Congrès annuel de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France

Congrès annuel de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France
14 octobre 2017

Discours de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, au Congrès annuel de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France (FNSPF), à Ajaccio, le 14 octobre 2017.
 


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,

Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil exécutif,

Monsieur le Président de l’Assemblée de Corse,

Monsieur le Maire d’Ajaccio,

Mesdames et Messieurs les présidents de conseils départementaux, maires et conseillers municipaux,

Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France, Monsieur le Président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, Monsieur le Directeur Général de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises, Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers, caporaux et sapeurs,

Mesdames et Messieurs,

D’abord, un grand merci à vous monsieur le président qui avait organisé ce congrès, aux Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) de Corse qui nous ont accueillis, à toutes vos équipes de bénévoles qui ont préparé, organisé ce congrès et à tous les sapeurs-pompiers qui sont venus en nombre de toute la France.

C’est la première fois que je m’exprime devant le congrès de la Fédération Nationale des Sapeurs- Pompiers. Et je veux vous dire que, pour moi, c’est un immense plaisir.

La famille des sapeurs-pompiers, je la connais bien.

Pour la fréquenter depuis longtemps comme élu local et plus encore depuis que, dans l’agglomération lyonnaise, la création de la Métropole a vu naître le Service Départemental Métropolitain d’Incendie et de Secours (SDMIS), qui rassemble les représentants de deux collectivités sous la responsabilité d’un Président issu de la Métropole.

Et vous me permettrez – ce sera ma seule référence à un passé auquel je suis attaché – de saluer Jean-Yves Secheresse, Président du SDMIS et le contrôleur général Serge Delaigue.

Cette famille des sapeurs-pompiers, je la connais encore mieux depuis que je suis ministre de l’Intérieur, car je dois dire que, par son action au cours des derniers mois, elle a forcé mon respect, mon admiration.

J’étais à peine ministre que nous vivions en effet une période exceptionnelle de feux de forêt comme on n’en n’avait plus vu depuis 2003 : 18 000 hectares brûlés contre une moyenne de 5000 au cours des dix dernières années.

Et j’ai vu nos forces à l’œuvre.

Toutes étaient présentes – pilotes, militaires de la sécurité civile, mais surtout vous, sapeurs- pompiers des différents départements.

En juillet, les incendies étaient partout - un départ de feu toutes les dix minutes dans le Sud de la France y compris en Corse ; et vous étiez, permettez-moi de dire, nous étions partout.

Je me souviens de ce jour du 25 juillet où on m’a averti, alors que les incendies faisaient rage, que trois sapeurs-pompiers de l’Isère étaient dans la tourmente. Ils avaient été entourés par les flammes et brûlés à la Bastidone dans le Vaucluse. Je les ai rencontrés la semaine dernière.

Je me souviens de cette soirée du 26 juillet passée à Bormes les Mimosas, où les feux avaient déjà détruit 1600 hectares, où ils menaçaient des quartiers entiers, et où dans la nuit, il a fallu déplacer 12 000 personnes.

Comment ne pas avoir encore présent à l’esprit pour le saluer, l’engagement de tous, des sapeurs- pompiers combattant le feu, mais aussi l’engagement des présidents de Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), aux premières loges, de tous les Maires, de l’ensemble des élus locaux, des bénévoles associatifs, de la population même hébergeant ceux qui, de par l’intensité des sinistres, se trouvaient soudain sans abri, sans bagages, sans vêtements, totalement désemparés.

Oui, on voit dans ces instants là que, lorsqu’il le faut, les Français savent être à la hauteur.

On voit aussi que le modèle d’organisation que notre pays a mis en place pour lutter contre les grandes catastrophes naturelles est exceptionnel, mérite d’être salué, mérite surtout d’être préservé et développé.

Je parle de ce qui s’est passé dans le sud du pays. Mais ici à Ajaccio, comment ici ne pas évoquer les grands incendies qu’a subis la Corse.

La veille même du jour où je suis allé à Bormes-les-Mimosas, j’étais sur le feu de Biguglia, qui avait pris à la sortie du village d’Olmeta di Tuda, avait remonté la colline et menaçait de détruire des zones pavillonnaires ainsi que la zone industrielle de Furiani.

