Schéma national d'intervention : Discours de Bernard Cazeneuve aux unités d'élite le 19 avril 2016

Présentation du schéma national d'intervention
19 avril 2016

Schéma national d'intervention : Discours de Bernard Cazeneuve aux unités d'élite le 19 avril 2016


Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Préfet de Police,
Monsieur le Directeur général de la Gendarmerie nationale, Mon Général,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale,
Monsieur le commandant du GIGN, Mon Colonel,
Messieurs les chefs du RAID et de la BRI,
Mesdames et Messieurs,
Les menaces auxquelles nous devons faire face – chacun le sait, chacun le constate – ne cessent d'évoluer. Leur nature, leur portée, les modes opératoires qu'elles empruntent sont pour nous autant de défis nouveaux. C'est la raison pour laquelle nous avons nous-mêmes le devoir de sans cesse adapter nos dispositifs de riposte et de mettre en œuvre des moyens appropriés, destinés à optimiser les schémas d'intervention de nos forces.
En tant que Ministre de l'Intérieur, il est de ma responsabilité d'y veiller, afin que nous soyons capables à tout moment, lorsqu'une attaque terroriste est perpétrée sur notre sol, de réagir avec une efficacité maximale, dans les plus brefs délais et sur l'ensemble du territoire national, en métropole comme outre-mer. Car – nous le savons bien, nous l'avons notamment constaté au Bataclan – en cas de tuerie de masse, c'est durant les premières minutes que les terroristes font le plus grand nombre de victimes. Nous devons donc réagir le plus rapidement possible, comme nous devons constamment anticiper la possibilité d'une telle attaque pour ne jamais être pris au dépourvu. De même, au cours de l'assaut – vous le savez mieux que quiconque – la moindre seconde compte et le temps est une donnée essentielle pour sauver un maximum de vies.
Notre objectif est donc de répondre toujours plus rapidement aux attaques, de réduire au maximum nos délais d'intervention. C'est ainsi que nous pourrons conduire, dans des conditions optimales, cette « guerre du temps » qu'implique désormais toute riposte antiterroriste. Voilà pourquoi j'ai souhaité l'élaboration et la mise en œuvre d'une nouvelle doctrine d'intervention, reposant sur un nouveau schéma national de mobilisation des forces en cas de tuerie de masse ou de tuerie planifiée.
C'est ainsi que nous renforcerons les conditions dans lesquelles vous intervenez en cas de crise. A cet égard, à vous tous je veux exprimer à nouveau ma profonde gratitude pour le grand courage, le sang-froid et l'extrême dévouement dont vous avez tous fait preuve – parfois au péril même de votre vie – lors des attentats de janvier et de novembre 2015.
Je pense bien sûr aux policiers et aux gendarmes des forces d'intervention spécialisées, la BRI, le RAID et le GIGN, qui ont été en première ligne lorsqu'il a fallu, dans des circonstances particulièrement dramatiques, mener l'assaut contre les terroristes à Dammartin-en-Goële, à la porte de Vincennes, au Bataclan, mais aussi à Saint-Denis.
Je pense à tous les policiers et à tous les gendarmes de nos commissariats et de nos brigades territoriales qui ont été mobilisés comme jamais au cours de ces moments tragiques et depuis lors, pour protéger les Français et prévenir la commission de nouveaux attentats. Il y eut des actes d'héroïsme individuel. Il y eut des actes d'héroïsme collectif. Certains de vos collègues ont payé de leur vie leur volonté d'accomplir jusqu'au bout leur devoir.
Tous, vous avez fait le serment de défendre la République. Et vous l'avez défendue. Et les Français savent ce qu'ils vous doivent. Et ce ne sont pas des campagnes irresponsables et calomnieuses qui parviendront à abimer l'image que les Français ont des policiers et des gendarmes, ni la gratitude qu'ils aiment à leur témoigner. N'en doutez pas : dans ce combat, je serai toujours à vos côtés, et notre détermination à protéger notre pays ne faiblira jamais.

Les attentats de janvier et de novembre 2015 nous l'ont démontré de façon tragique : nous avons changé d'époque. L'heure n'est donc plus à la concurrence des forces, mais à l'unité, à la mutualisation et à la coopération, mobilisées pour l'intérêt général. Les compétences de chacun doivent servir à tous. De nous – de vous –, les Français attendent, lorsque la crise survient, une collaboration sans failles et de chaque instant. Car c'est ainsi que nous pourrons garantir au mieux leur protection et leur sécurité.
