Le vendredi 04 mars 2016, Bernard Cazeneuve a répondu aux questions d'Apolline de Malherbe dans l'émission "Bourdin Direct" sur BFMTV
Apolline de Malherbe
Bonjour Bernard Cazeneuve.
Bernard Cazeneuve
Bonjour.
Apolline de Malherbe
Merci d’être avec nous, vous êtes ministre de l’Intérieur. Hier, ces images de bouches cousues, c'est-à-dire littéralement des images de migrants qui se sont cousu les lèvres, c’était à Calais. Qu’est-ce que ça vous a fait ?
Bernard Cazeneuve
Un sentiment d’immense compassion et de tristesse aussi face à ces images. Parce que la volonté qui est celle du gouvernement à Calais, c’est celle de régler sur le plan humanitaire ce problème en faisant en sorte que chaque personne qui est en situation de vulnérabilité à Calais trouve une solution d’hébergement. C’est ça que nous voulons faire, en permettant à ceux qui sont à Calais dans la boue, dans l’indignité, dans la précarité, de trouver un abri qui leur permette de construire pour eux-mêmes un parcours de vie qui soit digne. Et puis aussi un sentiment d’indignation parce qu’il y à Calais des acteurs, je pense notamment aux no borders, qui sont depuis des semaines dans la manipulation de ces migrants.
Apolline de Malherbe
Ils ont été manipulés, ces migrants qui se sont cousu les lèvres ?
Bernard Cazeneuve
Je ne peux pas imaginer que l’on arrive à de telles extrémités sans qu’à un moment ou un autre il n’y ait pas des acteurs qui sont présents en permanence, qui manipulent, qui instrumentalisent, qui développent des propagandes néfastes, et qui aient pu au moins être informés de l’éventualité de cet acte et de ce geste et qui auraient pu, par conséquent, l’éviter. Et je considère qu’à Calais, il y a trop d’acteurs qui sont dans la manipulation, qui sont dans l’instrumentalisation de la détresse et qui, plutôt que d’aider à des solutions humanitaires, s’emploient pour des raisons politiques à les rendre impossibles. Et je trouve cela, je le dis très calmement et très fermement, totalement indigne.
Apolline de Malherbe
Vous parliez à l’instant du rôle de l’État mais, de ce point de vue-là, on ne comprend pas très bien. La semaine dernière, on parlait de démantèlement ou d’évacuation même de la jungle de Calais, et puis on continue à voir ces images d’une jungle qui continue à exister, d’un chaos qui se poursuit. Quel est le rôle exact de l’État finalement ?
Bernard Cazeneuve
Oui, mais vous pouvez aussi contribuer à faire en sorte que sur ce sujet-là – et je vous remercie d’ailleurs pour cela de m’avoir invité – à ce que des informations justes soient diffusées.
Apolline de Malherbe
Alors ?
Bernard Cazeneuve
Quelle est la situation à Calais précisément ? Il y avait au mois d’octobre six mille migrants à CALAIS. Vous en avez d’ailleurs rendu compte sur vos antennes. Il y en a aujourd'hui trois mille huit cents. Pourquoi est-ce que la population des migrants à Calais a diminué ?
Apolline de Malherbe
Ils sont passés où les autres ?
Bernard Cazeneuve
Justement, je vais vous le dire. Nous avons mis en place une politique extrêmement offensive. Cette politique consiste à offrir dans des centres d’accueil et d’orientation situés partout en France sur le territoire national, parce qu’on ne peut pas concentrer à Calais toute la misère, toute la précarité, toutes les difficultés, nous avons décidé de créer ces cent deux centres. Dans ces cent deux centres, nous avons offert des conditions d’accueil aux migrants qui leur permet d’être à l’abri, d’être au chaud, d’être suivi sur le plan sanitaire, d’avoir deux repas par jour, de pouvoir accéder à l’apprentissage de la langue française et de s’inscrire dans un parcours d’asile.
