Conférence de presse sur la sécurité publique

Conférence de presse sur la sécurité publique
6 septembre 2018

Allocution de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, prononcée lors de la conférence de presse sur la sécurité publique à l'Hôtel de Beauvau, le jeudi 6 septembre 2018.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le préfet de police,
Messieurs les directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation à participer à cet échange de rentrée, un moment qui revêt pour le Ministère de l’Intérieur une dimension symbolique. Vous me permettez de commencer cette conférence de presse en ayant une  pensée pour le sapeur-pompier de la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris tué par un déséquilibré. Je pense très fort ce matin à sa femme, à ses parents, à ses proches. Pensée pour tous les pompiers de France.

La rentrée marque en effet la fin de la période estivale.

On peut aujourd’hui commencer à en faire le bilan et on voit qu’il a été pour la France très positif avec un tourisme qui a renoué fortement avec la croissance.

L’année dernière, au moment de l’examen de la loi relative à la sécurité Intérieure et à la lutte contre le terrorisme, qui nous permettait de sortir de l’état d’urgence tout en introduisant dans le droit commun les dispositifs indispensables au maintien d’un haut niveau de protection, j’avais souligné devant la représentation nationale que la sortie de l’État d’urgence se traduirait par un renouveau du tourisme étranger en France.

On a pu le vérifier cette année et particulièrement à Paris : oui, les touristes américains ou asiatiques à qui leurs agences de voyage avaient l’an dernier déconseillé la destination France, sont aujourd’hui revenus.

Comme quoi l’on voit que cette loi qui avait été beaucoup décriée, nous permet au contraire, parce qu’elle assure la sécurité, de redonner une confiance à tous. Il faut dire que pendant cette période estivale, la mobilisation des forces a été  maximale : renfort de 67 pelotons de gendarmerie mobile, de 11 compagnies de CRS dédiées aux secteurs touristiques, 1mobilisation de plus de 1.000 réservistes, engagement des policiers, des gendarmes départementaux et des policiers municipaux, engagement des sapeurs-pompiers.

C’est cette mobilisation qui a permis que puisse se dérouler sans incident notoire l’été et les milliers d’événements festifs qui l’accompagnent. Cette rentrée, pour le Ministère de l’intérieur et les forces de l’ordre, est synonyme d’une réorientation de  nos forces.
Des millions d’enfants et de jeunes viennent de faire leur rentrée scolaire, et nous devons assurer leur sécurité, comme celle de leurs parents et plus largement de la communauté éducative dans son ensemble.
Dès le 3 septembre, ce sont 23.000 policiers et gendarmes, dont 3.000 réservistes, qui ont été engagés aux abords de nos écoles. Et cette mobilisation, a vocation à se poursuivre durant toute l’année scolaire dans le cadre des dispositifs  spécifiques et partenariaux dont j’ai rappelé l’importance aux préfets le 30 août dernier par une instruction conjointe avec mon collègue Jean-Michel Blanquer.

Ensemble, nous avons notamment demandé aux préfets et aux directeurs des services académiques de réunir, en septembre, un état-major de sécurité spécifiquement consacré aux questions de sécurité dans les établissements. Ces réunions  seront l’occasion de s’assurer de la mise en œuvre, dans chaque département, de l’ensemble des mesures de nature à sécuriser les espaces scolaires (élaboration, site par site, d’un plan particulier de mise en sécurité ; organisation régulière d’exercice ; mise en place de canaux d’échanges d’information fluides entre chefs d’établissement, responsables des forces de l’ordre, et référents sûreté, etc.).

Mesdames et Messieurs,

Ces jours de rentrée sont en général propices, pour chacun, à réaliser un bilan des mois écoulés et de tracer des perspectives pour l’avenir. C’est ce que je souhaite faire aujourd’hui avec vous. Je voudrais d’abord faire un premier bilan de l’évolution de la délinquance depuis le début de l’année 2018. Dans un second temps, je vous indiquerai les priorités d’action qui guideront le ministère de l’intérieur jusqu’à la fin de l’année.

Je commence par les résultats atteints à ce stade de l’année 2018.
La presse se fait régulièrement l’écho des statistiques de tel ou tel aspect de la délinquance. Je souhaite, dans cette conférence, vous permettre d’avoir une vision globale. La première constatation c’est que les atteintes aux biens ont diminué de  3,9% sur les 7 premiers mois de l’année, passant d’environ 1.235.000 à 1.187.000 faits (soit 48.000 faits de moins). Même s’il faut rester prudent à ce stade de l’année, cette baisse est, pour l’heure, la plus importante jamais enregistrée depuis 10 ans. Elle concerne tous les agrégats : vols avec violence (-8,8%), vols à main armée (-17,7%), délinquance liée à l’automobile (-4,8%).