Face à des ennemis déterminés à nous frapper en provoquant le plus de dommages possibles, sans volonté de négocier et dont la propre mort fait partie de la stratégie, nous avons besoin de forces efficaces, performantes, capables de se déployer rapidement en tout point du territoire national. Nous avons besoin de forces qui travaillent les unes avec les autres, et qui poursuivent le même objectif. Autrement dit, en toute chose, nous devons privilégier une logique d'intégration des forces. Car, oui, une fois encore, j'y insiste : nous avons changé d'époque.
Aujourd'hui, le terrorisme djihadiste constitue la principale menace – une menace inédite et protéiforme, comme les attentats de l'an dernier ou ceux, plus récents de Belgique, l'ont tragiquement démontré. Si des attaques ont d'abord été commises par des individus radicalisés, passant à l'action de façon isolée, les derniers attentats de Paris, Saint-Denis et Bruxelles, ont, quant à eux, été exécutés par des terroristes aguerris, selon des plans minutieusement préparés dont la mise en œuvre a été coordonnée depuis la Syrie.
Les modes opératoires ont en effet évolué : les exécutions isolées par arme de poing ou arme blanche ont fait place à des attentats de masse, commis à l'arme de guerre, que les réseaux de la criminalité organisée n'hésitent d'ailleurs plus, eux-mêmes, à utiliser. En outre, le 13 novembre dernier, pour la toute première fois sur notre sol, des attentats ont été perpétrés au moyen de ceintures d'explosifs. Le 22 mars dernier, les terroristes de Bruxelles ont également renoué avec la technique de l'attentat à la bombe dans les transports en commun.
Alors que voici peu ils étaient encore inédits en Europe et sur notre propre territoire, les attentats-suicides et les attentats multi-sites constituent désormais des types d'attaques terroristes auxquelles il nous faut faire face.
J'ajoute enfin que les cibles des terroristes, elles-mêmes, ont changé – ou plutôt se sont diversifiées et multipliées. Si elles avaient été choisies, en janvier 2015, à raison de leur évidente portée symbolique, tel n'a pas été le cas le 13 novembre. Les assassins ont alors délibérément frappé indistinctement des publics qui n'avaient, pour point commun, que leur concentration en un même lieu. A travers ces meurtres de masse, c'est une cible plus globale qui était visée : notre mode de vie et l'unité de la Nation.
Parce que le risque zéro n'existe pas face à la menace terroriste, les pouvoirs publics ont toujours l'obligation de se préparer au pire et de prévoir en amont les moyens de réagir à une séquence d'attentats de haute intensité. C'est dans cet esprit d'anticipation que les services du ministère de l'Intérieur ont travaillé au cours de ces derniers mois et plus largement depuis 2012. Pour affronter ces situations de crise extrême, nous avons la chance, en France, de disposer d'un système global de riposte et d'intervention dont le modèle, unique en Europe, a démontré à de nombreuses reprises, au cours de notre histoire récente, sa très grande efficacité. Depuis le début du quinquennat, tirant les leçons des attentats commis à Toulouse et à Montauban, le Gouvernement n'a donc eu de cesse, sous l'autorité du Président de la République, de renforcer les capacités de ce dispositif.
