Discours aux forces de sécurité

12 octobre 2016

Discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, aux forces de sécurité, à Paris le 12 octobre 2016.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Président de la Commission des Lois,

Monsieur le Gouverneur militaire de Paris,

Monsieur le Préfet de Police,

Mesdames et Messieurs les Préfets,

Mesdames et Messieurs les Directeurs,

Mesdames et Messieurs les Officiers généraux,

Mesdames et Messieurs,

Le rendez-vous qui nous rassemble aujourd’hui à l’Ecole militaire est un rendez-vous traditionnel. Mais, cette année, il se tient dans des circonstances particulièrement graves.

Samedi, quatre policiers ont été blessés, dont deux très grièvement, une femme et un homme, alors qu’ils assuraient une mission de surveillance dans le quartier de La Grande Borne, à Viry-Châtillon. L’un de vos collègues se bat actuellement contre la mort, sur un lit d’hôpital. Nous éprouvons tous un sentiment de colère face à ces actes barbares, et je veux une fois de plus vous assurer de mon total soutien et vous redire ma totale indignation face à cette sauvagerie criminelle.

Aujourd’hui, nous adressons nos pensées les plus solidaires aux policiers blessés. Nous leur apportons tout notre soutien, comme à leurs familles et à leurs proches.

Ce qui s’est passé samedi est d’une extrême gravité. Lors d’un véritable guet-apens, une quinzaine de criminels cagoulés ont attaqué des policiers au moyen de pavés et de cocktails Molotov. Ils les ont attaqués avec l’intention de les tuer. Nous savons que les assaillants ont cherché à bloquer les policiers dans leurs véhicules, après y avoir mis le feu. Cette attaque lâche et abjecte était donc une tentative d’assassinat, qui visait des fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions. Aujourd’hui, tout est mis en œuvre par nos services de police judiciaire pour retrouver et interpeller les auteurs de ces actes barbares. Et je le redis ici : ils seront interpellés, jugés et sévèrement punis.

Chacun sait ici mieux que quiconque que le métier de policier ou de gendarme est par essence dangereux. Quiconque fait le choix courageux de s’engager dans la Police ou dans la Gendarmerie, s’expose au risque d’être blessé ou même tué pour protéger ses concitoyens. Mais l’attaque de Viry-Châtillon, comme l’assassinat du commissaire Jean-Baptiste SALVAING et de Jessica SCHNEIDER, à leur domicile de Magnanville, le 13 juin dernier, témoignent tous deux qu’une nouvelle étape a été franchie dans la violence à laquelle les policiers et les gendarmes sont confrontés.

Nous vivons dans une société de violence, et, pour juguler cette violence, il nous faut poursuivre le réhaussement des moyens accordés aux forces de l’ordre. Mais il nous faut aussi garantir l’absolue fermeté de la réponse pénale après que les auteurs des crimes et des infractions les plus graves ont été interpellés.
L’année dernière, 14 policiers et gendarmes ont perdu la vie en service, et à nouveau 17 depuis le début de cette année. Je pense notamment à cette semaine tragique du mois de mai dernier, où nous avons perdu cinq gendarmes en mission. Plus de 18 000 policiers et gendarmes ont également été blessés au cours de l’année dernière, et encore plus de 11 000 ces neuf derniers mois.

La violence, toujours intolérable, appelle donc, dans la durée, une réaction déterminée.

Le département de l’Essonne, comme celui de la Seine-Saint-Denis ou d’autres encore dont nous avons renforcé les moyens, souffrent depuis trop longtemps d’une délinquance endémique, enkystée dans certains quartiers. Ces territoires, nous nous employons à les reconquérir pas à pas, étape par étape, car il ne peut pas y avoir, dans la République, de territoires perdus. Dans l’Essonne, d’ici le 1er novembre, 71 gardiens de la paix et adjoints de sécurité viendront renforcer les effectifs mobilisés dans le département. 45 sont d’ores et déjà arrivés, et 26 prendront très bientôt leurs fonctions. Grâce à ces renforts, nous allons pouvoir revenir, en Essonne, au niveau de l’effectif de fonctionnement annuel.

Je m’engage également à ce que la Compagnie de sécurisation soit renforcée grâce à l’arrivée de 30 fonctionnaires supplémentaires. Ils passeront ainsi de 50 fonctionnaires de police actuellement à 80 d’ici la fin de l’année.

Dans les semaines qui viennent, ce sont donc au total 101 fonctionnaires de police supplémentaires qui arriveront dans le département de l’Essonne. En 2017, je poursuivrai cet effort, en y affectant de nouveaux moyens humains. Si je n’en détermine pas le nombre dès à présent, c’est parce qu’il m’appartiendra de le faire au moment de la sortie des promotions, et que jamais, jusqu’à présent, on ne m’a vu prendre des engagements que je ne savais pas pouvoir tenir. Dans cette période électorale où l’abaissement de la parole publique résultera de toutes les approximations, je me refuse résolument à promettre sans assurance.
Par ailleurs, une demi-compagnie de CRS, d’ores et déjà sur place, restera affectée à la circonscription de sécurité publique de Juvisy-sur-Orge, aussi longtemps que sa présence sera nécessaire.

En outre, je vous annonce que des travaux de rénovation des commissariats de police seront conduits de façon prioritaire par la Préfecture de Police. J’ai donné des instructions fermes pour cela et je veillerai personnellement à ce qu’elles soient respectées.

Enfin, nous allons mettre en œuvre une stratégie volontariste de sécurisation de la Grande Borne, sous l’autorité de la Préfète et en lien étroit avec le Procureur de la République. Cette stratégie visera à renforcer la coopération et l’échange d’informations entre l’ensemble des services de police pour lutter plus efficacement contre les trafics de stupéfiants et les réseaux de l’économie souterraine, qui provoquent la violence et empoisonnent la vie des habitants. Cette stratégie passera par une occupation massive de la voie publique, par des investigations judiciaires systématiques, l’utilisation de moyens renforcés de surveillance et d’investigation, la mise en place de mesures de prévention et de coproduction de sécurité. Plusieurs services seront mobilisés, aussi bien la sécurité publique que la police judiciaire, le Groupe d’intervention régional, les services de renseignement et les forces mobiles.

Mesdames et Messieurs, la détermination à lutter contre la délinquance ne saurait se résumer à des agitations de tribune. Elle appelle des moyens, des budgets, une stratégie. C’est ce que nous mettons en œuvre à la Grande Borne.

Les violences, les agressions sont d’autant plus insupportables que nous venons de traverser une année éprouvante, éreintante, rythmée par des événements particulièrement dramatiques. Les attentats du 13 novembre 2015, à Paris et à Saint-Denis. L’assassinat abject, comme je l’ai dit, de Jean-Baptiste SALVAING et de Jessica SCHNEIDER, tous deux pris pour cible par un terroriste au motif qu’ils étaient l’un et l’autre des policiers, des serviteurs de l’Etat. Cette tragédie a représenté un profond traumatisme pour chacun d’entre nous, pour chaque policier et gendarme de France, pour chaque agent de notre ministère.

Et puis, il y a eu l’attentat de Nice, perpétré le jour de la Fête nationale, et, quelques jours après, l’assassinat du père Jacques HAMEL, un homme plein de bonté, alors que celui-ci célébrait la messe quotidienne en son église de Saint-Etienne-du-Rouvray. D’autres actes à caractère terroriste ont été commis au cours de l’année, et d’autres pays ont été victimes de la même barbarie. Je pense notamment à la Belgique, où, en mars dernier, des individus appartenant à la même cellule terroriste que celle du 13 novembre ont semé l’effroi en plein cœur de Bruxelles. Je pense aussi à l’Allemagne.

