L’État face au défi de l’immigration clandestine

L’État face au défi de l’immigration clandestine
8 août 2018

Radars, intercepteurs, opérations de contrôles... l’État déploie ses moyens pour lutter contre l’immigration clandestine massive et la prolifération des habitats illégaux. En cinq ans, la population sur l’île a augmenté de 50 000 habitants. Mayotte détient ainsi le taux le plus élevé d’accroissement annuel de la population de France.


Des dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants, principalement comoriens, attroupés depuis l’aurore devant le service des étrangers, c’est le quotidien de la préfecture de Mayotte à Mamoudzou. Jusqu’à 2018, le département procédait à environ 20 000 reconduites d’étrangers en situation irrégulière par an, et 15 000 renouvellements de titres de séjour. « Nous délivrons des titres de séjour essentiellement aux parents d’enfants français, en application stricte de la loi et des dérogations qui existent pour Mayotte », explique le sous-préfet Étienne Guillet, directeur de cabinet du préfet de Mayotte.

La lutte contre l‘immigration irrégulière est l’un des sujets phares de la préfecture, et la situation délicate a engendré la nomination le 26 avril dernier d’un chef d’un état-major dédié à la lutte contre l’immigration clandestine, le sous-préfet Julien Kerdoncuf.

Les opérations dites « au loin » du ministère de l’Intérieur consistent à intercepter les kwasa-kwasa (embarcations de 7 à 10 mètres de long pouvant accueillir jusqu’à 50 personnes) avant leur débarquement sur l’île. Quatre radars, veillés 24 heures sur 24 par les militaires de la base navale de Mayotte, sont ainsi capables de détecter les bateaux par mer calme et sans vent. Lorsque des échos radars sont signalés comme suspects, les moyens d’interception de la gendarmerie nautique et maritime, de la police aux frontières (PAF), de la Marine nationale ou des douanes sont dirigés vers les embarcations pour les interpeller. Sur terre, le groupe d’appui opérationnel de la PAF, la DDSP ou la gendarmerie mobile effectuent des opérations « au près » : contrôles, surveillances ou interpellations dans les zones d’habitats illégales.

« Les moyens de lutte contre l’immigration irrégulière sont complétés par des opérations ponctuelles, notamment avec le détachement de Légion étrangère de Mayotte ou la Marine nationale, et des opérations aériennes avec des Falcone de reconnaissance autour des zones territoriales françaises », précise Étienne Guillet.  

Bangas dans la circonscription de Mamoudzou

Les bangas, habitats illégaux et dangereux 

Des terrains entiers de bangas prolifèrent à Mayotte. Ces habitations faites de taules, de pneus et de branchages, parfois enfouies dans la végétation luxuriante de la brousse, abritent des milliers de personnes en situation irrégulière, sans eau ni électricité, dans des conditions de pauvreté et d’hygiène très difficiles. Les autorités estiment à 20 000 le nombre de bangas couvrant l’île, sur un total de 36 000 logements. « Nous avons beaucoup de difficulté à recenser les nouvelles constructions et la situation évolue très vite », admet Étienne Guillet.

Outre le caractère illégal de ces constructions, leurs habitats sont exposés à de véritables dangers : en janvier 2018, à Koungou, l’effondrement d’un mur de pneus a enseveli une mère et ses quatre enfants, et la préfecture a dû faire évacuer 200 personnes dans la nuit. Dans la mangrove d’Iloni, plus de 5 000 personnes rassemblées dans 500 bangas risquent le pire sur cette zone inondable. Pour évacuer ces installations et éviter d’autres drames, la préfecture s’appuie sur trois procédures : celle de la flagrance (sous 48 heures après l’installation) ; celle du péril, concernant les zones dangereuses ; ou bien la procédure juridique pour « zone de construction illégale ». « Mais déterminer l’appartenance du foncier à Mayotte est loin d’être évident ! », remarque le directeur de cabinet.