Il repose sur trois piliers que nous avons constamment consolidés :

  1. Tout d'abord, les policiers de la Sécurité publique et les gendarmes des brigades territoriales, qui sont, par définition dès lors qu'ils sont déployés sur l'ensemble du territoire, les premiers à parvenir immédiatement sur les lieux et à faire face aux terroristes. C'était le cas en janvier 2015, au siège de « Charlie Hebdo » et à Dammartin- en-Goële. Cette riposte de proximité constitue notre tout premier rempart et le premier maillon de la chaîne opérationnelle d'intervention, contre le terrorisme comme face à toutes les formes de délinquance et de criminalité violentes. C'est la raison pour laquelle, depuis 2012, nous avons consenti un effort national sans précédent de recrutements dans la Police et la Gendarmerie nationales, par l'abandon des baisses massives d'effectifs de la RGPP et la succession de trois plans spécifiques en janvier, en septembre et en novembre 2015, lorsque le Président de la République a annoncé, devant le Congrès réuni à Versailles, le lancement du « Pacte de Sécurité». D'ici la fin du quinquennat, ce sont donc 9 000 emplois supplémentaires qui auront été créés dans la Police et la Gendarmerie. C'est dire le changement d'échelle qui traduit la priorité donnée, de façon parfaitement assumée, à la sécurité du pays. L'accent a par ailleurs été mis sur la protection des personnels de police et de gendarmerie et sur leurs nouveaux équipements. A ce titre en effet, le Gouvernement a pris des décisions très significatives : 233 millions d'euros sur cinq ans ont ainsi été alloués pour renforcer les moyens dont dispose le ministère de l'Intérieur, en plus de la mobilisation des crédits déjà prévus par le budget triennal. En 2015, tous nos engagements ont été tenus et, en 2016, cet effort massif sera résolument poursuivi. D'ores et déjà, nous avons passé commande de matériels supplémentaires pour un montant total de 55 millions d'euros, et les livraisons d'armement et de matériels se succèdent à rythme soutenu dans les services. J'y veille à chacun de mes déplacements. 
  2. Le deuxième pilier de notre système de riposte est constitué par les BAC des commissariats de police et par les Pelotons de Surveillance et d'Intervention de la Gendarmerie (PSIG) de type «Sabre ». Ces unités d'intervention intermédiaire, qui quadrillent le territoire national, forment un échelon absolument décisif en cas d'attaque. Déployées dans les plus brefs délais, en soutien de l'action conduite par les effectifs primo- intervenants, elles jouent en effet un rôle majeur pour stabiliser les situations de crise les plus délicates, neutraliser les criminels ou les empêcher de fuir en les fixant sur les lieux de l'attentat, en les contraignant à s'y retrancher tout en préservant la vie des éventuels otages et des effectifs mobilisés, comme ce fut le cas dans la nuit du 13 novembre grâce à l'intervention des policiers de la BAC de nuit de l'agglomération parisienne. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, dès le mois d'octobre dernier – c'est-à-dire avant même les attentats du 13 novembre –, d'engager un effort massif afin que les BAC et les PSIG puissent disposer des moyens qui leur sont aujourd'hui nécessaires pour faire face à de telles situations. Le Plan « BAC-PSIG 2016 » concerne ainsi l'ensemble des BAC du pays, ainsi que 150 PSIG «Sabre » que nous avons sélectionnés en fonction de leur répartition stratégique sur le territoire national et que nous renforçons en conséquence. Ce Plan repose sur trois axes fondamentaux que nous déclinons selon les caractéristiques propres à chaque territoire :
    • tout d'abord, renforcer la formation initiale et continue des effectifs des BAC et des PSIG « Sabre » ;
    • renforcer parallèlement leurs moyens matériels pour qu'ils puissent accomplir leurs missions dans des conditions optimales de sécurité ; 
    • enfin, mettre en œuvre une nouvelle doctrine d'action et d'intervention adaptée aux nouvelles formes de criminalité, et notamment les plus violentes. 
    La plupart des équipements supplémentaires prévus ont d'ores et déjà été livrés, qu'il s'agisse des armements, des moyens de protection ou des véhicules. En tout, nous aurons ainsi consacré près de 17 millions d'euros à l'optimisation des équipements des BAC et des PSIG.