Une dizaine de jours plus tard, c’était un nouvel incendie, celui de Palneca. Je m’y suis rendu à nouveau. Et j’ai vu l’action de tous les hommes - personnels de la sécurité civile, sapeurs-pompiers corses, mais aussi sapeurs-pompiers venus en renfort depuis l’Ardèche et la Drôme, sur un terrain d’une difficulté extrême, escarpé, marqué par une couverture rocheuse et végétale rendant chaque manœuvre très délicate.

Je tiens donc à rendre hommage aux milliers de sapeurs-pompiers, aux militaires et pilotes de la sécurité civile qui, cet été, ont fait face à cette campagne de feux de forêts , telle que nous n’en avions pas vécu depuis près de quinze ans.

Nous en finissions à peine avec les feux de forêt, que le Centre de Gestion Opération de Gestion Interministérielle des Crises (COGIC) nous informait qu’un cyclone nommé Irma était en train de se former dans l’Atlantique Nord.

C’était la fin du mois d’août. Et alors même que nous ne savions pas quelle allait être ni sa force ni sa trajectoire, avec Jacques Witkowski, nous décidions immédiatement de projeter un détachement de 110 sapeurs-pompiers et militaires de la sécurité civile.
Après Irma, ce fut José et Maria, et la Guadeloupe à son tour se trouva atteinte. Comme l’indiquait dans son discours le Président de la République, ce fut, avant et après les événements, la plus grande noria depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

In fine, 6000 hommes furent mobilisés pour distribuer des vivres, de la nourriture, pour sauver les personnes se trouvant en difficulté. 6000 hommes auxquels il faut ajouter trois bateaux de la marine nationale, une dizaine d’avions, six hélicoptères...et toujours au premier rang, vous, les sapeurs- pompiers.

Sapeurs-pompiers des départements d’outre-mer. Mais aussi tous ceux venus de métropole.

Oui, dans ces moments-là, on s’en aperçoit, même si dans des temps plus normaux on a tendance à l’oublier : la solidarité nationale, ça compte !

Le Président Macron dit souvent que ce monde manque de héros. Et bien il vous l’a dit vendredi dernier, à cette époque vous vous êtes alors conduits en héros, des héros de la République.

Et je veux saisir l’occasion qui m’est donnée ce matin pour vous faire part, très solennellement, de la reconnaissance de toute la Nation.

Vous incarnez une France solidaire, une France généreuse.

Et cette France-là, le gouvernement auquel j’appartiens ne cessera jamais de la défendre et de la promouvoir.

***

Les événements que je viens d’évoquer ont montré combien était ancré en vous le sens du devoir. Ils ont aussi mis en lumière votre savoir-faire.

Car si les crises que nous avons vécues sont inédites par leur ampleur, leur bilan aurait pu être catastrophique.

Là où dans un certain nombre de pays les dégâts matériels et humains ont été extrêmement lourds – on se souvient du feu qui a hélas fait 64 morts et plusieurs centaines de blessés au Portugal, nous n’avons pour ce qui est de la France eu aucune victime grave et très peu de dégâts matériels à déplorer.

Et si, nous avons évidemment en ce jour une pensée pour les 9 personnes qui ont perdu la vie à Saint-Martin suite au passage d’Irma, pour les 4 victimes guadeloupéennes du cyclone Maria, on a vu qu’à Haïti, aux États-Unis, à Porto Rico, les pertes humaines liées à cette crise cyclonique historique ont été singulièrement lourdes.

Mesdames et Messieurs, ce bilan est lié à l’organisation singulière de notre système de sécurité civile qui, grâce à la mobilisation des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, civils et militaires, grâce au renfort de personnels de tous les départements, permet d’assurer une couverture optimale du territoire.

C’est aussi cela que j’ai pu constater pendant tous ces jours place Beauvau et sur le terrain : le caractère unique du modèle français de sécurité civile.

