06.11.2015 - Saint-Ouen - Premier bilan de l’action menée contre les trafics de stupéfiants

6 novembre 2015

Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, devant les élus et les fonctionnaires de police et des douanes.


Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le Préfet de la Seine-Saint-Denis,
Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le Vice-Président du Conseil régional,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les Directeurs,
Messieurs les chefs des services de l’Etat,
Madame la Commissaire de Police,
Mesdames et Messieurs,

Il y a un mois, j’étais aux côtés des policiers du commissariat de Saint-Ouen et de la BAC de Saint-Denis après qu’un des leurs, le brigadier Yann SAILLOUR, avait été très grièvement blessé sur l’Ile-Saint-Denis, lors de l’interpellation de deux criminels en fuite qui venaient de braquer un entrepôt de bijouterie à Saint-Ouen. Je souhaite d’ailleurs que nous ayons tous, aujourd’hui, une pensée pour ce policier exemplaire, dont les jours ne sont heureusement plus en danger, ainsi que pour sa famille et pour ses proches, qui ont vécu au cours des dernières semaines, comme vous vous en doutez, des moments très difficiles, très douloureux. Je me rends moi-même très régulièrement au chevet de Yann SAILLOUR, pour lui porter le témoignage de la reconnaissance et du soutien de la grande famille du ministère de l’intérieur, bouleversée par ce drame et résolument à ses côtés.

Je sais que tous, vous faites preuve, au quotidien comme dans les interventions exceptionnelles, d’un très grand professionnalisme et d’un courage admirable. Je sais qu’à Saint-Ouen, comme dans l’ensemble du district, vous travaillez dans des conditions particulièrement difficiles. Nous menons – VOUS menez – une lutte de longue haleine contre la délinquance et la criminalité, ici comme partout en France. Car, en matière de délinquance, vous le savez mieux que quiconque, il ne faut jamais rien lâcher, et ne jamais laisser penser que nous baissons la garde. Le rôle du Gouvernement est donc de soutenir les forces de l’ordre, de VOUS soutenir, policiers, gendarmes, mais aussi douaniers, en vous donnant les moyens de faire votre travail dans les meilleures conditions possibles.

C’est la raison pour laquelle nous avons renforcé les effectifs et les moyens en Seine-Saint-Denis, en priorité à destination des BAC du département. Depuis mi-octobre,  armements et véhicule supplémentaires vous ont été attribués, et sur le plan des effectifs, la circonscription de Saint-Ouen fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de la Préfecture de Police : depuis le début de l’année, l’effectif global des CEA est passé de 116 à 124 personnels, et 20 gardiens de la paix supplémentaires ont été affectés au commissariat de Saint-Ouen. J’ajoute que 2 autres policiers, issus de la 234ème promotion, vous rejoindront dans trois jours.

Ces effectifs vont bien sûr renforcer notamment la lutte puissante et opiniâtre que nous menons ici contre les trafics de stupéfiants et contre la délinquance qu’ils génèrent.

Il y a cinq mois, l’Etat a en effet lancé, dans le prolongement des dispositifs déjà mis en place, un vaste plan pour lutter contre ce type spécifique de criminalité. Aujourd’hui, le moment est venu de tirer un premier bilan de cette action, qui a vocation à s’approfondir dans le temps, dans la mesure où les premiers résultats que nous avons obtenus sont encourageants. Pour atteindre le maximum d’efficacité, les phénomènes délinquants doivent être traités dans la durée, sur la voie publique comme en matière d’investigations, et c’est ainsi que nous procédons, ici comme ailleurs.

Depuis des années, la commune de Saint-Ouen et ses habitants souffrent de la présence endémique d’une délinquance liée aux trafics de drogue. A tel point que certains quartiers de la ville constituent désormais une plaque tournante des trafics de résine et d’herbe de cannabis en provenance du Maroc et des Pays-Bas. Se sont ainsi enkystés, au fil du temps, des lieux d’approvisionnement privilégiés pour des consommateurs issus de quartiers plus favorisés et venus se fournir depuis tout le département, mais aussi depuis Paris et les Hauts-de-Seine. Ces trafics empoisonnent la vie des habitants et contribuent à la dégradation de l’ordre et de la tranquillité publics. Une telle situation d’insécurité est tout simplement intolérable. Il était plus que temps de s’y attaquer d’une façon puissante et opiniâtre.