L’année 2016 a donc été une année sans précédent pour les forces de sécurité intérieure. Une année durant laquelle vous avez été mobilisés sur tous les fronts à la fois. La lutte antiterroriste, bien sûr, dans le cadre de l’état d’urgence et avec le rétablissement des contrôles aux frontières qui continue de vous mobiliser. Vous avez également donné le meilleur de vous-mêmes pour assurer la sécurisation des grands événements internationaux qui ont eu lieu sur notre sol : la COP 21 et l’Euro 2016, ainsi que ceux de la période estivale. Vous avez maintenu l’ordre public face à des contestations sociales de plus en plus violentes, à Paris, à Rennes, à Nantes, et nos forces ont été, à chaque fois, soumises à rudes épreuves. La gestion des conséquences de la crise migratoire à Calais, dans la région de Dunkerque et dans les Alpes-Maritimes ne nous a pas non plus épargnés. Ces missions, les forces les ont remplies avec détermination et dévouement, sans jamais renoncer à lutter contre la délinquance quotidienne sous toutes ses formes, d’autant moins que les drames que nous avons connus depuis janvier 2015 ont mis en lumière les porosités entre délinquance, radicalisation et terrorisme.

J’ai conscience des difficultés croissantes liées à l’exercice de votre métier. Vos équipes, lorsque je les rencontre sur le terrain, m’en font part, ce qui est d’autant plus légitime que peu d’activités professionnelles emportent tant de sujétions. Je n’ignore pas que vous avez été amenés à consentir des sacrifices importants au cours de ces derniers mois, sur le plan notamment des horaires de travail comme sur celui des congés. Je mesure combien votre vie personnelle et celle des policiers et des gendarmes placés sous vos ordres en ont été affectées. Pour ma part, je ne cesse d’être impressionné, je vous l’ai dit souvent, par la détermination des femmes et des hommes qui composent les forces de sécurité, par leur amour du métier, par leur sens de l’Etat et par la fierté qu’ils éprouvent à accomplir leurs missions. Pour protéger les Français, vous menez une lutte sans relâche, dans des conditions souvent difficiles que nos concitoyens ont peine à imaginer. Et cet engagement, cette détermination à faire respecter les lois de la République, malgré les difficultés rencontrées, malgré les drames affrontés, malgré les moments de découragement, cet engagement-là porte ses fruits.

Plus que jamais, Mesdames et Messieurs, vous et vos équipes êtes des piliers de la République.

Nous affrontons des formes de criminalité de plus en plus complexes et ramifiées, qui se nourrissent les unes les autres. Je pense bien sûr au terrorisme, mais aussi aux trafics d’armes et de stupéfiants, aux réseaux de la traite des êtres humains et de l’immigration irrégulière, à l’émergence de nouvelles radicalités violentes. Il en va également ainsi, désormais, de la plupart des délinquances d’appropriation, y compris dans les zones rurales.

D’une manière générale, nous sommes confrontés à des menaces qui, de plus en plus souvent, trouvent leur origine à l’extérieur de nos frontières, parfois même sur d’autres continents, mais dont nous devons gérer les répercussions sur notre propre sol. Et il n’est pas jusqu’à la délinquance ordinaire qui ne revête désormais une dimension internationale de plus en plus forte, laquelle rend sa répression encore plus complexe. C’est là un phénomène qui ne pourra aller qu’en s’accentuant dans les années qui viennent, car la mondialisation des échanges est aussi celle des menaces.

Mesdames et Messieurs, vous en avez conscience : nous avons changé d’époque.

Nous sommes désormais entrés dans une période nouvelle de notre histoire, marquée durablement par la menace djihadiste. C’est là un combat de longue haleine qui nous attend, un combat difficile qui sera sans nul doute l’affaire d’au moins une génération. Dans ce combat-là, jusqu’à l’éradication définitive de la menace, il n’y aura ni pause, ni trêve.

C’est pourquoi, depuis 2012, d’abord sous l’impulsion de Manuel VALLS, puis sous la mienne, notre politique de sécurité n’a poursuivi qu’un seul et unique objectif : réarmer la France et la République. Reconstruire un appareil sécuritaire qui avait été considérablement affaibli. Depuis le début du quinquennat, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous n’avons eu de cesse d’analyser les menaces, d’anticiper leur évolution et d’adapter nos outils et nos moyens en conséquence, toujours dans le cadre de l’Etat de droit.