Et croyez-moi, ce modèle, je me battrai pour le promouvoir, je me battrai pour le faire vivre.

Oui, je me battrai pour adapter notre système de sécurité civile aux grandes mutations que connaît notre pays, car c’est comme cela que l’on pourra créer les conditions de sa pérennité.

1) Le premier pilier du modèle français de sécurité civile, c’est - le Président Faure l’a rappelé - le volontariat des sapeurs-pompiers.

Car, vous le disiez : sans les 194 000 sapeurs-pompiers volontaires que compte notre pays, c’est toute la sécurité civile qui s’effondre.

Chaque Français a en tête la belle figure du sapeur-pompier français. De tous ceux qui participent à notre service public, c’est sans aucun doute ce qui est lui est le plus proche, qu’il affectionne le plus. Dans le civil, le sapeur-pompier est employé, patron de PME, cadre, ouvrier. Mais dès que l’urgence l’appelle, alors il quitte son poste de travail, sa famille, renonce à ses loisirs, pour aller porter secours, dès que survient un incendie, un accident de la route, un incident de la vie domestique.

Se dévouer, accepter d’être appelé souvent le week-end ou la nuit, pour protéger ses compatriotes : c’est évidemment un des plus beaux engagements qui soient.

A l’heure où beaucoup évoquent dans notre société une perte de repères, un manque de sens, les sapeurs-pompiers volontaires montrent qu’une autre voie est possible.

Par votre engagement, vous incarnez une forme d’espoir.

Et ce qui fait la force du modèle français, c’est la symbiose, dans nos forces de sécurité civile entre l’ensemble des personnels des moyens nationaux, les bénévoles des associations agréées de sécurité civile, les sapeurs-pompiers militaires ou civils.

Et parmi ceux là, l’engagement de tous les volontaires, sans lesquels notre modèle n’existerait tout simplement pas.

Oui, le volontariat constitue une exigence forte.
Il faut donc non seulement le maintenir à un niveau élevé. Mais même le renforcer.

  • Beaucoup a déjà été entrepris en ce domaine.

Et je n’ignore pas que l’engagement pris devant votre congrès à Chambéry en 2013, qui a permis la stabilisation des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires, a constitué une réelle avancée.

La rénovation du dispositif de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, effective depuis le 9 mai dernier, a notamment constitué - j’en suis conscient - un vrai progrès pour tous.

Je m’en félicite, et je tiens ici à saluer l’action de mes prédécesseurs sur cette question. La semaine dernière le Président de la République vous a redit combien cet engagement lui semblait essentiel.

  • Mais, pour susciter encore davantage de vocations, chacun s’accorde aujourd’hui sur le fait qu’il est devenu urgent de porter une nouvelle ambition.

Pas seulement des réformes à la marge, avec des ajustements paramétriques. Mais une vraie refondation.

Pour cela, je veux vous réunir autour de personnalités représentatives de tout notre pays - parlementaires, élus locaux, membre des organisations patronales, chefs d’entreprises, sociologues, géographes – pour vous charge de formuler d’ici le mois de mars 2018 des propositions audacieuses, pour inventer le volontariat du XXIème siècle.

Parce qu’ils auront une aura particulière, ils seront capables d’impulser un élan nouveau dans les institutions qu’ils représentent – Parlement, collectivités locales, monde de l’entreprise, universités, Éducation Nationale.

Car autour, pour donner le nouvel élan que vous attendez au volontariat, c’est toute notre société qu’il faut mobiliser.

Et il faudra veiller comme vous le disiez à ce que l’engagement comme sapeur-pompier volontaire soit valorisé de l’école à l’université dans nos concours, dans l’entreprise.

Vous le savez, il faut aujourd’hui valoriser le corps des sapeurs-pompiers volontaires pour le renouveler. Il faut aussi le diversifier.

Mobiliser les habitants des quartiers populaires par exemple. Pour être élu dans un tel quartier, je peux vous assurer que tous ceux qui y vivent sont animés du désir d’être utiles, de la volonté de mettre leur énergie au service de la communauté nationale. Cela donnerait du sens à leur vie, leur permettrait un nouveau départ. Quel bel enjeu pour vous que de les attirer, de les former, de leur transmettre cet esprit civique qui vous anime au quotidien ! Car être sapeur-pompier, c’est aussi entrer dans une école du devoir.