J’avais demandé qu’une attention particulière soit portée aux cambriolages, dont le nombre avait augmenté en 2016, que nous avions réussi à stabiliser en 2017 (-0,14%) et qui sont cette année nettement orientés à la baisse (-6,2%). C’est la plus forte diminution enregistrée depuis 10 ans, tant en zone de compétence de la police nationale que de la gendarmerie nationale. Seul point de vigilance, la situation parisienne, puisque les cambriolages sont en progression dans la capitale, de   6,3%. Il y a là une situation spécifique et j’ai demandé au préfet de police de pouvoir examiner pourquoi nous connaissons une telle situation, à rebours de la tendance nationale. Il convient en effet d’avoir une analyse précise des faits, pour une meilleure connaissance de personnes mises en cause dont le nombre à progresser de 25% depuis le début de l’année, afin de toujours mieux orienter l’action des services.

J’en viens maintenant aux atteintes à l’intégrité physique des personnes, les fameuses « AVIP » que vous commentez souvent. Elles continuent à augmenter : 5.7% au cours des 7 premiers mois de l’année. Mais il faut avoir à l’esprit ce que cette réalité recouvre. En fait, le nombre de violences dites « crapuleuses » (celles qui sont commises à des fins d’appropriation et de vol) diminue très nettement, de plus de 8,8%, soit une baisse de 5.000 faits environ en 7 mois, ce qui représente environ 25 actes de violence de moins chaque jour. Alors qu’elles avaient augmenté chaque année entre 2008 et 2013, les violences physiques crapuleuses poursuivent ainsi, en 2018, leur orientation à la baisse, entamée il y a 4 ans. A ce stade de l’année, la baisse constatée depuis 7 mois est aussi la plus forte enregistrée ces 10 dernières années. Ce qui augmente, c’est le nombre de violences physiques non crapuleuses (+8%). Là encore, on doit préciser ce qu’est la réalité. La  principale cause de cette croissance en 2018, ce sont les coups et blessures volontaires, qui passent de 129 000 à 139 000, soit une hausse de 7.5%. Mais 80% de cette hausse est due à l’augmentation des violences au sein de la famille (+ 8000 faits). Et sans surprise, celle-ci touche d’abord les femmes puisque, sur les 8.000 faits nouveaux enregistrés cette année au sein de la sphère familiale, 6.000 ont pour victimes des femmes.

La même tendance se retrouve évidemment, dans des proportions encore plus significatives, pour les seules violences de nature sexuelle, qui progressent de 23,1% en 2018, avec 27.728 faits contre 22.533 au cours des 7 premiers mois de 2017. En 2018, les services de police et de gendarmerie ont, notamment, enregistré 3.357 faits de harcèlement sexuel de plus qu’en 2017 – année qui, déjà, avait connu, une nette progression. On voit donc que les dispositions que le Gouvernement est en train de mettre en œuvre – loi sur les violences sexuelles et sexistes portée par Mesdames Belloubet et Schiappa, la campagne de sensibilisation développée sur ce sujet– sont totalement nécessaires. Pour ce qui concerne le Ministère de l’Intérieur, tant dans les brigades de gendarmerie que dans les commissariats, nous avons formé spécifiquement nos forces au recueil des plaintes, installé des espaces dédiés animés par 74 psychologues et 261 intervenants sociaux, et nous allons lancer au mois d’octobre une plateforme de signalement de ces violences sexuelles et sexistes, de manière à ce que les femmes qui sont victimes de tels faits, puissent plus facilement les signaler. Nous savons qu’en termes statistiques, cela conduira à une augmentation des chiffres. Mais ce qui compte, c’est bien évidemment de faire changer la réalité.

Parmi les 20% restant d’augmentation des violences non crapuleuses, un phénomène a attiré votre attention, celui des attaques commises à l’arme blanche.
J’ai donc souhaité que ces faits fassent l’objet d’une analyse spécifique, qui est maintenant réalisée depuis juin. Sur les 90 faits recensés et ayant conduit au décès de 40 personnes, la moitié ont été commis là encore au sein même de la sphère familiale et un tiers l’a été entre personnes se connaissant, à la suite de disputes, souvent sur fond d’alcoolisation massive.