  3. Enfin, le troisième et dernier pilier de notre système de riposte est constitué par les trois forces d'intervention spécialisée de la Direction Générale de la Police nationale, de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale et de la Préfecture de police, le RAID, le GIGN et la BRI, ainsi que par les 19 unités d'intervention déconcentrées réparties sur l'ensemble du territoire. Pour leur part, ces effectifs au niveau d'expertise extrêmement élevé, entrent en action, dans les cas les plus graves, pour procéder à l'assaut final qui doit permettre de neutraliser les terroristes ou les preneurs d'otages de manière définitive, tout en déjouant ou en contournant les éventuels obstacles (explosifs, bombes sales, substances chimiques, confinement complexe, etc.). Les forces spécialisées ont donc adapté leurs doctrines d'emploi comme leurs schémas tactiques et opérationnels d'intervention, tandis que leurs équipements ont été renforcés et modernisés. Leurs effectifs doivent en effet être préparés à agir le plus rapidement possible pour sauver le plus grand nombre de victimes, empêcher les agresseurs d'initier des charges explosives et ne pas leur laisser l'opportunité de communiquer vers les médias ou les réseaux sociaux. En juillet 2014, le RAID a ainsi présenté sa nouvelle stratégie d'intervention contre les individus radicalisés ayant déjà tué, fondée, dans ce cas précis, sur l'abandon de la négociation pour privilégier un contact maîtrisé par les forces de l'ordre. Cette stratégie est complétée par une tactique dite de « non-réversibilité» prévoyant un assaut rapide et continu, renforcée, le cas échéant, par des techniques de diversion. Pour sa part, le GIGN a mis en place une cellule de veille sur le phénomène terroriste et les modes opératoires des « tueries planifiées », tels qu'ils sont observés dans le monde entier, dans le but de mieux comprendre comment agissent les terroristes et de définir des stratégies permettant de les neutraliser en préservant le maximum de vies. La BRI, spécialisée depuis longtemps dans la lutte contre le grand banditisme, s'est elle-même formée pour être en mesure d'intervenir puissamment lors de tueries de masse et neutraliser ainsi des commandos terroristes. Surtout, l'effort indispensable de coopération et d'intégration des forces a d'ores et déjà conduit les chefs du RAID et du GIGN, dès juillet 2014, à définir une doctrine commune organisant la collaboration des deux unités en cas de crise grave. Ce dispositif a été mis en place pour la première fois en janvier 2015, permettant l'engagement simultané du GIGN et du RAID à Dammartin-en-Goële et à la porte de Vincennes. De même, une collaboration étroite a été engagée entre le RAID et la BRI dans le cadre de la Force d'intervention de la police nationale (FIPN) que j'ai moi-même déclenchée, le 9 janvier 2015, pour la première fois depuis sa création. Enfin, nous avons renforcé les capacités de projection rapide des forces d'intervention spécialisées en tout point du territoire national, dans la mesure où la menace terroriste ne se concentre pas uniquement sur Paris et son agglomération. Dès le mois d'avril dernier, j'ai ainsi décidé que les sept groupes d'intervention de la Police nationale situés à Lille, Strasbourg, Lyon, Nice, Marseille, Bordeaux et Rennes soient transformés en antennes régionales du RAID, capables d'effectuer les mêmes interventions que l'échelon central. Chacune de ces antennes du RAID, formant un groupe opérationnel parfaitement constitué, dispose ainsi d'une colonne d'assaut composée d'une dizaine de policiers prêts à intervenir dans les plus brefs délais en cas de situation de crise. Face à la même nécessité, le GIGN a mis au point un « plan d'assaut immédiat » reposant sur un départ immédiat des premières équipes mobilisées, capables de quitter la base de Satory entre 15 et 30 minutes, 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Par ailleurs, les antennes régionales du GIGN, comme celles du RAID, sont en mesure d'engager, dans de très brefs délais, une colonne d'assaut d'une dizaine de gendarmes, et par là même de traiter toute situation de crise grave.

Au cours de ces derniers mois, nous avons donc considérablement renforcé chaque maillon de la chaîne opérationnelle d'intervention. L'ultime étape de ce travail de réélaboration doctrinale consistait enfin en la définition d'un schéma national de mobilisation des forces en cas d'attentat, établissant avec précision non seulement le rôle respectif joué par les différents échelons d'intervention, mais aussi les modalités de coopération et le partage des compétences entre les forces.
Après les attentats de novembre, à ma demande et sur la base d'un mandat commun que j'ai confié au Préfet de Police et aux Directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie nationales, l'Unité de coordination des forces d'intervention (l'UCOFI) a ainsi travaillé à l'élaboration de ce schéma national d'intervention, celui-là même dont je veux à présent vous exposer les innovations et les grandes articulations.

  1. Tout d'abord, dans la continuité des décisions prises en avril dernier, nous avons décidé de renforcer davantage encore le maillage des forces d'intervention chargées du haut du spectre afin d'assurer une couverture optimale de l'ensemble du territoire national. Ainsi, trois nouvelles unités du RAID seront créées au sein de la Police nationale à Toulouse, à Montpellier et à Nancy. La BRI de la Préfecture de Police verra, quant à elle, ses effectifs abondés de manière significative. Parallèlement, les Pelotons d'Intervention interrégionaux de Gendarmerie (PI2G) seront transformés en « antennes GIGN », dont trois nouvelles entités sont créées à Nantes, à Reims et à Tours, tandis qu'une unité supplémentaire des groupes des pelotons d'intervention – l'équivalent ultra-marin des PI2G – est créée à Mayotte.