Nous devons également relever le défi de la féminisation. Car si aujourd’hui, on parvient à recruter de plus en plus de femmes, on éprouve encore des difficultés à pérenniser leur engagement (une sur deux renonce au bout de cinq ans).

La raison est connue : le volontariat est parfois difficilement conciliable avec une vie familiale.

Peut-être dès lors, faudra-t-il envisager de nouvelles formes de volontariat, plus souples, plus flexibles, plus adaptées aux modes de vie modernes.

C’est ce type de pistes que nous devrons étudier.

Enfin, conformément au souhait formulé par le Président de la République la semaine dernière, je veillerai à ce que nous puissions valoriser l’engagement comme sapeur-pompier volontaire dans le cadre du futur service national universel.

Pour la pérennité du modèle français de sécurité civile, il s’agit évidemment d’une occasion exceptionnelle.

Car il y a fort à parier, qu’une fois inscrits dans un parcours de sapeur-pompier volontaire, une part significative des jeunes citoyens concernés auront à cœur de prolonger l’aventure pour le bien collectif.

Je compte donc sur vous pour vous saisir de cette belle opportunité.

2) Le second pilier du modèle français de sécurité civile, c’est bien sûr, Mesdames et Messieurs, son organisation dans les Services Départementaux d’Incendie et de Secours.

  • Parce que, comme élu local, j’en ai expérimenté la force, je Yens beaucoup au mode de gouvernance des SDIS.

Leur financement et la présidence de leurs conseils d’administration par les collectivités locales garantissent en effet un lien organique entre nos services d’incendie et de secours et leurs territoires.

Et cela est déterminant.

Car ce lien entre les sapeurs-pompiers et le terrain est crucial.

Il permet de garantir un maillage de proximité sur l’ensemble du pays.

Et je sais, vous me l’avez dit, combien il est essentiel de protéger les permanences de vos casernes.

C’est ce maillage qui permet aux sapeurs-pompiers de cultiver une connaissance fine des quartiers, des communes, des cantons dans lesquels ils interviennent et des risques qui leur sont afférents.

On a vu, dans le domaine de la sécurité intérieure, à quelles difficultés avait pu mener la fin d’une police ancrée dans les quartiers, et c’est pour y remédier qu’aujourd’hui nous voulons créer une Police de Sécurité du Quotidien.

S’agissant des services de secours, le réseau des SDIS a permis bien souvent d’éviter cet écueil. Voilà pourquoi il faut le pérenniser.

  • Le pérenniser ! Mais aussi l’ajuster.

Car chacun ici a conscience que ce modèle hérité de la loi de 1996 mérite des adaptations.

Comment ne pas voir en effet que, comme la France ne se structure plus autour des cantons, les services de secours doivent renouveler leur forme d’organisation ?

Oui, il faut bouger en adaptant l’organisation à la diversité du territoire.

A Lyon je l’évoquais, à la faveur de la création de la Métropole, le service d’incendie et de secours est désormais placé sous la tutelle de deux collectivités.

Dans certaines régions, je sais que des projets de regroupements de SDIS sont actuellement en gestation.

Eh bien je souhaite favoriser ce type d’initiatives.

Pour créer, dans le domaine des services de secours, une organisation « à la carte » qui corresponde mieux à la diversité de la France.

Dès l’année prochaine, des discussions approfondies sur ce sujet seront ainsi menées avec l’Association des Départements de France et l’Association des Maires de France.

Ma ligne est simple : ne rien imposer. Mais ne rien interdire aux acteurs locaux.

  • En même temps que nous différencions le système, je veux aussi – et il s’agit d’un corolaire indispensable - que nous puissions renforcer le pilotage national du réseau des SDIS.

Car s’il est des domaines dans laquelle la réponse en proximité est la plus pertinente, il est aussi des questions stratégiques, régaliennes, qui doivent se régler au plus haut niveau.