Partie I - La sécurité, une priorité depuis 2012

1. Tenir compte de l’évolution des menaces, c’est d’abord renforcer les effectifs des forces de sécurité.

En 2012, la première des urgences consistait à relancer la politique de recrutement au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales. En effet, au cours de la période précédente, plus de 13 000 postes avaient été détruits dans les deux forces, au titre de ce que l’on a appelé la Révision Générale des Politiques Publiques. 13 000 postes en moins, ce sont 13 000 policiers et gendarmes dont nous aurions pourtant eu besoin au cours de ces dernières années pour protéger les Français, combattre le terrorisme et lutter contre la délinquance.
C’est la raison pour laquelle, dès 2012, et ce malgré les contraintes budgétaires, nous avons mis en place une politique de recrutements massifs et de remplacement des départs à la retraite, en rupture totale avec la politique passée. Nous avons ainsi réalisé un effort sans précédent, destiné à rendre effectives les arrivées dans les services de police et dans les unités de gendarmerie. Un effort qui, comme je l’ai dit, vise non seulement à compenser les départs, mais aussi à aller bien au-delà. Car la sécurité est avant tout une affaire de femmes et d’hommes au service de leurs concitoyens, une « force humaine » pour reprendre la juste devise que s’est choisie la Gendarmerie.
Les événements survenus depuis 2015 ont évidemment accéléré, et même amplifié, ce grand mouvement de reconstruction. D’ici la fin du quinquennat, nous aurons donc recruté 9 000 policiers et gendarmes en plus dans les services et les unités de sécurité intérieure.
Bien sûr, ces arrivées profitent d’ores et déjà et continueront de profiter à l’ensemble des forces, quelles que soient les missions dont elles s’acquittent : la lutte contre l’insécurité et la délinquance quotidiennes, l’antiterrorisme, le renseignement intérieur, la lutte contre l’immigration irrégulière, le maintien de l’ordre public. A cet égard, je veux souligner le grand succès qu’a rencontré le concours de recrutement exceptionnel de plus de 3 000 gardiens de la paix, qui s’est achevé en juillet dernier. (Plus de 35 000 jeunes s’y sont inscrits.) Quant à la Gendarmerie, elle a incorporé dans ses écoles deux fois plus d’effectifs, cette année, que lors des années précédentes.
C’est là une chose remarquable, et même réconfortante, de constater que, dans le contexte actuel, des jeunes gens font, en si grand nombre, le choix de s’engager dans les forces de l’ordre pour servir leur pays, servir la République, servir les Français, alors que les défis qui se présentent à nous sont si grands et que les risques qu’ils impliquent sont si lourds.
Aujourd’hui, nous recueillons les fruits de ce réhaussement significatif des moyens humains notre politique, puisque les promotions importantes d’élèves formés sont sur le point de recevoir leurs toutes premières affectations.
En 2012, 488 policiers seulement étaient sortis des écoles de police. Cette année, c’est plus de 4 600, doit dix fois plus. Oui, nous avons complètement changé d’échelle, et s’il ne devait y avoir qu’un seul paramètre pour mesurer l’effort de recrutement accompli par le Gouvernement, les sorties d’écoles suffiraient sans doute à l’établir. D’ici à la fin du quinquennat, ce sont au total plus de 28 000 policiers et gendarmes qui arriveront sur le terrain, dans les commissariats et les brigades de gendarmerie, compensant, comme je l’ai dit, les départs et permettant en outre d’augmenter significativement le total de nos effectifs.
C’est d’ailleurs grâce à ce changement d’échelle que je suis en mesure, lorsque je vais à votre rencontre dans les territoires, de vous annoncer – partout en France – des arrivées d’effectifs qui viennent renforcer nos dispositifs territoriaux en fonction des besoins identifiés, et ce – je le répète – sur l’ensemble du territoire national.
Car, derrière les chiffres, il y a – et c’est bien là l’essentiel – une réalité humaine, une réalité concrète, celle des femmes et des hommes, policiers et gendarmes, qui nous rejoignent, qui VOUS rejoignent, dans les commissariats et les brigades, pour lutter contre la délinquance et la criminalité.
C’est le cas en Seine-Saint-Denis où plus de 300 policiers arriveront d’ici la fin de l’année, à l’occasion des prochaines sorties de promotion, afin de revenir au niveau de l’effectif de fonctionnement annuel.
C’est aussi le cas dans la région de Calais où plus de 240 policiers et gendarmes sont arrivés en renfort au cours de ces dernières semaines, ce qui a porté à plus de 2 100 le nombre des effectifs mobilisés face aux effets de la crise migratoire dans le Calaisis.
C’est le cas dans les territoires d’Outre-Mer où j’ai annoncé la semaine dernière, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sécurité Outre-Mer, l’arrivée de plus de 400 policiers et gendarmes, entre la fin 2016 et 2018, pour faire face aux graves problèmes de violence et d’insécurité en Guadeloupe et en Guyane, mais également en Martinique.
Je pourrais vous donner bien d’autres exemples, et vous, vous le savez.
Cet effort, nous l’accomplissons pour les forces territoriales, et nous l’accomplissons aussi pour les forces mobiles. C’était là un impératif d’autant plus urgent que ces forces sont aujourd’hui puissamment mobilisés, et là aussi sur tous les fronts à la fois.
La RGPP avait induit la suppression de plusieurs centaines d’emplois dans les CRS, ce qui avait très sérieusement obéré les capacités d’intervention de ces forces mobiles, pourtant indispensables au maintien de l’ordre public. Nous avons donc recréé plus de 400 postes au sein des CRS, car il ne suffit pas de convoquer l’autorité de l’Etat en permanence derrière les tribunes, encore faut-il ne pas priver l’Etat, par des politiques funestes, des moyens de son autorité.
