Karibu Maoré (Bienvenue à Mayotte)

Karibu Maoré (Bienvenue à Mayotte)
7 août 2018

Le 28 mars dernier, alors que Mayotte est secouée par une crise sociale sans précédent, Dominique Sorain, auparavant directeur de cabinet de la ministre des Outre-mer, est nommé préfet de Mayotte et délégué du Gouvernement. Son objectif : rétablir la paix sociale et entamer la sortie de crise.


« C’est au-delà de ce que j’avais imaginé ». Les premières impressions du préfet Dominique Sorain lorsqu’il pose le pied à Mayotte, attestent de l’ampleur de la tâche qui lui incombe. Il faut dire que le contexte est tendu : le 20 février, suite à une série de violences urbaines, commence une grève générale contre l’insécurité et l’immigration clandestine, et s’en suivent plus de 45 jours ininterrompus de conflits. Les protestations s’expriment en particulier par la mise en place de barrages sur les axes routiers qui entraînent une paralysie de l’île. Président de barrage, barragiste, barrager... le champ lexical s’accommode et la situation s’aggrave : pénurie de denrées alimentaires, rationnement de l’essence, accumulation des déchets, impossibilité de circuler, actes de vandalisme…

La situation est tendue et traduit les fragilités de ce territoire. 84 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté local, 45 % des habitants sont étrangers et 9 600 enfants naissent chaque année, faisant de la maternité de Mamoudzou la première d’Europe. Les problèmes d’habitat illégal, de pauvreté, d’insalubrité, et l’insécurité rendent le quotidien difficile.

La problématique de l'immigration irrégulière est accompagnée d’une crise diplomatique entre la France et les Comores voisines puisque cet État refuse de réadmettre ses ressortissants depuis le 21 mars dernier.

Des politiques publiques à adapter

Malgré de nombreuses réalisations déjà effectuées sur le territoire, la situation de pauvreté et la démographie dynamique compliquent l’ensemble des politiques publiques : système de santé, éducation, sécurité, infrastructures, transports, logement, assainissement, tourisme… sans compter les conséquences économiques des sept semaines de paralysie.

Pour relever du mieux possible le défi, le préfet inscrit ses actions dans un travail collectif : « Restructurer, réguler l’immigration, assurer le développement, tout doit s’organiser en travaillant communément avec les collectivités, les élus, l’intersyndicale, explique Dominique Sorain face à une population très en attente de solutions de l’État. Quant à la nécessité de prendre des mesures appropriées au territoire, « il ne s’agit pas d’appliquer des réglementations ou de déployer des équipements en mode dégradé par rapport à ce qui existe dans l’hexagone, souligne le préfet, mais de pouvoir accélérer les procédures et adapter les infrastructures.

Pour les problématiques de logement par exemple, ce ne seront pas les mêmes constructions qu’en métropole, mais plutôt des habitats modulaires, en fonction de l’évolution des familles… » La mise en œuvre d’une plateforme d’ingénierie semble essentielle pour être en capacité d’accompagner réglementairement, financièrement et techniquement les projets sur le territoire.

Les premières semaines sont rythmées par des échanges avec les collectifs de citoyens, l’intersyndicale, les élus, ou encore le Grand Cadi (chef des religieux musulmans). « Cela demande du temps mais c’est indispensable, les Mahorais avaient besoin de s’exprimer », souligne le préfet.

Soucieux de se conformer au fonctionnement local, il enchaîne donc négociations, discussions, réunions, et la méthode porte ses fruits puisque, quelques jours après son arrivée, une bonne partie des barrages est levée. Quant à l’étendue des sujets à traiter dans le département, « c’est une expérience, témoigne Dominique Sorain. Le territoire est intéressant culturellement, géographiquement, et le défi réside dans l’ampleur du saut à faire pour arriver à un alignement ! Je pense que l’on peut progresser, mais cela prendra du temps ».