C’est bien sûr le rêle de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises qui adapte en permanence les doctrines d’opérations et assure une unité d’action sur tout territoire.

C’est la mission d’un établissement comme l’’École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers (ENSOSP) qui forme l’ensemble de nos officiers sapeurs-pompiers et dont j’ai pu constater la qualité en présidant, en juin dernier, la cérémonie de sortie des différentes promotions.

C’est également la vocation de la réforme des Emplois Supérieurs de Direction, créés bien sêr pour doter les dirigeants des SDIS d’un cadre statutaire adapté à la réalité de leurs responsabilités, mais aussi pour permettre à l’État d’assurer directement le management des hauts responsables.

Puisque nous évoquons ces sujets de ressources humaines, je veux, cher Eric FAURE, répondre aux deux questions sur lesquelles vous avez attiré mon attention : la surcotisation de retraite des sapeurs-pompiers d’une part et la continuité statutaire d’autre part.

En vous disant que j’ai pleinement pris en compte cette problématique. C’est pourquoi j’ai récemment proposé au Premier ministre de confier à l’Inspection Générale de l’Administration et l’Inspection Générale des Affaires Sociales, une mission conjointe pour établir un état des lieux précis sur les deux points que vous soulevez et en tirer les conclusions qui s’imposent.

Enfin, Mesdames et Messieurs, renforcer le pilotage national des SDIS, c’est pour moi porter quelques grandes transformations attendues depuis longtemps.

Je pense en particulier à la création de plateformes communes pour les appels d’urgence. Le Président de la République l’a rappelé vendredi dernier : nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir en France cinq numéros d’appel (le 15, le 17, le 18, le 112 et le 115) quand, chez nos voisins, il en existe un seul.

Je souhaite donc qu’à horizon cinq ans, nous puissions avancer vers un numéro unique ce qui, pour nos concitoyens sera gage de simplicité, et pour les services de secours, gage d’efficacité.

De la même manière, il existe des systèmes d’information et d’alerte qui diffèrent selon les départements.

Non seulement cette situation est coûteuse en maintenance – plusieurs dizaines de millions d’euros par an, mais elle est aussi, vous le constatez au quotidien, peu efficiente puisque l’interopérabilité entre les SDIS et l’ensemble de la chaîne opérationnelle de la sécurité civile, n’est pas assurée.

Il est donc urgent de remédier à ces imperfections et c’est pourquoi je tenais à confirmer ici la mise en place sur le quinquennat d’un système d’information commun à tous.

Nous avons trop attendu pour mettre en place cette réforme de structure. Je veillerai personnellement à ce qu’elle puisse aboutir rapidement.

Il y a ces chantiers au long cours. Et puis il y a les petites avancées plus ponctuelles, mais si concrètes, qui permettent d’améliorer votre quotidien. Je pense notamment aux conditions d’utilisation des véhicules poids lourds par les sapeurs-pompiers. Sans disposition spécifique, les directeurs de SDIS auraient prochainement dû exiger de leurs hommes la détention d’un permis spécifique pour conduire les véhicules de secours.

J’ai décidé que les 250 000 sapeurs-pompiers, mais aussi les personnels de la sécurité civile, les bénévoles d’associations de secours agréées du pays en seraient dispensés. Vous pourrez, avec un simple permis B et moyennant quelques heures de formation continuer à conduire des engins jusqu’à 5,5 tonnes.

C’était une mesure de bon sens. En accord avec les directeurs des SDIS, nous l’avons prise.

3) A ce stade de mon propos, je tenais à dire quelques mots d’un point qui a été largement évoqué durant ce congrès : le périmètre de vos missions.

  • En partageant avec vous ce]e idée que nous faisons face, en matière de secours aux personnes, à une situation délicate qui, si nous n’agissons pas, pourrait remettre en cause l’équilibre de ce modèle que nous souhaitons préserver.

Vous l’avez évoqué : en seulement dix ans, le nombre d’interventions réalisées par les sapeurs-pompiers pour secourir des personnes a augmenté d’un million, au point que celles-ci représentent aujourd’hui 80% de vos missions.

