07.06.2015 - Commission consultative des polices municipales

8 juillet 2015

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, Ministre de l’Intérieur devant la Commission consultative des polices municipales - Hôtel de Beauvau


Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,
Mon Général, Directeur général de la Gendarmerie nationale,
Monsieur le Préfet, Délégué aux Coopérations de sécurité,
Monsieur le Député-Maire, Président de la Commission consultative des Polices municipales,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Monsieur le Directeur des Libertés publiques et des Affaires juridiques,
Messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir pour la deuxième fois au ministère de l’Intérieur à l’occasion de cette réunion de la Commission consultative des Polices municipales. Une telle rencontre a déjà eu lieu ici même le 26 janvier dernier, au lendemain des tragiques attentats qui ont endeuillé notre pays et nos forces de sécurité, notamment la police municipale – je pense bien sûr à la jeune Clarissa JEAN-PHILIPPE, tombée sous les balles d’un terroriste le 8 janvier à Montrouge, alors qu’elle accomplissait son devoir.
A mes yeux, c’est un symbole fort que la Place Beauvau accueille de telles réunions. En effet, c’est côte à côte que les policiers nationaux, les gendarmes et les policiers municipaux luttent sur le terrain contre la délinquance. C’est ensemble, de façon complémentaire, qu’ils garantissent la sécurité et la tranquillité auxquelles ont droit nos concitoyens en tout point du territoire. Enfin, et malheureusement, c’est ensemble que parfois ils tombent sous les balles des mêmes criminels, telles Clarissa JEAN-PHILIPPE, mais aussi Aurélie FOUQUET, assassinée le 20 mai 2010 à Villiers-sur-Marne par un commando de braqueurs.
Face à la violence, à la délinquance et à la criminalité, les policiers nationaux, les gendarmes et les policiers municipaux sont donc tous en première ligne. C’est la raison pour laquelle la police municipale est chez elle au ministère de l’Intérieur, ce ministère qui est la maison commune de tous les républicains et de tous ceux dont la mission consiste à protéger les Français et à défendre l’Etat de droit.

Aussi, je veux vous remercier de votre présence aujourd’hui : le président – Christian ESTROSI – et les élus de la Commission consultative, bien sûr, dont je tiens à saluer le travail important qu’ils ont réalisé tout au long de l’année 2014, notamment au sujet de la formation des policiers municipaux. Je salue également l’Association des Maires de France et son président, François BAROIN, qui ont accompagné ces travaux. Je salue enfin l’ensemble des maires qui ont choisi de doter leur ville d’une police municipale, et l’ensemble des organisations syndicales qui représentent les policiers municipaux, dont elles défendent les intérêts avec beaucoup de rigueur et de détermination.

Si la sécurité de nos concitoyens est avant tout une mission de l’Etat – et celui-ci assume pleinement ses responsabilités – je sais aussi combien est important le rôle joué par nos polices municipales dans leurs missions de prévention, de présence dissuasive, de médiation ou bien de répression. Je sais aussi à quel point sont efficaces les partenariats qui lient entre elles les polices municipales et les forces nationales de police et de gendarmerie.
Je veux donc profiter de l’occasion qui nous réunit aujourd’hui pour redire à tous les policiers municipaux de France, ainsi qu’aux gardes-champêtres et aux agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qu’ils ont toute ma confiance et toute ma reconnaissance pour leur engagement au service des Français. Leur proximité avec la population et leur connaissance du terrain sur lequel ils interviennent sont en effet des atouts précieux. Aux côtés des policiers nationaux et des gendarmes, ils sont ainsi des acteurs décisifs de la relation de confiance qui doit lier les Français à leurs forces de sécurité. Je n’ignore pas non plus bien sûr les difficultés qu’ils doivent affronter, les risques auxquels ils s’exposent avec courage.