Apolline de Malherbe
Sauf que dans la réalité, les associations…
Bernard Cazeneuve
Pardonnez-moi je termine, si ça ne vous ennuie pas. Il y a trois mille migrants depuis le mois d’octobre – trois mille – qui ont quitté Calais pour aller dans ces centres d’accueil et d’orientation. Donc pour être très précis, est-ce qu’il vaut mieux laisser les migrants dans la boue de Calais pour pouvoir continuer à faire la visite désormais politique et touristique de Calais, s’indigner à Calais, où faut-il au contraire construire des solutions humanitaires, celles que je viens de présenter, pour assurer la possibilité pour ceux qui sont dans la difficulté à Calais, de se construire un avenir pour eux-mêmes ? La volonté qui est la mienne comme ministre de l’Intérieur, celle du gouvernement, celle du Premier ministre et du président de la République, c’est de faire en sorte que l’on réserve ces conditions d’accueil digne en France à ceux qui relèvent de l’asile en France plutôt que de concentrer toute la précarité, toute la difficulté à Calais.
Apolline de Malherbe
Vous parlez de votre volonté. On entend bien que c’est une bonne volonté.
Bernard Cazeneuve
Ce n’est pas simplement ma volonté. Il y a des résultats puisqu’il y en avait six mille, de migrants, à Calais, qu’il y en a trois mille huit cents et que nous avons conduit trois mille migrants à prendre le chemin des centres d’accueil et d’orientation.
Apolline de Malherbe
Mais justement, ces centres d’accueil et d’orientation. Une Fédération des associations d’accueil et de réinsertion sociale dit que la réalité, c’est que les migrants au départ les boudent et une fois qu’ils y vont – ils existent bien sûr, ces centres – mais une fois qu’ils y vont, ils parlent d’un taux de fuite extrêmement élevé. Ensuite, ils partent dans la nature. Ils vont où ?
Bernard Cazeneuve
Non. Ce taux n’est pas extrêmement élevé. J’ai réuni l’ensemble des associations, avec Emmanuelle Cosse vendredi.
Apolline de Malherbe
Eux parlent de 30 %.
Bernard Cazeneuve
Le taux de fuite est de 25 %, ce n’est pas un taux de fuite extrêmement élevé. Il faut bien voir que nous sommes face à une population qui est entre les mains de passeurs, qui est entre les mains de ces acteurs cyniques que sont les no borders qui passent leur temps à leur expliquer que le parcours vers la Grande-Bretagne est possible, qui prélèvent d’ailleurs pour ce qui concerne les passeurs des sommes considérables sur ces migrants qui ont payé ces sommes pour passer en Angleterre. Et parfois, parce qu’ils sont sous cette pression des passeurs et des no borders, ils essayent de franchir la frontière dans le tunnel ou alors sur le port à leurs risques et périls. Il y a eu plus de vingt morts. Il y a eu plus de vingt morts parce qu’il y a cette pression qui s’exerce sur eux. Donc aujourd'hui, la volonté qui est la nôtre c’est de faire en sorte que tout cela cesse, que nous puissions progressivement engager la protection de ces migrants et de ces réfugiés dans des centres d’accueil et d’orientation, dans des centres d’hébergement, pour leur permettre d’accéder à l’asile. C’est ça la politique que nous conduisons.
Apolline de Malherbe
Mais il y a aussi cette discussion avec la Grande-Bretagne.
Bernard Cazeneuve
C’est une politique qui est conforme à la tradition d’asile de la France et c’est une politique qui vise à sortir de la main des acteurs du trafic des êtres humains les passeurs et les no borders, ces migrants qui ont déjà eu énormément d’épreuves.
Apolline de Malherbe
Comment ça va évoluer ? On a vu qu’évidemment François Hollande avait rencontré David Cameron hier. Le matin-même dans le Financial Times, Emmanuel Macron sous-entendait que la France n’allait pas continuer à retenir les migrants à Calais en cas de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Je le cite : « Le jour où cette relation sera rompue, les migrants ne seront déjà plus à Calais ». Est-ce que ce n'est pas une forme de chantage de la France, un peu « soit vous restez, soit on ouvre les vannes » ?
Bernard Cazeneuve
Comme vous le savez, c’est moi qui suis en charge de sujet au sein du gouvernement.