Comme cause de cette augmentation, il est bien évidemment des raisons structurelles, et il est vrai que, quand une population vieillit, le besoin d’assistance grandit inévitablement.

Toutefois, il est aussi incontestable que les sapeurs-pompiers pallient actuellement les imperfections de la couverture sanitaire et sociale dans notre pays.

S’il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause la nécessité de prendre en charge tous les appels au secours – c’est la grandeur du service public, je veux dire avec force que cette situation ne peut durer, car elle met en péril vos capacités à remplir vos missions premières.

C’est pourquoi j’ai demandé au Directeur Général de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises de mener au plus vite des discussions approfondies avec les services du Ministère des Solidarités et de la Santé.

Autour de deux questions.

  • La première est celle des carences ambulancières.

Aujourd’hui, il arrive souvent que, pour un simple transport à l’hôpital, on fasse appel, faute d’ambulances privées disponibles, aux sapeurs-pompiers. Avec des trajets de plus en plus longs, du fait des réformes successives qu’a connu la carte hospitalière.

Cette situation doit nous amener à réfléchir à l’organisation de notre système de soins et du transport sanitaire.

Mais même si nous progressons sur ces questions, il y aura toujours des cas où aucune ambulance ne sera disponible et où on vous demandera d’intervenir.

C’est pourquoi vous me permettez de formuler quelques questionnements simples.

Est-il vraiment pertinent de dégrader le potentiel opérationnel d’un centre de secours pour un simple transport de personnes ?

Est-il indispensable de mobiliser un VSAV (Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes) avec à son bord trois sapeurs-pompiers arrachés à leur employeur quand ils sont volontaires ?

Est-il nécessaire de prendre tous les risques sur la route, d’utiliser un gyrophare 2 tons, tout cela pour une urgence très relative ?

Ma réponse est simple : je ne le crois pas.

Il nous faut donc imaginer de nouvelles solutions, qui concilient prise en charge de chacun et préservation du cœur de mission des sapeurs-pompiers : le secours d’urgence.

  • La seconde problématique est celle des personnes dont les détresses sont plus souvent sociales que sanitaires.

Sur ce sujet, j’ai demandé que nous puissions lancer immédiatement avec le Ministère des Solidarités et de la Santé et l’Association des Départements de France un groupe de travail afin que des propositions soient formulées d’ici la fin de l’année.

Une nouvelle fois, je veux redire la position que j’avais exprimée lors de la Journée nationale des sapeurs-pompiers en juin dernier.

Oui, les sapeurs-pompiers doivent répondre à chaque urgence.

Mais non, ils n’ont pas à se substituer aux missions d’assistance sociale.

4) J’en viens, Mesdames et Messieurs, au dernier point que je souhaitais évoquer, qui concerne l’anticipation des nouveaux risques auxquels nous aurons à faire face dans les temps futurs.

  • Je mentionnais en introduction des feux de forêt et les cyclones.

On le sait, ces épisodes sont malheureusement appelés à se multiplier dans les années à venir, du fait du réchauffement climatique.

Prenons l’exemple des feux. Pour ce qui est de notre pays, c’est, en 2050, la moitié de la forêt française qui sera chaque été confrontée au risque.

De même, il est malheureusement probable que, dans les années à venir, de nouveaux Irma, José, Maria, viendront hélas frapper nos côtes.

La réponse à ces événements extrêmes se prépare dès maintenant. Car dans quelques années il sera trop tard pour se doter des moyens nécessaires pour y faire face. Oui, c’est aujourd’hui que les décisions se prennent.

Voilà pourquoi, avec le Président de la République, nous avons, par exemple, décidé l’acquisition de 6 avions polyvalents gros porteur pour un montant de 400 millions d’euros. Dans les années à venir, ces avions pourront être mobilisés que ce soit pour lutter contre les feux de forêts, ou pour transporter, comme nous l’avons fait récemment aux Antilles, du matériel et des vivres.