La police municipale, c’est une identité spécifique qu’il convient de défendre et de valoriser. C’est une noble vocation, au plus près de nos concitoyens, et c’est, malgré la diversité des situations locales, un engagement commun à tous ses agents, qui agissent dans le même cadre législatif et réglementaire, portent le même uniforme sur l’ensemble du territoire, et reçoivent la même formation nationale. En outre, les polices municipales et leurs représentants syndicaux disposent désormais d’un interlocuteur direct au sein du ministère de l’Intérieur – je veux bien sûr parler du Délégué aux coopérations de sécurité, Thierry COUDERT, que j’ai chargé de coordonner l’action ministérielle en la matière et de me rendre compte de vos attentes et de vos difficultés. Je tiens également à saluer la forte implication de la Direction des Libertés publiques et des Affaires juridiques (DLPAJ) dans la modernisation des polices municipales.
Nous sommes donc engagés dans un processus d’harmonisation des polices municipales qui respecte leur identité propre et leurs spécificités dans notre dispositif global de sécurité. Car leur grande force réside bien dans leur adaptation aux contextes locaux, aux besoins de la population et à la stratégie définie par chaque municipalité. Je crois que, de ce point de vue, nous avons trouvé le juste équilibre, respectueux à la fois de la libre administration des collectivités territoriales et du rôle de l’Etat qui accompagne les élus dans le développement de ces forces locales. C’est ainsi que nous pourrons d’ailleurs garantir une complémentarité efficace entre celles-ci et les forces nationales de sécurité. Il n’est donc pas nécessaire, à mes yeux, d’aller plus loin dans l’uniformisation des polices municipales, ce qui serait en effet contradictoire avec leur raison d’être, avec leur fonctionnement et au fond avec leur identité même.

Le 26 janvier dernier, après les échanges très riches que nous avions eus ici même, j’avais pris devant vous plusieurs engagements, dont certains étaient particulièrement ambitieux. Ces engagements ont tous été tenus, soit qu’ils ont déjà trouvé une traduction concrète, soit qu’ils sont sur le point d’être finalisés. L’ensemble des directions concernées du Ministère se sont pleinement mobilisées, et je les en remercie. En effet, la plupart de ces mesures étaient évoquées depuis maintenant plusieurs années, sans que la moindre décision ne fût prise pour les concrétiser. Trop longtemps, les gouvernements successifs – de tous bords – ont tergiversé, il faut avoir l’humilité de le reconnaître. Il était grand temps d’avoir enfin le courage de prendre les décisions qui s’imposaient, notamment pour assurer la sécurité des hommes et des femmes qui s’engagent dans la Police municipale. Des fonds conséquents ont été débloqués, qui marquent bien le volontarisme de l’Etat en la matière.

J’ai ainsi décidé, dans le respect des prérogatives des maires et de la diversité des situations locales, de renforcer les moyens dont disposent les policiers municipaux pour assurer leurs missions, améliorer leurs conditions de travail et garantir leur protection, dans un contexte où, comme nous l’ont montré les tragiques événements de janvier, porter un uniforme de policier sur la voie publique constitue désormais une véritable prise de risque.
Nous consolidons ainsi leur formation initiale et continue. Je souhaite ainsi notamment que la formation préalable au port des armes de catégories D soit rendue obligatoire – un projet de décret sera soumis aux instances de consultation en septembre. Une doctrine nationale de l’emploi des équipes cynophiles doit également être arrêtée pour que nous puissions élaborer une formation adéquate. Un document cadre est en train d’être finalisé sur ce sujet. Parallèlement, nous renforçons la coordination avec les services de police nationale et les unités de gendarmerie, ainsi que le partage d’information ou encore l’accès aux informations contenues dans certains fichiers qui sont utiles à l’action quotidienne des policiers municipaux.

Une meilleure coordination permettra non seulement une plus grande efficacité sur le plan opérationnel, mais aussi une sécurité accrue des agents eux-mêmes, grâce au déclenchement d’alertes générales en cas d’agression. L’Etat subventionne ainsi à hauteur de 30% l’achat de postes de radio par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et organise la mise en place de ces nouveaux dispositifs techniques. Le 14 avril dernier, j’ai d’ailleurs adressé une note aux préfets afin d’en fixer les modalités. Les maires qui souhaitent que leur commune bénéficie de l’interopérabilité des réseaux de radiocommunication peuvent maintenant s’adresser directement au Service des Technologies et des Systèmes d’Information de la Sécurité Intérieure pour qu’une expertise technique soit conduite.