Apolline de Malherbe
Sous-entendu c’est votre parole sur cette question-là qui compte et non pas celle du ministre de l’Économie.
Bernard Cazeneuve
Non, mais je pense tout simplement que le ministre de l’Économie, qui fait un travail absolument remarquable dans son domaine de compétences, qui a beaucoup à faire pour la croissance et relever le pays, ce qui est une tâche considérable et qu’il assume avec beaucoup de talent et de brio, se consacre entièrement à sa tâche comme moi je me consacre entièrement à la mienne. Par conséquent sur ce sujet-là ce ne sont pas des déclarations qui font le buzz dont on a besoin : c’est d’une action dans la durée, c’est d’une action persévérante qui donne des résultats. Et quelle est cette action ? On ne va pas en changer tous les jours, sinon nous n’aurons pas les résultats en question.
Apolline de Malherbe
Donc cette phrase, vous dites qu’elle n’a pas vocation à peser ?
Bernard Cazeneuve
Non. Je dis simplement qu’il y a une action qui est engagée, que cette action s’engage dans la durée et que nous avons plutôt besoin d’actions qui donnent des résultats que des phrases qui font le buzz. Donc quelles sont les actions que nous avons engagées sur ce sujet ? Nous avons engagé une action qui consiste à mettre à l’abri, pour des raisons humanitaires parce que c’est là mon objectif principal…
Apolline de Malherbe
On a bien compris. C’est ça votre volonté.
Bernard Cazeneuve
C’est ça ma volonté. Des migrants qui sont en situation de vulnérabilité à Calais de les mettre dans des centres d’accueil et d’orientation. Et il y a parmi ces migrants des jeunes qui sont des mineurs isolés. Certains ont de la famille en Grande-Bretagne. Nous avons souhaité, c’est une volonté sur laquelle nous travaillons avec les Anglais depuis très longtemps, que ces mineurs isolés puissent être accueillis dans de bonnes conditions.
Apolline de Malherbe
Et David Cameron s’y est engagé hier avec le président.
Bernard Cazeneuve
Voilà, exactement. Et donc, nous progressons considérablement sur ce sujet, et les mineurs isolés qui ont de la famille en Grande-Bretagne doivent pouvoir être accueillis dans des conditions dignes en Grande-Bretagne. Et c’est ce dont nous sommes convenus hier à l’occasion du sommet franco-britannique.
Apolline de Malherbe
Donc il est trop tôt pour parler de cette histoire d’ouvrir les vannes ou pas.
Bernard Cazeneuve
Non, mais cette question ne se pose pas. Pourquoi ? Parce que la question, la seule question que nous devons nous poser, c’est quel est l’intérêt de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants qui depuis des mois ont subi des persécutions, ce sont jetés sur le chemin de l’exode avec les difficultés que l’on sait, et comment fait-on pour apporter une solution qui, sur le plan humanitaire, soit la meilleure solution possible. Et pour pouvoir atteindre cet objectif-là, il faut éviter d’encourager le travail des passeurs, il faut éviter d’encourager le travail des activistes no borders qui n’ont rien à faire des migrants et qui ont tout à fait…
Apolline de Malherbe
On a bien compris au début de cette interview qu’ils étaient dans votre viseur.
Bernard Cazeneuve
Et par conséquent, il faut faire en sorte qu’un signal très fort soit envoyé qu’on ne passera pas la frontière pour éviter que ce trafic ne se prolonge parce que si nous ouvrons demain la frontière, que se passe-t-il ? Les Anglais, qui sont maîtres de leur propre frontière, peuvent la bloquer au moment de l’arrivée des migrants en Grande-Bretagne, ils seront à ce moment-là reconduits en France, et j’aurais alimenté un flux et augmenté un stock et aggravé un problème humanitaire. Donc moi, je n’ai qu’un objectif : c’est l’efficacité.
Apolline de Malherbe
Quand on vous entend, on se dit que le ministre de l’Économie devrait s’occuper d’économie.
Bernard Cazeneuve
Non, ce n’était pas le sens de mon propos.