Dans ce bilan, je veux évoquer aussi un point qui frappe un certain nombre de nos quartiers, qui entraîne des règlements de compte de plus en plus nombreux : je veux parler du trafic de stupéfiants, qui constitue désormais la grande priorité. En 2018, grâce à l’action des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, le nombre de personnes arrêtées pour trafic de stupéfiants a augmenté de +5.7%, ce qui n’a pas pour autant fait diminuer le nombre d’infractions pour usage de stupéfiants qui progresse de 1,5% au plan national, avec 91.554 mis en cause.
Tous les types de produits sont concernés, du cannabis au crack, en passant par les drogues de synthèse, avec des effets de plus en plus dévastateurs sur la santé publique. Nous intensifierons donc encore dans les mois à venir notre action, dans  le cadre d’un ambitieux plan de lutte contre les stupéfiants demandé par le Président de la République, sur lequel mes services travaillent en cette rentrée.

Face à ces diverses formes de délinquance, nos forces de l’ordre sont particulièrement actives puisque ce qui marque les premiers mois de l’année 2018, c’est la progression du taux d’élucidation : il est globalement en hausse, notamment en matière de vols avec violence (+1 point), de cambriolages (+ 1 point, pour atteindre 13%) et de vols à main armée (+10 points).
Voilà, Mesdames et Messieurs, les tendances sur lesquelles je voulais revenir ce matin avec vous.

***

Comme vous le savez, pour progresser en matière de sécurité, nous avons mis et nous continuerons à mettre en œuvre un certain nombre de réformes.

C’est d’abord la police de sécurité du quotidien, qui aujourd’hui, j’ai pu le constater, est partout intégrée par nos forces, dans la police comme dans la gendarmerie. Elle a d’ores et déjà conduit au renforcement du dialogue avec les élus locaux comme avec la population et cela n’est pas étranger aux résultats positifs que je vous ai indiqués.

Elle va être complétée dans les zones les plus marquées par la délinquance, par la mise en place des quartiers de reconquête républicaine. Comme vous le savez, j’avais annoncé en février les 30 premiers quartiers qui seront déployés d’ici l’été 2019 - 30 autres le seront d’ici fin 2020. Pour la première vague – 15 quartiers en 2018 – ce sont 300 fonctionnaires supplémentaires qui seront affectés. Les premiers effectifs prendront leurs fonctions dans les prochains jours dans les quartiers de reconquête républicaine de Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Pau, Corbeil-Essonnes et Nouméa. Nous devions attendre pour cela le mouvement général de l’été et l sortie de la 246 e promotion des gardiens de la paix. Les gardiens qui viennent de terminer leur formation sont en train d’être affectés sur le territoire. J’irai le 18 septembre prochain lancer officiellement ce dispositif et me rendre compte sur le terrain des tâches affectées aux nouveaux effectifs. Les autres quartiers de  reconquête républicaine verront leurs effectifs arriver au fil des sorties d’école de l’année 2018. Tous seront effectifs d’ici décembre.

Mais ce n’est pas seulement dans ces quartiers que les policiers et les gendarmes seront plus nombreux puisque, au rythme des sorties d’école de gardiens de la paix ou de gendarmes, il y aura en France, comme nous nous y étions engagés, 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Ce ne sont encore que des chiffres provisoires des sorties d’école, mais sachez qu’il y en aura 2700 en 2018, 3500 en 2019, 4050 en 2020, 3900 en 2021. De la même manière, c’est sur tout le territoire que seront installés tablettes, smartphones et caméras-piéton. Dans la gendarmerie nationale, le projet « NEOGEND » est déjà achevé. 67 000 tablettes et smartphones équipent les deux tiers des personnels des unités territoriales. Cela  a représenté, hors abonnements, un investissement de 28,9 M€ sur 3 ans.

Dans la police, 28 240 terminaux « NEOPOL » sont déjà déployés. J’ai demandé à ce que le rythme de dotation soit accéléré, et que 22 000 tablettes et smartphones supplémentaires soient déployés d’ici l’été 2019, ce qui permettra de dépasser les 50.000 terminaux en dotation. 6 M€ de crédits sont consacrés à ce projet dans le budget 2018. Nous prioriserons bien sûr, dans la répartition de ces nouveaux outils, les quartiers de reconquête républicaine, mais à terme, tout le territoire sera équipe.
Quant aux caméras-piétons, à ce jour, 2600 caméras environ sont déployées : 575 dans la GN et 2078 dans la PN. Je souhaite les généraliser, car ce dispositif permet de prévenir des incidents au cours des interventions, d’éviter que les situations ne dégénèrent et en même temps d'assurer la protection du policier ou du gendarme, en montrant qu'il agit conformément aux lois. C'est un dispositif gagnant-gagnant, qui participe à l’amélioration des relations entre les forces de sécurité et la population.
Un nouveau marché public permettra l’acquisition de 10 400 caméras piétons supplémentaires pour nos forces.

