectifs de police et de gendarmerie ont également pour mission à temps plein d’accompagner la population, notamment les plus jeunes, par des actions de prévention : chez les gendarmes, et cela existe ici dans la Loire, ce sont les brigades de prévention de la délinquance juvénile, qui interviennent au sein des établissements scolaires ou des quartiers prioritaires.
Pour les plus jeunes également, les Centres loisirs jeunesse : s’ils proposent des activités de loisir, ils ont toujours pour ambition de les associer à une éducation à la citoyenneté et au respect des valeurs de la République, en partenariat avec les acteurs locaux, collectivités, associations ou services de l’État. Nous en avons un bel exemple ici, à Montreynaud, où l’encadrement est assuré par des policiers dont l’engagement est remarquable. Il en existe une trentaine sur notre territoire national, certains sont saisonniers, de façon à ce que cette vocation ne s’arrête pas avec les beaux jours, lorsque ceux qui le peuvent partent en vacances : bien au contraire, ce sont 7 778 jeunes qui ont bénéficié d’activités durant la saison estivale 2014.
Rentrer dans une énumération de ces dispositifs serait fastidieux. Je souhaite toutefois évoquer également le dispositif des classes préparatoires intégrées aux écoles de formation de la police et de la gendarmerie, qui permettent à des jeunes qui n’étaient pas prédestinés, par leur origine sociale ou géographique, à pouvoir se consacrer à la sécurité de nos concitoyens, lorsqu’ils en ont la vocation, à de hauts niveaux de responsabilité. Ces classes donnent de bon résultats : à l’école d’officiers et de commissaires de police, depuis 2005, 304 élèves ont pu bénéficier de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique et accéder aux infrastructures pédagogiques et à l’internat ; 67 % d’entre eux ont réussi un concours de catégorie A ou B de la fonction publique. Ce taux s’élève à 87 % pour les 56 élèves qui ont suivi, au cours de ces quatre dernières années, la classe préparatoire intégrée de l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale. Il n’est d’ailleurs pas obligatoire, pour rejoindre les rangs de la police ou de la gendarmerie nationales, d’être couvert de diplômes : leur vocation, leur loyauté et leur engagement sont les qualités qui permettent chaque année à 900 jeunes de 18 à 30 ans en rupture avec les cursus scolaires traditionnels d’intégrer les « cadets de la République », de devenir policiers tout en recevant une formation en alternance. Les gendarmes adjoints volontaires et les adjoints de sécurité de la police nationale sont également recrutés sans condition de diplôme. Tous ces jeunes ont ensuite des perspectives : 51 % des cadets de la République réussissent le concours de gardien de la paix, de catégorie B.
Enfin, certaines mesures nouvelles méritent d’être rappelées, comme l’ouverture de plateformes en ligne où les particuliers peuvent, depuis 2013, signaler des manquements déontologiques directement aux inspections générales de la police et de la gendarmerie. C’est la même exigence d’amélioration des relations entre le représentant de l’ordre et la population qui a conduit au déploiement des caméras piétons à partir de juin 2012, particulièrement au sein des ZSP, comme ici à Saint-Etienne.
La formation initiale et continue des policiers et des gendarmes s’adapte également : ils sont formés à l’accueil du public et à la prise en compte de ses attentes, et ceux qui sont affectés en ZSP bénéficient d’une formation ad hoc. Ainsi, dans la Loire, le Centre départemental des stages et de la formation de la police a mis en place une sensibilisation pour les policiers nouvellement affectés au quartier où nous nous trouvons.
En complément des initiatives du Gouvernement, il y a aussi celles qui viennent du terrain, des associations, des collectivités territoriales, des services de l’État local. C’est dans cette perspective qu’a été lancé l’appel à projets, dont Myriam El Khomri a parlé, pour lequel 1 million d’euros supplémentaires seront consacrés au cours de l’année à soutenir des actions visant à développer le dialogue entre les jeunes et les forces de sécurité de l’Etat, à modifier les comportements des jeunes vis-à-vis d’elles et à leur faire connaître leur action.