Nous avons par ailleurs recréé 22 pelotons dans les escadrons de gendarmerie mobile existants, soit plus de 480 effectifs supplémentaires qui interviennent en appui des forces territoriales dans les zones les plus exposées. C’est là une décision que nous avons prise pour contribuer à renforcer notre réponse aux situations de crise, mais aussi pour permettre aux effectifs fortement sollicités depuis plusieurs mois d’être relayés dans l’accomplissement de leurs missions.
Il y a quelques semaines à peine, nous avons créé un tout nouvel escadron de gendarmerie mobile, à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. C’était la première fois qu’un tel événement avait lieu depuis 1998, c’est-à-dire depuis près de 20 ans. Et ce alors même que 15 escadrons de gendarmerie mobile – soit 1 800 emplois – avaient été supprimés dans une période récente, sans que d’ailleurs jamais personne ne se soit préoccupé des conséquences d’une telle décision en termes d’efficacité opérationnelle, pour le maintien de l’ordre ou pour la sécurité des Français.
Là où certains ont détruit, nous, nous reconstruisons.
Au-delà de cette politique de réhaussement des moyens, absolument indispensable, nous avons aussi engagé une politique résolument qualitative.
J’ai en effet décidé, comme je l’ai annoncé le 2 juin dernier à Oissel, de conduire une importante réforme de la formation initiale et continue au sein de la Police nationale. Une nouvelle Direction centrale du recrutement et de la formation de la Police est aujourd’hui en création, qui sera seule chargée de piloter la formation de l’ensemble des agents.
Par ailleurs, alors que quatre écoles de gendarmerie avaient été fermées au cours du quinquennat précédent, nous venons d’en recréer une, à Dijon, et j’assisterai moi-même à son inauguration en novembre prochain. Cette école, j’en avais annoncé le projet de création dès juillet 2015, et un an après seulement, la voici pleinement opérationnelle, depuis le 1er septembre.

2. Tenir compte de l’évolution des menaces, c’est ensuite renforcer les moyens matériels dont disposent les forces de sécurité.

Nous avons ainsi lancé un grand plan de renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement du ministère. Dans le cadre du PLAT et du Pacte de Sécurité, plus de 700 millions d’euros au total sont consacrés à la modernisation de nos matériels et de nos infrastructures, notamment informatiques. Entre 2007 et 2012, vos moyens d’action avaient diminué de 16% pour la Police et de 18% pour la Gendarmerie – il y avait donc là aussi urgence. Entre 2012 et 2017, les moyens d’investissement auront augmenté de 15% pour la Police et de 10% pour la Gendarmerie.
Là aussi, derrière les chiffres, il y a des réalités concrètes, des matériels supplémentaires, des armements plus modernes, des munitions, des équipements de protection, mais aussi des véhicules nouveaux : cette année, plus de 4 900 véhicules ont été ainsi commandés pour la Police et pour la Gendarmerie.
Dans le cadre du Plan de lutte antiterroriste lancé en janvier 2015, nous réalisons également un effort très important de modernisation des systèmes d’information et de communication de la Police et de la Gendarmerie. Je pense notamment à la plateforme de signalements PHAROS, à la refonte du système CHEOPS et aux dispositifs de blocage des sites Internet.
Par ailleurs, en octobre 2015, il y a donc exactement un an, j’ai décidé, après le drame dont avait été victime Yann SAILLOUR à l’Ile-Saint-Denis, de mettre en œuvre, sur l’ensemble du territoire national, un plan inédit et ambitieux de renforcement des BAC dans les commissariats de police et de 150 Pelotons d’Intervention et de Surveillance de la Gendarmerie (PSIG) de type « Sabre ». Grâce au « Plan BAC - PSIG », nous disposons désormais d’unités d’intervention intermédiaires à la fois mieux équipées – en armements et en équipements de protection, face à des criminels qui ont eux-mêmes recours à des armes de guerre – et mieux formées à la gestion des tueries de masse. Aujourd’hui, les matériels ont été presque tous livrés, incluant les nouveaux véhicules. Nous continuons la labellisation « Sabre » des PSIG concernés, dont nous organisons la montée en puissance. Cet investissement de 17 millions d’euros profitera par extension aux effectifs du service général, puisque, faut-il le rappeler, les BAC et les PSIG sont également déclenchés en renfort des primo-engagés, dès lors que cela est nécessaire, pour assurer notamment leur protection.

3. PLF 2017 : on maintient le cap.

Le projet de loi de finances pour 2017 confirme résolument ces orientations pour vous donner les moyens de vos difficiles missions. Nous vous le devons, la République vous le doit, comme elle le doit aux Français.
L’année prochaine, la sécurité du pays constituera à nouveau l’une des priorités centrales de l’action du Gouvernement, alors même que l’Etat continue par ailleurs de faire des économies pour redresser les comptes publics.
Ainsi, le budget total du ministère de l’Intérieur s’établira à un peu plus de 16 milliards d’euros en 2017, soit une augmentation de 847 millions d’euros par rapport à 2016. Ce qui nous permettra d’être, une fois de plus, l’un des rares ministères à bénéficier d’une augmentation du nombre de ses personnels. En outre, j’ai obtenu que l’effort de renforcement de nos moyens d’investissement et de fonctionnement soit poursuivi. Nous pourrons donc continuer à renforcer les moyens dédiés à la lutte contre la délinquance et à la lutte antiterroriste, tout en finançant les mesures catégorielles sans précédent que nous avons prises afin d’améliorer vos conditions de travail et de mieux reconnaître votre engagement, ainsi que celui des policiers et des gendarmes placés sous vos ordres.
Je veux d’ailleurs dire un mot à ce sujet, tant il est important.