  2. Ensuite, dans le cadre du schéma national, nous avons décidé d'instaurer une procédure d'urgence absolue : en cas d'attentat, il est en effet impératif que les antennes du GIGN et du RAID puissent intervenir sans délai là où elles sont présentes, sans être entravées par des procédures complexes. Ce principe d'urgence absolue, sans pour autant remettre en cause l'organisation territoriale traditionnelle des forces de sécurité intérieure, permettra ainsi aux unités d'intervention spécialisée et aux unités d'intervention intermédiaire les plus proches du lieu où l'attentat a été commis d'intervenir immédiatement, sans avoir à se préoccuper de la zone de compétence ou du découpage administratif entre Police et Gendarmerie. C'est ainsi que l'on organisera le plus efficacement possible la réactivité des forces et que, par là même, l'on répondra aux nécessités de l'urgence de façon optimale. Egalement en vigueur à Paris sous la direction opérationnelle du Préfet de Police, cette procédure implique tous les acteurs de la gestion de crise en simplifiant les saisines à l'extrême. Ainsi, une BAC de la Police nationale pourra assurer la primo-intervention en zone de compétence de la Gendarmerie parce qu'elle est alors à proximité du lieu de l'attentat au moment de sa commission, tandis qu'une antenne du GIGN pourra intervenir en zone de compétence de la Police nationale dans la mesure où elle est alors immédiatement disponible et la mieux dimensionnée pour neutraliser un commando terroriste. A Paris également, le RAID et le GIGN pourront intervenir, sous l'autorité du Préfet de police, en appui de la BRI si les circonstances l'exigent. C'est ce principe d'intérêt général qui doit primer. 
  3. En outre, nous allons élargir la coopération départementale entre Police et Gendarmerie aux dispositifs de riposte en cas d'attaque terroriste et de tuerie de masse. Elle sera organisée par les Directeurs départementaux de la Sécurité publique et les Commandants de groupement dans le cadre de la coordination opérationnelle renforcée des agglomérations et des territoires (CORAT). Nous avons en effet considéré que nous devions aller plus loin, en approfondissant cet effort de collaboration. Repérer les cibles potentielles et édifices les plus sensibles, anticiper la primo-intervention 24h/24, prévoir l'interopérabilité des différentes unités mobilisées, organiser enfin des exercices conjoints entre les forces locales de Police et de Gendarmerie : ce sont là autant de nécessités qui doivent devenir pour vous, dès à présent, des habitudes opérationnelles dans l'ensemble des départements. C'est donc la raison pour laquelle le schéma national d'intervention étendra cette coordination opérationnelle de l'urgence à l'échelon interdépartemental et entre les différentes Zones de défense et de sécurité. 
  4. Par ailleurs, l'amélioration de la procédure d'engagement des unités d'intervention en urgence absolue nécessite également une rationalisation du dispositif de prise de décision et de la conduite des opérations. En cas de crise, il nous faut éviter à tout prix la multiplication – et par là même la concurrence – des centres décisionnaires, qui non seulement pourrait nuire à la rapidité de notre réaction commune, mais surtout risquerait d'entraîner la dilution même de toute décision, aboutissant ainsi à des actions contre-productives, voire dangereuses pour les effectifs mobilisés, ainsi que pour les éventuels otages. Voilà pourquoi, dans le cadre du schéma national, une articulation plus cohérente du commandement et de la coordination des opérations d'intervention spécialisée est mise en place. Un seul et unique chef des forces d'intervention sera à la manœuvre sur les lieux d'un attentat : le commandant des opérations d'intervention spécialisée. De même, un seul coordinateur sera nommé en cas d'attaques multiples sur une même zone de compétence : le coordinateur des opérations d'intervention spécialisée. L'objectif est ainsi de clarifier l'ensemble du dispositif, de le rendre plus fluide et plus réactif, en renforçant le positionnement des chefs d'unités d'intervention spécialisée, ainsi que la cohérence de la tactique opérationnelle qu'ils mettent en œuvre. Tel est donc l'esprit de cette réforme, qui s'inscrit également dans le cadre de l'organisation de la gestion des crises. 