Par ailleurs, comme je le disais, les policiers municipaux pourront avoir un accès direct aux informations contenues dans certains fichiers nationaux tels que le fichier des véhicules volés (FVV) – c’est déjà le cas – ou bien le Système d’immatriculation des véhicules (SIV), ou encore le Système national des Permis de conduire (SNPC). Pour ces deux derniers cas, les projets de modification des décrets et les dossiers techniques de mise en œuvre ont été adressés pour avis à la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), et nous avons d’ores et déjà saisi le Conseil d’Etat.
Par ailleurs, la CNIL a rendu un avis favorable pour un accès direct des policiers municipaux au nouveau fichier – que l’Agence nationale de Traitement automatisé des Infractions (ANTAI) est en train d’élaborer – des immatriculations susceptibles d’être usurpées ou erronées. Cette option devrait être effective dès septembre 2015.

De telles autorisations montrent que l’Etat fait confiance aux policiers municipaux pour lutter contre la délinquance. C’est la raison pour laquelle le ministère, avec l’ANTAI et l’Agence nationale des Titres sécurisés (ANTS), met tout en œuvre pour surmonter les difficultés juridiques et techniques qui ne manquent pas de se poser, comme vous le savez.

Surtout, désormais, l’Etat aide les municipalités et les EPCI qui en font la demande à doter leurs policiers de gilets pare-balles et d’armes de poing pour qu’ils puissent se défendre lorsqu’ils sont attaqués. L’Etat finance ainsi – depuis la circulaire du 13 mars – l’achat des gilets pare-balles jusqu’à hauteur de 50%, grâce à une augmentation spécifique de 2,4 millions d’euros des ressources dont dispose le Fonds interministériel de Prévention de la délinquance (FIPD). A ce jour, 81 départements ont sollicité le financement de 8 127 gilets pare-balles au profit de 206 communes.

Par ailleurs, je rappelle que, selon le décret du 29 avril, l’Etat met gracieusement à disposition des collectivités qui le souhaitent des armes de poing pour leurs policiers municipaux, dans la limite du stock de 4 000 armes disponibles. A cet égard, nous respectons strictement le principe intangible de libre administration des collectivités territoriales : la décision d’armer leurs agents revient aux municipalités elles-mêmes, qui doivent prendre contact avec les préfets, auxquels j’ai adressé une instruction le 29 mai dernier. Normalement, les premières armes pourront être mises à disposition en septembre prochain.

Les engagements pris en janvier ont donc bien été tenus. Je n’oublie pas les avancées statutaires et indemnitaires auxquelles vous tenez. Des évolutions importantes ont eu lieu ces dernières années, et nous aurons l’occasion, dans les mois qui viennent, d’en parler en détail.
Le maire de Cherbourg-Octeville que j’ai été sait à quel point les polices municipales jouent un rôle décisif pour contribuer, aux côtés de la police nationale et de la gendarmerie, à garantir la sécurité de nos concitoyens. Au fil des années, leur importance s’est même accrue dans bien des villes de France. A ce titre, elles méritent notre reconnaissance et notre gratitude. Elles méritent surtout qu’on leur donne les moyens d’accomplir leurs missions de la façon la plus efficace possible et dans les meilleures conditions qui soient. Voilà pourquoi, ces six derniers mois, j’ai lancé les réformes que je viens de vous présenter – réformes qui depuis trop longtemps dormaient dans des cartons, au détriment de l’action menée par les polices municipales.

Devenu ministre de l’Intérieur, je n’ai donc pas changé d’avis et j’entends bien demeurer fidèle au constat que je faisais lorsque j’étais moi-même un élu local, tant il est vrai qu’aujourd’hui les polices municipales constituent un acteur majeur de la sécurité des Français.
Je vous remercie.