4. Le Protocole social.

Le 11 avril dernier, nous avons en effet signé un accord historique, avec la quasi-totalité de vos organisations professionnelles et représentatives.
Nous consacrerons ainsi 850 millions d’euros, dès cette année et pour 5 ans, à la valorisation des carrières des policiers et des gendarmes et à l’amélioration de leurs conditions de travail. C’est là un engagement fort, à la hauteur de votre mobilisation et de celle de vos équipes. Les deux protocoles que nous avons signés, l’un pour la Police, l’autre pour la Gendarmerie, concrétisent donc pleinement la reconnaissance de l’État, et de la Nation tout entière, pour les forces de l’ordre, dans les circonstances difficiles, voire dramatiques, que nous connaissons aujourd’hui.
C’est là le résultat d’un long et patient travail collectif, que nous avons mené en veillant à respecter les grands équilibres entre la Police et la Gendarmerie, dans un principe d’équité et de solidarité.
Désormais, mon souhait est que nulle entorse ne soit faite au Protocole, et j’y veille scrupuleusement.
Les mesures du Protocole poursuivent une triple ambition : la fluidification des parcours personnels ; la mise en cohérence des grades avec la réalité des responsabilités exercées ; la valorisation des métiers et des compétences spécifiques. Il y a là des avancées particulièrement importantes, telles que la revalorisation de l’ISSP de 2 points en 4 ans. Des mesures concrètes ont d’ores et déjà été prises, puisque la nouvelle prime OPJ est entrée en vigueur dès le 1er octobre, soit moins de 6 mois après la signature du Protocole. Je pourrais aussi évoquer l’augmentation de 30% de l’IJAT.

Partie II - La lutte contre la délinquance

Depuis 2012, en dépit de votre puissante mobilisation contre le terrorisme, et malgré les difficultés d’organisation que cela n’a pas manqué d’entraîner, vous n’avez pour autant jamais cessé de lutter contre toutes les formes délinquance ordinaire.
Car la République est partout chez elle, et ne tolèrera jamais l’existence de zones de non-droit. En France, il n’y a qu’une seule loi, une seule autorité légitime, celles de la République. Je sais que, dans certains quartiers, dans certains territoires, c’est un combat permanent que vous menez chaque jour, contre la violence, contre la délinquance, pour que triomphent l’ordre et la loi. Certains délinquants cherchent à s’accaparer la voie publique pour y faire prospérer leurs trafics, à prendre en otage des quartiers entiers pour y commettre leurs méfaits en toute impunité. C’est notamment ce qui s’est passé à La Grande Borne, à Viry-Châtillon. Et cela n’est pas tolérable.
Depuis 2012, nous avons commencé à reconquérir les territoires que la République avait perdus. C’est là un combat de longue haleine et de haute lutte, un combat qui nécessite du temps, de la résolution et des moyens - beaucoup de moyens. Et c’est pour vous soutenir dans ce combat, pour vous donner les moyens de le mener, que moi aussi je me bats, de mon côté, à vos côtés, pour obtenir les arbitrages budgétaires qui nous permettront de renforcer nos effectifs et nos matériels, qui nous permettront d’embaucher des policiers et des gendarmes supplémentaires, d’investir dans les armements, les équipements de protection, les véhicules dont vous avez besoin, dans la réhabilitation ou la construction de commissariats de police ou de casernes de gendarmerie, dans l’amélioration de vos conditions de travail et d’évolution de carrière. Car telle est ma responsabilité, en tant que ministre de l’Intérieur. Et ici, je veux remercier le Président de la République et le Premier Ministre pour les arbitrages qu’ils ont rendus en faveur du ministère de l’Intérieur au cours de ces derniers mois.
Cela est d’autant plus important que les violences contre les personnes et les atteintes contre les biens constituent une source d’inquiétude forte pour nombre de nos concitoyens. Ces formes de délinquance frappent en priorité les plus modestes et sévissent d’abord dans les quartiers les plus défavorisés. C’est donc une exigence profondément républicaine que d’apporter la protection de l’Etat  à celles et ceux qui risquent de subir cette délinquance, sans pouvoir s’y soustraire.
que, comme je l’ai dit tout à l’heure, cette délinquance ordinaire est elle-même en pleine évolution et se complexifie dans le cadre de réseaux de plus en plus structurés. L’effort de modernisation de nos forces, dont j’ai rappelé tout à l’heure les grands axes, se justifie donc autant par la nécessité de combattre cette délinquance de droit commun que par la nécessité de lutter contre le terrorisme.
Votre travail porte ses fruits. Depuis 2012, nous observons une tendance globale à la baisse des principaux indicateurs, ce qui nous conforte dans les orientations que nous avons prises. Pour la plupart d’entre elles, les différentes catégories de délinquance ont diminué, ou se sont stabilisées. Ce résultat est celui des différents plans que nous avons progressivement mis en place dès le début du quinquennat.
C’est là une forte incitation à ne pas relâcher nos efforts. Cela rend compte de votre engagement et de celui de vos équipes, et ils sont d’autant plus remarquables que, comme je l’ai dit, les sollicitations ont été exceptionnellement nombreuses, notamment dans le cadre du Plan Vigipirate, de la gestion des effets de la crise migratoire à Calais et des opérations de maintien de l’ordre public du printemps dernier, qui ont capté une part importante de l’activité des forces mobiles.
Cela témoigne aussi de l’intérêt de la méthode partenariale et territorialisée que nous avons initiée depuis le début du quinquennat et dont les Zones de sécurité prioritaires (ZSP) constituent la pierre angulaire.
La méthode partenariale, portée par les ZSP, a donc son utilité. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’elle se pérennise, et ce dans un souci d’amélioration constant. Il nous faut approfondir les partenariats noués avec l’ensemble des acteurs publics et privés de ces territoires, avec l’Education nationale, avec les bailleurs sociaux, avec les associations, avec la société civile d’une manière générale.
Nous avons à cet égard tout intérêt à exporter les bonnes pratiques en vigueur dans les ZSP dans d’autres zones du territoire national, après évaluation de leur pertinence et de leurs modalités de fonctionnement. Il nous faut essaimer en dehors du strict cadre des ZSP qui tiennent lieu de laboratoire du traitement de la délinquance et des incivilités, et ce dans une démarche assumée de coproduction de sécurité.
Je veux à cet instant rappeler qu’en matière de sécurité, il est important que les citoyens eux-mêmes prennent leurs responsabilités. Si l’État est bien sûr un acteur majeur de la sécurité des Français, pour autant il n’est pas le seul. Notre société n’est pas à une contradiction près, promouvant l’individualisme, jalouse de ses droits mais oublieuse de ses devoirs. Si les pouvoirs publics ont un rôle immense à jouer, les familles comme les individus ont également le leur. Je ne peux me résoudre, pour ma part, à considérer que tout doit procéder, toujours, de la puissance publique et que l’individu ou le groupe familial soient totalement déresponsabilisés.
Parallèlement au travail spécifique mené dans les ZSP, vos services continuent à mener un travail de fond contre les formes de délinquance et de criminalité prioritaires, et ce partout en France. Je pense notamment au trafic de stupéfiants, qui représente un véritable fléau et conditionne d’autres types de délinquance. Nous n’avons cessé de monter en puissance, dans les zones les plus concernées, bien sûr, comme à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, où nous avons porté des coups très durs aux réseaux de trafic de stupéfiants. D’une manière générale, nous démantelons des filières (+27% depuis janvier), nous interpellons des trafiquants, y compris parmi ceux qui sont à la tête de ces réseaux. Nous portons coup sur coup, et nous allons continuer.
Contre les trafics d’armes, nous menons aussi une action volontariste qui porte ses fruits. En novembre 2015, avant même la commission des attentats de Paris et de Saint-Denis, j’avais en effet lancé un plan spécifique de lutte contre le trafic et la circulation des armes à feu. Car c’est là aussi une priorité majeure, dès lors que ce trafic alimente à la fois les réseaux de la criminalité organisée, les milieux de la petite et grande délinquance et, bien sûr, les filières terroristes. Depuis maintenant près d’un an que ce plan est entré en application, nous avons enregistré des résultats encourageants. Sur le premier semestre 2016, près de 7 000 armes en tout ont été saisies. Face à l’augmentation de ce type de trafics, nous devons impérativement maintenir et amplifier notre action.
La lutte contre la traite des êtres humains, contre l’immigration irrégulière et les  filières qui l’alimentent, constitue une autre priorité évidente de notre action, rendue plus urgente encore dans le contexte de crise migratoire sans précédent que nous connaissons depuis deux ans, avec les répercussions localisées que l’on sait, à Paris, dans le Calaisis et la région de Dunkerque, ainsi que dans les Alpes-Maritimes. L’année dernière, nous avons procédé à près de 15 500 éloignements forcés. Et grâce à l’action de la PAF, nous avons démantelé  263 filières d’immigration irrégulière sur le territoire national en 2016, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’année précédente. D’une manière générale, depuis le rétablissement des contrôles aux frontières en novembre dernier, plus de 83 millions de personnes ont été contrôlées, à l’entrée ou à la sortie du territoire national. Plus de 54 000 individus considérés comme suspects ont été interpellés, et plus de 45 000 ont été non-admis sur le territoire national et refoulés à nos frontières. Ce sont là des chiffres très importants, qui traduisent notre engagement déterminé à sécuriser le territoire et à lutter contre l’immigration irrégulière.
Je veux enfin dire un mot de votre mobilisation dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre public, lors du mouvement social contre la Loi Travail au printemps dernier. Cela a fait l’objet d’un engagement massif, dans des conditions particulièrement difficiles. 624 policiers et gendarmes ont ainsi été blessés au total au cours de ces opérations. Il y a eu, chacun le sait, des scènes marquantes, des faits inqualifiables, des actes de violence intolérables à l’encontre des représentants de la force publique. Face à des groupuscules structurés, ultra-violents et déclinant des stratégies de harcèlement des forces de l’ordre, nous avons tenu bon. Nous avons fait preuve d’une grande fermeté : j’en veux pour preuve les 2.139 interpellations et les 1.370 gardes à vue. Face à cela, vous bénéficierez toujours de mon soutien le plus absolu. Car le rôle des forces de l’ordre dans ce genre de circonstances, c’est bien de faire en sorte que les libertés publiques – en l’occurrence celle de manifester – puissent s’exercer pleinement et être respectées, sans pour autant remettre en cause l’ordre public.
Je n’oublie pas non plus l’enjeu important que représente la sécurité routière. C’est là aussi une préoccupation, après la hausse des accidents en 2014 et 2015. Si la tendance était de nouveau à la baisse jusqu’en août dernier, les chiffres à la hausse du mois de septembre ne peuvent que nous inciter à poursuivre notre politique volontariste. 81 mesures, visant à faire évoluer le comportement des usagers de la route, ont été prises, depuis plus d’un an et demi, dans le cadre du Comité interministériel à la sécurité routière, notamment pour lutter contre la conduite sous l’emprise de stupéfiants. Nous avons mis en place de nouveaux cadres d’action : vous devez donc les utiliser dans toute leur plénitude.

