03-07-2015 - Discours de M. Bernard CAZENEUVE, à l’occasion des obsèques de M. Hervé CORNARA - Fontaines-sur-Saône

3 juillet 2015

Seul le prononcé fait foi.

Discours de M. Bernard CAZENEUVE, ministre de l’Intérieur, à l’occasion des obsèques de M. Hervé CORNARA - Fontaines-sur-Saône, 3 juillet 2015


Mon Père,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Fontaines-sur-Saône,
Monsieur le Sénateur-Maire de Lyon,
Monsieur le Président de la région Rhône-Alpes,
Messieurs les parlementaires,
Chère Laurence CORNARA,
Cher Kévin,

Mesdames et Messieurs,Nous sommes réunis aujourd’hui pour honorer la mémoire d’un homme, Hervé CORNARA, et pour dire notre compassion et notre solidarité à sa famille et à ses proches, frappés par la douleur du deuil.
Hervé CORNARA était l’un d’entre vous. 

Il avait grandi à Fontaines-sur-Saône, dans le quartier des Maronniers. Il aimait cette ville, ce quartier, cette région et ses habitants. 

Hervé CORNARA était un homme pleinement investi dans la vie de votre cité, engagé dans l’action sociale. Il était ainsi le président de l’association des locataires et il était toujours prêt à se mobiliser, à vous mobiliser, pour faire en sorte que la vie soit meilleure, pour que la vie soit plus douce. 

Il était un travailleur infatigable, un homme courageux et volontaire, avalant les kilomètres pour faire vivre son entreprise de transport. Fils d’ouvrier, il avait lui-même été ouvrier avant de devenir son propre patron. 

Généreux, il avait le goût des autres, des contacts, des discussions, des bons moments vécus en commun. 

Il était, vous l’avez tous dit mieux que je ne saurais le faire, un  véritable ami, de ceux sur lesquels on peut compter, en toutes circonstances.

Il était un fils, un mari, un père, un frère, entouré de l’affection des siens. Je mesure le vide qu’il laisse dans leur vie, la tristesse incommensurable qui s’est abattue sur cette famille aimante, soudain frappée par le plus terrible des deuils.

Et puis Hervé CORNARA était aussi l’un d’entre nous. 

Il avait un goût affirmé de la liberté. Il y avait en lui une forme d’audace qui ne s’est jamais démentie. C’est ainsi qu’il a décidé de tenter l’aventure à des dizaines de milliers de kilomètres de chez lui quand il est parti s’installer en Martinique, où il a vécu quatorze ans.

Mais il était passionnément attaché à sa région et il a éprouvé l’irrépressible besoin d’y revenir, parce qu’il vous tenait tous au plus près de son cœur, fidèlement.

Hervé CORNARA avait aussi l’esprit d’entreprise et c’est au prix de prix de constants efforts qu’il se battait pour créer des emplois, qu’il était heureux de donner du travail à ses voisins.

Mais ce qui par-dessus tout caractérisait Hervé CORNARA, c’était une authentique générosité et d’éminentes qualités de cœur qui contribuaient à le lier indéfectiblement aux siens, à chacune et chacun d’entre vous. Il était engagé au sein des associations, au côté des élus, pour qu’une part de solidarité, un peu d’attention portée à l’autre vienne soulager les petites tourments de la vie et les peines parfois indicibles.

Hervé CORNARA était un homme bon. Il était un homme simple. Il était simplement humain et attentif aux autres.

Et aucun d’entre nous ne peut accepter que la barbarie la plus abjecte vienne mettre un terme à une vie aussi belle, aussi dense, inspirée par le seul sentiment de l’amour de son prochain, du respect de l’autre et de la fraternité avec les siens.

*

Et le refus collectif, obstiné, de cette barbarie doit rester la marque de notre pays.C’est le message qu’ont voulu exprimer les millions de Français qui sont descendus dans les rues de toutes les villes de France – et sans doute ici aussi, à Fontaine-sur-Saône – les 10 et 11 janvier.

Ces millions de Français nous ont dit : « Je suis Charlie », « Je suis policier », « Je suis Juif ».