Comme je le disais, les résultats que nous avons – que vous avez – obtenus jusqu’à présent sont particulièrement encourageants, et je veux vous en féliciter. Depuis le mois de mai dernier, 1 316 personnes ont été interpellées, dont 523 ont été placées en garde à vue. Parmi elles,  123 ont été déférées devant la justice et 30 ont été écrouées. Parmi les 1 316 interpellés, 881 l’ont été pour infraction à la législation sur les stupéfiants, dont 732 acheteurs, 94 vendeurs, 29 guetteurs et 3 livreurs.

Par ailleurs, plus de 39 kg de cannabis ont été saisis, ainsi que 41 439 euros en avoirs criminels et plusieurs armes (notamment 1 kalachnikov, 6 pistolets automatiques, 1 fusil).

Depuis la mise en place du dispositif, aucun coup de feu ni blessé par balle n’a été déploré. Aucun règlement de compte n’a eu lieu. Quant aux stations de métro emblématiques « Mairie de Saint-Ouen » et « Garibaldi », où de nombreux deals ont lieu, leur physionomie a nettement changé en raison de la présence policière massive qui a fait fuir les vendeurs et les consommateurs.

Je veux d’ailleurs profiter de ma venue aujourd’hui pour saluer la très « belle affaire » réalisée par la DSPAP dans la ZSP de Saint-Denis : 14 personnes ont été interpellées, plus d'un kilo d'héroïne, plus de 200 grammes de cocaïne et 1kg de résine de cannabis ont été saisis, ainsi que 164 000 euros d’avoirs criminels.

De tels résultats sont d’abord le fruit d’une méthode adaptée et innovante, que nous renforçons progressivement depuis trois ans dans le département. Dès le mois de septembre 2012, nous avons ainsi créé la Zone de Sécurité prioritaire (ZSP) de Saint-Ouen, qui regroupe désormais les cités de Soubise-Dahlenne, Cordon, le 8 mai 1945, Schmidt, Arago-Zola-Payret et, depuis le 1er janvier 2014, la cité des Boute-en-Train, où d’importantes saisies d’armes et de stupéfiants avaient alors été réalisées.

C’est la même détermination qui a présidé à la mise en place, au mois de mai dernier, après une série de tentatives d’homicide par arme à feu et de règlements de compte entre bandes rivales, d’un plan spécifique venu renforcer nos moyens de lutte contre les trafics, dans toutes leurs dimensions. J’ai souhaité en effet que nous intervenions sur tous les maillons de la chaîne et que nous ciblions aussi bien les trafiquants que les consommateurs.

Car, contre cette gangrène, la clé de l’efficacité réside avant tout dans le renouvellement de nos méthodes et dans l’action conjointe et coordonnée des différentes forces de sécurité, sous l’autorité du Préfet de Police et du préfet de Seine-Saint-Denis, en lien avec les autres services de l’Etat concernés, notamment les services des douanes, l’Education nationale et les services sociaux. Mais aussi en partenariat étroit et confiant avec les collectivités locales, le monde associatif et l’ensemble des acteurs publics et privés. Tous partagent le même objectif.

Dans la continuité de la « méthode ZSP », nous avons donc décidé de mettre en œuvre la même « approche globale », cohérente et novatrice dans la lutte contre les trafics, que celle qui a permis de ramener le calme dans plusieurs quartiers marseillais. Nous menons ainsi des actions de long terme, destinées à éradiquer le trafic et à reconquérir les quartiers les uns après les autres, en lien avec les différents acteurs concernés. Notre méthode consiste à identifier avec précision les lieux de trafics, les trafiquants et leurs pratiques, pour ensuite passer à  la phase d’interpellation des délinquants et d’éradication des réseaux. Dans un troisième temps, par la présence de forces de police, nous luttons contre la réimplantation du trafic.

Des effectifs supplémentaires étaient évidemment nécessaires. Je m’y étais engagé en mai dernier, et ces effectifs sont aujourd’hui présents sur le territoire de la commune – j’en ai déjà dit un mot tout à l’heure, je veux y revenir  en entrant davantage dans le détail, car il s’agit d’être précis. Depuis la mise en œuvre du plan, ce sont en effet 10 830 policiers au total qui ont été engagés à Saint-Ouen, soit une moyenne de 60 policiers présents de jour comme de nuit dans la ville. Outre ses effectifs locaux, la circonscription bénéficie du renfort des effectifs du district, du département et des services la Préfecture de Police, qu’il s’agisse de la compagnie de sécurisation, de la BAC départementale, de la sûreté territoriale ou des unités motocyclistes et cynophiles. Une unité spécialement mise en place par la direction territoriale de la  sécurité de proximité (DTSP) de Seine-Saint-Denis, intervient au cœur même des cités et des voies d’accès aux points de vente. La sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT) a, quant à elle, concentré ses actions sur la sécurisation des stations de métro.