Partie III - La lutte contre le terrorisme

A cette lutte contre la délinquance ordinaire, qui constitue, pour la plupart d’entre vous, le cœur de votre métier, est venu s’ajouter, en raison des circonstances, un puissant engagement contre le terrorisme et la radicalisation violente.
Depuis les attentats de Toulouse et de Montauban en mars 2012, nous sommes à notre tour confrontés à la menace djihadiste sur notre sol. Et je n’ai nul besoin de vous rappeler que cette menace est aujourd’hui extrêmement élevée, d’une nature et d’une ampleur sans précédent.
Aujourd’hui, la France est l’une des cibles prioritaires de DAESH. Le djihadisme, nous l’affrontons à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, en Irak et en Syrie, aux côtés de nos alliés, mais aussi au Sahel, où nous nous trouvons en toute première ligne depuis 2013. C’est donc une lutte globale que nous livrons. Et sans doute la France est-elle aujourd’hui l’un des premiers pays au monde pour lequel réduire DAESH constitue une priorité absolue.
Le Gouvernement a très tôt pris la mesure de cette situation. Dès 2012, et a fortiori depuis avril 2014 et l’adoption du Plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes, notre arsenal antiterroriste n’a cessé de monter en puissance.  Depuis quatre ans, nous n’avons cessé d’affiner notre analyse de la menace, et par conséquent la nature de notre riposte. J’ai bien conscience que, depuis janvier 2015, notre dispositif antiterroriste et les évolutions qu’il a connues vous ont tous mobilisés, d’une façon ou d’une autre. Je veux vous remercier de votre engagement, de celui des hommes et des femmes que vous commandez et qui, avec l’appui des forces armées dans le cadre du plan Vigipirate et de l’opération Sentinelle, se mobilisent pour notre sécurité collective, alors même qu’ils constituent, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, des cibles désignées par nos ennemis.
A chaque fois que nous avons été attaqués, des policiers et des gendarmes ont pris tous les risques pour accomplir leur mission, neutraliser les assaillants et protéger les Français. Les forces de l’ordre ont payé un lourd tribut à la lutte antiterroriste. Certains de vos collègues sont tombés en service, voire les armes à la main ; d’autres constituaient des cibles des terroristes ; mais tous, quels que soient leur grade et leur service, leur mission et leur histoire, tous étaient de grands serviteurs de l’Etat dont nos concitoyens conserveront longtemps la mémoire.
Si le défi qu’il nous faut relever est bien celui de la préservation de notre mode de vie – ce qui implique la mobilisation de l’ensemble des Français –, nous n’y parviendrons qu’en nous adaptant, en adaptant nos moyens et nos méthodes d’action, bien sûr – et c’est ce que nous avons fait depuis 2012 –, mais aussi nos réflexes et nos habitudes, sans pour autant jamais nous départir de notre sang-froid ni de notre confiance dans les principes fondamentaux de la République. Une société plus forte et résiliente, sûre d’elle-même et capable de faire face aux épreuves qui se présentent à elle, dans l’unité et la solidarité : tel est l’objectif que nous poursuivons, telle est l’ambition qui doit tous nous animer.
A l’heure actuelle, plus de 2 000 Français ou résidents habituels en France sont impliqués, d’une façon ou d’une autre, dans les filières de recrutement djihadistes. Environ 700 d’entre eux sont actuellement présents sur le théâtre des opérations en Syrie et en Irak, parmi lesquels environ 270 femmes et 17 mineurs combattants. En outre, environ 190 individus sont actuellement en transit dans des pays tiers, et environ 200 sont d’ores et déjà revenus en France. Comme l’an dernier, je vous demande donc de maintenir votre mobilisation à un niveau maximal, avec toutes celles et ceux que vous dirigez et quel que soit le point du territoire où vous servez. Car c’est bien tout le pays qui est concerné, en métropole comme outre-mer, à Paris comme dans les territoires.
Il nous faut aujourd’hui nous battre sur tous les fronts : le renseignement, la voie publique, les frontières, les investigations, la répression comme la prévention. Nous avons en effet changé de paradigme, et nous avons donc changé nos méthodes : vous le savez, l’antiterrorisme n’est plus seulement une affaire de services spécialisés, mais implique l’ensemble des forces de sécurité intérieure. Qu’il s’agisse des remontées d’informations, du suivi de la radicalisation au plus près du terrain, du contrôle des flux, ou même des interventions, vous avez tous un rôle à jouer, et c’est là aujourd’hui une part importante de votre travail quotidien.  J’ajoute que, dès lors qu’il est clairement établi que ce terrorisme-là se nourrit aussi de la délinquance, soit qu’elle facilite les basculements dans la radicalisation violente, soit qu’elle lui fournisse une logistique précieuse, c’est également sur le front de la délinquance de droit commun que la mobilisation est indispensable. Ce peut être même, dans certains cas, une arme très efficace pour mieux faire « tomber » les individus qui nous prennent pour cible.
Pour mener cette lutte, nous avons certes besoin d’effectifs et de moyens renforcés – j’en ai déjà parlé –, mais aussi d’un arsenal juridique adapté à la réalité de la menace. Car les moyens, pour indispensables qu’ils soient, ne sont rien s’ils ne sont pas mis au service d’une volonté politique forte qui, dans un Etat de droit, s’inscrit dans un cadre légal efficace. Depuis 2012, nous avons ainsi adopté plusieurs lois majeures – celles du 21 décembre 2012, du 13 novembre 2014, du 3 juin 2016, la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015 – qui nous ont permis de renforcer progressivement nos dispositifs antiterroristes en agissant sur les différents aspects de la menace. A chaque fois, l’élaboration de ces textes a eu lieu dans une volonté constante d’anticipation.
Je veux insister tout d’abord sur le fait qu’à vos côtés, l’ensemble du ministère de l’Intérieur est plus que jamais mobilisé dans la lutte contre le terrorisme, comme en témoigne le nombre de mesures administratives prises depuis plus d’un an et demi contre des personnes susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale. Nous utilisons l’ensemble des moyens juridiques dont nous disposons. Certains, déjà prévus dans notre législation, n’étaient quasiment pas utilisés avant 2012. Nos prédécesseurs, souvent prompts à donner des leçons de fermeté, n’y avaient pas recours. Pour ma part, je n’hésite pas à mobiliser tous les outils à ma disposition, dès lors que les conditions de droit sont réunies. Et si je peux le faire, c’est grâce aux résultats que vous obtenez chaque jour.
Depuis le début de l’année 2015, près de 80 arrêtés d’expulsion ont été pris contre des ressortissants étrangers liés à la mouvance djihadiste, et notamment des prêcheurs de haine. Par ailleurs, 185 interdictions administratives du territoire (IAT) ont été délivrées à l’encontre d’étrangers dont la présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure. Nous n’hésitons pas non plus à fermer les lieux de culte dès lors qu’ils constituent des foyers de radicalisation violente. Une vingtaine de mosquées et de salles de prières radicalisées ont ainsi été fermées, notamment dans le cadre de l’état d’urgence. D’autres dossiers sont actuellement en cours d’instruction.
Parallèlement, nous mettons en œuvre avec la plus grande fermeté les mesures créées par la loi du 13 novembre 2014. A ce jour, près de 420 interdictions de sortie du territoire (IST) ont été prononcées à l’encontre de Français soupçonnés de vouloir rejoindre les groupes terroristes actifs au Moyen-Orient. Les mesures de blocage administratif et de déréférencement des sites Internet illicites sont également pleinement appliquées pour contrer l’apologie et la provocation au terrorisme – et par là même le recrutement – sur le Web. A ce jour, 49 sites Internet ont ainsi fait l’objet d’une mesure de blocage pour de tels motifs, et 280 adresses électroniques ont été déréférencées par les moteurs de recherche.
Dans le cadre de l’état d’urgence, proclamé par le Président de la République dès la nuit du 13 novembre 2015, nous avons également pris des mesures de très grande fermeté pour déstabiliser durablement les filières de recrutement djihadistes et les milieux propices au développement de la radicalisation. A ce jour, plus de 4 000 perquisitions administratives ont eu lieu. La loi de prorogation du 21 juillet dernier a d’ailleurs redonné de la vigueur à cette mesure, en ouvrant la possibilité de procéder à des saisies de données informatiques en vue de leur exploitation ultérieure. Plus de 80 ont eu lieu depuis fin juillet.
Grâce à ces perquisitions, nous avons d’ores et déjà obtenu des résultats importants, qui se sont révélés fort utiles pour les enquêteurs. Près de 600 armes à feu ont ainsi été saisies, dont 75 armes de guerre. Par ailleurs, près de 500 interpellations ont été réalisées, qui ont donné lieu à 415 gardes à vue. Concernant les assignations à résidence, 89 d’entre elles sont actuellement toujours en vigueur.
Face à la menace, il était également urgent de réformer notre dispositif de renseignement intérieur. Nous nous y sommes employés dès 2012, sur le plan de l’organisation, du cadre d’action et des moyens mobilisés. C’était là une nécessité absolue si nous voulions tirer les leçons des tueries de Toulouse et de Montauban et éviter que notre pays ne se retrouve dans une situation d’extrême vulnérabilité.