Aujourd’hui ces mêmes Français portent le deuil d’Hervé CORNARA. Parce qu’il était l’un des nôtres. Parce que la République doit protéger tous ses enfants.

Parce que les Français sont unis dans la volonté de combattre le terrorisme djihadiste qui se trouve derrière ce crime odieux.

Au lendemain de sa mort, certains ont cru pouvoir déclarer, un peu vite, que « l’esprit du 11 janvier » s’était dissipé. Comme si le moment extraordinaire d’union nationale et de solidarité républicaine qui nous avait rassemblés au lendemain des attentats du mois de janvier n’avait plus cours désormais. Comme si les Français avaient fait le choix de se déchirer face à cette nouvelle manifestation de la barbarie.

Pour ma part, j’ai vu au cours des derniers jours des manifestations de solidarité qui m’ont profondément ému.J’ai vu les images du rassemblement qui s’est produit ici-même, au lendemain de la mort d’Hervé CORNARA. J’ai vu votre maire, terrassé par l’émotion, prononcer son éloge. Je vous ai tous vus, retenant vos larmes, vous donnant la main au moment d’observer une minute de silence à sa mémoire.J’ai vu les centaines de personnes venues mardi dernier défiler silencieusement derrière Laurence et Kevin CORNARA pour dire simplement « Plus jamais ça ». Je les ai entendues chanter spontanément « La Marseillaise » à l’issue de cette marche.

J’ai vu les musulmans de la région Rhône-Alpes, à l’appel du Président du Conseil régional du Culte musulman, Laïd BENDIDI, et de Kamel KABTANE, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, se rassembler devant la mosquée de Villefontaine pour rendre hommage à Hervé CORNARA, condamner cet horrible crime et dire toute l’horreur qu’ils ressentaient à l’idée que leur religion de paix puisse être associée à cet acte barbare.

Face à ce nouvel attentat, j’ai senti, dans la France entière, au plus profond de notre France, une émotion et une indignation intactes. J’ai senti une détermination collective à résister face au défi sanglant que nous lancent les terroristes, parce que nous les combattons au nom des valeurs de la démocratie, avec toute la force de la République. 

Je crois donc que l’unité nationale, qui est la condition de notre résilience, doit continuer à nous inspirer dans le combat que nous livrons contre le terrorisme. Cet état d’esprit nous fait obligation de donner un nom à la réalité. Il nous dicte d’être à la hauteur, par amour pour notre pays, par amour pour tous ses enfants.

Enfin, l’esprit du 11 janvier, c’est également celui d’une mobilisation contre le terrorisme qui va bien au-delà de notre seul pays.

Cette mobilisation, je l’ai ressentie comme une obligation à Sousse, en Tunisie, sur cette plage où les instincts de haine avaient semé la mort. La mort glaciale, celle qui frappe par la main de l’homme, lorsque celui-ci a laissé l’ignorance et la cruauté s’imposer dans son âme.Cette mobilisation, je l’ai vue déferlant dans les rues de Paris lorsque plus de cinquante chefs d’Etats et de gouvernements étrangers sont venus défiler à nos côtés. Par leur présence, ils ont voulu manifester que le combat contre le terrorisme djihadiste engageait toutes les démocraties. Ils ont indiqué que la France demeurait aux yeux du monde le peuple de la Révolution, celui qui a proclamé les hommes « libres et égaux en droit ». Dans leur diversité, ils ont enfin montré que le combat que nous livrons est, dans toutes ses composantes, celui de la civilisation contre la barbarie qui, elle, n’a qu’un seul visage, celui du califat de la haine.

*

Nous savons donc tous désormais, d’un savoir douloureux, que nous sommes les acteurs d’un combat de longue haleine contre la barbarie terroriste. Ce combat-là, nous ne l’avons pas choisi. Mais nous le mènerons avec toute la fermeté qu’il exige. 

Voilà pourquoi, depuis maintenant trois ans, nous ne cessons de renforcer les moyens humains, matériels et juridiques dont disposent nos forces de l’ordre, et singulièrement nos services de renseignement et nos unités antiterroristes. 