En outre, je rappelle qu’un renfort de forces mobiles – deux compagnies républicaines de sécurité et deux sections de gendarmerie mobile – participe, en cas de besoin et quand la ressource le permet, à des opérations quotidiennes de sécurisation et de contrôle de halls d’immeuble. Chaque fois que cela est possible, au vu des contraintes d’ordre public de la Préfecture de Police, la CSP de Saint-Ouen est prioritaire dans la mise à disposition de 40 CRS ou gendarmes mobiles afin de sécuriser la ville et en particulier la ZSP, dans les créneaux horaires les plus sensibles. Nous allons donc continuer d’affecter, de façon évidemment temporaire, des forces mobiles à Saint-Ouen, parce qu’elles y sont nécessaires. Il s’agit là, dans le contexte que nous connaissons (mobilisation puissante contre la menace terroriste et gestion des conséquences de la crise migratoire), d’un effort exceptionnel, mais évidemment indispensable.

Enfin, je veux également rappeler la très forte mobilisation de la police municipale de Saint-Ouen, de ses 20 policiers municipaux et 29 agents de surveillance de voie publique (ASVP). Ainsi, dans le cadre des engagements que j’ai pris relatifs à la sécurisation des policiers municipaux, la ville de Saint Ouen a demandé et obtenu le financement de gilets pare-balle ainsi que la dotation de 20 revolvers. C’est une force supplémentaire dans la lutte commune que nous menons contre les réseaux de trafiquants de drogue.

Par ailleurs, nous ciblons également les acheteurs, en aval du trafic. Des actions visibles ont été immédiatement mises en œuvre, dès le lancement du plan, sous la forme d’opérations de voie publique incluant la présence de douaniers dans les patrouilles, aux côtés des policiers. De cette façon, l’application du dispositif de transaction douanière frappe immédiatement les consommateurs « au portefeuille », avec saisie de la marchandise incriminée et paiement immédiat d’une amende importante. Nous avons donc renforcé la présence des patrouilles, ce qui était nécessaire pour que nous puissions perturber les réseaux sur le long terme.

Sur les 732 acheteurs qui ont été interpellés depuis le mois de mai, 385 ont fait l’objet d’une transaction douanière dans le cadre des opérations conjointes police-douane. Evidemment, en cas de refus, une procédure judiciaire classique est diligentée avec placement en garde à vue : les refus sont donc très rares… Une telle mesure, rapide et très dissuasive, permet donc de déstabiliser et d’entraver avec efficacité les trafics.

Dans le même esprit, le décret autorisant les OPJ à procéder à des transactions pénales a été publié le 13 octobre. Il s’agit d’une mesure d’application de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Une fois que les modalités pratiques de mise en œuvre auront été arrêtées, les OPJ pourront, avec l’autorisation du procureur de la République, par exemple en cas d’interpellation d’usagers de stupéfiants, proposer le paiement d’une amende transactionnelle à la personne incriminée. La procédure se veut simple, efficace et dissuasive afin de ne pas accroitre une charge de travail déjà conséquente dans le domaine de l’investigation. Les policiers n’auront pas à gérer les sommes d’argent puisque c’est au comptable public que reviendra cette charge. Bien appliquée cette mesure permettra aux policiers et au parquet d’apporter une réponse immédiate à des infractions, disons-le, peu poursuivies jusqu’à maintenant.

J’avais par ailleurs promis un accompagnement financier permettant l’installation d’un système de vidéosurveillance dans plusieurs quartiers de la ville. Là aussi, les promesses ont été tenues. Cinq subventions du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ont été ainsi accordées depuis le mois de juillet (trois d’entre elles viennent de l’être) pour contribuer à la sécurisation de la ZSP, dans 5 parkings souterrains qui sont autant de lieux notoires de trafics de stupéfiants, mais aussi au sein du nouveau quartier de la ZAC des Docks et aux abords de l’Hôtel de ville.