Parallèlement à la création de la DGSI, nous avons surtout recréé un véritable service de renseignement de proximité en milieu ouvert, à savoir le SCRT. C’était là un objectif prioritaire, dans la mesure où la réforme de 2008 avait supprimé les Renseignements généraux sans pour autant leur substituer un nouveau modèle permettant la détection des signaux faibles. Nos capacités de renseignement et de détection des phénomènes de radicalisation s’en étaient trouvées nettement affaiblies. Nous sommes même allés plus loin, puisque les attributions du SCRT, ainsi que son maillage territorial, ont été clairement élargis par rapport aux anciens RG, ce qui lui a permis de retrouver pleinement ses compétences d’appui à la prévention du terrorisme.
Si les services et unités appartenant au premier ou au deuxième cercle ne disposent pas des mêmes missions, nous avons fait le choix assumé de la spécialisation et de la complémentarité. La menace revêt aujourd’hui un caractère diffus et protéiforme.  Les cercles s’inscrivent désormais dans un même ensemble stratégique où, entre services de police, entre policiers et gendarmes, chacun connaît la place qui est la sienne dans un dispositif cohérent au service de la protection de concitoyens.
Nous avons par ailleurs nettement renforcé les effectifs des services. Au total, 1 900 effectifs supplémentaires auront été dans le renseignement intérieur durant le quinquennat, tous services confondus. En outre, la grande loi de 2015 sur le renseignement, a fixé des règles d’emploi claires pour les techniques de renseignement qu’elle a légalisées, sur la base de finalités circonscrites, afin de protéger les agents qui y ont recours tout en garantissant le respect des libertés individuelles.
Des moyens opérationnels, un cadre juridique efficace et pleinement utilisé, un renseignement renforcé, ce sont là des conditions nécessaires pour combattre la menace. Néanmoins, ces conditions ne sont pas suffisantes. Il nous faut aussi adapter nos méthodes car, comme je l’ai dit, le terrorisme djihadiste est bien éloigné, dans ses modes opératoires, de celui auquel nous étions jusqu’alors habitués.
Et dans l’effort d’adaptation que nous avons engagé, il nous a fallu lutter contre le cloisonnement. Et à cet égard, je veux saluer les initiatives prises par les services pour dépasser les schémas établis, se répartir de façon pertinente les cibles, échanger leurs informations dans un cadre fluide et reposant sur une confiance partagée. C’est là, j’en suis absolument convaincu, l’une des clés de nos succès actuels et futurs.
Cet impératif de décloisonnement et de complémentarité est au cœur de notre action et concerne l’ensemble des composantes de notre dispositif.
La fluidité des échanges d’information, sans laquelle l’anticipation et la réactivité sont impossibles, constitue ainsi un enjeu crucial, notamment pour le suivi des individus radicalisés. C’est la raison pour laquelle nous avons créé l’Etat-major de prévention du terrorisme (EMOPT), qui, en s’appuyant sur l’expertise de l’UCLAT et en lien étroit avec les Préfets de zone, s’assure minutieusement de la cohérence de notre dispositif de prévention du terrorisme et de la radicalisation. L’EMOPT, c’est donc le point de rencontre des forces, lesquelles mettent à sa disposition des effectifs enracinés dans leur administration d’origine et chargés de la fiabilisation de l’information. Ses nombreux déplacements sur le terrain, les priorités d’action qu’il vous fixe, le « contrôle qualité » sur le fichier et les propositions qu’il me soumet constituent autant de garanties d’un suivi actif, efficace et capable d’être adapté très rapidement aux évolutions en cours.
En outre, depuis un an, la création du FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation terroriste) a introduit un levier supplémentaire de décloisonnement. Grâce à l’engagement de chacun d’entre vous, la fiabilité des données qui y figurent et leur actualisation en temps réel en font un formidable outil pour aider les enquêteurs, cartographier les menaces et tracer les individus à risque.
En à peine plus d’un an, le changement d’approche est donc total.  Il y a fallu un véritable travail d’alerte et de sensibilisation, un travail de conviction, mais aujourd’hui notre dispositif fonctionne, nous avons décloisonné l’information et rendu possible la mise en commun des signalements, et par là même nous avons mis en place un pilotage affiné du traitement des individus à risque. Cette mobilisation générale, ce travail en transversalité, ce resserrement des mailles du filet, c’est d’abord à vous et à vos collaborateurs que nous le devons.
Cette exigence de coopération nécessitait également de réorganiser et de clarifier notre dispositif d’intervention en cas de tuerie de masse ou de tuerie planifiée. C’est ce que nous avons fait avec la mise en place du Schéma national d’intervention (SNI), que j’ai présenté le 19 avril dernier. Car là aussi, face à l’évolution des modes opératoires terroristes, l’heure est à l’unité, à la mutualisation et à la coopération entre le GIGN, le RAID et la BRI. Là aussi, nous avons renforcé notre maillage territorial afin d’assurer une couverture optimale de l’ensemble du pays. D’ici début décembre, nous créons ainsi trois nouvelles antennes du RAID à Montpellier, Toulouse et Nancy, tandis que, le mois dernier, nous avons créé deux BRI de la DCPJ à Dijon et à Metz. La BRI de la Préfecture de Police a vu, quant à elle, ses effectifs abondés de manière significative. Parallèlement, nous avons transformé les Pelotons d'Intervention interrégionaux de Gendarmerie (PI2G) en « antennes GIGN », dont nous avons créé quatre nouvelles entités à Nantes, à Reims, à Tours et à Mayotte. En outre, nous avons défini une nouvelle doctrine de mobilisation des forces afin d’établir avec précision le rôle joué par les différents échelons d’intervention, ainsi que leurs modalités de coopération. Cette nouvelle stratégie d’intervention est ainsi mieux adaptée aux temps nouveaux dans lesquels nous sommes entrés.
Enfin, après l’ignoble attentat de Nice, le Président de la République a pris la décision forte de mobiliser les réserves opérationnelles de la Gendarmerie et de la Police nationales pour épauler vos effectifs, fortement sollicitées par la lutte antiterroriste. Elles ont ainsi été pleinement mobilisées au cours de l’été, et leur mobilisation se poursuit. Avec la réserve des Armées, les réserves de notre ministère vont désormais constituer, comme l’a souhaité le Président de la République, une véritable Garde nationale, afin de répondre à l’élan de mobilisation des Français désireux de vous prêter main forte et de s’engager pour participer à la protection du pays. Cette Garde nationale jouera ainsi un rôle de catalyseur pour développer nos réserves, lesquelles conserveront leurs statuts et leurs prérogatives.  Une gouvernance partagée entre l’Intérieur et la Défense sera bien sûr mise en place. Parallèlement, nous allons continuer notre montée en puissance : d’ici la fin 2018, le pilier « ministère de l’Intérieur » de la future Garde nationale rassemblera ainsi près 45.000 personnes, avec un emploi quotidien de 5 250 personnes en moyenne. Nous serons donc un contributeur majeur. C’est là une très grande fierté pour notre maison.
Mesdames et Messieurs, grâce aux décisions que nous avons prises, grâce aux moyens qui sont désormais à votre disposition et que vous utilisez pleinement, nos efforts, VOS efforts, portent leurs fruits. Des projets d’attentats sont évités et nous démantelons régulièrement des filières. Plusieurs opérations anti-terroristes décisives ont eu lieu ces derniers mois, notamment en région parisienne, comme à Argenteuil en mars dernier, ou bien à Boussy-Saint-Antoine il y a quelques semaines.
Depuis le début de l’année, ce ne sont pas moins de 360 individus en lien avec des réseaux terroristes qui ont été interpellés. Actuellement, plus de 350 procédures judiciaires sont en cours pour des activités liées au terrorisme, concernant près de 1 400 individus.
Chaque jour, nous progressons et nous renforçons notre sécurité collective, avec rigueur, sang-froid et détermination. Chaque jour, nous portons coup sur coup à nos ennemis.
Depuis 2012, notre stratégie de renforcement de l’Etat de droit donne des résultats incontestables. Notre force, c’est précisément d’agir dans le strict cadre républicain, qui nous donne latitude pour moderniser nos moyens, les adapter, les consolider. Alors, changer le droit, oui, bien sûr que oui. C’est ce que nous n’avons cessé de faire depuis quatre ans. Mais abandonner la République, en laissant choir l’Etat de droit, cela, nous ne le ferons jamais. Car nous perdrions sur les deux tableaux à la fois : celui des principes, c’est-à-dire de notre identité collective, et celui de l’efficacité opérationnelle. Nous perdrions tout à la fois notre âme et notre force. J’en veux pour preuve les polémiques à propos du contrôle administratif, pouvant aller jusqu’à la rétention préventive, des individus faisant l’objet d’une fiche S. Cette même fiche qui a désormais acquis un étrange statut quasi mythologique dans le débat politique, bien loin de ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire un outil de travail quotidien à disposition des services. Non seulement de telles mesures seraient contraires à la Constitution et à l’Etat de droit, mais en outre elles seraient inefficaces, contre-productives, voire nuisibles au travail conduit. Or, si nous avons démantelé plusieurs filières depuis 2012, c’est précisément en raison de notre politique de renseignement, qu’il s’agit non pas de fragiliser, mais bien de consolider.
La République, Mesdames et Messieurs, n’est ni un régime de faiblesse, ni un régime de panique. Bien au contraire, elle nous donne les moyens d’agir contre le terrorisme, dans le cadre d’un Etat de droit fort. Telle est la voie qu’a choisie le Gouvernement.