Apolline de Malherbe
C’est pour ça que c’est moi qui le dis parce que je sens bien que vous ne nous le direz pas vous-même.
Bernard Cazeneuve
Pas du tout. Le sens de mon propos, c’est que ces sujets sont d’une extraordinaire complexité, que sur les sujets compliqués il faut travailler beaucoup et parler peu. Voilà.
Apolline de Malherbe
C’est assez clair aussi.
Bernard Cazeneuve
Je pense que c’est clair, oui.
Apolline de Malherbe
Il y a quand même une question de sous. Les Anglais, du coup, hier ont mis vingt-deux millions supplémentaires sur la table qui s’ajoutent aux soixante millions qu’ils nous donnent déjà aujourd'hui pour nous aider à tenir cette frontière. Est-ce que ce n’est pas une manière aussi d’essayer de nous acheter ?
Bernard Cazeneuve
Pas du tout. Nous sommes dans un problème qui nous concerne conjointement.
Apolline de Malherbe
Ça va suffire quatre-vingt-deux millions ?
Bernard Cazeneuve
Nous n’avons pas organisé un Téléthon hier. Nous sommes sur des sujets là aussi sérieux. Quels sont les investissements nécessaires pour sécuriser la frontière ? Que devons-nous faire pour que le tunnel sous la Manche, le transport ferroviaire, le maintien de l’activité touristique puisse se poursuivre, et que devons-nous faire surtout pour que les migrants ne soient pas mis en danger ? Ça implique des investissements. Ça implique des investissements sur les infrastructures de transport. Il y a eu soixante millions d’euros d’investis, il y en aura vingt-deux de plus. Ça implique des investissements pour financer les centres d’accueil et d’orientation, où le meilleur standard humanitaire doit prévaloir. Et j’invite d’ailleurs chacune des associations, des organisations qui est préoccupée par le sort des migrants à continuer à faire le travail excellent qu’ils font dans les centres. Parce que les associations dont vous parliez tout à l'heure sont dans la gestion des centres avec nous, et notamment la FNARS, qui a fait ce rapport pour améliorer le fonctionnement des CAO, auxquels nous accordons le plus grand prix.
Apolline de Malherbe
Au-delà de Calais, encore un mot sur la question des migrants parce qu’ensuite je voudrais qu’on parle du terrorisme. François Hollande va voir Angela MERKEL aujourd'hui sur justement cette question de la pression des migrants. D’abord, est-ce que la France reste sur le chiffre annoncé, c'est-à-dire trente mille migrants accueillis ?
Bernard Cazeneuve
Mais bien entendu, et nous avons commencé à les accueillir. Et lorsque l’on regarde les conditions dans lesquelles se met en œuvre le processus de relocalisation et de réinstallation, on constate que la France est parmi les premiers pays européens, même le premier pays européen, dans l’accueil de ceux qui doivent être localisés. Et pourquoi est-ce que le processus de relocalisation…
Apolline de Malherbe
Pardon mais combien ? Vous dites « on commence ». Sur les trente-mille, on en est à combien aujourd'hui ?
Bernard Cazeneuve
Aujourd'hui, la France a fait une proposition entre le mois de décembre et le mois de février d’accueil de mille trois cents migrants parmi les trente mille. Nous pouvons aller beaucoup plus vite.
Apolline de Malherbe
Oui, c’est quand même très lent. C’est parce qu’ils ne veulent pas venir ?
Bernard Cazeneuve
Non, mais pas du tout. Ce n’est pas du tout ça. Le problème, c’est que le processus de relocalisation se fait à partir de ce que l’on appelle les hotspots, c'est-à-dire ces centres où arrivent les migrants en Italie et en Grèce, où ils sont à ce moment-là identifiés comme réfugiés et où la relocalisation peut s’effectuer. Or comme les hotspots ne fonctionnaient pas jusqu’à présent, il a été extrêmement difficile d’engager le processus de relocalisation à partir des hotspots et nous avons, avec mon collègue allemand Thomas de Maizière, aidé les Grecs à mettre en place le dispositif pour accélérer le processus de relocalisation.