Ces derniers sont plus que jamais mobilisés et leur détermination porte ses fruits, puisque nous démantelons des filières, que des projets d’attentats sont évités, et que plus de 650 personnes font actuellement l’objet d’une procédure judiciaire pour des activités liées au terrorisme.

Voilà pourquoi nous protégeons les écoles, les lieux de culte, les installations stratégiques, tous les lieux sensibles qui, en France, pourraient faire l’objet d’une attaque terroriste.Voilà pourquoi nous faisons tout pour empêcher ceux de nos concitoyens – et notamment les jeunes – qui seraient tentés de le faire, de partir rejoindre les organisations terroristes présentes en Syrie et en Irak. Comme nous empêchons les étrangers soupçonnés d’être liés à des activités terroristes de pénétrer et de séjourner sur notre sol.

Car, face au terrorisme, la seule option possible, la seule et unique option envisageable, c’est la fermeté. Elle est notre doctrine, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, pour faire en sorte qu’il n’y ait plus de destins brisés, qu’il n’y ait plus de familles éplorées, qu’il n’y ait plus de larmes versées.

*

Mais face à cette menace, nous devons également veiller à préserver la cohésion de notre société, en nous rassemblant autour des valeurs qui nous sont communes. Vous en avez-vous-même donné l’exemple ici, à Fontaines-sur-Saône au cours des jours passés.

Car le terrorisme, c’est la peur et c’est la volonté  de créer la division au sein même des démocraties. Voilà pourquoi les Français doivent éviter à tout prix de tomber dans le piège des vaines polémiques. Ils doivent proscrire les mots qui blessent et creusent les  fractures au sein de notre société. Car nous triompherons du terrorisme en faisant vivre ces belles valeurs républicaines que sont le respect et la fraternité. 

Plus que jamais, nous devons donc tenir bon sur ce qui nous rassemble, sur l’idéal commun qui nous lie et qui nous permet, malgré nos différences, de vivre en société : vivre libre, vivre en paix sur notre sol, dans le respect de nos principes et de nos lois, dans le respect de tous les Français, quels qu’ils soient. Cet idéal commun a un nom : la République.

Quelles que soient nos origines, quelles que soient nos convictions, nous formons un seul et unique peuple. Un grand peuple, uni et solidaire dans l’adversité, capable de se dresser comme un seul homme pour défendre les principes de la République.

C’est cette fraternité républicaine qui doit demeurer notre seule boussole, envers et contre tout. Car en République, il n’y a qu’une seule communauté : c’est la communauté nationale.

*

Cette communauté fraternelle, vous l’incarnez aujourd’hui, réunis par la douleur du deuil et par la volonté de rendre hommage à notre compatriote Hervé CORNARA, tombé victime de la barbarie.

Je ne peux m’empêcher de songer, en lui rendant avec vous cet hommage, à ce qu’écrivait l’historien et résistant Marc BLOCH, en 1941, dans un message qu’il souhaitait qu’il soit lu lors de ses funérailles :« Au cours des deux guerres, écrivait alors Marc BLOCH, qui avait combattu de façon héroïque en 1914-1918, puis en 1939-1940, avant de s’engager dans la résistance, il ne m’a pas été donné de mourir pour la France. Du moins puis-je, en toute sincérité, me rendre ce témoignage ; je meurs comme j’ai vécu, en Français. »

Marc BLOCH ne savait pas en écrivant ces lignes qu’il allait mourir pour son pays, en juin 1944, assassiné par la barbarie nazie. 

Hervé CORNARA est mort, lui,  assassiné par la barbarie du terrorisme djihadiste. Il avait la simplicité des braves. Il est mort lui aussi en Français. C’est-à-dire comme un homme droit, ignorant la haine, habité par le seul sentiment de l’amour. Il est mort en portant discrètement, naturellement, au plus profond de son cœur, les valeurs que les peuples du monde ont apprises de la France. Ces valeurs qui ont donné au discours de  notre pays dans le temps long de l’histoire une dimension universelle. Ces valeurs qui font que nous sommes ce que nous sommes, un peuple libre et debout.