Partie IV - Quelles leçons tirer pour demain ?

Vous le percevez parfaitement, la frontière qui sépare police administrative et police judiciaire tend à se déplacer.
Je veux m’y arrêter un instant non seulement pour expliquer ce déplacement mais surtout pour exposer ce qu’à mes yeux il implique pour l’avenir. Cette évolution est en lien étroit avec la lutte antiterroriste, dont tout l’enjeu est d’anticiper et de prévenir le passage à l’acte.
L’infraction d’association de malfaiteurs terroriste, clé de voûte des dispositions pénales, à laquelle nous avons ajouté la préparation individuelle d’une entreprise terroriste sont des infractions obstacle qui incriminent un comportement en amont du passage à l’acte violent.
Dans une stratégie de prévention du passage à l’acte, la frontière devient nécessairement plus mince entre ce qui relève de la police administrative et de la police judiciaire.
En dotant les services de renseignement de possibilités jusque-là réservées à la police judiciaire, la loi de 2015 a accru ce rapprochement. A cela s’est ajouté l’état d’urgence qui, en confiant à l’autorité administrative, un pouvoir de perquisition, mais également, avec la loi du 21 juillet 2016, un  pouvoir d’ordonner des contrôles d’identité, a encore rapproché les prérogatives de police administrative et de police judiciaire. Nous avons également fait le choix très clair de développer les enquêtes administratives dans la loi Savary du 22 mars 2016 et dans la loi du 3 juin 2016.
Sans verser dans une logique de criblage généralisé et de société de suspicion généralisée, et je resterai toujours vigilant sur ce point, cette orientation découle du souci d’anticipation que j’évoquais précédemment. Avec la création de services dédiés relevant du ministère de l’intérieur pour mettre en œuvre ces enquêtes administratives, vos missions de police administrative sont encore accrues. Il vous appartient de bien expliquer aux femmes et aux hommes placés sous votre autorité combien est aujourd’hui importante la complémentarité et l’articulation entre ces deux missions.
Le renforcement de la police administrative implique aussi une connaissance des règles qui l’encadrent et qui s’ajoutent à celles qui encadrent les missions de police judiciaire. Je veux de nouveau rendre un hommage particulier à votre capacité d’adaptation face à tous ces changements.
Le développement des outils mis en œuvre dans le cadre de la police administrative démultiplie l’impact de l’action quotidienne des forces sur la voie publique. Mais il nous oblige, là également, à toujours plus de rigueur pour identifier une personne recherchée ou renseigner utilement un service sur une personne surveillée.
Créer des interdictions de sortie du territoire, des interdictions administratives, diffuser des fiches de surveillance ou encore mettre en place des nouveaux fichiers n’a d’utilité  et de pertinence que si ces mesures d’accompagnent des contrôles et de l’action quotidienne des policiers et des gendarmes sur le terrain.
S’il y a rapprochement des missions de police administrative et de police judiciaire, il n’y a pas confusion et le ministre de l’intérieur que je suis ne confond pas, contrairement à ce que voudraient certains, son rôle avec celui qui relève de l’autorité judiciaire.
Depuis que j’ai pris mes fonctions, je me suis attaché à ne jamais faire de commentaires sur les décisions prises par les autorités judiciaires. Cette attitude ne résume pas une satisfaction constante. Elle procède d’une volonté de responsabilité et de respect des règles de l’Etat de droit.
Un Etat de droit fort, auquel je suis très attaché, c’est un Etat qui se dote des moyens juridiques, matériels et humains pour faire face aux attaques et aux menaces qu’il subit.
Un Etat de droit fort, c’est aussi un Etat sûr de ses valeurs, qui ne cède pas aux tentations de la confusion des rôles et des pouvoirs.
Dans l’action quotidienne du ministère de l’intérieur, les décisions du Conseil constitutionnel, les arrêts de la cour européenne des droits de l’homme, du conseil d’Etat et de la cour de cassation ne doivent pas être perçus comme des obstacles, même si parfois ils compliquent la tâche, mais ils doivent être vus comme des garde-fous que nous devons respecter.
Il est important, et je sais que c’est très majoritairement le cas, car nous agissons en responsabilité et guidés par le sens de l’Etat,  les autorités judiciaires et les forces du ministère de l’intérieur portent réciproquement un regard lucide sur les contraintes et les difficultés  auxquelles nous sommes chacun confrontés.
Respecter nos règles fondamentales participe donc tout autant de l’Etat de droit fort que renforcer nos capacités de prévention et de répression face aux menaces auxquelles nous faisons face. Cette recherche d’efficacité dans le respect de valeurs partagées doit aujourd’hui de plus en plus s’inscrire dans le cadre européen. Lutter contre le trafic d’armes seul dans son coin  est en partie vain si un pays à 3 heures de route de votre  frontière vend librement des armes faiblement neutralisées.  Assurer une surveillance des passagers aériens au seul niveau national est d’une utilité très modeste. Tenter d’imposer que le chiffrement ne conduise pas demain à ce que vous soyez dans l’incapacité de conduire efficacement des enquêtes implique de mobiliser très largement nos partenaires.
J’en ai pleinement conscience et c’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix d’inscrire mon action à l’échelon pertinent, dans le cadre européen. Cela impose de se battre, cela nécessite de la persévérance. La France s’est d’ores et déjà placée à l’avant-garde.
Au prix d’une forte mobilisation de tous, j’ai eu la chance de voir aboutir des initiatives décisives que j’ai portées au nom de la France, telle que le PNR ou la règlementation sur les armes.
Celle sur le chiffrement est lancée. Elle sera  longue et difficile, mais je crois profondément qu’elle doit aboutir parce qu’elle est à la croisée des mutations de notre monde, d’enjeux technologiques en constante évolutions, et de nos valeurs.
Sur le sujet du numérique, la France s’est là aussi placée résolument à l’avant-garde, et nous avons su nouer un dialogue fructueux avec les grands opérateurs, tout en élaborant des outils d’entrave antiterroriste sur Internet, sans que les libertés individuelles s’en trouvent mises en cause.
Au-delà bien sûr de l’enjeu crucial d’obtenir les informations indispensables à la prévention et à la répression du terrorisme, cette question du chiffrement touche directement à l’idée que l’on se fait de l’Etat.
Le chiffrement protège les transactions, la conservation ou la transmission de données personnelles. Il est indispensable à notre sécurité et à la protection de la vie privée. Je ne peux pour autant me résoudre à ce que notre police judiciaire, agissant dans le cadre de faits graves, ne puisse, sur son territoire,  accéder à des  communications ou à des données dans le cadre de ses enquêtes.
C’est un enjeu d’efficacité. C’est aussi un enjeu de positionnement des Etats et des citoyens face à des acteurs privés.
Dire cela, ce n’est bien sûr pas désigner les opérateurs qui utilisent le chiffrement comme des adversaires. J’ai la conviction que les Etats démocratiques peuvent et doivent peser de tout leur poids face à des géants économiques pour imposer ce qui procède d’une légitimité issue des urnes. La prise en compte des enjeux doit conduire les puissances publiques à construire une relation sereine avec ces entreprises internationales. Elles le doivent aux citoyens.
***
L’essentiel, Mesdames et Messieurs, c’est la protection des Français. Les menaces auxquelles nous sommes confrontés n’obéissent pas au calendrier électoral de la France. Elles ne prendront pas fin subitement avec un éventuel changement de majorité au Parlement. Aussi, chacun d’entre nous doit rester pleinement mobilisé, dans les responsabilités qui sont les siennes, pour mettre en œuvre les décisions que nous avons prises afin de garantir la sécurité de nos concitoyens.
L’essentiel, Mesdames et Messieurs, c’est aussi l’Etat et la République, que chacun d’entre nous sert avec passion et conviction. Peu importe les hommes : ils passent. Les ministres se succèdent, mais l’Etat, lui, demeure. C’est là notre lot à tous. Car nous sommes au service d’une cause plus grande que les hommes qui la servent : la France et la République.
L’essentiel, c’est donc votre travail, votre engagement, les résultats que vous et les personnels que vous commandez obtenez chaque jour, sur le terrain. Pour moi, c’est un honneur constamment renouvelé que d’être à la tête du ministère de l’Intérieur et d’une administration qui compte en son sein de grands professionnels tels que vous. Je vous remercie.