Apolline de Malherbe
Parce qu’on dit que c’est presque comme si la France n’attirait plus personne, y compris ceux qui sont les plus désespérés.
Bernard Cazeneuve
Oui, mais la difficulté du sujet dont on parle, c’est qu’il y a un bruit de fond permanent et il y a une réalité. Quelle est la réalité ? La réalité, c’est qu’il y a des flux migratoires très importants, que nous avons mis trop de temps à prendre des décisions au sein de l’Union européenne et les décisions qui ont été prises, elles l’ont été sur la base des propositions françaises et ensuite des propositions franco-allemandes. Parmi ces propositions, il y avait un processus de relocalisation que nous avons nous-mêmes proposé à partir des hotspots et qui ne peut fonctionner que dès lors que les hotspots fonctionnent. Comme il y a eu du retard dans la mise en place de ces hotspots, nous avons délégué une mission en Grèce la semaine dernière avec nos meilleurs fonctionnaires pour aider les Grecs à mettre en place ce dispositif et ne pas les laisser seuls face à la difficulté à laquelle ils sont confrontés, et désormais ce dispositif fonctionne et nous allons pouvoir engager la relocalisation.
Apolline de Malherbe
Donc ils vont arriver. Je voudrais qu’on parle du terrorisme. C’est une question qui revient et à laquelle on s’habitue presque. On ne devrait évidemment pas, mais je vous pose cette question que je pourrais vous poser presque tous les jours. Où est-ce qu’on en est, à l’heure où on se parle, de la menace ?
Bernard Cazeneuve
Le niveau de menace est plus élevé qu’il ne l’a jamais été. Je l’ai dit à plusieurs reprises, le président de la République et le Premier ministre se sont exprimés aussi sur ce sujet, et nous prenons toutes les précautions qui doivent être prises. Zéro précaution c’est 100 % de risque, mais 100 % de précaution n’est jamais le risque zéro. Et c’est la raison pour laquelle nous discutons actuellement de dispositions législatives à travers le texte présenté par Jean-Jacques Urvoas.
Apolline de Malherbe
Le projet de loi sur la réforme pénale post-attentats qui est discuté cette semaine à l’Assemblée.
Bernard Cazeneuve
Nous avons pris des dispositions très nombreuses depuis des mois pour augmenter les effectifs des services de renseignement. Nous avons pris des dispositions pour augmenter les moyens des services de police. Vous avez vu que nous avons offert de nouveaux équipements aux BAC et au PSIG.
Apolline de Malherbe
Oui. Il y a eu un petit doute quand même sur la qualité de ces armes.
Bernard Cazeneuve
Il n’y a aucun doute sur la qualité de ces armes. Ça fait partie des sujets qui sont évoqués par voie de presse et qui ne reposent sur aucune réalité.
Apolline de Malherbe
Les fusils tirent droit.
Bernard Cazeneuve
Ces armes sont utilisées depuis des mois par la gendarmerie nationale avec un niveau de satisfaction absolu. Donc là aussi, essayons de faire en sorte que sur ces sujets, lorsqu’on arme les PSIG, lorsque l’on arme les BAC, lorsqu’on modernise les équipements de la police pour lui permettre de faire face à ses missions, on n’engage pas des polémiques à partir de rien, mais on constate simplement que les choses progressent.
Apolline De Malherbe
Ça va toujours mieux en le disant monsieur le Ministre….
Bernard Cazeneuve
Et donc je le dis.
Apolline De Malherbe
Justement sur cette question de l’état de la menace, il va y avoir un certain nombre de manifestations dans le pays, notamment une manifestation syndicale et étudiante qui sont prévues le 9 mars, est-ce que dans ce contexte de menace ça vous inquiète ?