Un autre dispositif qui nous tient à cœur, à Patrick Kanner, Myriam El Khomri et moi-même, celui des intervenants sociaux en commissariats et gendarmeries. Ils sont aujourd’hui 3 dans la Loire, bientôt 4, et 241 sur tout le territoire. La convention que je viens de signer avec la Présidente de leur association nationale conforte l’aide financière du ministère de l’Intérieur. Il était important de le faire en présence de trois membres du Gouvernement, car cela marque la reconnaissance à l’égard d’un dispositif pour lequel mon prédécesseur s’était engagé, par une convention interministérielle avec leur ministère en 2013, à doubler les effectifs d’ici 2017. Le chemin en est pris.
L’utilité et la qualité de l’action de ces intervenants sociaux, ne sont plus à démontrer : dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, ils écoutent, accompagnent et orientent les victimes ou les mis en cause, au-delà de ce que peuvent faire policiers et gendarmes. C’est d’ailleurs grâce à eux que sont connues beaucoup de situation personnelles et familiales dramatiques, car elles émergent au moment du dépôt d’une plainte ou d’une main courante, sans que les services sociaux aient toujours été préalablement informés.
Dans le contexte actuel, où de trop nombreuses familles sont confrontées à la radicalisation, voire au départ vers des zones de conflit d’un de leurs enfants, et se trouvent démunies, sans savoir vers quel interlocuteur se tourner, la présence des intervenants sociaux en commissariats et gendarmeries est rassurante.
Ceci est rendu possible par un partenariat fort avec les collectivités locales, Départements, communes ou leurs groupements, qui cofinancent les coûts afférents, en particulier les salaires, avec l’État. Je remercie tout particulièrement le Conseil départemental de la Loire à cet égard.
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Les bonnes relations entre nos concitoyens et ceux qui ont pour mission d’assurer leur sécurité, mais aussi tout autre mission de service public, sont donc au cœur de nos préoccupations. De part et d’autre, ce qui est attendu, c’est le respect. « Respect » est d’ailleurs l’impératif que vous verrez apparaître sur vos écrans en conclusion du film qui sera diffusé sur les réseaux sociaux, plus particulièrement à destination des plus jeunes, tout au long du mois de juin. Ce film met en scène des jeunes et des sapeurs-pompiers, mais cela aurait pu être des policiers, des gendarmes, des enseignants ou d’autres agents publics, car c’est le Gouvernement tout entier qui porte cette campagne. L’action qui s’y déroule est l’image de ce que nous souhaitons comme guide pour les relations entre les agents du service public et la population, le respect.
Je sais aussi que les services de police sont d’autant plus disponibles et à l’écoute qu’ils disposent des moyens, en équipement comme en effectifs, qui leur permettent d’agir sur les deux fronts : la répression comme la prévention.
Les services de police et de gendarmerie ont souffert de choix antérieurs qui ont fait disparaître plus de 13.000 postes entre 2007 et 2012. Ce Gouvernement a mis un terme à cette orientation en remplaçant les départs à la retraite postes pour postes et en créant chaque année 500 nouveaux emplois, sans compter les efforts exceptionnels décidés en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Plus de 1400 postes seront créés entre 2015 et 2015 à ce seul titre.
Pour autant, je suis attentif à la situation des effectifs départementaux de la sécurité publique dans la Loire, qui demeure tendue.
Aussi, entre le mois de mai dernier et le mois d’octobre prochain, 16 arrivées nettes de personnels viendront grossir les effectifs de police dans le département, dont 12 pour la seule sécurité publique, et 8 pour la circonscription de St-Etienne.
Nous rattrapons ainsi, mois après mois, les pertes d’effectifs d’hier, au prix d’efforts importants pour une priorité affirmée du Gouvernement : la sécurité des Français !
Fin octobre toutefois, ce rattrapage ne sera pas totalement achevé par les seuls mouvements annuels de mutation et j’ai demandé au directeur général de la police nationale de tout mettre en œuvre pour permettre à la DDSP de la Loire d’atteindre l’effectif de référence qui lui est dévolu et dont nous serons alors proches (moins d’une dizaine d’écart). Les sorties d’école très significatives de la fin de l’année devrait nous aider à combler cet ultime déficit.
Je vous remercie.