  5. Comme chacun sait, les forces d'intervention ont développé des compétences hautement spécialisées dans des domaines précis, leur permettant d'intervenir dans toutes les situations de crise possibles. Le schéma national vise également à organiser le partage et la mutualisation de ces capacités et de ces compétences rares, notamment en situation d'urgence, afin d'optimiser notre réponse globale et commune. Quand l'opération exige qu'une capacité particulière soit mise en œuvre, chaque unité d'intervention disposera d'un renfort adapté, apporté par une ou plusieurs autres forces mobilisées. Pour ce faire, le schéma national recense l'ensemble des savoir-faire et des moyens propres à chaque unité d'intervention spécialisée. Des évaluations auront lieu régulièrement pour s'assurer en permanence de la détention effective de ces compétences critiques par chaque unité afin de garantir à tout moment une capacité de riposte et d'intervention optimale. Le schéma national définit ainsi et encadre avec précision la mise en œuvre de la procédure dite du « concours capacitaire » qui doit pouvoir être proposé et appliqué immédiatement, sans le moindre blocage d'aucune sorte, selon deux modalités possibles : par modularité, avec la mise à disposition d'une capacité spécifique d'une unité au profit d'une autre ; ou bien par complémentarité, avec le renforcement d'une unité par une autre selon le principe du « menant » et du « concourant ». Des officiers de liaison seront échangés, comme ce fut le cas en janvier 2015, entre les forces d'intervention pour garantir une réactivité maximale dans l'engagement d'une unité au profit d'une autre. 
  6. Enfin, nous renforçons le positionnement de l'Unité de Coordination des Forces d'intervention (UCOFI), laquelle intervient sous les instructions conjointes des Directeurs généraux. L'UCOFI doit être désormais l'instance centrale de la mise en œuvre du schéma national d'intervention. Elle aura ainsi pour mission de faciliter la coordination opérationnelle des unités d'intervention spécialisée grâce à la mise en place de procédures destinées à fluidifier la prise de décision commune. En lien avec les unités nationales et les directions d'emploi, elle organisera régulièrement des exercices conjoints inter-forces, et elle sera chargée de l'inspection des capacités propres à chaque unité, de manière à organiser la montée en puissance globale de notre système de riposte et d'intervention. C'est là un enjeu absolument décisif. Il ne s'agit pas de remettre en question la très grande expertise d'unités à juste titre reconnues pour leur savoir-faire, mais bien de s'assurer du maintien optimal des compétences de chacune d'entre elles. Car il en va tout simplement de la protection du pays et de la sécurité des Français. Je l'ai dit : ce schéma national vient achever le travail d'élaboration d'une nouvelle stratégie d'intervention, mieux adaptée aux temps nouveaux dans lesquels nous venons d'entrer.

Jamais la menace terroriste n'a été aussi élevée qu'aujourd'hui. Mais, dans le même temps, jamais la réponse de l'Etat n'a été aussi forte. Sans jamais ignorer que le risque zéro n'existe pas, nous disposons désormais d'une doctrine d'intervention commune à l'ensemble des forces et reposant sur un véritable continuum global de mobilisation et de gestion de crise, depuis l'échelon de proximité jusqu'aux forces spécialisées. La situation à laquelle nous sommes confrontés est un véritable défi : un défi pour notre société, pour la République et pour la cohésion de la Nation. La stratégie globale et novatrice que nous avons arrêtée est précisément à la mesure d'un tel défi. Nous ne devons certainement pas relâcher notre vigilance, bien au contraire. C'est un combat de longue haleine auquel nous devons nous préparer. Car nous savons bien qu'avec les groupes djihadistes qui nous prennent pour cible, il n'y aura ni armistice ni traité de paix. Cette nuit même, un exercice « grandeur nature » aura lieu à la Gare Montparnasse, qui simulera une attaque terroriste multi-sites. Cet exercice commun aux trois forces d'intervention spécialisées, GIGN, BRI et RAID, nous permettra de mettre en application les principes de coordination sur lesquels repose notre nouvelle doctrine globale d'intervention.

Je vous remercie.