*

L’Etat est donc pleinement mobilisé pour garantir durablement la sécurité des habitants de Saint-Ouen. La population attend beaucoup de nous. Et les premiers résultats sont là, qui nous confirment que notre méthode est la bonne et que nous avons raison de persévérer dans cette voie. C’est une lutte globale que nous menons, car, au-delà de la sécurité et de la tranquillité quotidiennes de nos concitoyens, ce qui est en jeu, c’est aussi la santé, et finalement la vie de ceux d’entre eux qui, malheureusement, tombent dans la spirale de l’addiction.

Les Français doivent comprendre que, derrière le trafic de stupéfiants, il y a des organisations puissantes et hiérarchisées, qui tuent pour contrôler le marché des drogues, quelles qu’elles soient. De ce point de vue, il n’y a aucune distinction qui tienne entre « drogues douces » et « drogues dures » : on tue tout aussi bien pour du cannabis que pour de la cocaïne.

Le trafic de stupéfiants se nourrit et alimente à la fois le trafic d’armes, le blanchiment d’argent et toutes les formes d’économie souterraine. Lutter contre le trafic de drogues, c’est donc aussi lutter contre l’ensemble de ces entreprises criminelles. Là réside la dimension globale et protéiforme de ce type de criminalité, qui n’a pas seulement des conséquences sanitaires, mais aussi économiques, sociales et territoriales.

Les guetteurs et les revendeurs ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Derrière eux, il y a toute une organisation opaque. Il y a des bandes de petits et de grands délinquants, qui cherchent à imposer leur loi dans les quartiers où ils sévissent. Il y a des mafias, des tueurs, des criminels dangereux qui appartiennent au grand banditisme. Il y a aussi des trafiquants et des criminels en col blanc. Il y a des réseaux internationaux. Bref, toute une logistique, qui prétend défier l’autorité de l’Etat et dont les ramifications vont au-delà des frontières.

C’est la raison pour laquelle notre détermination à combattre cette menace ne faiblira jamais, à Saint-Ouen comme dans l’ensemble du département de la Seine-Saint-Denis et partout en France, je pense à Marseille, à Lille, à Besançon, à Toulouse et à bien d’autres villes encore où j’ai eu l’occasion de porter ce message. La République est partout chez elle : nous ne tolérons pas et nous ne tolèrerons jamais aucune zone de non-droit. Il est inacceptable que des halls d’immeubles, des cages d’escaliers, des places ou des squares, voire des quartiers entiers, soient confisqués par des trafiquants.

A cet égard, je veux, pour finir, rendre hommage à l’action exemplaire menée sur le terrain par les forces de l’ordre. Car, si nous obtenons les bons résultats que j’évoquais tout à l’heure, c’est bien sûr, comme je le disais, grâce à la méthode que nous mettons en œuvre, mais c’est aussi grâce à l’engagement quotidien des forces de sécurité – grâce à votre engagement pour faire respecter les lois de la République.

J’ai eu l’occasion aujourd’hui d’échanger avec les différents acteurs – les forces de l’ordre et d’une manière générale l’ensemble des services de l’Etat – qui sont mobilisés sur le terrain. Je pense bien sûr à l’ensemble des fonctionnaires de police, aux femmes et aux hommes du commissariat de Saint-Ouen, mais aussi à celles et ceux qui travaillent à la Sécurité de Proximité du département et de l’agglomération parisienne et qui sont également mobilisés.

Je pense évidemment aux policiers qui interviennent dans le cadre de l’unité spéciale que nous avons mise en place à Saint-Ouen. Je pense aux fonctionnaires des CRS et aux gendarmes mobiles présents sur place. Je pense enfin, évidemment, aux fonctionnaires des douanes, qui travaillent en articulation avec les services de police.

Tous accomplissent ici, au quotidien, et dans des conditions difficiles, un remarquable travail et je veux saluer leur engagement, leur sang-froid et leur grand professionnalisme.

Je veux aussi bien sûr saluer la mobilisation du des équipes de la mairie – en particulier la police municipale – qui travaillent en étroite liaison avec l’Etat pour entraver l’action des trafiquants.

Sachez que vous aurez toujours mon entier soutien dans l’action indispensable que vous menez. Vous menez un combat admirable, et dans ce combat je serai toujours à vos côtés. Notre politique de fermeté républicaine porte ses fruits, et nous allons continuer – avec tous les acteurs concernés – de monter en puissance.

A Saint-Ouen comme ailleurs, personne ne peut défier la République impunément. Ne doutez pas de ma détermination.

Je vous remercie.