Bernard Cazeneuve
La menace et l’état d’urgence ça ne signifie pas que le pays s’arrête de vivre, ou alors c’est la victoire des terroristes que nous consacrons. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de dire devant l’Assemblée nationale que l’état d’urgence ce n’était pas la fin des libertés publiques, au contraire, c’était la possibilité pour l’État de s’armer et de se donner les moyens de vivre comme avant en faisant en sorte que les libertés publiques soient respectées. Donc, les manifestations ont lieu, l’état d’urgence ce n’est pas l’interdiction des manifestations, ce n’est pas la fin de la liberté d’expression, c’est la possibilité pour l’État de garantir que la liberté d’expression, le droit de manifester pourront se poursuivre dans …
Apolline De Malherbe
Plus globalement ces manifestations elles ne vous inquiètent pas sur l’état de crispation du pays ?
Bernard Cazeneuve
Le rôle du gouvernement est de faire en sorte à chaque instant que l’on puisse apaiser, c’est le sens des décisions qui ont été prises par le président de la République, le Premier ministre et la ministre du Travail.
Apolline De Malherbe
De réfléchir davantage avant de présenter ce fameux projet de loi…
Bernard Cazeneuve
Et puis en même temps cela ne doit pas remettre en cause la volonté du gouvernement de faire les réformes utiles à la modernisation de la société française.
Apolline De Malherbe
Vous évoquiez ce projet de loi sur la réforme pénale post attentat qui est donc discuté depuis mardi à l’Assemblée avec un certain nombre de points qui font polémique, l’assignation à résidence des personnes qui reviennent de Syrie qui pourra se faire sur décision administrative, la retenue de 4 heures après simple contrôle d’identité sur soupçon ; alors je cite exactement les mots : « raison sérieuse de penser que la personne peut être liée à des activités terroristes ». Est-ce que vous n’avez pas le sentiment de donner une forme de blanc-seing à des excès possibles ?
Bernard Cazeneuve
Non, absolument pas, et je veux sur les deux exemples que vous avez donnés dire des choses extrêmement précises. Nous sommes sur l’autoroute A1, nous venons d’être informés qu’il y a un groupe d’individus partant d’un pays limitrophe qui se rendent à Paris qui peuvent poser problème…
Apolline De Malherbe
Là on est dans de la politique fiction, on imagine.
Bernard Cazeneuve
Qui sont dans un véhicule de tel type. Nous procédons à des contrôles et au moment de ces contrôles nous constatons que des personnes sont fichées S. Est-ce que l’on peut prendre le temps de la consultation des fichiers et de la consultation éventuellement de services de renseignement étrangers avec lesquels nous sommes en lien pour s’assurer que ceux que nous retenons ne sont pas susceptibles de commettre un attentat ou de porter atteinte …
Apolline De Malherbe
Donc il faut pouvoir agir dans l’urgence.
Bernard Cazeneuve
Donc il faut pouvoir agir dans l’urgence, parce que si nous ne le faisons pas nous exposons notre pays à des risques et le débat que nous avons, dans le cadre de l’état d’urgence et dans la cadre des lois anti terroristes, est toujours le même : est-ce qu’il faut attendre que les terroristes aient frappé pour judiciariser leur cas, ou est-ce qu’il faut tenter d’éviter que cela ne se produise en prévenant par des mesures de police administrative qui s’effectuent sous le contrôle du juge ; parce que la retenue dont vous parlez le Procureur de la République est informé, il peut mettre fin à tout moment à cette retenue. Et ce n’est pas une garde à vue non plus puisque la personne n’est pas interrogée ; on vérifie simplement – et ça peut d’ailleurs aller très vite, 4 heures c’est la durée maximale – que l’ensemble des éléments d’information, dont nous disposons dans nos services ou dont d’autres services de renseignement peuvent disposer, ne sont pas de nature à présenter….
Apolline De Malherbe
Sur cette question de ceux qui partent en Syrie, le titre du Monde hier parlait « d’adolescentes françaises qui rêvent de tuer pour Allah ». Visiblement le fait de prononcer des interdictions de sortie du territoire, de priver de passeport, ça ne suffit pas. Qu’est-ce que ça dit de la France ? Qu’est-ce qui vous reste comme levier ?