Par ailleurs j’ai toujours dit que la sécurité doit être aujourd’hui une co-production. C’est pourquoi, j’avais demandé aux députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue un rapport sur le continuum de sécurité, visant à déterminer comment   mieux associer forces nationales, polices municipales et sociétés de sécurité privée, qui sera remis le 11 septembre prochain.
J’ai eu l’occasion d’échanger cet été avec les deux députés et, s’il ne m’appartient pas, aujourd’hui, de dévoiler leurs propositions, je peux vous assurer qu’un certain nombre d’entre elles sont très stimulantes et porteuses d’une plus grande efficacité.

Ensuite, vous le savez, policiers et gendarmes avaient lors de la grande consultation que nous avions organisée pour mettre en place la Police de Sécurité du Quotidien exprimé comme principale attente une simplification de procédure pénale.  Nous y avons travaillé avec la Garde des Sceaux, dont le texte sur la Justice, déjà présenté en Conseil des Ministres, sera examiné d’ici la fin de l’année malgré un calendrier particulièrement dense. Il comportera des avancées significatives pour le travail des enquêteurs.
Une équipe conjointe du Ministère de l’Intérieur, de la Justice et du Numérique, travaille dans le même esprit au passage à la signature électronique, qui permettra demain la mise en place d’une dématérialisation des procédures dans un cadre sécurisé. Les premiers résultats sont attendus à partir de 2020. Deux sites pilotes ont été désignés : Amiens et Blois.

Enfin, comme j’ai eu l’occasion de le montrer lors d’un déplacement la semaine dernière au Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale et au Commissariat de Cergy-Pontoise, nous ouvrons un certain nombre de plateformes pour mieux lutter contre toutes les fraudes et escroqueries sur Internet : la plateforme PERCEVAL a été ouverte en juin dernier. Elle a d’ores et déjà recueillir 17 800 signalements. Et dès 2019, avec le projet de plateforme THESEE, un nouveau pas sera franchi avec la possibilité de déposer plainte en ligne pour tout fait d’escroquerie sur Internet.

Tels sont, Mesdames et Messieurs, les axes de travail qui vont guider mes services et moi-même dans les semaines à venir. Pour évaluer nos progrès au-delà des indicateurs statistiques que j’ai évoqué en introduction, nous lancerons en octobre le LAB’PSQ qui réunira, autour des services du ministère de l’intérieur, les principales associations d’élus, des chercheurs et sociologues spécialisés dans les questions de sécurité, des magistrats mais aussi des personnalités de la société civile. Ce LAB aura vocation à suivre le déploiement de la police de sécurité du quotidien, à en identifier et en diffuser les bonnes pratiques, dont je constate la diversité à chacun de mes déplacements. Le LAB devra aussi confronter les résultats enregistrés aux attentes qualitatives des élus et de la population : des chercheurs pourront mener des expérimentations visant à une évaluation renouvelée de l’action des forces de l’ordre.

Mesdames et Messieurs,

Nos ambitions sont donc élevées. Mais elles sont à la hauteur des exigences légitimes de nos compatriotes en matière de sécurité.
Dans le cadre de mes fonctions, je me déplace régulièrement sur le terrain, je dialogue avec nos compatriotes. Ce qu’ils me disent c’est que, pour eux, il est deux grandes priorités. L’emploi et le pouvoir d’achat bien sûr : j’espère que l’action du gouvernement portera ses fruits.

Seconde priorité : la sécurité. Sur ce sujet aussi, le Gouvernement se montrera au rendez-vous. J’ai détaillé les réformes de structure que nous mettons en œuvre. Dans les semaines à venir, vous verrez également, dans le cadre du projet de loi de finances, que les moyens seront également au rendez-vous et que la sécurité constitue bien pour nous une priorité.

Merci, Mesdames et Messieurs, de votre attention.

Je suis, ainsi que le Préfet de Police, le Directeur Général de la Police Nationale et le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale, à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je vous remercie.