Mais en ce domaine, la réponse n’est pas seulement financière. Elle réside aussi dans une coopération accrue au niveau européen, car le continent constitue une échelle pertinente pour agir.

Le Président de République l’a dit : la France doit être à l’initiative pour porter auprès de nos partenaires le projet d’une flotte européenne de sécurité civile.

Notre objectif est que, dans cinq ans, celle-ci soit dotée d’une vingtaine de bombardiers d’eau, mobilisables à tout moment pour répondre à une situation extrême dans l’arc méditerranéen.

  • Il y a cette multiplication des crises météorologiques.

Et puis il y a ces nouvelles menaces auxquelles nous devons faire face depuis quelques années.

D’abord, un basculement de notre société.

Il y a aussi les risques nucléaires, biologiques, radiologiques et chimiques, que vous connaissez bien. Mais je pense surtout à ce risque terroriste grandissant qui marque hélas nos sociétés.

Des attentats qui ont endeuillé notre pays, les Français retiennent évidemment l’horreur des attaques qui ont fauché 241 personnes depuis janvier 2015.

Mais ils ont aussi en mémoire le professionnalisme des sapeurs-pompiers, mobilisés pour sauver des vies que ce soit lors des tueries de masse du Bataclan, de Nice, ou des attaques ciblées comme nous avons connu à Magnanville, Saint-Etienne du Rouvray et récemment Marseille.

Nous le savons, malgré l’action résolue de nos forces de sécurité, de nos services de renseignement, il faut hélas nous préparer à ce que de nouveaux drames surviennent.

Inévitablement, les sapeurs-pompiers seront donc sollicités.

Et, pour revenir sur un débat dont je sais qu’il vous préoccupe, je vous confirme que rien ne remettra en cause vos prérogatives de commandement des opérations de secours.

J’attends aussi beaucoup de vous sur la formation de nos concitoyens à ces « gestes qui sauvent » qui, en cas de drame, peuvent permettre d’épargner tant de vies.

Vous avez déjà réalisé un effort significatif dans ce domaine, en formant la moitié des 103 000 personnes qui ont suivi de telles formations l’année dernière.

Il nous faut amplifier significativement ce mouvement pour que, à court terme, 80% de la population puisse être formée. Et cela doit se faire dès l’école, dans nos entreprises, dans nos administrations. Ceci contribuera à faire de la société française une société toujours plus résiliente face à ces menaces avec lesquelles il nous faut apprendre à vivre.

Je n’ai aucun doute sur le fait que vous serez au rendez-vous.

***

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais conclure en soulignant une nouvelle fois combien votre rôle est essentiel.

Il l’est – je l’évoquais au début de mon propos – parce que vous êtes là quand tout semble s’effondrer.

Il l’est aussi parce que, dans votre action quotidienne vous faites vivre cet idéal républicain dont on a trop souvent le sentiment qu’il « sonne creux ».

Oui, là où, je le disais, on observe partout une perte de sens, vous êtes présents pour montrer la voie d’un engagement positif, généreux, ouvert.

Là où certains territoires se sentent abandonnés, vous assurez, par un maillage de 6500 centres d’incendies et de secours, une présence permanente, au point que dans certaines zones, les sapeurs-pompiers constituent, avec les communes, le seul service public qui demeure.

Au fond, pour reprendre une formule chère à Éric Faure, vos casernes sont des « bastions de citoyenneté », j’allais dire « des bastions de la République », qui tiennent notre société unie, qui contribuent à ce que la nation française demeure fraternelle et solidaire.

C’est pour cela qu’en ce moment où je m’exprime devant vous, je veux redire combien je suis fier d’être votre Ministre.

Dans mon action comme dans toutes les décisions que j’aurai à prendre dans ces fonctions, je veillerai à chaque instant à défendre ces valeurs de dévouement, de solidarité, de générosité que vous portez au quotidien.

Vivent les sapeurs-pompiers ! Vive la République !

Et vive la France, une France qui, lorsqu’il y a urgence, sait se mobiliser dans toute sa diversité, qui exprime spontanément que la solidarité nationale, cela a du sens !

Je vous remercie.