Bernard Cazeneuve
Je pense que la lutte contre le terrorisme est une lutte globale qui repose sur des mesures de police administrative, qui repose sur des mesures de sécurité, qui repose sur des mesures destinées à renforcer les moyens de nos services de renseignement et de nos forces de sécurité intérieure, mais ça repose aussi sur des mesures préventives, sur l’action résolue de déradicalisation qui doit être…
Apolline De Malherbe
Mais on n’arrive pas à le stopper ce fléau ?
Bernard Cazeneuve
Mais nous sommes face à un phénomène nouveau qui concerne l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous avons moins de départs que nous n’en avions au cours des années précédentes, ce qui veut dire quand même que les mesures de police administrative destinées à empêcher ces départs pour que ceux…
Apolline De Malherbe
Il y en a moins, ça baisse ?
Bernard Cazeneuve
Ça baisse, pas encore suffisamment, mais ça baisse. Nous avons moins de départs. Nous avons eu raison de prendre ces mesures parce que si nous n’avions pas pris ces mesures nous aurions aujourd’hui un nombre très important de combattants étrangers qui après avoir fréquentés toutes les atrocités sur le théâtre des opérations terroristes reviendraient en France pour nous frapper.
Apolline De Malherbe
Le Figaro annonce ce matin que des agents de sécurité des entreprises privées, en gros les vigiles, pourront désormais être armés, ça pourrait être le cas du coup devant les sites sensibles, les salles de spectacle, peut-être même les grands magasins, est-ce que vous n’avez pas le sentiment que ça va être une escalade des armes ?
Bernard Cazeneuve
Non mais ce dispositif il est déjà possible. Il est très encadré. Aujourd’hui il est possible, sur la base d’une autorisation délivrée par le préfet de permettre, dans des circonstances très particulières à des sociétés privées d’armer leurs agents. Il n’est pas du tout question de disséminer des armes partout sur le territoire national, ça n’est pas du tout la politique du ministère de l’Intérieur, ce n’est pas ce qu’il souhaite. En revanche, est-ce que nous pouvons, dans des conditions très encadrée, permettre une meilleure articulation entre sociétés de sécurité privées, police municipale, police nationale, chacun restant dans son strict domaine de compétences…
Apolline De Malherbe
C’est quoi la limite ? Il n’y a pas de limite.
Bernard Cazeneuve
Mais la police nationale est là pour assurer la sécurité sur le territoire des villes, des agglomérations, protéger des lieux de culte et elle le fait avec un niveau de mobilisation qui engage aussi l’armée.
Apolline De Malherbe
Vous êtes sur que tout est sous contrôle ?
Bernard Cazeneuve
On n’est jamais sur que nous aurons le risque 0, je vous l’ai dit tout à l’heure….
Apolline De Malherbe
Mais en mettant des armes comme ça, entre les mains de personnalités que vous ne contrôlez moins ?
Bernard Cazeneuve
Ne faisons pas une salade niçoise de ce sujet, soyons précis ; il y a l’État qui intervient dans ses compétences régaliennes, il protège les lieux de culte, il est présent sur la voie publique, il assure par l’activité des services de renseignement la prévention du risque terroriste. Il y a des polices municipales qui dans le cadre de convention avec la police nationale dans les villes – je l’ai vu à Nice par exemple où il y a une excellente collaboration – les polices municipales viennent avec les policiers nationales remplir des missions de sécurité dans le cadre d’une convention ….
Apolline De Malherbe
Mais là ce n’est pas des policiers.
Bernard Cazeneuve
Et pour ce qui concerne les structures de sécurité privée, qui peuvent être mobilisées par des acteurs privés en vue de leur protection, les conditions d’armement de ces structures sont très encadrées depuis de nombreuses années, elles font l’objet d’autorisations préalables qui doivent conduire la société qui sollicite cet armement à motiver les raisons pour lesquelles elle le sollicite, et l’État est souverain dans le fait de donner ou pas cette autorisation.
Apolline De Malherbe
Donc vous êtes confiant. Merci Bernard Cazeneuve…
Bernard Cazeneuve
Je ne suis pas confiant, je suis raisonnable et pragmatique.
Apolline De Malherbe
Merci d’avoir été notre invité.